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Une
année d’existence à Bagdad. Une année d’observation, de vie malgré
tout, malgré la violence, malgré la peur. Une vie faite de choses
minuscules, d’espoirs, de découragements et des saisons qui passent…
Elisabeth Horem n’a pas écrit un reportage. Il ne s’agit pas non plus
d’un journal, mais de la transcription de ce qu’elle a vu et entendu,
de ce qu’elle a pu ressentir.
Shrapnels
est avant tout le texte d’un écrivain qui poursuit son travail, en
dépit de son enfermement volontaire, un texte qui sait aussi, parfois,
nous faire sourire.
Shrapnels constitue, à n’en pas
douter, un document littéraire rare, tant la situation irréelle de
cette ville, Bagdad, nous est rendue avec une finesse et une qualité
d’observation peu ordinaires.
Drôle de vie quotidienne à Bagdad
La
romancière suisse Elisabeth Horem a rejoint son mari diplomate en poste
à Bagdad. Avec une douceur implacable, elle décrit dans Shrapnels l'existence quasi cloîtrée qu'elle y mène depuis une année, sous la menace quotidienne des attentats.
Le désir de mettre de l'ordre dans un monde chaotique, c'était une des
raisons avancées voilà dix ans par Elisabeth Horem pour expliquer son
besoin vital d'écrire. La romancière du Ring,
premier roman couronné par trois prix, avait déjà une certaine
expérience des désordres du monde: diplômée d'arabe littéral, elle
avait séjourné en Syrie avant de travailler à Gaza et Jérusalem comme
déléguée du CICR, puis de suivre son mari diplomate à Moscou et au
Caire. Après Le Fil espagnol et Le Chant du bosco, deux
romans où elle décrivait un pays imaginaire en proie à la dictature et
à l'arbitraire, l'écrivain livre aujourd'hui «quelques impressions de
la vie un peu étrange» qu'elle mène à Bagdad. Ce n'est ni un
reportage ni un journal. Rejoignant son mari arrivé cinq mois plus tôt,
au lendemain de la guerre, elle sait d'avance qu'elle vivra dans cette
ville sans la connaître puisqu'elle sort très peu, jamais seule et
jamais librement. A sa manière nette, concentrée, suggestive, non sans
humour, Elisabeth Horem consigne des choses vues et entendues durant un
an, comme autant d'éclats d'une réalité quotidienne presque irréelle.
Sans jamais hausser le ton ni tomber dans le pathos, ces 114 tableaux
familiers font partager au lecteur des moments de découvertes, de
plaisirs, d'espoirs, de découragement, de peur, de révolte ou, pire,
d'acquiescement à la violence si détestée.
Au début de ce récit à la troisième personne, la narratrice prend
l'habitude de nager chaque matin dans sa piscine, avec obstination,
pour compenser l'absence de tout autre exercice physique. Elle pourrait
se croire seule si elle ne savait pas qu'un des gardes est sur le toit
pour surveiller les terrasses avoisinantes. Ces CPO (Close Protection
Officers), elle les a vus découper et coller des feuilles en plastique
transparent sur chaque carreau des fenêtres de la maison, pour éviter
les blessures par éclats de verre en cas d'attentat. Ils lui
apprendront plus tard à repérer la chute d'une grenade, à s'éloigner de
quatre grands pas et à se jeter à terre dans l'axe de la grenade,
coudes au corps, en se bouchant les oreilles et en ouvrant la bouche.
Elle occupe ses journées à lire, à écrire, à tirer le portrait de son
entourage, gardes compris, et à travailler dans son laboratoire photo.
Avant que les attentats et les enlèvements ne deviennent monnaie
courante, elle et son mari sortent parfois pour se rendre à une
invitation, à la nuit tombante, dans leur voiture blindée et
climatisée, toujours accompagnés de leurs gardes armés. Ils vont aussi
manger du poisson grillé chez un peintre-galeriste qui s'improvise
restaurateur une fois par semaine, assister à une soirée poétique (où
elle est la seule femme), acheter un bouquet de roses, un yucca, un
kilim ou des éclairs au chocolat, et c'est chaque fois une aventure.
Ils font également une excursion à Babylone, dans une zone militaire
sous commandement polonais, et un voyage en Syrie au retour duquel ils
apprennent que deux de leurs compatriotes, en panne au bord de la
route, ont été abattus à bout portant d'une voiture.
Le cercle de leurs relations se rétrécit, car ceux qui le peuvent
quittent le pays. La violence gagne, aveugle ou ciblée: on tire sur les
paraboles des satellites et sur les magasins de disques, on tue les
médecins, les intellectuels, les artistes, les ingénieurs, les
barbiers. Et quand Farida la cuisinière se réjouit de ce que la peine
de mort soit rétablie pour punir ces «sauvages», elle ne proteste plus.
Mais elle écoute aussi le jardinier lui dire que si les gens
disparaissent, les plantes continuent à pousser, et qu'on aura toujours
besoin de quelqu'un pour s'en occuper.
ISABELLE MARTIN, Le Temps
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Une romancière à Bagdad
«Elle n'a entendu personne reprocher la guerre aux Américains. Bien au
contraire. Non, ce que les gens leur reprochent c'est d'avoir fait tant
d'erreurs après la guerre et d'avoir (...) gâché l'espoir qu'elle avait
fait naître.» Dans la mosaïque de ses notes de Bagdad, Elisabeth Horem
s'autorise cette seule phrase explicite sur la politique. Et pourtant
de ce collage apparemment né du hasard des jours surgissent des motifs
qui en disent long. Absurdité du conflit entre « autorités » et
«terroristes», mort aveugle, terreur qui s'insinue partout, mais aussi
vie qui continue tant bien que mal dans un pays ravagé. Thème, surtout,
de l'enfermement, saisissants instantanés de son quotidien d'épouse (de
diplomate) recluse. Une année en marge, derrière les sacs de sable
empilés devant sa maison; au jardin, havre vulnérable; derrière les
vitres de la voiture blindée qui mettent le monde à distance. Et entre
les gardes du corps omniprésents, qui encadrent chaque mouvement lors
des rares escapades à pied …
Remarquée dès son premier roman, Le Ring,
Elisabeth Horem a passé un an dans le Bagdad de cette guerre larvée
mais totale qui a succédé à celle contre Saddam Hussein. Elle en
rapporte non un reportage mais un texte littéraire à la musique
subtile, humainement très attachante, qui ouvre à la réflexion non les
avenues de la certitude mais les sentiers accidentés de l'interrogation
et du doute féconds.
JACQUES POGET, 24 Heures
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Bagdad au jour le jour
La romancière Elisabeth Horem livre les chroniques aériennes d’une vie de femme de diplomate dans un pays en guerre
Elisabeth
Horem est l’épouse du chef du bureau de liaison suisse à Bagdad, mais,
dans son dernier livre, on ne saura rien de cette femme, simplement
désignée par «elle», sinon qu’elle est Européenne, qu’elle vit en Irak
et qu’elle partage la vie d’un «officiel» en poste là-bas. Elle passe
ses journées cloîtrée dans sa villa, consignes de sécurité obligent,
entourée de gardes du corps qui surveillent la rue en permanence. Pour
tuer le temps, elle réalise des portraits photographiques minutieux de
ces hommes, établissant ainsi un contact privilégié, et inattendu, avec
eux. Quelques sorties en ville sous haute sécurité, quelques rencontres
d’intellectuels ou artiste irakiens illuminent le récit. Car la
situation particulière dans laquelle «elle» se trouve n’empêche pas les
échanges: elle parle l’arabe, et l’on devine qu’elle a déjà vécu dans
la région.
En quelques romans, dont Le Ring, qui avait obtenu le Prix Georges-Nicole et le Prix Dentan, et Le Chant du bosco,
magnifique et tragique roman qui se déroulait dans un pays totalitaire,
Elisabeth Horem a construit patiemment une œuvre originale, à
l’écriture très maîtrisée. Situant ses textes dans des pays du Sud
qu’elle ne nomme pas, l’auteure laisse entrevoir ce que peut être la
vie dans un pays difficile. Elle livre aujourd’hui un recueil de
chroniques, textes courts, intelligents et pudiques, inspirés de sa
propre vie à Bagdad. Chaque texte trouve son point de départ dans un
détail de la vie quotidienne, en apparence anodin, pourtant chargé de
sens. Pas de théorie politique ici, ni de grands discours didactiques,
mais quelques anecdotes tranchantes. Tel ce vénérable cheikh en costume
traditionnel, traité sans ménagement par un jeune soldat américain qui
ignore que, chef d’une tribu importante, il peut lever dix mille hommes
en un jour. Moments d’émotion aussi, lorsque le jardinier enseigne
à ses fils comment tailler les arbres, parce que, explique-t-il, dans
ce pays les gens disparaissent, «mais les plantes, elles, pendant ce
temps-là, elles continuent à pousser». Absurdité de la guerre, de cet
enfermement forcé, entre les lignes la peur affleure, pas tant la leur,
à «elle» et «lui», mais celle des autres, ceux qu’«elle» écoute, et
dont les vies sont saccagées. Dans ces chroniques aériennes, l’auteure
fait preuve à nouveau d’un grand talent littéraire, notamment dans sa
façon de tenir chacun de ces petits textes en suspens, laissant au
lecteur le soin d’en imaginer une conclusion possible.
SYLVIE TANETTE, L'Hebdo
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Relire l’Irak
…La littérature elle-même s’y met. Tel le livre d’Elisabeth Horem, Shrapnels.
Ce n’est pas un reportage, c’est un récit d’écrivain. L’épouse d’un
diplomate suisse raconte un an de séjour à Bagdad. Au ras des réalités
et des émotions quotidiennes : sans digressions, sans prétentions
de tout savoir, sans jeu d’hypothèses. Recluse dans sa maison gardée,
promenée dans sa voiture blindée. Elle monte sur le toit, sous le
regard inquiet des vigiles, et regarde le ciel, la ville, les couleurs.
Elle écoute, d’abord avec effroi, puis avec un détachement qui
l’interroge, les explosions incessantes, lointaines, parfois toutes
proches. Elle parle à Farida qui fait le ménage et raconte les peurs de
la ville. Elle entend les horreurs, les rumeurs. Lorsqu’elle sort,
c’est le plus souvent vers ce quartier barricadé où les étrangers se
donnent l’illusion d’une vie normale. Là où un courageux violoncelliste
irakien organise un concert et reçoit aussitôt après une lettre le
menaçant de mort…
Fanatisme, cruauté, humiliation, bêtise. Mais ces mots n’apparaissent
jamais. Tout est suggéré. Peut-être qu’à force de qualifier les
événements, on en atténue les aspérités. L’espoir? Il y en a aussi des
traces dans ce livre noir. Dans la description pudique de tous ceux qui
s’efforcent de vivre sans panique et avec dignité. Tel ce jardinier qui
apprend le métier à ses enfants parce que «les plantes, pendant ce
temps-là, elles continuent à pousser…».
JACQUES PILET, L'Hebdo
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«Shrapnel:
obus rempli de balles qu’il projette en éclatant. Après cinq mois de
séparation, elle rejoint son mari diplomate à Bagdad. Elle sait qu’elle
ne pourra jamais sortir seule et jamais librement. Des gardes protègent
en permanence le bâtiment, un couple s’occupe du ménage, le jardinier
veut que le jardin soit le plus beau de Bagdad. Bande-son: bruit de
tirs de mortier, des explosions et du générateur. Elle regarde la ville
à travers les vitres de la voiture blindée. Malgré une situation
difficile, des moments d’humour ponctuent les petits chapitres de ce
récit pudique, combien attachant et personnel.»
SYLVIANE FRIEDERICH, La Librairie, Morges, 24 Heures
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Elisabeth Horem, une étrangère à Bagdad
Que faire à Bagdad lorsqu’on y vit avec un mari diplomate? Tester des
recettes de cuisine? Tricoter? Écrire un livre? Elisabeth a choisi la
dernière alternative puisque c’est son métier. Mais Shrapnels. En marge de Bagdad n’a rien à voir avec les récits, chroniques et essais qu’on a pu lire jusqu’à ce jour sur cette sale guerre.
Elisabeth Horem ne peut pas sortir et voit la ville à travers grillages
et vitres teintées. Son univers, c’est quelques mètres carrés de
pelouse, une terrasse, une piscine, des sons, des couleurs, des odeurs
et des mots échangés avec une poignée de personnes de confiance. En 114
courts chapitres, elle décrit ce quotidien de prisonnière consentante
qui lit, écrit et photographie. «Comme une petite fille sage qui
s’occupe toute seule un jour de pluie avec de la colle et des ciseaux,
elle en fait un tableau où l’on pourrait lire un pan de sa vie. Elle
assemble des éclats d’histoires, des débris de lieux, des personnages
incomplets, réunis autant par le hasard que par son intention», écrit
Elisabeth Horem en parlant d’elle à la troisième personne comme s’il
s’agissait d’une nouvelle couche de protection.
Bagdad. Une année durant laquelle les éclats de rire sont devenus plus
surprenants que les éclats d’obus. Une année où elle a pris de
nouvelles habitudes et en a perdu d’autres, comme décrocher un combiné
de téléphone (il ne marche pas) ou porter un sac à main (il n’y a rien
à acheter et les agents de sécurité ouvrent toutes les portes). C’est
la guerre, Elisabeth Horem voit l’absurdité de la situation, apprend à
fuir du bon côté devant une grenade, continue à nager tranquillement
malgré le mouvement des blindés et vit le plus normalement possible.
La force et l’intérêt du récit tiennent en partie à son ton détaché, à
une certaine pudeur et à sa qualité d’observation. Un livre à part,
fait de petites touches drôles ou émouvantes mais toujours justes alors
que le piège de la superficialité était grand.
MAGALIE GOUMAZ, La Liberté
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La guerre, le soleil, la vie
Parce qu’il témoigne de l’intérieur, parce qu’il reste avant tout
l’œuvre d’un écrivain, parce qu’il ne cherche ni à expliquer ni à
émouvoir, Shrapnels est un livre précieux. Il retrace une année à
Bagdad, où Elisabeth Horem a suivi son mari, ambassadeur. Pas de
spectaculaire ici, ni de pathos, juste cet étrange sentiment :
celui d’être à la fois au cœur de la guerre, de la vivre de
l’intérieur, tout en restant «en marge de Bagdad» – comme l’indique le
sous-titre – en raison des protections et de l’isolement.
Nulle froideur non plus, malgré la distance établie en optant pour le
«elle» plutôt que le «je». Il en ressort une suite d’impressions, avec
un souci constant d’honnêteté et de justesse. La narratrice en reste
aux faits, à ce qu’elle a vu ou entendu et son texte n’en devient que
plus fort, effrayant sans jamais chercher à l’être. Elle entend des
explosions, des fusillades. On parle d’enlèvements. On croise des
militaires, des gardes du corps. Par allusions, on sent le pays
s’enfoncer dans la terreur, dans l’horreur.
Elisabeth Horem n’occulte pas non plus les signes indiquant que la vie,
malgré tout, se fraie toujours un chemin. C’est un thé bu au bord de la
piscine, des photos prises depuis le toit de la maison, un chat blessé
que les gardes s’efforcent de maintenir en vie. Des petits riens qui
prennent ici un sens particulier: «Un envol de colombes tournoie, elle
voit leurs ombres voltiger sur le mur.»
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
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Shrapnels – En marge de Bagdad
n’est ni une fiction ni un reportage. C’est le récit impressionniste,
sans commentaires ni analyse, d’une femme occidentale dans un Bagdad en
proie à la violence, à l’anarchie et à la misère. Ces 114 tableaux
décrivent un quotidien que les impératifs de sécurité rendent absurde
car, une fois passées les grilles de la villa de fonction, tout peut
arriver, surtout le pire. Et même entre les murs de la maison, au bord
de la piscine ou sur le toit, une balle perdue ou un obus de mortier
égaré peut frapper à tout moment. Ces petits chapitres à la troisième
personne, à la fois simples et raffinés, offrent un type d’information
complémentaire au journalisme de reportage. C’est un voyage à
l’intérieur d’une vie «marginale» dans une ville en état d’alerte
permanent. Le contraste entre la douceur du style et la folie du sujet
ne rend ce témoignage que plus fort. Petits faits quotidiens et échos
d’attentats meurtriers se succèdent à la manière d’une symphonie où les
violons font soudain place aux éclats des cuivres et des timbales.
PHILIPPE CLOT, L'Illustré
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Les mots pour dire Bagdad
Épouse
du représentant Suisse en Irak, la romancière Elisabeth Horem a tiré de
sa vie quotidienne sur les berges du Tigre son dernier
ouvrage, «Shrapnels».
À Genève où
elle s’est arrêtée pour le salon du livre, elle continue de parler de
«lui» à la troisième personne. Comme dans son livre. Comme si la vie
quotidienne là bas, à Bagdad, n’était pas tout à fait réelle. Comme si,
en Irak où elle a débarqué quelques mois après la fin officielle de la
guerre, à l’automne 2003, l’écrivain avait, pour la première fois au
fil des affections conjugales, pris le pas sur la femme de diplomate,
sur l’épouse chargée des mondanités. «Pas d’invités pour cause
d’insécurité. Mes enfants occupés à leurs études loin de Bagdad. Un
univers quotidien confiné aux murs de notre résidence et aux abords de
la piscine gardés par des hommes en armes. J’avais l’impression de me
réveiller dans une fiction». Elisabeth Horem est donc passée à l’acte.
La romancière fétiche de l’éditeur Bernard Campiche, lauréate en 1994
du prix Georges-Nicole, a choisi de transformer son journal en
«Shrapnels», une année d’éclats littéraires pour dire la vie qui reste
alors que les éclats d’obus rythment le quotidien.
La vie? «Oui. Pas seulement celle des hommes, mais celle de la ville
que je percevais chaque jour derrière mes murs. Bagdad, c’est pour moi
d’abord des lumières, des impressions. Lorsque j’y suis, je vis dans
deux mondes : le monde ouvert sur l’exterieur de Martin et du bureau de
liaison, et celui clos de notre résidence. Or bizarrement, le second
est parfois plus proche de la réalité. La peur ou l’espoir se lisent
parfois mieux sur le visage de nos employés irakiens que dans les
articles de presse».
Le voici donc nommé: le «il» du livre, la victime collatérale de
«Shrapnels». Martin Aeschbacher est depuis mai 2003 le représentant de
la Suisse en Irak. Elisabeth est son épouse. Les deux ont la
cinquantaine. Ils font équipe depuis plus de vingt ans. La guerre n’a
pas infléchi leur décision de partir en Irak, prise un week-end de
septembre 2002 alors que l’ONU recherchait toujours les fameuses armes
de destruction massive. Elle dit juste : «Le laisser partir seul était
hors de question».
Puis il a fallu s’accommoder. De cette vie filtrée par les murs, de ses
absences, de ces fichus interdits – pas de sortie individuelle, pas de
courses au marché, pas de repos dans le jardin lorsque les obus
sifflent, même éloignés – qu’elle n’a toutefois jamais songé violer.
«Le faire serait complètement irresponsable lâche-t-elle. Trop de gens,
de Berne jusqu’à Bagdad, se donnent un mal de chien pour assurer notre
sécurité. Il faut être sérieux». D’autant qu’il a fallu se battre pour
rester. «Tous les ambassadeurs ou presque sont en Irak sans leurs
familles. Je suis l’exception. Comme telle, je n’ai pas droit à
l’erreur». Bagdad n’est pas Paris, où Martin était précédemment
conseiller culturel. Ni le Caire, ni Moscou, ni Prague où il a officié…
On la regarde droit dans les yeux. La violence de Bagdad n’y a pas
installé son voile de peur. Sa simplicité née peut-être, de cette
banlieue parisienne «nulle» ou elle a grandi, n’a pas été altérée. On
l’imagine, mèche de cheveux frondeuse, en activiste, en humanitaire.
Gagné. Ex-déléguée du Comité International de la Croix Rouge en
Palestine, Elisabeth Horem parle arabe. «Lui» aussi. Un collègue
diplomate la décrit ainsi : «Elle se sent investie d’une mission en
Irak. Du genre: notre devoir est aussi de montrer aux Irakiens qu’ils
vivent dans un pays normal, avec des ambassades normales». Avec,
soigneusement caché mais très vite repérable, ce goût de la résistance.
La résidence, sur les berges du Tigre, comme son bureau, dans le
quartier commerçant voisin de Kerrada, sont des lieux où l’on parle.
«Ils m’ont reçu une fois. Et ils m’ont écouté raconte le représentant
Irakien d’une firme suisse. Le lendemain, j’allais chez les Américains
qui, eux, se sont contentés de remplir les formulaires dont j’avais
besoin». La romancière sait aussi regarder: «Je me souviens des files
d’attente, le jour des élections, le 31 janvier dernier. Tout le monde
parlait de ce scrutin avec condescendance. Pourtant, voir les Irakiens
sortir de chez eux pour aller voter malgre le danger, ça donnait des
frissons».
Comment ne pas, pourtant, avoir le moral cassé par les bombes, le
chaos, la violence? «Il y a des jours où Bagdad pèse lourd
reconnaît-elle ». Comme ce jour où «il» avait promis de l’emmener dans
le quartier des photographes. «Je me faisais une joie de gosse» raconte
cette passionnée des mots et des images. Puis il a rappelé pour
annuler. Trop dangereux. Consignes de sécurité. Elisabeth a plié, la
mort dans l’âme. La carapace de romancière ne protège pas contre ce
genre «d’éclats».
RICHARD WERLI, Le Temps
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Zone protégée
De Bagdad, où elle est allée rejoindre son compagnon, elle ne voit
rien, isolée du monde par l’air conditionné de sa limousine blindée,
protégée par des gardes du corps armés de kalachnikov. Elle ne voit
rien sinon des barrages de contrôle, des sacs de sable, des blocs de
béton en chicane, et le soir, à la télévision, les attentats et les
morts. De sa piscine, elle entend des explosions, des tirs de mortier,
des coups de feu, parfois très proches. Partagée entre le bonheur et la
honte, elle observe ces «jours sanglants et pourtant scandaleusement
tranquilles», alors qu’Aram et Farida, qui s’occupent du ménage et de
la cuisine, se plaignent du bruit des hélicoptères, de l’absence
d’électricité, de la chaleur, des moustiques, et reprochent aux
Américains non pas la guerre, mais d’avoir fait tant d’erreurs. Un beau
récit tout en finesse écrit à la troisième personne du singulier..
MONIQUE BALMER, Femina
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Ni
journal ni reportage, le cinquième livre d’Elisabeth Horem publié chez
l’'éditeur urbigène Bernard Campiche peut être qualifié de témoignage.
Rédigée par un auteur qui a déjà passé une année de sa vie à Bagdad,
après la fin «officielle» des hostilités, cette chronique relate les
conditions d’existence et les impressions que ressent, dans cette ville
et dans l’Irak tourmentés, une Occidentale confrontée à l’Orient
compliqué – du moins tel que vu et ressenti par les Européens.
En marge de Bagdad: tel est le sous-titre de ce volume d'environ deux cents pages. La marge,
c'est en fait le risque assumé (ou imposé) dès la descente d’avion, de
l’'aéroport à la résidence; toute sortie hors de cette résidence – ne
seraient-ce que quelques pas ou quelques instants sur la terrasse du
logement – présente des risques lourds à assumer, en raison de tireurs
d’élite qui peuvent être postés alentour. Il est évidemment exclu de
s’aventurer à l’extérieur sans être protégé par des gardes du corps,
qu’il s'agisse de se rendre chez des amis, au spectacle, au restaurant
ou dans quelque autre lieu public. Les shrapnels, qui donnent un
titre au livre d'Elisabeth Horem, sont des obus remplis de balles,
qu’ils projettent en éclatant, ainsi nommés sans doute en hommage au
«bienfaiteur de l'humanité» qui les a inventés. Ces obus projettent les
balles à une vitesse vingt fois supérieure à celle du son, si bien que
l'on peut mourir avant même d'avoir entendu quoi que ce soit. On
associera aux shrapnels les grenades et les kalachnikovs,
ces fusils soviétiques à chargeur circulaire de plusieurs dizaines de
cartouches, des armes qui ne devraient pas être mises entre toutes le
mains, mais qui pourtant le sont, tout particulièrement entre celles d'irréguliers
imprévisibles. Bien entendu, il n’est pas question de se déplacer
autrement qu’en voiture blindée, équipée pour résister au tir des armes
à feu, la voiture étant précédée et suivie de véhicules non moins
sécurisés en hommes et en armes.
À quoi dès lors peut bien s’occuper une étrangère, Occidentale de surcroît, confite, pratiquement recluse dans sa thébaïde?
Lire et écrire – ce qui va naturellement de soi pour une femme de plume
–, s'adonner à la musique ou aussi, dans le cas d’Elisabeth Horem, à la
photographie: pas seulement tirer le portrait de ses proches, agents de
sécurité inclus, mais conduire l’opération jusqu’au développement de la
pellicule dans le laboratoire photographique; il ne s'agit pas
seulement de mettre en boîte des images que l’on exhumera plus tard,
pour les proches restés en Europe ou pour les vieux jours, mais de
conserver la trace, le témoignage tangible du temps qui aura été passé
dans un milieu par trop propice aux attentats. Aucun jugement de
valeur, aucune prise de parti dans ce «combat du Bien contre le Mal»,
où du reste on ne saurait affirmer sans hésitation de quel côté se
trouve le Bien, et pas davantage le Mal.
Elisabeth Horem, épouse d'un diplomate et bénéficiant, à ce titre,
d'une protection rapprochée, est certes arrivée à Bagdad après la fin
«officielle» des combats, mais cela ne l'a guère libérée de
l'enfermement et de la peur. À la dernière page, tout de même, une
lueur d'espoir incline à l'optimisme: le jardinier qui s'occupe de la
propriété prend ses fils avec lui: pour leur apprendre le métier,
certes, mais aussi parce qu'il pense à l'avenir : «Les gens
disparaissent, mais les plantes, elles, pendant ce temps-là, continuent
à pousser, et on aura toujours besoin de quelqu'un pour s'en occuper.»
BERNARD VIRET, Journal de Sainte-Croix
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L’Irak entre les mots des femmes
Admirable
Florence Aubenas! À peine libérée, avec son interprète Hussein, de cent
cinquante-sept jours de captivité, elle répond, apparemment enjouée, à
la presse internationale. Humour, auto-ironie, anecdotes, le récit du
calvaire des «numéros cinq et six» gomme les angoisses et les
souffrances.
Mais soudain gravité et émotion surgissent: a-t-elle été détenue avec les ex-otages roumains, comme ceux-ci le disent?
Plus de sourire, le visage se fige, la lèvre tremble. Obliquement,
Florence confirme («J’ai beaucoup de respect pour leur témoignage»)
mais n’en dira pas plus. «Ce ne sont pas des intérêts de gens assis
dans des bureaux que je protège ainsi.» Entendez: c’est la survie des
autres numéros, toujours épiés par ces gardiens d’abord normaux puis
devenus «spécialisés», c’est-à-dire méfiants et dangereux. Combien de
vies ne tiennent-elles qu’à un fil dans le jeu byzantin des chantages
et des alliances mouvantes entre les bandits et les idéologues, où les
deux à la fois, qui se livrent à l’industrie de la prise d’otages?
Avec la gravité soudaine de Florence Aubenas, c’est l’Irak quotidien
qui surgit, des dizaines de tués chaque jour, une guerre civile qui
ronge l’âme, les valeurs, le tissu social. On pense à ce livre sobre, Shrapnels,
où Élisabeth Horem, épouse d’un diplomate suisse en poste à Bagdad,
tient le journal de sa vie de captive de luxe, dans ce monde de
schizophrènes: la mort rôde en ces nouveaux jardins de la liberté et de
la démocratie, niées par les moyens mêmes mis en action pour les
défendre. Contrôles, protection rapprochée, soupçons – on perd sa vie à
la garder. Rien à voir avec les bilans officiels. Ce qu’ont vécu
Florence Aubenas, les yeux bandés dans sa cave, et Élisabeth Horem, en
semi-liberté, étroitement surveillée, n’est pas comparable, mais bien
leur éloquente finesse. Entre les mots de l’une, entre les lignes de
l’autre, c’est le drame de l’Irak d’aujourd’hui, qu’on connaît de moins
en moins, qu’on ne pourra bientôt plus raconter si les preneurs
d’otages gagnent.
JACQUES POGET, 24 Heures
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L’art, insuffisant mais nécessaire
La
lancinante question de la légitimité de l’activité artistique face à la
mort, celle, fictive, d’une proche pour Rose-Marie Pagnard, celle
historique, qui frappe à Bagdad pour Élisabeth Horem, hante tous les
créateurs. La poser, c’est y répondre?
La vie et la mort (fragments)
Le
livre d’Élisabeth Horem est en lui-même la réponse à la question posée
au début: que faire quand on est, comme elle, une écrivaine, confinée
dans une maison en périphérie d’une ville en état de siège et
confrontée chaque jour à la violence et à la mort? Écrire bien sûr,
tenter de mettre un peu de l’ordre de l’art dans le grand désordre de
la vie. Cette tentative révèle la confiance de l’artiste dans le
pouvoir de l’écriture. Mais elle ne choisit pas la fiction, qui lui
semblerait trahir, par l’illusion qu’elle véhicule, la gravité du
sujet. Elle choisit le témoignage, les «choses vues» par une femme sans
nom qu’elle nomme «elle», et fragmente son récit comme la seule manière
de présenter une réalité elle aussi fragmentaire, éclatée, à l’image
des shrapnels, ces redoutables et mortels éclats. C’est aussi ce qui
fait la force de ce livre. Les mots-clés sont ici emprisonnement,
danger, malaise. Coupée de toute information extérieure, réduite à ses
propres ressources, la narratrice s’en tient à l’observation en quelque
sorte «orpheline» de faits quotidiens et souvent inexplicables. Bagdad
demeure ainsi pour elle l’Autre, inéluctablement. Et c’est aussi pour
lutter contre l’insidieux désespoir issu de la monotonie des jours,
avec leur lot de morts violentes qui finissent par se banaliser,
qu’elle écrit et qu’elle photographie. Le dernier mot est laissé au
jardinier, il ouvre un avenir, celui des plantes, sinon celui des
hommes: «Parce que, voyez-vous, les gens disparaissent, mais les
plantes, elles, pendant ce temps-là, elles continuent à pousser et on
aura toujours besoin de quelqu’un pour s’en occuper.»
CATHERINE DUBUIS, Domaine public
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Un rare roman-témoignage sur la vie d’une Occidentale à Bagdad
Shrapnels, En marge de Bagdad
est un rare roman-témoignage écrit par une Occidentale pour décrire la
vie quotidienne d’une femme dans le Bagdad de l’après-Saddam Hussein,
qui perçoit la violence à travers le bruit des explosions et les récits
de son entourage. La romancière suisse Élisabeth Horem raconte une
année passée à observer ce pays, dans un quasi-enfermement où elle n’a
de la capitale irakienne que des vues fugitives à travers les vitres
teintées d’une voiture blindée.
Shrapnels décrit ainsi la fameuse route conduisant à l’aéroport de Bagdad comme une route qui «a mauvaise réputation».
L’auteur laisse transparaître dans son ouvrage, qui va être
prochainement réédité en Suisse, la tension prégnante et la peur que
suscitent les explosions, les attaques des insurgés et la lutte des
forces de sécurité irakiennes. «Barrages de contrôle, murailles de sacs
de sable, blocs de béton en chicane qui vous mènent face à l’œil rond
d’un canon de char», raconte Élisabeth Horem.
Épouse d’un diplomate, la romancière, qui vit entourée de jour comme de
nuit par des gardes de sécurité, tente de découvrir la ville de quelque
6 millions d’habitants en de rares escapades, qui sont autant
d’exploits que de moments de plaisir.
Le livre témoigne de petits faits quotidiens au travers du passage des
saisons, avec le jardinier qui apprend à son fils à travailler les
plantes et les fleurs. Mais aussi les rares soirées consacrées à
déguster un mezgouf (poisson grillé à l’irakienne) entre amis ou à se
retrouver pour déclamer des poèmes arabes ou assister à quelques rares
concerts.
Mais, comme un shrapnel, la violence endémique éclate à chaque page du
livre, qui décrit le cortège d’explosions, de morts et d’enlèvements de
jeunes Irakiens, pour extorquer à leurs parents le paiement d’une
rançon de quelques milliers de dollars.
PATRICK KAMENKA, Agence AFP
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Vivre à Bagdad
Romancière
romande, férue de pays orientaux, Élisabeth Horem a vécu près de trois
ans à Bagdad au milieu d’un peuple déchiré par la guerre civile.
— En presque trois ans en Irak, avez-vous constaté une normalisation de
la situation, comme l’affirment les Américains, ou une dégradation?
— Une nette dégradation, qui n’a fait que s’accentuer. En même temps, j’en garde un souvenir poignant.
— Risque-t-on vraiment sa vie à tous les coins de rue, en allant travailler ou faire ses courses?
— Oui,
on risque sa vie à Bagdad, quotidiennement. Je parle des Irakiens qui
n’ont pas, comme nous, le privilège d’être protégé et de se déplacer en
voiture blindée. La peur de voir leurs enfants enlevés était leur
principale crainte. Ils ne les laissaient jamais sortir seuls et
limitaient les sorties au strict minimum.
— Et les jeunes, comment supportent-ils ce cauchemar?
— Ils
restent confinés à la maison, surtout les filles, et doivent souvent se
contenter du téléphone pour rester en contact avec leurs copains. Les
jeunes adultes sortent davantage, mais c’est à chaque fois risquer
d’être enlevé ou assassiné. Certains de nos amis avaient reçu des
menaces et devaient brouiller les pistes, balles perdues ou non – ils
ne peuvent que s’en remettre à Dieu.
— Le voyage est-il un ingrédient important de votre vie?
— C’est
certain. À vingt ans, le choix d’aller faire des études d’arabe en
Syrie n’avait d’autre motif que de donner une chance au voyage. Plus
tard, la nécessité de concilier mes vieux rêves de bourlingue avec la
famille m’a fait choisir une vie d’expatriée où le voyage garde une
place privilégiée.
— Vous avez habité
Moscou, Le Caire, Prague, Bagdad, et à présent Tripoli en Libye. À
l’aune de ces expériences, quel regard portez-vous sur la Suisse?
—
La Suisse est le pays où je reviens régulièrement pour voir la famille,
faire des achats, aller chez le dentiste! J’ai plaisir à retrouver le
marché de Berne, la verdure, un certain confort qui me repose des
trottoirs défoncés.
— Mais l’appel du lointain vous rattrape…
— Après
un certain temps, je ne vois plus le confort et me remémore avec
attendrissement certaines rues moches et poussiéreuses, le vent chaud,
mes habitudes d’ailleurs, la gentillesse des gens «là-bas». Et je suis
contente de rentrer «chez moi», à Bagdad, à Tripoli… Pour moi «ici» et
«là-bas» se complètent et doivent alterner dans ma vie.
JACQUES-OLIVIER PIDOUX, TCS Magazine
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Bagdad, à peine sortie de la guerre...
Shrapnel: «fragment de bombe éclatée, hérissé d’arêtes et au bord très coupant»
Que
peut-on connaître d’une ville à peine sortie de la guerre (Bagdad) dont
on est condamné à rester en marge pour des raisons de sécurité?
Ses bruits. La plupart du temps inquiétants, comme des déflagrations.
Ses pannes d’électricité.
Ses chats faméliques.
Les gardes du corps chargés de votre sécurité.
Des «scènes de rue» derrière les vitres épaisses d’une voiture blindée.
D’autres gens vivant aussi sous protection rapprochée dans des
quartiers résidentiels et qu’on cesse bientôt de voir par souci de
sécurité.
Le récit d’attentats qui s’y multiplient contre des commissariats, des mosquées, des hôtels, des marchés.
Tous les repères depuis lesquels on peut faire une cible parfaite.
Qu’y apprend-on?
À apprécier la compagnie d’un lézard.
Qu’on peut renoncer de son propre chef à envoyer ses enfants à l’école
de peur qu’ils ne se fassent kidnapper ou massacrer, ce qui, la
violence s’intensifiant, revient bientôt au même.
Qu’une explosion peut faire vieillir prématurément une maison.
Que la guerre a une odeur excitante et que la «jubilation barbare d’être vivant» ne concerne pas seulement le combattant.
Que le plaisir de l’excursion ou même de la simple marche en ville peuvent devenir des plaisirs rares.
Que l’arme sert indistinctement à tuer ou à célébrer une victoire.
Qu’on peut en arriver à confondre le tonnerre avec le bruit d’une détonation.
Que celui qui peut faire abstraction de la réalité en s’abandonnant au
plaisir de la lecture ou de la musique est chanceux.
Que Chiites et Sunnites peuvent s’entendre, comme par exemple pour
l’appellation d’un pont «qui sépare les Croyants des Incroyants»
Qu’en remerciement d’un bon dîner, on peut offrir des sacs pour cadavre.
Que «les vieux codes d’honneur arabes n’ont plus cours», puisqu’on peut tuer par plaisir.
Que la question: comment peut-on en arriver à tuer son semblable? peut
devenir une question lancinante et perdre tout intérêt face à cette
autre: comment se comporte-t-on dans ses derniers moments, avant d’être
criblé de balles ou décapité?
Que, quoi qu’il advienne, on aura toujours besoin de jardiniers.
VALÉRIE LOBSIGER, Site auxartsetc. La plate-forme culturelle pour Zurich et sa région
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Elisabeth Horem: Snapshots of Iraq
Accounts of life inside Iraq from a non-military, non-journalistic
perspective are rare these days; all the more reason then to take note
of Elisabeth Horem’s Shrapnels. En marge de Bagdad (Orbe: Campiche, 2005). [1] The
Franco-Swiss writer (born 1955), who herself for many years worked for
the Red Cross, lived with her diplomat husband in Baghdad between 2003
and 2006 and provides here an account of her experiences during the
first year of her stay in a country at war both with itself and its
occupiers/liberators. Horem, who has lived in several European and
Middle Eastern countries, continues the long tradition of Swiss
travellers such as Blaise Cendrars (1887-1961), Ella Maillart
(1903-1997), Nicolas Bouvier (1929-1998), and Laurence Deonna (born
1937), but her situation provides a striking contrast with the
wide-open spaces and freedom evoked by such writers. Written in the
third person in a series of short chapters, some of a few pages, some
barely half a page in length, Horem’s account gives us a series of
flashes or impressions of the country in which she is living but with
which she necessarily has very little contact.
Une ville [...] qu’elle ne connaîtra pas vraiment, elle le sait dès le
début, parce qu’elle ne pourra sortir que très peu, jamais seule et
jamais librement, condamnée à rester pour toujours en marge de cette
ville. p. 13.
Whereas travel literature habitually evokes notions of discovery,
openness, movement, meetings and communication, the prevailing feeling
here is of imprisonment, claustrophobia and lack of freedom. As she
knew would be the case, the writer gets mere glimpses of Iraq from her
protected compound or through the windows of her armoured car (‘des
vitres qu’on ne baisse jamais et qui ont presque cinq centimètres
d’épaisseur’, p. 20) and the only Iraqis she ever meets (apart from
those who frequent ‘international’ social circles) are her bodyguards,
gardeners and domestic workers.
Relations between travellers and inhabitants of a country are often a
little unnatural, a combination of interest and self-interest, and here
of course the contrast between the writer and her Iraqi acquaintances
is stark: although her husband has not chosen to be there, she has
chosen to join him and during her time in Iraq will benefit from high
levels of protection not available to ordinary Iraqis. During the
posting it will of course be possible to escape to neighbouring
countries for a holiday (p. 107), something many Iraqis can only dream
of, and at the end of their stay she and her husband will leave Iraq
and its ongoing problems behind. The restrictions under which Horem
lives also make this an untypical piece of travel writing since casual
conversation with a person on a bus, information gleaned at the market,
slightly risky but not life-threatening adventures are impossible. Here
every trip out from her protected bubble is potentially dangerous and
has to be carefully planned, even a shopping trip becomes a military
operation, for, given the danger, she comments on one occasion that
‘ils n’entreront que dans cette boutique-là. Il faudra bien qu’ils y
trouvent ce qu’ils cherchent’ (p. 152). Thinking about the journey to
Persia undertaken by Ella Maillart and Annemarie Schwarzenbach
(1908-42) in the late 1930s, Horem even begins to wonder if ‘real’
travelling is still actually possible in the twenty-first century:
[...] peut-on encore voyager dans cette époque enlaidie? Elle est en
Irak mais elle n’en voit rien, n’en verra rien ou peu s’en faut. Une
expérience, certes, mais le Voyage, dans tout cela? p. 70.
Horem gives us a good sense of how it feels to live in fear and under
restrictions, showing great sensitivity about the difficult lives of
the Iraqis she encounters or hears about (p. 90 for example, where she
expresses concern about having made her driver late home). Her comments
remain however restrained, there is no political standpoint and no
sentimentalisation; she is a fine observer of what she sees around her
and in spite of the limitations, the reader gets a good feel for the
prevailing mood and the worsening situation. She is a particularly good
observer of small details, aspects of daily life which one fails to
notice but which become evident when they disappear; thus she remarks
on no longer needing money since she doesn’t go anywhere to spend it
(p. 29), being able to walk freely (p. 34), receiving a letter (p. 38),
calling such things ‘ces choses dont on se déshabitue’ (p. 131). Her
role as ‘observer’ is extended to photography, another activity very
common amongst travellers, but which in the case of Horem has to be
restricted to the boundaries of her home (p. 48). She also provides an
interesting reflection on ‘truth’ and ‘reality’, aware that her vision
of Iraq is so limited that it is impossible for her to really know what
is going on and whether the stories she hears are true, exaggerated or
invented. Thus she has heard about kidnaps but isn’t sure if all she
hears is accurate; she rehearses what to do should a grenade land in
the vicinity (p. 58) but it feels like play-acting and she knows that
ultimately she is isolated from real experience by her protected and
comfortable lifestyle. On another occasion she is reduced to commenting
that ‘elle l’a vu à la télévision’ but cannot say any more since ‘elle
reste parfois deux, trois semaines ou même plus sans franchir le
portail de la maison’ (p. 148). As her account progresses, we certainly
get the feeling of a gradual worsening of the situation; thus as the
months pass she comments that ‘personne n’invite plus personne’ (p.
125), ‘le cercle de leurs relations se restreint toujours plus’ (p.
142), ‘elle sort de moins en moins’ (p. 148).
Whilst thus being a valuable ‘témoignage’ on recent events in Iraq, Shrapnels is
a lot more than a simple ‘récit de voyage’, for it transcends both
travel literature and politics and possesses genuine literary value.
Horem’s sensitive picture of the sufferings of the Iraqi people does
not require a political stance in order to be effective and her limited
viewpoint in fact neatly underlines the impossibility of ever really
getting ‘the full picture’ and knowing ‘the truth’. Importantly, she is
not averse to questioning her own protected, comfortable life and, as
many Swiss writers have done in times of wars in which Switzerland was
not involved, admits that her ‘observer’ status makes her
uncomfortable, confessing that her days are ‘scandaleusement
tranquilles’, her experience leaving her ‘partagée entre le bonheur et
la honte’ (p. 147). Life in Baghdad will test her in many ways, not
least in terms of forcing her to revisit long-held views (such as on
the death penalty) which she has never previously questioned. As a
contribution on several levels – insight into Iraq, travel literature
but also importantly literature – this account thus has a lot to
commend it and deserves to be more widely read.
JOY SHARNLEY, French Studies Bulletin
1. Republished in the Campoche Collection (2006). Other novels by Horem include Le Ring (1994), Congo-Océan (1996), Le Fil espagnol (1998) and Le Chant du Bosco (2002). She has also written a collection of short stories entitled Mauvaises rencontres (2006). For more details on Horem see Histoire de la littérature en Suisse romande,
edited by Roger Francillon, 4 vols (Lausanne: Payot, 1999), IV, pp.
185, 443-4. For journalistic accounts see for example the websites
guardian.co.uk/iraq and Lemonde.fr. In France important work on Iraq
has been done by the Franco-Iraqi anthropologist Hosham Dawod (CNRS);
see his many articles in Le Monde as well as works such as La société irakienne. Communautés, pouvoirs et violences (Paris: Karthala, 2003) and Tribus et pouvoirs en terre d’Islam (Paris: Armand Colin, 2004).
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«Dans cet avion, tu penses particulièrement à une femme que tu ne connais pas, auteur d’un merveilleux livre, Shrapnels, en marge de Bagdad,
dont le début se passe justement dans l’avion qui l’amène, d’Amman à
Bagdad, retrouver l’homme qu’elle aime. La découverte récente de ce
bijou littéraire t’a marquée, car il t’a semblé que sa vision de la
ville, le temps qu’elle a pu y vivre, cloîtrée, enfermée dans sa
résidence, obsédée par la sécurité (comme toute épouse d’un diplomate
occidental), aurait dû être à l’inverse de la tienne, alors qu’au
contraire elles te paraissent proches. Cette proximité, servie par la
précision de ses mots et la puissance de son évocation, t’a troublée au
point qu’en lisant son récit, tu as retrouvé la torpeur et
l’excitation, parfois aussi le désespoir d’être à Bagdad. Et tu
t’es même surprise à envier cette femme qui, n’ayant évolué pendant
trois ans que dans sa maison, dans son jardin, et de temps à autre,
mais toujours derrière les vitres du véhicule de fonction blindé de son
époux, à travers le reste de la ville, réussissait à capter
somptueusement l’atmosphère de plus en plus pesante de la capitale, le
huis clos étouffant, mais d’une beauté dérangeante, quasi maléfique, de
cette ville-bunker où se nouent et se dénouent tant de drames.»
ANNE NIVAT, Extrait de «Bagdad zone rouge», pp. 50-51, Éditions Fayard, Paris, 2008.
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The Diplomat’s Wife
A
surprise ambassadorial posting for French author Elizabeth Horem's
husband could have been time spend shut away in the Swiss embassy in
Iraq. But the collection of short stories—'Shrapnels'—which emerged
from the experience show the face of Baghdad even the most intrepid of
journalists fail to captureKatia Sand, Paris Gourtsoyannis
.
The French experience of the Second Gulf War has not been a
particularly edifying one in terms of its public image. While the worst
that was said of French efforts to prevent the conflict from come to
pas—“cheese eating surrender monkeys” unworthy of having the noble
fried potato named in their honour—was rejected by most right-thinking
people, there was nonetheless a perception that France was keeping its
cultured hands clean, enjoying an innocence and morality of absolutes
that could not exist in aftermath of 11 September 2001.
Running parrallel, the image many have of the diplomatic wife,
bejewelled and inert, is not a charitable one, nor is it easily
reconcileable with what we imagine the harsh realities of a posting to
Baghdad to be. When her husband, a Swiss diplomat, was assigned to the
Iraqi capital one week before the start hostilities in 2003, French
author Elisabeth Horem shattered both these stereotypes as thoroughly
as American bombs ended the sluggish Mesopotamian peace of Saddam
Hussein’s capital.
“We found out he was being posted to Baghdad while we were en route to
Switzerland for a holiday. Our kids had both finished their
Baccalaureate. He was told he had to leave in three days and we just
turned around. Initially we were told there would be no problem with me
accompanying him. But when the war properly broke out, they said no
way. He fought to have me with him.”
Horem’s husband was issued a legal writ which forced him to guarantee
that his wife wouldn’t cause any "mischief," which we was forced to
sign. “I didn’t have to sign anything – I wasn’t really asked!
“Our house wasn’t in the 'zone verte', in the international zone.
Thankfully. We did not want to be cut off from the Iraqis. And, of
course, there is always added danger when you have to queue at a
checkpoint to get into an international zone."
This put Horem in a very unusual situation: she didn't see what other
diplomats saw – and they could not comprehend the situation in the way
she did. In no small part, this contributed to her writing on Iraq: “We
were the only foreign house in our neighbourhood. I did not have much
contact with other diplomats. I was, for the most part, the only wife
there, and for meetings they tolerated only useful people, not extras.
Of course I sometimes saw the other diplomats, but with all the
necessary added security my additional presence would require it wasn’t
always possible. There was zero room for spontaneity, and yet on the
other hand you always needed to be careful about divulging plans,
always saying you were going a different route and leaving at a
different time.
“Thanks to our guards nothing ever happened. I feel awkward when people
commend me for our bravery. We weren’t brave compared to the Iraqis,
like our employees, who go to work every day, who go shopping and walk
through the city. That’s real bravery. We were protected.”
Horem’s narratives, contained in a collection entitled Shrapnels,
are neither hard-hitting exposés of anguish and injustice, nor coffee
table tales or stay-at-home studies conducted through bulletproof
glass. Existing somewhere between the two, they dispassionately tell
what has to the most well kept secret on the planet – the story of Iraq.
“Shrapnels
contains true facts taken from my diary but changed, adapted to a
fictional format. There is nothing invented in there, but names have
been changed, details altered. It is a writing that re-humanises
something that news and journalism often have the opposite effect upon
by simply listing facts and figures. It is a testament to the
atmosphere that was lived, to render that atmosphere sensible. It is
written about one year, and its style follows a cycle of four seasons.
"While our close protection bodyguards were South African, those
guarding our house were Iraqis, who all came from different parts of
the city and brought us the rumours from their streets. It is alongside
these renditions that I constructed my perception of the events outside
my home."
She is keen to stress the difference between her writing and that which
appears in the dailys across the globe: “People always expect me to
talk and write in a journalistic way, to describe this situation and
that person exactly, but that is not my style. I am a novelist, a
fictionalist. However, writing a novel in Baghdad was impossible. I
couldn’t be there and write of anything other than Baghdad. So
Shrapnels is a collection of short stories, the only way I could write
of Baghdad as I lived in it.
“It was such an intense situation. But my writing is not from a
historian’s point of view; it’s not journalism. It is personal,
subjective. I was totally isolated in my home. I couldn’t leave because
of security, so I can’t speak about Badghad and the news stories. I was
in the eye of the storm, a false heart in the city.”
Horem’s writing is full of contrasts, with imagery that conveys a naïve
sense of fantasty combined with a wide-awake awareness of politics and
tragedy. The cover picture of Shrapnels,
echoes this distillation of truth through art: it bears her own
photographs taken of the roof of her house. “The yellow light has not
been adjusted,” she says; “you always saw the city through dust.
“I chose the name Shrapnels because
shrapnel is everything that explodes, all the particles remaining
afterwards – plural because it is a book of short stories, a collection
of fragments. Some are as short as a few lines, the longest is a few
pages. They are a collection of sensations, of noises. I was shut in,
but you could always hear the noises of the war.” Not everyone has
met the book with critical aclaim. She explains: “some have accused the
book of being cold and distant. It is written in the third person:
her/him. It does not contain many descriptions of personal circumstance
or individual character, nothing to refer to my husband’s diplomatic
status. It allowed me to maintain a distance, to avoid adopting that
pathetic tone often found in such narratives.”
It seems an unnecessary defence of her and her work for Horem to make,
given that she never approaches an expression of her experiences in
such "pathetic" terms. She is at all times wholly candid, even
effusive; but nothing is sugar coated.
“One day we went driving and were shot at. It was the first time
someone in our party was killed. A man got into a taxi, and, revealing
his belt of explosives, said he wanted to go to the best place to kill
the most people. The taxi driver asked him to get out, and the suicide
bomber got out of the car, morose. He had been in other taxis, had
chosen that one taxi above the others because that driver was deemed
worthy of sharing his fate and dignity as a martyr.”
If her stories don’t manage to break the silence of Iraq, where
soldiers’ diaries and journalists’ ramblings have dominated, Elisabeth
Horem will have nonetheless rehabilitated the French engagement with
Iraq, as well as that of the diplomat’s wife.
KATIA SAND, PARIS GOURTSOYANNIS, The Journal Issue
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