ÉLISABETH HOREM

SHRAPNELS
En marge de Bagdad

200 pages. Prix: CHF 34.–
ISBN 2-88241-154-5, EAN 9782882411549
Également disponible en camPoche

Prix «Coup de cœur» Lettres frontière 2006

Traduction arabe:
«Shrapnels ’ala hâmesh Baghdâd».
Traduit par Saïd Fahran.
Damas: Ninawa, 2013.


Biographie

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Une année d’existence à Bagdad. Une année d’observation, de vie malgré tout, malgré la violence, malgré la peur. Une vie faite de choses minuscules, d’espoirs, de découragements et des saisons qui passent…
Elisabeth Horem n’a pas écrit un reportage. Il ne s’agit pas non plus d’un journal, mais de la transcription de ce qu’elle a vu et entendu, de ce qu’elle a pu ressentir.
Shrapnels est avant tout le texte d’un écrivain qui poursuit son travail, en dépit de son enfermement volontaire, un texte qui sait aussi, parfois, nous faire sourire.
Shrapnels constitue, à n’en pas douter, un document littéraire rare, tant la situation irréelle de cette ville, Bagdad, nous est rendue avec une finesse et une qualité d’observation peu ordinaires.


Drôle de vie quotidienne à Bagdad

La romancière suisse Elisabeth Horem a rejoint son mari diplomate en poste à Bagdad. Avec une douceur implacable, elle décrit dans Shrapnels l'existence quasi cloîtrée qu'elle y mène depuis une année, sous la menace quotidienne des attentats.

Le désir de mettre de l'ordre dans un monde chaotique, c'était une des raisons avancées voilà dix ans par Elisabeth Horem pour expliquer son besoin vital d'écrire. La romancière du Ring, premier roman couronné par trois prix, avait déjà une certaine expérience des désordres du monde: diplômée d'arabe littéral, elle avait séjourné en Syrie avant de travailler à Gaza et Jérusalem comme déléguée du CICR, puis de suivre son mari diplomate à Moscou et au Caire. Après Le Fil espagnol et Le Chant du bosco, deux romans où elle décrivait un pays imaginaire en proie à la dictature et à l'arbitraire, l'écrivain livre aujourd'hui «quelques impressions de la vie un peu étrange» qu'elle mène à Bagdad.
Ce n'est ni un reportage ni un journal. Rejoignant son mari arrivé cinq mois plus tôt, au lendemain de la guerre, elle sait d'avance qu'elle vivra dans cette ville sans la connaître puisqu'elle sort très peu, jamais seule et jamais librement. A sa manière nette, concentrée, suggestive, non sans humour, Elisabeth Horem consigne des choses vues et entendues durant un an, comme autant d'éclats d'une réalité quotidienne presque irréelle. Sans jamais hausser le ton ni tomber dans le pathos, ces 114 tableaux familiers font partager au lecteur des moments de découvertes, de plaisirs, d'espoirs, de découragement, de peur, de révolte ou, pire, d'acquiescement à la violence si détestée.
Au début de ce récit à la troisième personne, la narratrice prend l'habitude de nager chaque matin dans sa piscine, avec obstination, pour compenser l'absence de tout autre exercice physique. Elle pourrait se croire seule si elle ne savait pas qu'un des gardes est sur le toit pour surveiller les terrasses avoisinantes. Ces CPO (Close Protection Officers), elle les a vus découper et coller des feuilles en plastique transparent sur chaque carreau des fenêtres de la maison, pour éviter les blessures par éclats de verre en cas d'attentat. Ils lui apprendront plus tard à repérer la chute d'une grenade, à s'éloigner de quatre grands pas et à se jeter à terre dans l'axe de la grenade, coudes au corps, en se bouchant les oreilles et en ouvrant la bouche.
Elle occupe ses journées à lire, à écrire, à tirer le portrait de son entourage, gardes compris, et à travailler dans son laboratoire photo. Avant que les attentats et les enlèvements ne deviennent monnaie courante, elle et son mari sortent parfois pour se rendre à une invitation, à la nuit tombante, dans leur voiture blindée et climatisée, toujours accompagnés de leurs gardes armés. Ils vont aussi manger du poisson grillé chez un peintre-galeriste qui s'improvise restaurateur une fois par semaine, assister à une soirée poétique (où elle est la seule femme), acheter un bouquet de roses, un yucca, un kilim ou des éclairs au chocolat, et c'est chaque fois une aventure. Ils font également une excursion à Babylone, dans une zone militaire sous commandement polonais, et un voyage en Syrie au retour duquel ils apprennent que deux de leurs compatriotes, en panne au bord de la route, ont été abattus à bout portant d'une voiture.
Le cercle de leurs relations se rétrécit, car ceux qui le peuvent quittent le pays. La violence gagne, aveugle ou ciblée: on tire sur les paraboles des satellites et sur les magasins de disques, on tue les médecins, les intellectuels, les artistes, les ingénieurs, les barbiers. Et quand Farida la cuisinière se réjouit de ce que la peine de mort soit rétablie pour punir ces «sauvages», elle ne proteste plus. Mais elle écoute aussi le jardinier lui dire que si les gens disparaissent, les plantes continuent à pousser, et qu'on aura toujours besoin de quelqu'un pour s'en occuper.

ISABELLE MARTIN, Le Temps


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Une romancière à Bagdad

«Elle n'a entendu personne reprocher la guerre aux Américains. Bien au contraire. Non, ce que les gens leur reprochent c'est d'avoir fait tant d'erreurs après la guerre et d'avoir (...) gâché l'espoir qu'elle avait fait naître.» Dans la mosaïque de ses notes de Bagdad, Elisabeth Horem s'autorise cette seule phrase explicite sur la politique. Et pourtant de ce collage apparemment né du hasard des jours surgissent des motifs qui en disent long. Absurdité du conflit entre « autorités » et «terroristes», mort aveugle, terreur qui s'insinue partout, mais aussi vie qui continue tant bien que mal dans un pays ravagé. Thème, surtout, de l'enfermement, saisissants instantanés de son quotidien d'épouse (de diplomate) recluse. Une année en marge, derrière les sacs de sable empilés devant sa maison; au jardin, havre vulnérable; derrière les vitres de la voiture blindée qui mettent le monde à distance. Et entre les gardes du corps omniprésents, qui encadrent chaque mouvement lors des rares escapades à pied …
Remarquée dès son premier roman, Le Ring, Elisabeth Horem a passé un an dans le Bagdad de cette guerre larvée mais totale qui a succédé à celle contre Saddam Hussein. Elle en rapporte non un reportage mais un texte littéraire à la musique subtile, humainement très attachante, qui ouvre à la réflexion non les avenues de la certitude mais les sentiers accidentés de l'interrogation et du doute féconds.

JACQUES POGET, 24 Heures


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Bagdad au jour le jour

La romancière Elisabeth Horem livre les chroniques aériennes d’une vie de femme de diplomate dans un pays en guerre
Elisabeth Horem est l’épouse du chef du bureau de liaison suisse à Bagdad, mais, dans son dernier livre, on ne saura rien de cette femme, simplement désignée par «elle», sinon qu’elle est Européenne, qu’elle vit en Irak et qu’elle partage la vie d’un «officiel» en poste là-bas. Elle passe ses journées cloîtrée dans sa villa, consignes de sécurité obligent, entourée de gardes du corps qui surveillent la rue en permanence. Pour tuer le temps, elle réalise des portraits photographiques minutieux de ces hommes, établissant ainsi un contact privilégié, et inattendu, avec eux. Quelques sorties en ville sous haute sécurité, quelques rencontres d’intellectuels ou artiste irakiens illuminent le récit. Car la situation particulière dans laquelle «elle» se trouve n’empêche pas les échanges: elle parle l’arabe, et l’on devine qu’elle a déjà vécu dans la région.
En quelques romans, dont Le Ring, qui avait obtenu le Prix Georges-Nicole et le Prix Dentan, et Le Chant du bosco, magnifique et tragique roman qui se déroulait dans un pays totalitaire, Elisabeth Horem a construit patiemment une œuvre originale, à l’écriture très maîtrisée. Situant ses textes dans des pays du Sud qu’elle ne nomme pas, l’auteure laisse entrevoir ce que peut être la vie dans un pays difficile. Elle livre aujourd’hui un recueil de chroniques, textes courts, intelligents et pudiques, inspirés de sa propre vie à Bagdad. Chaque texte trouve son point de départ dans un détail de la vie quotidienne, en apparence anodin, pourtant chargé de sens. Pas de théorie politique ici, ni de grands discours didactiques, mais quelques anecdotes tranchantes. Tel ce vénérable cheikh en costume traditionnel, traité sans ménagement par un jeune soldat américain qui ignore que, chef d’une tribu importante, il peut lever dix mille hommes en un jour.
Moments d’émotion aussi, lorsque le jardinier enseigne à ses fils comment tailler les arbres, parce que, explique-t-il, dans ce pays les gens disparaissent, «mais les plantes, elles, pendant ce temps-là, elles continuent à pousser». Absurdité de la guerre, de cet enfermement forcé, entre les lignes la peur affleure, pas tant la leur, à «elle» et «lui», mais celle des autres, ceux qu’«elle» écoute, et dont les vies sont saccagées. Dans ces chroniques aériennes, l’auteure fait preuve à nouveau d’un grand talent littéraire, notamment dans sa façon de tenir chacun de ces petits textes en suspens, laissant au lecteur le soin d’en imaginer une conclusion possible.

SYLVIE TANETTE, L'Hebdo


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Relire l’Irak

…La littérature elle-même s’y met. Tel le livre d’Elisabeth Horem, Shrapnels. Ce n’est pas un reportage, c’est un récit d’écrivain. L’épouse d’un diplomate suisse raconte un an de séjour à Bagdad. Au ras des réalités et des émotions quotidiennes : sans digressions, sans prétentions de tout savoir, sans jeu d’hypothèses. Recluse dans sa maison gardée, promenée dans sa voiture blindée. Elle monte sur le toit, sous le regard inquiet des vigiles, et regarde le ciel, la ville, les couleurs. Elle écoute, d’abord avec effroi, puis avec un détachement qui l’interroge, les explosions incessantes, lointaines, parfois toutes proches. Elle parle à Farida qui fait le ménage et raconte les peurs de la ville. Elle entend les horreurs, les rumeurs.
Lorsqu’elle sort, c’est le plus souvent vers ce quartier barricadé où les étrangers se donnent l’illusion d’une vie normale. Là où un courageux violoncelliste irakien organise un concert et reçoit aussitôt après une lettre le menaçant de mort…
Fanatisme, cruauté, humiliation, bêtise. Mais ces mots n’apparaissent jamais. Tout est suggéré. Peut-être qu’à force de qualifier les événements, on en atténue les aspérités. L’espoir? Il y en a aussi des traces dans ce livre noir. Dans la description pudique de tous ceux qui s’efforcent de vivre sans panique et avec dignité. Tel ce jardinier qui apprend le métier à ses enfants parce que «les plantes, pendant ce temps-là, elles continuent à pousser…».

JACQUES PILET, L'Hebdo


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«Shrapnel: obus rempli de balles qu’il projette en éclatant. Après cinq mois de séparation, elle rejoint son mari diplomate à Bagdad. Elle sait qu’elle ne pourra jamais sortir seule et jamais librement. Des gardes protègent en permanence le bâtiment, un couple s’occupe du ménage, le jardinier veut que le jardin soit le plus beau de Bagdad. Bande-son: bruit de tirs de mortier, des explosions et du générateur. Elle regarde la ville à travers les vitres de la voiture blindée. Malgré une situation difficile, des moments d’humour ponctuent les petits chapitres de ce récit pudique, combien attachant et personnel.»

SYLVIANE FRIEDERICH, La Librairie, Morges, 24 Heures


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Elisabeth Horem, une étrangère à Bagdad

Que faire à Bagdad lorsqu’on y vit avec un mari diplomate? Tester des recettes de cuisine? Tricoter? Écrire un livre? Elisabeth a choisi la dernière alternative puisque c’est son métier. Mais Shrapnels. En marge de Bagdad n’a rien à voir avec les récits, chroniques et essais qu’on a pu lire jusqu’à ce jour sur cette sale guerre.
Elisabeth Horem ne peut pas sortir et voit la ville à travers grillages et vitres teintées. Son univers, c’est quelques mètres carrés de pelouse, une terrasse, une piscine, des sons, des couleurs, des odeurs et des mots échangés avec une poignée de personnes de confiance. En 114 courts chapitres, elle décrit ce quotidien de prisonnière consentante qui lit, écrit et photographie. «Comme une petite fille sage qui s’occupe toute seule un jour de pluie avec de la colle et des ciseaux, elle en fait un tableau où l’on pourrait lire un pan de sa vie. Elle assemble des éclats d’histoires, des débris de lieux, des personnages incomplets, réunis autant par le hasard que par son intention», écrit Elisabeth Horem en parlant d’elle à la troisième personne comme s’il s’agissait d’une nouvelle couche de protection.
Bagdad. Une année durant laquelle les éclats de rire sont devenus plus surprenants que les éclats d’obus. Une année où elle a pris de nouvelles habitudes et en a perdu d’autres, comme décrocher un combiné de téléphone (il ne marche pas) ou porter un sac à main (il n’y a rien à acheter et les agents de sécurité ouvrent toutes les portes). C’est la guerre, Elisabeth Horem voit l’absurdité de la situation, apprend à fuir du bon côté devant une grenade, continue à nager tranquillement malgré le mouvement des blindés et vit le plus normalement possible.
La force et l’intérêt du récit tiennent en partie à son ton détaché, à une certaine pudeur et à sa qualité d’observation. Un livre à part, fait de petites touches drôles ou émouvantes mais toujours justes alors que le piège de la superficialité était grand.

MAGALIE GOUMAZ, La Liberté


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La guerre, le soleil, la vie

Parce qu’il témoigne de l’intérieur, parce qu’il reste avant tout l’œuvre d’un écrivain, parce qu’il ne cherche ni à expliquer ni à émouvoir, Shrapnels est un livre précieux. Il retrace une année à Bagdad, où Elisabeth Horem a suivi son mari, ambassadeur. Pas de spectaculaire ici, ni de pathos, juste cet étrange sentiment : celui d’être à la fois au cœur de la guerre, de la vivre de l’intérieur, tout en restant «en marge de Bagdad» – comme l’indique le sous-titre – en raison des protections et de l’isolement.
Nulle froideur non plus, malgré la distance établie en optant pour le «elle» plutôt que le «je». Il en ressort une suite d’impressions, avec un souci constant d’honnêteté et de justesse. La narratrice en reste aux faits, à ce qu’elle a vu ou entendu et son texte n’en devient que plus fort, effrayant sans jamais chercher à l’être. Elle entend des explosions, des fusillades. On parle d’enlèvements. On croise des militaires, des gardes du corps. Par allusions, on sent le pays s’enfoncer dans la terreur, dans l’horreur.
Elisabeth Horem n’occulte pas non plus les signes indiquant que la vie, malgré tout, se fraie toujours un chemin. C’est un thé bu au bord de la piscine, des photos prises depuis le toit de la maison, un chat blessé que les gardes s’efforcent de maintenir en vie. Des petits riens qui prennent ici un sens particulier: «Un envol de colombes tournoie, elle voit leurs ombres voltiger sur le mur.»

ÉRIC BULLIARD, La Gruyère


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Shrapnels – En marge de Bagdad n’est ni une fiction ni un reportage. C’est le récit impressionniste, sans commentaires ni analyse, d’une femme occidentale dans un Bagdad en proie à la violence, à l’anarchie et à la misère. Ces 114 tableaux décrivent un quotidien que les impératifs de sécurité rendent absurde car, une fois passées les grilles de la villa de fonction, tout peut arriver, surtout le pire. Et même entre les murs de la maison, au bord de la piscine ou sur le toit, une balle perdue ou un obus de mortier égaré peut frapper à tout moment. Ces petits chapitres à la troisième personne, à la fois simples et raffinés, offrent un type d’information complémentaire au journalisme de reportage. C’est un voyage à l’intérieur d’une vie «marginale» dans une ville en état d’alerte permanent. Le contraste entre la douceur du style et la folie du sujet ne rend ce témoignage que plus fort. Petits faits quotidiens et échos d’attentats meurtriers se succèdent à la manière d’une symphonie où les violons font soudain place aux éclats des cuivres et des timbales.

PHILIPPE CLOT, L'Illustré


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Les mots pour dire Bagdad

Épouse du représentant Suisse en Irak, la romancière Elisabeth Horem a tiré de sa vie quotidienne sur les berges du Tigre son dernier ouvrage, «Shrapnels».

À Genève où elle s’est arrêtée pour le salon du livre, elle continue de parler de «lui» à la troisième personne. Comme dans son livre. Comme si la vie quotidienne là bas, à Bagdad, n’était pas tout à fait réelle. Comme si, en Irak où elle a débarqué quelques mois après la fin officielle de la guerre, à l’automne 2003, l’écrivain avait, pour la première fois au fil des affections conjugales, pris le pas sur la femme de diplomate, sur l’épouse chargée des mondanités.
«Pas d’invités pour cause d’insécurité. Mes enfants occupés à leurs études loin de Bagdad. Un univers quotidien confiné aux murs de notre résidence et aux abords de la piscine gardés par des hommes en armes. J’avais l’impression de me réveiller dans une fiction». Elisabeth Horem est donc passée à l’acte. La romancière fétiche de l’éditeur Bernard Campiche, lauréate en 1994 du prix Georges-Nicole, a choisi de transformer son journal en «Shrapnels», une année d’éclats littéraires pour dire la vie qui reste alors que les éclats d’obus rythment le quotidien.
La vie? «Oui. Pas seulement celle des hommes, mais celle de la ville que je percevais chaque jour derrière mes murs. Bagdad, c’est pour moi d’abord des lumières, des impressions. Lorsque j’y suis, je vis dans deux mondes : le monde ouvert sur l’exterieur de Martin et du bureau de liaison, et celui clos de notre résidence. Or bizarrement, le second est parfois plus proche de la réalité. La peur ou l’espoir se lisent parfois mieux sur le visage de nos employés irakiens que dans les articles de presse».
Le voici donc nommé: le «il» du livre, la victime collatérale de «Shrapnels». Martin Aeschbacher est depuis mai 2003 le représentant de la Suisse en Irak. Elisabeth est son épouse. Les deux ont la cinquantaine. Ils font équipe depuis plus de vingt ans. La guerre n’a pas infléchi leur décision de partir en Irak, prise un week-end de septembre 2002 alors que l’ONU recherchait toujours les fameuses armes de destruction massive. Elle dit juste : «Le laisser partir seul était hors de question».
Puis il a fallu s’accommoder. De cette vie filtrée par les murs, de ses absences, de ces fichus interdits – pas de sortie individuelle, pas de courses au marché, pas de repos dans le jardin lorsque les obus sifflent, même éloignés – qu’elle n’a toutefois jamais songé violer. «Le faire serait complètement irresponsable lâche-t-elle. Trop de gens, de Berne jusqu’à Bagdad, se donnent un mal de chien pour assurer notre sécurité. Il faut être sérieux». D’autant qu’il a fallu se battre pour rester. «Tous les ambassadeurs ou presque sont en Irak sans leurs familles. Je suis l’exception. Comme telle, je n’ai pas droit à l’erreur». Bagdad n’est pas Paris, où Martin était précédemment conseiller culturel. Ni le Caire, ni Moscou, ni Prague où il a officié…
On la regarde droit dans les yeux. La violence de Bagdad n’y a pas installé son voile de peur. Sa simplicité née peut-être, de cette banlieue parisienne «nulle» ou elle a grandi, n’a pas été altérée. On l’imagine, mèche de cheveux frondeuse, en activiste, en humanitaire. Gagné.  Ex-déléguée du Comité International de la Croix Rouge en  Palestine, Elisabeth Horem parle arabe. «Lui» aussi. Un collègue diplomate la décrit ainsi : «Elle se sent investie d’une mission en Irak. Du genre: notre devoir est aussi de montrer aux Irakiens qu’ils vivent dans un pays normal, avec des ambassades normales». Avec, soigneusement caché mais très vite repérable, ce goût de la résistance. La résidence, sur les berges du Tigre, comme son bureau, dans le quartier commerçant voisin de Kerrada, sont des lieux où l’on parle.
«Ils m’ont reçu une fois. Et ils m’ont écouté raconte le représentant Irakien d’une firme suisse. Le lendemain, j’allais chez les Américains qui, eux, se sont contentés de remplir les formulaires dont j’avais besoin». La romancière sait aussi regarder: «Je me souviens des files d’attente, le jour des élections, le 31 janvier dernier. Tout le monde parlait de ce scrutin avec condescendance. Pourtant, voir les Irakiens sortir de chez eux pour aller voter malgre le danger, ça donnait des frissons».
Comment ne pas, pourtant, avoir le moral cassé par les bombes, le chaos, la violence? «Il y a des jours où Bagdad pèse lourd reconnaît-elle ». Comme ce jour où «il» avait promis de l’emmener dans le quartier des photographes. «Je me faisais une joie de gosse» raconte cette passionnée des mots et des images. Puis il a rappelé pour annuler. Trop dangereux. Consignes de sécurité. Elisabeth a plié, la mort dans l’âme. La carapace de romancière ne protège pas contre ce genre «d’éclats».

RICHARD WERLI, Le Temps


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Zone protégée

De Bagdad, où elle est allée rejoindre son compagnon, elle ne voit rien, isolée du monde par l’air conditionné de sa limousine blindée, protégée par des gardes du corps armés de kalachnikov. Elle ne voit rien sinon des barrages de contrôle, des sacs de sable, des blocs de béton en chicane, et le soir, à la télévision, les attentats et les morts. De sa piscine, elle entend des explosions, des tirs de mortier, des coups de feu, parfois très proches. Partagée entre le bonheur et la honte, elle observe ces «jours sanglants et pourtant scandaleusement tranquilles», alors qu’Aram et Farida, qui s’occupent du ménage et de la cuisine, se plaignent du bruit des hélicoptères, de l’absence d’électricité, de la chaleur, des moustiques, et reprochent aux Américains non pas la guerre, mais d’avoir fait tant d’erreurs. Un beau récit tout en finesse écrit à la troisième personne du singulier..

MONIQUE BALMER, Femina


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Ni journal ni reportage, le cinquième livre d’Elisabeth Horem publié chez l’'éditeur urbigène Bernard Campiche peut être qualifié de témoignage. Rédigée par un auteur qui a déjà passé une année de sa vie à Bagdad, après la fin «officielle» des hostilités, cette chronique relate les conditions d’existence et les impressions que ressent, dans cette ville et dans l’Irak tourmentés, une Occidentale confrontée à l’Orient compliqué – du moins tel que vu et ressenti par les Européens.
En marge de Bagdad: tel est le sous-titre de ce volume d'environ deux cents pages. La marge, c'est en fait le risque assumé (ou imposé) dès la descente d’avion, de l’'aéroport à la résidence; toute sortie hors de cette résidence – ne seraient-ce que quelques pas ou quelques instants sur la terrasse du logement – présente des risques lourds à assumer, en raison de tireurs d’élite qui peuvent être postés alentour. Il est évidemment exclu de s’aventurer à l’extérieur sans être protégé par des gardes du corps, qu’il s'agisse de se rendre chez des amis, au spectacle, au restaurant ou dans quelque autre lieu public.
Les shrapnels, qui donnent un titre au livre d'Elisabeth Horem, sont des obus remplis de balles, qu’ils projettent en éclatant, ainsi nommés sans doute en hommage au «bienfaiteur de l'humanité» qui les a inventés. Ces obus projettent les balles à une vitesse vingt fois supérieure à celle du son, si bien que l'on peut mourir avant même d'avoir entendu quoi que ce soit. On associera aux shrapnels les grenades et les kalachnikovs, ces fusils soviétiques à chargeur circulaire de plusieurs dizaines de cartouches, des armes qui ne devraient pas être mises entre toutes le mains, mais qui pourtant le sont, tout particulièrement entre celles d'irréguliers imprévisibles. Bien entendu, il n’est pas question de se déplacer autrement qu’en voiture blindée, équipée pour résister au tir des armes à feu, la voiture étant précédée et suivie de véhicules non moins sécurisés en hommes et en armes.
À quoi dès lors peut bien s’occuper une étrangère, Occidentale de surcroît, confite, pratiquement recluse dans sa thébaïde? Lire et écrire – ce qui va naturellement de soi pour une femme de plume –, s'adonner à la musique ou aussi, dans le cas d’Elisabeth Horem, à la photographie: pas seulement tirer le portrait de ses proches, agents de sécurité inclus, mais conduire l’opération jusqu’au développement de la pellicule dans le laboratoire photographique; il ne s'agit pas seulement de mettre en boîte des images que l’on exhumera plus tard, pour les proches restés en Europe ou pour les vieux jours, mais de conserver la trace, le témoignage tangible du temps qui aura été passé dans un milieu par trop propice aux attentats.
Aucun jugement de valeur, aucune prise de parti dans ce «combat du Bien contre le Mal», où du reste on ne saurait affirmer sans hésitation de quel côté se trouve le Bien, et pas davantage le Mal.
Elisabeth Horem, épouse d'un diplomate et bénéficiant, à ce titre, d'une protection rapprochée, est certes arrivée à Bagdad après la fin «officielle» des combats, mais cela ne l'a guère libérée de l'enfermement et de la peur. À la dernière page, tout de même, une lueur d'espoir incline à l'optimisme: le jardinier qui s'occupe de la propriété prend ses fils avec lui: pour leur apprendre le métier, certes, mais aussi parce qu'il pense à l'avenir : «Les gens disparaissent, mais les plantes, elles, pendant ce temps-là, continuent à pousser, et on aura toujours besoin de quelqu'un pour s'en occuper.»

BERNARD VIRET, Journal de Sainte-Croix


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L’Irak entre les mots des femmes

Admirable Florence Aubenas! À peine libérée, avec son interprète Hussein, de cent cinquante-sept jours de captivité, elle répond, apparemment enjouée, à la presse internationale. Humour, auto-ironie, anecdotes, le récit du calvaire des «numéros cinq et six» gomme les angoisses et les souffrances.
Mais soudain gravité et émotion surgissent: a-t-elle été détenue avec les ex-otages roumains, comme ceux-ci le disent?
Plus de sourire, le visage se fige, la lèvre tremble. Obliquement, Florence confirme («J’ai beaucoup de respect pour leur témoignage») mais n’en dira pas plus. «Ce ne sont pas des intérêts de gens assis dans des bureaux que je protège ainsi.» Entendez: c’est la survie des autres numéros, toujours épiés par ces gardiens d’abord normaux puis devenus «spécialisés», c’est-à-dire méfiants et dangereux. Combien de vies ne tiennent-elles qu’à un fil dans le jeu byzantin des chantages et des alliances mouvantes entre les bandits et les idéologues, où les deux à la fois, qui se livrent à l’industrie de la prise d’otages?
Avec la gravité soudaine de Florence Aubenas, c’est l’Irak quotidien qui surgit, des dizaines de tués chaque jour, une guerre civile qui ronge l’âme, les valeurs, le tissu social. On pense à ce livre sobre, Shrapnels, où Élisabeth Horem, épouse d’un diplomate suisse en poste à Bagdad, tient le journal de sa vie de captive de luxe, dans ce monde de schizophrènes: la mort rôde en ces nouveaux jardins de la liberté et de la démocratie, niées par les moyens mêmes mis en action pour les défendre. Contrôles, protection rapprochée, soupçons – on perd sa vie à la garder. Rien à voir avec les bilans officiels.
Ce qu’ont vécu Florence Aubenas, les yeux bandés dans sa cave, et Élisabeth Horem, en semi-liberté, étroitement surveillée, n’est pas comparable, mais bien leur éloquente finesse. Entre les mots de l’une, entre les lignes de l’autre, c’est le drame de l’Irak d’aujourd’hui, qu’on connaît de moins en moins, qu’on ne pourra bientôt plus raconter si les preneurs d’otages gagnent.

JACQUES POGET, 24 Heures


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L’art, insuffisant mais nécessaire

La lancinante question de la légitimité de l’activité artistique face à la mort, celle, fictive, d’une proche pour Rose-Marie Pagnard, celle historique, qui frappe à Bagdad pour Élisabeth Horem, hante tous les créateurs. La poser, c’est y répondre?

La vie et la mort (fragments)

Le livre d’Élisabeth Horem est en lui-même la réponse à la question posée au début: que faire quand on est, comme elle, une écrivaine, confinée dans une maison en périphérie d’une ville en état de siège et confrontée chaque jour à la violence et à la mort? Écrire bien sûr, tenter de mettre un peu de l’ordre de l’art dans le grand désordre de la vie. Cette tentative révèle la confiance de l’artiste dans le pouvoir de l’écriture. Mais elle ne choisit pas la fiction, qui lui semblerait trahir, par l’illusion qu’elle véhicule, la gravité du sujet. Elle choisit le témoignage, les «choses vues» par une femme sans nom qu’elle nomme «elle», et fragmente son récit comme la seule manière de présenter une réalité elle aussi fragmentaire, éclatée, à l’image des shrapnels, ces redoutables et mortels éclats. C’est aussi ce qui fait la force de ce livre.
Les mots-clés sont ici emprisonnement, danger, malaise. Coupée de toute information extérieure, réduite à ses propres ressources, la narratrice s’en tient à l’observation en quelque sorte «orpheline» de faits quotidiens et souvent inexplicables. Bagdad demeure ainsi pour elle l’Autre, inéluctablement. Et c’est aussi pour lutter contre l’insidieux désespoir issu de la monotonie des jours, avec leur lot de morts violentes qui finissent par se banaliser, qu’elle écrit et qu’elle photographie. Le dernier mot est laissé au jardinier, il ouvre un avenir, celui des plantes, sinon celui des hommes: «Parce que, voyez-vous, les gens disparaissent, mais les plantes, elles, pendant ce temps-là, elles continuent à pousser et on aura toujours besoin de quelqu’un pour s’en occuper.»

CATHERINE DUBUIS, Domaine public


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Un rare roman-témoignage sur la vie d’une Occidentale à Bagdad

Shrapnels, En marge de Bagdad est un rare roman-témoignage écrit par une Occidentale pour décrire la vie quotidienne d’une femme dans le Bagdad de l’après-Saddam Hussein, qui perçoit la violence à travers le bruit des explosions et les récits de son entourage.
La romancière suisse Élisabeth Horem raconte une année passée à observer ce pays, dans un quasi-enfermement où elle n’a de la capitale irakienne que des vues fugitives à travers les vitres teintées d’une voiture blindée.
Shrapnels décrit ainsi la fameuse route conduisant à l’aéroport de Bagdad comme une route qui «a mauvaise réputation».
L’auteur laisse transparaître dans son ouvrage, qui va être prochainement réédité en Suisse, la tension prégnante et la peur que suscitent les explosions, les attaques des insurgés et la lutte des forces de sécurité irakiennes. «Barrages de contrôle, murailles de sacs de sable, blocs de béton en chicane qui vous mènent face à l’œil rond d’un canon de char», raconte Élisabeth Horem.
Épouse d’un diplomate, la romancière, qui vit entourée de jour comme de nuit par des gardes de sécurité, tente de découvrir la ville de quelque 6 millions d’habitants en de rares escapades, qui sont autant d’exploits que de moments de plaisir.
Le livre témoigne de petits faits quotidiens au travers du passage des saisons, avec le jardinier qui apprend à son fils à travailler les plantes et les fleurs. Mais aussi les rares soirées consacrées à déguster un mezgouf (poisson grillé à l’irakienne) entre amis ou à se retrouver pour déclamer des poèmes arabes ou assister à quelques rares concerts.
Mais, comme un shrapnel, la violence endémique éclate à chaque page du livre, qui décrit le cortège d’explosions, de morts et d’enlèvements de jeunes Irakiens, pour extorquer à leurs parents le paiement d’une rançon de quelques milliers de dollars.

PATRICK KAMENKA, Agence AFP


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Vivre à Bagdad
Romancière romande, férue de pays orientaux, Élisabeth Horem a vécu près de trois ans à Bagdad au milieu d’un peuple déchiré par la guerre civile.

— En presque trois ans en Irak, avez-vous constaté une normalisation de la situation, comme l’affirment les Américains, ou une dégradation?
Une nette dégradation, qui n’a fait que s’accentuer. En même temps, j’en garde un souvenir poignant.

— Risque-t-on vraiment sa vie à tous les coins de rue, en allant travailler ou faire ses courses?
Oui, on risque sa vie à Bagdad, quotidiennement. Je parle des Irakiens qui n’ont pas, comme nous, le privilège d’être protégé et de se déplacer en voiture blindée. La peur de voir leurs enfants enlevés était leur principale crainte. Ils ne les laissaient jamais sortir seuls et limitaient les sorties au strict minimum.

— Et les jeunes, comment supportent-ils ce cauchemar?
Ils restent confinés à la maison, surtout les filles, et doivent souvent se contenter du téléphone pour rester en contact avec leurs copains. Les jeunes adultes sortent davantage, mais c’est à chaque fois risquer d’être enlevé ou assassiné. Certains de nos amis avaient reçu des menaces et devaient brouiller les pistes, balles perdues ou non – ils ne peuvent que s’en remettre à Dieu.

— Le voyage est-il un ingrédient important de votre vie?
C’est certain. À vingt ans, le choix d’aller faire des études d’arabe en Syrie n’avait d’autre motif que de donner une chance au voyage. Plus tard, la nécessité de concilier mes vieux rêves de bourlingue avec la famille m’a fait choisir une vie d’expatriée où le voyage garde une place privilégiée.

— Vous avez habité Moscou, Le Caire, Prague, Bagdad, et à présent Tripoli en Libye. À l’aune de ces expériences, quel regard portez-vous sur la Suisse?
— La Suisse est le pays où je reviens régulièrement pour voir la famille, faire des achats, aller chez le dentiste! J’ai plaisir à retrouver le marché de Berne, la verdure, un certain confort qui me repose des trottoirs défoncés.

— Mais l’appel du lointain vous rattrape…
Après un certain temps, je ne vois plus le confort et me remémore avec attendrissement certaines rues moches et poussiéreuses, le vent chaud, mes habitudes d’ailleurs, la gentillesse des gens «là-bas». Et je suis contente de rentrer «chez moi», à Bagdad, à Tripoli… Pour moi «ici» et «là-bas» se complètent et doivent alterner dans ma vie.

JACQUES-OLIVIER PIDOUX, TCS Magazine


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Bagdad, à peine sortie de la guerre...

Shrapnel: «fragment de bombe éclatée, hérissé d’arêtes et au bord très coupant»

Que peut-on connaître d’une ville à peine sortie de la guerre (Bagdad) dont on est condamné à rester en marge pour des raisons de sécurité?

Ses bruits. La plupart du temps inquiétants, comme des déflagrations.
Ses pannes d’électricité.
Ses chats faméliques.
Les gardes du corps chargés de votre sécurité.
Des «scènes de rue» derrière les vitres épaisses d’une voiture blindée.
D’autres gens vivant aussi sous protection rapprochée dans des quartiers résidentiels et qu’on cesse bientôt de voir par souci de sécurité.
Le récit d’attentats qui s’y multiplient contre des commissariats, des mosquées, des hôtels, des marchés.
Tous les repères depuis lesquels on peut faire une cible parfaite.

Qu’y apprend-on?

À apprécier la compagnie d’un lézard.
Qu’on peut renoncer de son propre chef à envoyer ses enfants à l’école de peur qu’ils ne se fassent kidnapper ou massacrer, ce qui, la violence s’intensifiant, revient bientôt au même.
Qu’une explosion peut faire vieillir prématurément une maison.
Que la guerre a une odeur excitante et que la «jubilation barbare d’être vivant» ne concerne pas seulement le combattant.
Que le plaisir de l’excursion ou même de la simple marche en ville peuvent devenir des plaisirs rares.
Que l’arme sert indistinctement à tuer ou à célébrer une victoire.
Qu’on peut en arriver à confondre le tonnerre avec le bruit d’une détonation.
Que celui qui peut faire abstraction de la réalité en s’abandonnant au plaisir de la lecture ou de la musique est chanceux.
Que Chiites et Sunnites peuvent s’entendre, comme par exemple pour l’appellation d’un pont «qui sépare les Croyants des Incroyants»
Qu’en remerciement d’un bon dîner, on peut offrir des sacs pour cadavre.
Que «les vieux codes d’honneur arabes n’ont plus cours», puisqu’on peut tuer par plaisir.
Que la question: comment peut-on en arriver à tuer son semblable? peut devenir une question lancinante et perdre tout intérêt face à cette autre: comment se comporte-t-on dans ses derniers moments, avant d’être criblé de balles ou décapité?
Que, quoi qu’il advienne, on aura toujours besoin de jardiniers.

VALÉRIE LOBSIGER, Site auxartsetc. La plate-forme culturelle pour Zurich et sa région


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Elisabeth Horem: Snapshots of Iraq

Accounts of life inside Iraq from a non-military, non-journalistic perspective are rare these days; all the more reason then to take note of Elisabeth Horem’s Shrapnels. En marge de Bagdad (Orbe: Campiche, 2005). [1] The Franco-Swiss writer (born 1955), who herself for many years worked for the Red Cross, lived with her diplomat husband in Baghdad between 2003 and 2006 and provides here an account of her experiences during the first year of her stay in a country at war both with itself and its occupiers/liberators.
Horem, who has lived in several European and Middle Eastern countries, continues the long tradition of Swiss travellers such as Blaise Cendrars (1887-1961), Ella Maillart (1903-1997), Nicolas Bouvier (1929-1998), and Laurence Deonna (born 1937), but her situation provides a striking contrast with the wide-open spaces and freedom evoked by such writers. Written in the third person in a series of short chapters, some of a few pages, some barely half a page in length, Horem’s account gives us a series of flashes or impressions of the country in which she is living but with which she necessarily has very little contact.
Une ville [...] qu’elle ne connaîtra pas vraiment, elle le sait dès le début, parce qu’elle ne pourra sortir que très peu, jamais seule et jamais librement, condamnée à rester pour toujours en marge de cette ville. p. 13.
Whereas travel literature habitually evokes notions of discovery, openness, movement, meetings and communication, the prevailing feeling here is of imprisonment, claustrophobia and lack of freedom. As she knew would be the case, the writer gets mere glimpses of Iraq from her protected compound or through the windows of her armoured car (‘des vitres qu’on ne baisse jamais et qui ont presque cinq centimètres d’épaisseur’, p. 20) and the only Iraqis she ever meets (apart from those who frequent ‘international’ social circles) are her bodyguards, gardeners and domestic workers.
Relations between travellers and inhabitants of a country are often a little unnatural, a combination of interest and self-interest, and here of course the contrast between the writer and her Iraqi acquaintances is stark: although her husband has not chosen to be there, she has chosen to join him and during her time in Iraq will benefit from high levels of protection not available to ordinary Iraqis. During the posting it will of course be possible to escape to neighbouring countries for a holiday (p. 107), something many Iraqis can only dream of, and at the end of their stay she and her husband will leave Iraq and its ongoing problems behind. The restrictions under which Horem lives also make this an untypical piece of travel writing since casual conversation with a person on a bus, information gleaned at the market, slightly risky but not life-threatening adventures are impossible. Here every trip out from her protected bubble is potentially dangerous and has to be carefully planned, even a shopping trip becomes a military operation, for, given the danger, she comments on one occasion that ‘ils n’entreront que dans cette boutique-là. Il faudra bien qu’ils y trouvent ce qu’ils cherchent’ (p. 152). Thinking about the journey to Persia undertaken by Ella Maillart and Annemarie Schwarzenbach (1908-42) in the late 1930s, Horem even begins to wonder if ‘real’ travelling is still actually possible in the twenty-first century:
[...] peut-on encore voyager dans cette époque enlaidie? Elle est en Irak mais elle n’en voit rien, n’en verra rien ou peu s’en faut. Une expérience, certes, mais le Voyage, dans tout cela? p. 70.
Horem gives us a good sense of how it feels to live in fear and under restrictions, showing great sensitivity about the difficult lives of the Iraqis she encounters or hears about (p. 90 for example, where she expresses concern about having made her driver late home). Her comments remain however restrained, there is no political standpoint and no sentimentalisation; she is a fine observer of what she sees around her and in spite of the limitations, the reader gets a good feel for the prevailing mood and the worsening situation. She is a particularly good observer of small details, aspects of daily life which one fails to notice but which become evident when they disappear; thus she remarks on no longer needing money since she doesn’t go anywhere to spend it (p. 29), being able to walk freely (p. 34), receiving a letter (p. 38), calling such things ‘ces choses dont on se déshabitue’ (p. 131). Her role as ‘observer’ is extended to photography, another activity very common amongst travellers, but which in the case of Horem has to be restricted to the boundaries of her home (p. 48). She also provides an interesting reflection on ‘truth’ and ‘reality’, aware that her vision of Iraq is so limited that it is impossible for her to really know what is going on and whether the stories she hears are true, exaggerated or invented. Thus she has heard about kidnaps but isn’t sure if all she hears is accurate; she rehearses what to do should a grenade land in the vicinity (p. 58) but it feels like play-acting and she knows that ultimately she is isolated from real experience by her protected and comfortable lifestyle. On another occasion she is reduced to commenting that ‘elle l’a vu à la télévision’ but cannot say any more since ‘elle reste parfois deux, trois semaines ou même plus sans franchir le portail de la maison’ (p. 148). As her account progresses, we certainly get the feeling of a gradual worsening of the situation; thus as the months pass she comments that ‘personne n’invite plus personne’ (p. 125), ‘le cercle de leurs relations se restreint toujours plus’ (p. 142), ‘elle sort de moins en moins’ (p. 148).
Whilst thus being a valuable ‘témoignage’ on recent events in Iraq, Shrapnels is a lot more than a simple ‘récit de voyage’, for it transcends both travel literature and politics and possesses genuine literary value. Horem’s sensitive picture of the sufferings of the Iraqi people does not require a political stance in order to be effective and her limited viewpoint in fact neatly underlines the impossibility of ever really getting ‘the full picture’ and knowing ‘the truth’. Importantly, she is not averse to questioning her own protected, comfortable life and, as many Swiss writers have done in times of wars in which Switzerland was not involved, admits that her ‘observer’ status makes her uncomfortable, confessing that her days are ‘scandaleusement tranquilles’, her experience leaving her ‘partagée entre le bonheur et la honte’ (p. 147). Life in Baghdad will test her in many ways, not least in terms of forcing her to revisit long-held views (such as on the death penalty) which she has never previously questioned. As a contribution on several levels – insight into Iraq, travel literature but also importantly literature – this account thus has a lot to commend it and deserves to be more widely read.

JOY SHARNLEY, French Studies Bulletin


1. Republished in the Campoche Collection (2006). Other novels by Horem include Le Ring (1994), Congo-Océan (1996), Le Fil espagnol (1998) and Le Chant du Bosco (2002). She has also written a collection of short stories entitled Mauvaises rencontres (2006). For more details on Horem see Histoire de la littérature en Suisse romande, edited by Roger Francillon, 4 vols (Lausanne: Payot, 1999), IV, pp. 185, 443-4. For journalistic accounts see for example the websites guardian.co.uk/iraq and Lemonde.fr. In France important work on Iraq has been done by the Franco-Iraqi anthropologist Hosham Dawod (CNRS); see his many articles in Le Monde  as well as works such as La société irakienne. Communautés, pouvoirs et violences (Paris: Karthala, 2003) and Tribus et pouvoirs en terre d’Islam (Paris: Armand Colin, 2004).


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«Dans cet avion, tu penses particulièrement à une femme que tu ne connais pas, auteur d’un merveilleux livre, Shrapnels, en marge de Bagdad, dont le début se passe justement dans l’avion qui l’amène, d’Amman à Bagdad, retrouver l’homme qu’elle aime. La découverte récente de ce bijou littéraire t’a marquée, car il t’a semblé que sa vision de la ville, le temps qu’elle a pu y vivre, cloîtrée, enfermée dans sa résidence, obsédée par la sécurité (comme toute épouse d’un diplomate occidental), aurait dû être à l’inverse de la tienne, alors qu’au contraire elles te paraissent proches. Cette proximité, servie par la précision de ses mots et la puissance de son évocation, t’a troublée au point qu’en lisant son récit, tu as retrouvé la torpeur et l’excitation, parfois aussi le désespoir d’être à Bagdad. Et tu t’es même surprise à envier cette femme qui, n’ayant évolué pendant trois ans que dans sa maison, dans son jardin, et de temps à autre, mais toujours derrière les vitres du véhicule de fonction blindé de son époux, à travers le reste de la ville, réussissait à capter somptueusement l’atmosphère de plus en plus pesante de la capitale, le huis clos étouffant, mais d’une beauté dérangeante, quasi maléfique, de cette ville-bunker où se nouent et se dénouent tant de drames.»

ANNE NIVAT, Extrait de «Bagdad zone rouge», pp. 50-51, Éditions Fayard, Paris, 2008.


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The Diplomat’s Wife

A surprise ambassadorial posting for French author Elizabeth Horem's husband could have been time spend shut away in the Swiss embassy in Iraq. But the collection of short stories—'Shrapnels'—which emerged from the experience show the face of Baghdad even the most intrepid of journalists fail to captureKatia Sand, Paris Gourtsoyannis
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The French experience of the Second Gulf War has not been a particularly edifying one in terms of its public image. While the worst that was said of French efforts to prevent the conflict from come to pas—“cheese eating surrender monkeys” unworthy of having the noble fried potato named in their honour—was rejected by most right-thinking people, there was nonetheless a perception that France was keeping its cultured hands clean, enjoying an innocence and morality of absolutes that could not exist in aftermath of 11 September 2001.
Running parrallel, the image many have of the diplomatic wife, bejewelled and inert, is not a charitable one, nor is it easily reconcileable with what we imagine the harsh realities of a posting to Baghdad to be. When her husband, a Swiss diplomat, was assigned to the Iraqi capital one week before the start hostilities in 2003, French author Elisabeth Horem shattered both these stereotypes as thoroughly as American bombs ended the sluggish Mesopotamian peace of Saddam Hussein’s capital.
“We found out he was being posted to Baghdad while we were en route to Switzerland for a holiday. Our kids had both finished their Baccalaureate. He was told he had to leave in three days and we just turned around. Initially we were told there would be no problem with me accompanying him. But when the war properly broke out, they said no way. He fought to have me with him.”
Horem’s husband was issued a legal writ which forced him to guarantee that his wife wouldn’t cause any "mischief," which we was forced to sign. “I didn’t have to sign anything – I wasn’t really asked!
“Our house wasn’t in the 'zone verte', in the international zone. Thankfully. We did not want to be cut off from the Iraqis. And, of course, there is always added danger when you have to queue at a checkpoint to get into an international zone."
This put Horem in a very unusual situation: she didn't see what other diplomats saw – and they could not comprehend the situation in the way she did. In no small part, this contributed to her writing on Iraq: “We were the only foreign house in our neighbourhood. I did not have much contact with other diplomats. I was, for the most part, the only wife there, and for meetings they tolerated only useful people, not extras. Of course I sometimes saw the other diplomats, but with all the necessary added security my additional presence would require it wasn’t always possible. There was zero room for spontaneity, and yet on the other hand you always needed to be careful about divulging plans, always saying you were going a different route and leaving at a different time.
“Thanks to our guards nothing ever happened. I feel awkward when people commend me for our bravery. We weren’t brave compared to the Iraqis, like our employees, who go to work every day, who go shopping and walk through the city. That’s real bravery. We were protected.”
Horem’s narratives, contained in a collection entitled Shrapnels, are neither hard-hitting exposés of anguish and injustice, nor coffee table tales or stay-at-home studies conducted through bulletproof glass. Existing somewhere between the two, they dispassionately tell what has to the most well kept secret on the planet – the story of Iraq.
Shrapnels contains true facts taken from my diary but changed, adapted to a fictional format. There is nothing invented in there, but names have been changed, details altered. It is a writing that re-humanises something that news and journalism often have the opposite effect upon by simply listing facts and figures. It is a testament to the atmosphere that was lived, to render that atmosphere sensible. It is written about one year, and its style follows a cycle of four seasons.
"While our close protection bodyguards were South African, those guarding our house were Iraqis, who all came from different parts of the city and brought us the rumours from their streets. It is alongside these renditions that I constructed my perception of the events outside my home."
She is keen to stress the difference between her writing and that which appears in the dailys across the globe: “People always expect me to talk and write in a journalistic way, to describe this situation and that person exactly, but that is not my style. I am a novelist, a fictionalist. However, writing a novel in Baghdad was impossible. I couldn’t be there and write of anything other than Baghdad. So Shrapnels is a collection of short stories, the only way I could write of Baghdad as I lived in it.
“It was such an intense situation. But my writing is not from a historian’s point of view; it’s not journalism. It is personal, subjective. I was totally isolated in my home. I couldn’t leave because of security, so I can’t speak about Badghad and the news stories. I was in the eye of the storm, a false heart in the city.”
Horem’s writing is full of contrasts, with imagery that conveys a naïve sense of fantasty combined with a wide-awake awareness of politics and tragedy. The cover picture of Shrapnels, echoes this distillation of truth through art: it bears her own photographs taken of the roof of her house. “The yellow light has not been adjusted,” she says; “you always saw the city through dust.
“I chose the name Shrapnels because shrapnel is everything that explodes, all the particles remaining afterwards – plural because it is a book of short stories, a collection of fragments. Some are as short as a few lines, the longest is a few pages. They are a collection of sensations, of noises. I was shut in, but you could always hear the noises of the war.”
Not everyone has met the book with critical aclaim. She explains: “some have accused the book of being cold and distant. It is written in the third person: her/him. It does not contain many descriptions of personal circumstance or individual character, nothing to refer to my husband’s diplomatic status. It allowed me to maintain a distance, to avoid adopting that pathetic tone often found in such narratives.”
It seems an unnecessary defence of her and her work for Horem to make, given that she never approaches an expression of her experiences in such "pathetic" terms. She is at all times wholly candid, even effusive; but nothing is sugar coated.
“One day we went driving and were shot at. It was the first time someone in our party was killed. A man got into a taxi, and, revealing his belt of explosives, said he wanted to go to the best place to kill the most people. The taxi driver asked him to get out, and the suicide bomber got out of the car, morose. He had been in other taxis, had chosen that one taxi above the others because that driver was deemed worthy of sharing his fate and dignity as a martyr.”
If her stories don’t manage to break the silence of Iraq, where soldiers’ diaries and journalists’ ramblings have dominated, Elisabeth Horem will have nonetheless rehabilitated the French engagement with Iraq, as well as that of the diplomat’s wife.

KATIA SAND, PARIS GOURTSOYANNIS, The Journal Issue


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Photographies d’Elisabeth Horem