Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
Tout remonte à un livre reçu du Texas pour Noël, en 2003: Stirring Prose. Ou En brassant la prose.
La couverture montrait trois œufs, une tasse de café et une poche en
bois à côté d’une vieille machine à écrire, en plein air. Dedans,
trente-neuf auteurs texans se dévoilaient en livrant une recette, qui
allait du poulet au kahlva à la Linzertorte, du steak sauvage
à la bière jusqu’à la potion longue-vie contre la grippe asiatique du
Dr King. Davantage un portrait, à base d’expérience, de robe de chambre
et de grain de sel, plus que de strictes consignes à suivre. Oui,
finalement, la recette de cuisine tenait de la fiche d’identité. Cela me
plaisait. J’étais d’abord stupéfiée d’apprendre qu’il existait des
écrivains au Texas, pensant que ma vieille amie texane, une poétesse
admiratrice d’Emily Dickinson et grande brouteuse de polars,
représentait l’unique spécimen d’une espèce en voie d’extinction.
D’autant plus que nous continuons à nous écrire, sur papier, depuis dix
ans.
Si ces Texans prenaient la peine de parler de cuisine, pourquoi les auteurs de chez nous n’en feraient-ils pas autant?
Bien sûr, il existe déjà quantité de livres de recettes, de très bons
et d’autres qui vous laissent sur votre faim. L’un d’eux, conseillé par
Jérôme Estèbe, fut une révélation: How to Cook a Wolf ou Un loup au dîner
(1942-1951) par M. F. K. Fisher, une Américaine encore, une femme comme
ses initiales ne l’indiquent pas. Décidément, ces Américains, depuis
Dashiell Hammett et son barman qui habitait le tiroir inférieur de son
bureau, avaient une tournure d’esprit irrésistible. Cela commençait
par l’art pauvre d’apprêter des œufs pour éloigner le loup, autrement
dit la faim, qui appuie toujours sa truffe de l’autre côté de la porte.
Pour les œufs brouillés, la cuisson prendra peut-être une demi-heure. Il est impossible de l’accélérer. Pour les Eggs in Hell: Nous cassions dedans des œufs, coupions le courant et attendions qu’ils eussent l’air cuit. M. F. K. Fisher rapportait les propos d’un certain vicomte de Mauduit: Manger est un art qui mérite de figurer au même rang que les autres méthodes que choisit l’homme afin d’échapper à la réalité. Puis d’un personnage de Tolstoï, dans Guerre et Paix: Laisse-moi reposer sur le sol comme une pierre, ô mon Dieu, et me relever comme un pain tout frais.
Les pages sur le pain en train de cuire embaumaient, vous laissaient
comblés, en paix, et plus vides de mauvaises pensées qu’après n’importe
quel traitement de chiropraxie. Préparer un poulet à la mode de Beaune
revenait à proposer: Veux-tu qu’on s’aime? À plusieurs
reprises, l’écrivain voit son nom associé à d’autres, par ordre
alphabétique sur la couverture d’un recueil collectif, qui lui donne
l’impression d’appartenir à une famille dont il ne rencontre
véritablement les membres qu’à des occasions, le plus souvent,
officielles. Trop souvent gagne l’impression de s’éloigner trop vite de
cette autre personne à découvrir. Se méfieraient-ils si je leur demandais une recette ?
Pas aussi noble, peut-être, que leur avis sur la sémiologie comparée du
concept spatio-temporel, mais sûrement plus concret. Une carte de
visite, plutôt. Quelque chose à partager. L’idée d’un calendrier avec
les écrivains posant en maillots de bain, pour les fêtes de fin d’année,
m’avait aussi effleurée. Toujours pour les mêmes raisons.
J’ai attendu. J’ai oublié, un peu. Je me suis lancée, sans regret.
Une recette? Disons un souvenir qui ait un lien avec la nourriture, une
manière indirecte de servir un petit morceau de son enfance, un
événement, une tranche de vie. L’idée pouvait englober tout récit lié à
une sensation culinaire, un fiasco, un manque de provisions.
Sur les vingt auteurs contactés d’abord, six n’ont pas répondu, deux
par la négative (l’un des deux, Fernand Auberjonois, était mort
entre-temps), trois hésitaient, qui invoquant des œufs de coucou encore incouvables, qui le menu spartiate imposé par un autre projet, qui implorant un nouveau sursis, le temps de faire le marché.
L’un promettait un texticule, après jeûnes et privations, sur le
cervelas et la tripe, l’une se déniait toute aptitude au fourneau,
alors que je brûlais justement de savoir pourquoi. Déclinant poliment,
se refusant à réchauffer, vingt ans après, un coulis aux trois poissons, une saloperie d’étudiant, l’un d’entre eux me recommandait de me plonger dans un ouvrage épuisé: On n’a pas tous les jours du caviar. Huit avaient dit oui, dont trois oui de principe.
Chaque réponse, positive ou négative, m’aiguisait l’appétit.
Les écrivains d’ici ont souvent grandi ou vécu au loin. La plupart
voyagent. Certains même connaissent parfaitement les dix ou vingt
kilomètres de rayon qui entourent le lieu où ils vivent. Vous mettrez
aussitôt le cap sur le grand Sud italien avec Germano Zullo. Remonterez
vers Venise avec Claude Darbellay qui, par ailleurs, parle couramment
l’espagnol. Planterez votre campement dans le bush australien avec Jean
Buhler, grand connaisseur de l’Afrique et des pays de l’Est. La pacha
est au féminin, à Bagdad que se refuse à déserter Élisabeth Horem.
Gilbert Pingeon garde ses journaux pour emballer les saucissons de la
prochaine torrée.
Née et grandie à Genève, mi-iranienne, mi-suédoise, Shirin Hatam
revient, vingt ans plus tard, sur un souvenir de pruneaux japonais
dégustés à Londres. D’autres auteurs, contactés plus tard, ou mal
courtisés encore, ont repris la marmite en main, et allègrement.
Spécialiste des pièces montées, Julien Burri vous a livré son homme de
pâte à choux, grandeur nature. Laurence Verrey a cueilli les jeunes
pousses hirsutes du printemps. Au Tessin, Daniel Maggetti a soulevé le
couvercle d’un plat de pauvres. Daniel de Roulet s’est approvisionné en
vin en vrac, Blaise Hofmann a détourné la recette.
Et Bernard Campiche a emporté le panier.
Merci.
CORINNE DESARZENS
Haut de la page
Un aperçu de l’ouvrage
Corinne Desarzens. Préface
Les textes
Mary Anna Barbey. Gâteau-tendresse
Jean Buhler. Python frit sur paper bark
Julien Burri. L’homme de pâte
Claude Darbellay. Spaghetti ou tagliolini à l’encre de seiches
Corinne Desarzens. Côte de bœuf Grand Hôtel
Corinne Desarzens. Tartelettes au citron
Corinne Desarzens. Minutes d’une conférence sur les fromages
Jérôme Estèbe. La sauce délicieuse au vin qui sent mauvais
Shirin Hatam. Confit d’éveil au Soleil levant
Blaise Hofmann. Pourcentage sur la recette
Elisabeth Horem. Comment je n’ai jamais goûté à la pacha
Claire Krähenbühl. One pound of tomato paste
Mireille Kuttel. Bagna cauda
Daniel Maggetti. Patati e pasta
Gilbert Pingeon. Torrée neuchâteloise
Daniel de Roulet. Vin en vrac
Olivier Sillig. Haïku linaire
Olivier Sillig. Pourquoi Aziz devint premier épicier du roi du Portugal
Olivier Sillig. Confiture d’orange amère
Laurence Verrey. Soupe de Pâques aux orties
Alexandre Voisard. Manger pour vivre, manger pour rire
Germano Zullo. O piàtto ùnneco d’a dumméneca
Haut de la page
Souvenirs goûteux
Quelle est la saveur de l’enfance? Le repas qui a le mieux surpris les
papilles et bousculé le cœur? Dix-huit auteurs romands publient de
petits textes exquis sur leur rapport à la nourriture. Fenêtres
ouvertes sur l’intime, ces récits se lisent avec la sensation de
plaisirs interdits. À noter: les exploits de Germano Zullo, qui laisse
échapper les anguilles du repas de Noël, ou les tartelettes au citron
de Corinne Desarzens, qui apportent soleil et douceur contre la dureté
des jours. On ne manquera pas le texte terrifiant de Julien Burri,
journaliste à Femina, sur les carottes de grand-mère, molles et fades comme l’amour blet.
RENATA LIBAL, Femina
Haut de la page
Corinne
Desarzens le sait bien: souvent, la recette de cuisine tient lieu de
fiche d’identité. Généreuse, elle a invité dix-sept auteurs romands à
proposer chacun au lecteur son «récit sur assiette». C’est un franc
succès: le recueil de textes brefs sorti de sa marmite est une
collection de curiosités émouvantes, drôles et aventureuses. Du vin au
litre de Daniel de Roulet au gâteau explosé de Julien Burri , du
pèlerinage gastronomico-amoureux de Claude Darbellay à la vaine quête
de la pacha d’Elisabeth Horem, cette balade littéraire et gourmande
révèle des aspects peu connus mais ô combien significatifs d’écrivains
familiers. Morale de l’histoire, selon Mary Anna Barbey, quelle que
soit la recette, elle est bien meilleure lorsqu’elle est héritée de
grand-maman.
ISABELLE FALCONNIER, L’Hebdo
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
|
|