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Enjeux
a pour mission de prospecter, éditer et diffuser les œuvres théâtrales
les plus intéressantes du moment, écrites par les membres de la Société
suisse des auteurs de Suisse romande (initiatrice et partenaire de la
collection). C’est d’une certaine façon une revue théâtrale liée autant
que possible à l’actualité de la création, mais aussi à la promotion
d’œuvres que les responsables espèrent voir un jour parvenir à la scène.
Dans ce volume, trois auteurs (E. Horem, J. Richer, I. Sbrissa) se sont
vu décerner un prix SSA. Dans le prolongement des patrimoines scéniques
universels, cette distinction salue des écritures en prise avec notre
temps, novatrices et personnelles, des inventions formelles subtiles et
des dramaturgies exigeantes et cohérentes sur des thématiques fortes.
Bien que le choix ne soit pas opéré autour d’un thème commun, il est
frappant de constater que la violence, avérée ou latente, relie
plusieurs des textes de ce volume. Aujourd’hui comme hier, l’auteur de
théâtre demeure un observateur sensible et pertinent. Il est un guet
qui tente de décrypter, avec impertinence parfois, les mécanismes et
les travers sournois de la dérive des hommes et de leur société.
PHILIPPE MORAND
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Un aperçu de l’ouvrage:
Page 5:
Elisabeth Horem. L’Été volé.
Des personnages sont pris au piège d’un régime implacable. Arrêtés sans
savoir pourquoi, ainsi que des centaines d’autres, Vaart et Sana se
rencontrent dans le camp où ils sont détenus pour quelques mois. Sana
se languit de Mona, sa fiancée, qui de son côté tente désespérément de
lui venir en aide – mais, trompée par le cynisme de Carsen, l’un des
hommes du régime, elle ne parviendra qu’à provoquer la perte de Sana.
Vaart, bien que libéré, n’échappe pas à l’engrenage. Mona et lui
resteront à jamais souillés par la mort de Sana, dont la machination de
Carsen a fait d’eux, malgré eux, les artisans.
L’Été volé a pour thèmes la trahison, la honte, la lâcheté, la peur, le
cynisme et la violence qui fleurissent sous les dictatures et
n’épargnent pas même l’amour.
Page 81:
Joseph Incardona. 37 m2.
À quelques mois des nouvelles élections, un président organise son
propre enlèvement afin de reconquérir sa cote de popularité et briguer
un second mandat. Ignorant tout de ce plan, les deux mercenaires
engagés pour la mission – une femme et un homme – décident de doubler
l’organisation qui les a engagés et d’empocher la rançon. Pour le
président, ce qui ne devait être qu’une luxueuse retraite de quelques
jours se transforme ainsi en véritable cauchemar.
Notice biographique
Né
en 1969. Mère suisse (Genève), père italien (Sicile). Double
nationalité, Suisse et Italie. A vécu à Syracuse, Rome, Bienne,
Locarno, Paris, Bordeaux. Retour à Genève en juillet 2007 après 8
années passées en France. Également de nombreux voyages et
séjours : Europe, Amérique du Sud et État-Unis, Océanie. Diplômé
en Sciences Politiques, ancien footballeur semi-professionnel (Servette
F.C). Activités diverses : figurant, pigiste, restaurateur de
bateaux… Anime depuis 2003 des ateliers d’écriture créative
(Université Bordeaux III, Écoles « Prépart » à Genève et
Paris), enseigne la sociologie de l’Art et le français.
Liste des publications
ROMANS, NOUVELLES
Remington, roman, Fayard Noir, Paris, 2008
Banana Spleen, roman, éditions Delphine Montalant, Paris, 2006
Taxidermie, nouvelles, éditions Finitude, Bordeaux, 2005
Dans le ciel des bars, nouvelles, éditions Delphine Montalant, Paris, 2003 / rééd. Pocket, Paris, 2006
Le cul entre deux chaises, roman, éditions Delphine Montalant, Paris, 2002 / rééd. Pocket, Paris, 2005
TRADUCTION
Adrenalina, nouvelles, recueil traduit par Andrzej Bajko, Editions Wydawnito, Szczecin, Pologne, 2006
THÉÂTRE/ éditions
37m2, in Campoche, collection « Enjeux », Éditions Bernard Campiche, Orbe (août 2009)
[guRmâdiz], théâtre, Éditions du Pull-off, Lausanne 1999
BANDE-DESSINÉE/ scénarios
Petites Coupures, éditions les Enfants Rouges, Juan-les-Pins, 2009
Dans les cordes, éditions Les Enfants Rouges, Juan-les-Pins, 2008
Fausse Route, éditions Les Enfants Rouges, Juan-les-Pins, 2008
CINÉMA/ scénarios, THEATRE/ textes & représentations
Baby Jane, court métrage, réal. Cyril Bron (en montage), Pitbull Films en coproduction avec la Télévision Suisse Romande, (juillet 2009)
Le Figuier,
court métrage (21m.), réal. Cyril Bron, Sélection officielle
festivals : Filmets Badalona 2008, Journées de Soleure et
Lichtspieltage Winterthur 2009, Genève, 2008
Annonciation, court métrage (4m.), co-réal. Cyril Bron, Festival « Godard Projeté », 2ème Prix Cinémathèque suisse, Lausanne, 2008
37m2, théâtre, mise en scène Jef Saintmartin, Genève (septembre 2009)
[guRmâdiz], théâtre, mise en scène Frédéric Polier, Lausanne, 1999
BOURSES, RESIDENCES
Pro Helvetia et le Centre National du Livre (Paris) en 2004 pour l’écriture d’un recueil de nouvelles (Taxidermie, publié en 2005) et d’un roman (Banana Spleen, publié en 2006).
Résidence
d’un mois en Pologne (Szczecin, 2006), Partenariat : Consulat de
Suisse à Bordeaux, Conseil Général de Gironde et Programme Interreg UE.
Page 183:
Antonin Moeri. Bingo.
Il y a quelques années, un jeune mec (que je connaissais) et
quelques-uns de ses potes ont attendu un black à la sortie d’une boîte.
Ils l’ont battu à mort, ou presque, abandonnant le corps inerte sur le
bitume. Cette nouvelle m’a tellement bouleversé que j’ai décidé
d’écrire Bingo, le monologue d’un délinquant au regard fuyant.
Page 227:
Jérôme Richer. Naissance de la violence.
Un homme seul, dans un espace clos, est visité par une apparition,
celle de sa femme tuée quelques années auparavant lors d’un
affrontement avec la police. Accompagné de ce fantôme, l’homme revisite
les différentes étapes de son engagement dans la lutte armée au cœur
des années 1970. Cette pièce est inspirée des vies de Renato Curcio et
Margherita Cagol, membres fondateurs des Brigades rouges en Italie, et
des événements en marge de la réunion du G8 à Évian en 2003.
Jérôme Richer
Né en 1974. Il est diplômé en histoire du droit, des faits sociaux et
des institutions. Il a écrit un mémoire sur le théâtre pendant la
Révolution française à Lyon. Il commence le théâtre à l’Université de
Chambéry. Il effectue plusieurs stages de formation dans le jeu
d’acteur en particulier avec Gérard Desarthe mais aussi en danse Buto
avec Sumako Koseki. Il a écrit plusieurs pièces de théâtre dont La ville et les ombres (création à la Bâtie, festival de Genève en septembre 2008), Écorces, Naissance de la Violence (Une histoire d’amour) (Prix SSA 2006 à l’écriture théâtrale), 13 Voix (représentée dans le cadre du projet L’oeil du Cyclone au Théâtre Saint-Gervais Genève en octobre 2006), La Jeunesse Dorée (lecture au théâtre Le Poche à Genève en mai 2005 et publication par Alna Éditeur – Paris en septembre 2005) et Le sourire de l’aveugle (publication dans l’Avant-Scène Théâtre N°1000).
Il a joué dans plusieurs pièces de théâtre en région Rhône-Alpes notamment Lorenzino avec le Centre Dramatique National de Savoie (direction André Engel).
Il a mis en scène quatre spectacles en région Rhône-Alpes dont Fool for Love de Sam Sheppard (joué aussi à Strasbourg et Toulouse).
Après plusieurs années de pause dans la pratique théâtrale, il fonde en janvier 2005 La Compagnie des Ombres pour laquelle il écrit et met en scène plusieurs spectacles: Persona Non Grata, spectacle de clown, dans plusieurs festivals de rue en Suisse et France, Pasolini Théâtre (d’après
des textes de Pier Paolo Pasolini) au Théâtre de l’Usine à Genève en
novembre 2005. Au cours de la saison 2006-2007, il met en scène son
texte Naissance de la Violence à La Grange de Dorigny à Lausanne, au Théâtre de l’Usine à Genève et au CCN-Théâtre du Pommier à Neuchâtel puis Médée et autres récits de femmes de Dario Fo et Franca Rame au Théâtre Saint-Gervais à Genève. En octobre 2007, il met en scène Le petit Nicolas et les copains (d’après un texte de Nicolas Sarkozy) au Théâtre de l’Usine à Genève.
Il collabore avec l’association romande Prélude et la metteuse en scène et comédienne Delphine Horst à Nulle part mais surtout hors du monde, créé
en mars 2008 au Théâtre Saint-Gervais Genève avant d’être repris au
Théâtre 2.21 à Lausanne puis au CCN-Théâtre du Pommier à Neuchâtel. Ce
projet a confronté des détenus en régime de semi-liberté à l’univers
théâtral à travers les textes de Jorn Riel.
Page 287:
Isabelle Sbrissa. La Traversée du désert.
Sur une scène désertique, Barbie, Ken et leurs doubles, Barbie 2 et Ken
2, ont reçu des consignes différentes d’une entité abstraite et
toujours absente. «On m’a dit tu entres et tu traverses le désert »,
énonce Barbie perplexe. «On m’a dit tu entres et surtout tu ne
traverses pas le désert», répond Ken décontenancé, tandis que Barbie 2
est censée «ne pas traverser dans l’absolu» et que Ken 2 est là pour
«attendre qu’elle traverse le désert». Faut-il se conformer à l’ordre
reçu, faut-il traverser sans savoir pourquoi ni comment ou faut-il
prendre la liberté de se distancier de l’injonction reçue ? Peut-on
échanger les motivations, les rôles? Et si ce « on » est absent, qui
viendra contrôler que chacun a bien respecté le contrat de départ et
réalisé ce qui était prévu? Dans ce désert d’une représentation qui ne
cesse de s’interroger sur elle-même, une action finit tout de même par
advenir, étonnamment en accord avec les injonctions mystérieuses du
départ.
Isabelle Sbrissa.
Née en 1971, Isabelle Sbrissa vit et travaille à Genève.
Elle étudie la littérature française avec un accent mis sur le théâtre
contemporain à l’Université de Genève et complète cette formation par
une licence en histoire de l'art obtenue en 1998.
En parallèle à ses études universitaires, elle réalise en collectif
plusieurs créations à la frontière du théâtre, de la performance et de
l'installation : Le Tram (dans le tram 12, 1995), L'Observatoire (parc Georges-Favon, Genève 1997 / Mai au Parc, Lancy, 1998), Délits de fuite
d’après Alfred Andersch (Salle d’exposition de la Ville de Genève, sur
le site Artamis, Genève, 1999). Elle suit également les cours publics
de théâtre du Conservatoire d’art dramatique de Genève. S’ouvre
ensuite une période d’expérimentations plastiques et d’écriture. Elle
pratique toutes sortes de techniques de construction toujours liées à
la réduction du réel et développe un scénario original de
science-fiction, où Ken et Barbie sont déjà présents. Ce travail
d’expérimentations, interrompu faute de moyens, sera repris plus tard
pour la conception de Anna & Tomy.
Dès 2003, elle reprend un travail en équipe qui lie texte, son et arts visuels. C’est d’abord L’Immeuble,
un automate pour voyeurs. Un mini théâtre urbain, qui permet de porter
un oeil neuf sur notre quotidien (Nuit de la science et Théâtre du
Loup, Genève, 2004 / Archipel, Genève, 2005). Puis c’est Anna & Tomy,
une fable de science-fiction sur les transformations du corps humain,
mis en scène sous forme de trois tableaux sonores, avec Ken et Barbie
comme personnages principaux (7e du Théâtre Saint-Gervais, Genève,
2007). Un théâtre miniature, à la frontière de plusieurs genres, qui
combine création plastique, dialogues et environnement sonore pour
offrir aux spectateurs un parcours onirique d’une vingtaine de minutes.
En 2007, elle se met à écrire véritablement pour le théâtre avec un premier texte La Traversée du désert (Prix SSA 2007), qui utilise encore une fois (la dernière?) Ken et Barbie. Suivent d’autres textes : Les Destructeurs (2008), Hécatombe
(2008). En 2008, elle co-écrit et co-met en scène avec Corinne Müller
et Eric Jeanmonod le spectacle des 30 ans du Théâtre du Loup, La Disparition de Suzy Certitude.
En 2008 également, elle est lauréate du concours Texte-en-Scène avec le projet Le Quatre Mains, une pièce qui tisse pouvoir, domination et fantasmes érotiques. En janvier 2009, toujours dans le cadre de Texte-en-Scène, Le Quatre Mains
est mis en lecture par Frédéric Polier à l’Arsenic à Lausanne, avec les
comédiens Céline Goormaghtigh (Linda), Nathalie Lannuzel (La Femme de
chambre), Jacques Michel (Le Commissaire), François Florey (La Victime)
et Antonio Troilo (Le Passant).
Depuis, elle a écrit Intimités,
un monologue aux accents de fable sur les essors d’un sexe masculin,
publié en version bilingue français-allemand dans la revue Kaméléon
(juillet 2009) et La Ligne droite, une pièce courte, satire comico-grivoise des standards érotiques hétérosexuels (2009).
Voir aussi Enjeux 5
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Enjeux 7
Il y a deux sources d’intérêt dans ce livre, la forme, moderne et
pleine de trouvailles, et le fond. Hasard ou volonté, les auteurs
traitent tous de la violence. Dans L’Été volé, les personnages,
manipulés par une dictature sans pitié, voient leurs efforts pour
libérer un camarade le conduire à sa perte. Dans 37 m2, un dictateur
organise son enlèvement pour assurer sa réélection. Mais, ignorant la
manœuvre, les deux mercenaires veulent s’approprier la rançon et
l’histoire vire au cauchemar. Bingo est le soliloque argotique d’un
assassin. Dans Naissance de la violence, un homme hanté par le
souvenir de sa femme revoit l’histoire des Brigades rouges. Dans La
Traversée du désert, deux personnages et leurs doubles flottent entre
ordres et contrordres. Chacun de ces thèmes insiste sur les dérives de
l’époque actuelle que les auteurs ont su observer et rendre avec
beaucoup de justesse et d’art.
JULIETTE DAVID, Suisse Magazine
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