Marie
Machiavelli, descendante de Machiavel, est une battante qui «abat une
mouche à cent pas» avec son revolver, et qui se trouve confrontée ici
pour la première fois à une enquête criminelle. Bien sûr, Marie
Machiavelli élucide le crime tambour battant – une conclusion fort
triste, mais que je ne vais pas brader ici, où serait le plaisir de la
lecture? Encore que le livre ne s’arrête pas à la découverte du
coupable; il y a quelque chose comme une coda, et elle est réservée à
Iris qui tente difficilement de sortir de la prison corporelle où le
viol l’a enfermée. «Peut-être que mon corps refusera l’amour à
perpète», dit-elle; et Anne Cuneo, dans un post-scriptum qui lui était
sans doute nécessaire, précise que toute ressemblance est fortuite,
sauf pour le viol. «Seul le viol est vrai», écrit-elle, plaçant son
texte sous l’exergue de Hannah Arendt : «Toute douleur devient
supportable si on en fait une histoire.» Il ne devait pas être
facile de «faire une histoire» d’un tel vécu ni de trouver la bonne
distance avec lui. Anne Cuneo y réussit parfaitement; son roman est
alerte, rapide, bien construit, d’une lecture très agréable. L’auteure
préférerait que l’on parle de «chronique domestique» plutôt que de
«roman policier», et il est vrai, comme je l’ai dit, que la forme
déborde un peu le roman noir classique. Mais les ingrédients y sont
tous, et la machinerie également, exactement dosés.
MONIQUE LEADERACH, La Liberté
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