Manifestations, rencontres et signatures Index des auteurs
Elisabeth Horem, de double nationalité française et suisse, a étudié à Paris. Elle a publié Le Ring (Prix Georges-Nicole 1994), Congo-Océan (1996), Le Fil espagnol (1998) et Le Chant du bosco (2002). On lui doit également un recueil de nouvelles: Mauvaises rencontres (2006). Elle a séjourné dans différents pays dont l’Irak, évoqué dans Shrapnels. En marge de Bagdad (2005) et dans Un jardin à Bagdad, journal (octobre 2003–mai 2006), publié en 2007. Son dernier roman, La Mer des Ténèbres, a paru en 2015. Elle vit maintenant en France.
Site internet d'Elisabeth Horem:
www.elisabethhorem.fr
Elisabeth Horem: voyager et écrire
Lire Elisabeth Horem c’est
s’échapper vers l’inconnu. Une après-midi avec elle dans sa maison de
Saint-Quay-Portrieux, joliment appelée «L’Ensoleillée» a passé comme un
souffle
Peut-être que si elle s’était appelée Martin ou Dupond, sa vie eût été
complètement différente. Mais ce patronyme d’Horem, pourtant d’origine
ch’ti, lui évoque dans sa jeunesse les harems d’Orient, et va décider
d’une certaine façon de sa vie.
Née à Bourges, Elisabeth Horem vit ses deux premières années au Congo
Brazzaville, et passe son enfance à Massy-Palaiseau, rythmée par des
vacances à Binic avec ses parents.
Histoires d’Afrique
Fille unique, c’est une élève brillante, qui sait confusément que quoi
qu’il advienne le voyage fera partie de sa vie. «Des histoires
d’Afrique traînaient à la maison, l’ailleurs existait très fortement».
Très tôt elle est attirée par le désert, l’Orient et ses mosquées et
plus que tout par la Syrie, dont elle ignore tout. Allers-retours entre
la région parisienne et la Bretagne, elle rêve de voyages plus
lointains, mais sans savoir ni où ni comment. Après deux ans aux
Langues d’O elle part en Syrie car «d’abord il fallait que j’aille voir
là-bas».
Damas
À Damas elle étudie l’arabe à l’Institut de langue arabe pour
étrangers, puis au prestigieux Institut Français, obtient une bourse et
va à Alep. Et c’est pendant ces années de découverte et d’études
qu’elle rencontre son mari, suisse, arabisant comme elle et futur
diplomate.
Pendant trente-cinq ans ils vont tous les deux, au gré des
affectations, vivre en voyageant. Ni exil ni tourisme, un ailleurs
permanent qu’il faut habiter. Moscou, Le Caire, Berne, Prague, Paris,
Bagdad, Tripoli, Damas, Doha, Rabat, les postes se succèdent.
Le Caire
C’est au Caire qu’elle commence à écrire, le mode de vie le permet,
elle a du temps, les enfants sont à l’école «pour moi Le Caire a été
très inspirant, les atmosphères, les gens, la rue.»
Elle y écrit un premier roman en 1992 Le Ring, qui recevra le prix Georges Nicole. D’autre romans suivront, écrits malgré les obligations de la fonction, Congo-Océan, Le Fil espagnol, Le Chant du Bosco et en 2015 La Mer des Ténèbres, (tous parus chez Bernard Campiche Éditeur).
Parallèlement au travail littéraire, elle tient un journal où elle note
ses interrogations sur l’écriture, mais aussi sa vie quotidienne, ses
voyages, ses rencontres «à l’origine c’était une discipline mais
l’écriture d’un journal, ça assouplit la plume, et puis les souvenirs y
sont consignés, plus vivants que sur une photo.
»Les voyages apportent des sensations visuelles fortes, et je suis
constamment de cette double nécessité: voyager et écrire». Et le
va-et-vient entre l’écriture littéraire et l’écriture du «premier jet»
qui se nourrissent l’une l’autre, comme le passage entre le sédentaire
et l’ailleurs. Son journal Feu de tout bois a été édité en 2018 et couvre vingt-cinq années de vie.
La chute de Sadam
Les trois ans passés à Bagdad au moment de la chute de Saddam Hussein y
sont racontés avec minutie, on éprouve la chaleur et les tempêtes de
sable, les pannes d’électricité, la protection des gardes du corps et
malgré les attentats, la vie est là, malgré le danger et la peur, il y
a des moments de plaisir et d’humour.
De ce poste qui l’a beaucoup marquée, elle a tiré deux autres livres Shrapnels et Un jardin à Bagdad.
«Quitter Bagdad a été un arrachement, malgré les conditions difficiles
dans lesquelles nous étions». Et aux vacances, chaque retour en France
se fait en voiture, dans leur vieille Mercedes, par des circuits loin
des routes touristiques «j’aime être perdue dans des endroits où je
n’ai rien à faire, et me trouver avec des gens que je n’aurais jamais
dû rencontrer. C’est un formidable réservoir de romanesque pour moi.
Quand je me déplace j’ai l’impression d’annuler la marche du temps, et
en écrivant de fixer ce qui s’échappe».
Et cette double nécessité c’est elle qui l’explique le mieux: «Pourquoi
j’écris? Le moyen de ne pas écrire? Comment tolérer tout ce désordre,
ce chaos d’impression, ce fracas de lumières et d’ombres dont nos jours
sont faits?».
Il faut bien mettre un peu d’ordre dans tout ce bonheur éparpillé, en
choisir quelques morceaux significatifs et les emporter sous son
manteau, solidement ficelés dans des mots clairs et sonnants.
«Alors enfin on tient quelque chose, on peut voir venir, et on arrive
même à se dire, en caressant ce petit bonheur portatif, qu’au fond tout
cela n’est pas si grave et qu’il ne faudrait pas avoir peur. J’écris
pour me rassurer. Parce qu’écrire, comme rire, est le propre de
l’homme».
Et je vous retourne la question: «Pourquoi n’écrivez-vous pas, vous?».
SOPHIE LE MERDY, La Presse d'Armor, 17 juillet 2019Haut de la page
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