Sous la vigne, les livres
Avant même que la première note
n’éclate sous le ciel veveysan, la Fête des Vignerons engendre une
riche production littéraire, entre poésie et humour. L’œuvre de
Stéphane Blok, Blaise Hofmann, Bertschy et d’autres
Quand le vin est tiré, il faut le boire. Quand le livre est imprimé, il
faut le lire. Du pressoir à raisin à la presse typographique, il n’y a
qu’un pas que l’imminence de la Fête des Vignerons stimule. Quatre
ouvrages pavent le chemin qui mène à l’arène veveysanne dès le 18
juillet. Le premier, Fête des Vignerons 2019. Les Poèmes,
rassemble le textes du spectacle. «Le ciel, le jour, le soir, la nuit /
Le ciel, la peur, l’espoir, le fruit»… On sait que la fête va commencer
dans un déluge de percussions, une tornade afro-cubaine délocalisant le
carnaval de Rio. Blaise Hofmann trouve les mots que portera ce
crépitement initial, ils frappent de façon métronomique, comme tombe la
grêle, comme cogne le cœur. Écrivain voyageur et vigneron, l’auteur a
écrit les textes directement liés au travail de la terre – les cirés
jaunes des vendangeurs, l’odeur de la glèbe, un chemin de sève, un goût
de miel et de tilleul, les beaux grains encore verts, le coup de froid
qui remplit d’effroi… «Le ciel, la fleur, le feuille, le fruit / Le
ciel, le cœur, le feu, l’esprit…»
Stéphane Blok, l’autre librettiste, lève les yeux sur le panorama et
observe les activités sociales des vignerons, jeux de cartes ou rêves
des enfants… Pour cet amoureux du lac Léman, «L’eau est bleue / Et ce
n’est pas le ciel qui dira le contraire», car «Le lac aux cieux mille
fois se reflète». Il évoque une petite valse du mois de mai, entonne
une Chanson de table où
nourritures terrestres et spirituelles se confondent («Tous les vins
que nous buvons / la sève, la sève») et l’ombre du tombeau s’avance
(«Tous les jours où nous mourons ( s’achèvent, s’achèvent÷). Comme il
est auteur-compositeur-interprète, ses vers semblent déjà contenir des
mélodies.
Reste la musique, composée par Jérôme Berney, Valentin Villard et Maria
Bonzanigo, d’habiller les mots des deux librettistes comme le pampre
vêt le sarment.
(…)
ANTOINE DUPLAN, Le Temps, 13 juillet 2019
Le livret de 2019
Chaque Fête des Vignerons a son déroulement propre. Celui-ci s’épanouit
au fil d’un spectacle grandiose dicté par un texte qui en rythme les
tableaux, les étapes, les scansions. Voici donc le livret de l’édition
de ce cru. Fête des Vignerons 2019. Les Poèmes
est signé à quatre mains pour la première fois de l’histoire de cette
longue tradition vaudoise. Les auteurs, Stéphane Blok, poète et
musicien lausannois, et Blaise Hofmann, écrivain voyageur natif de
Morges, chantent le cycle des saisons et les travaux ancestraux de la
vigne. Du local à l’universel, de l’ancrage à l’ouverture, du gel à la
flamme, de la sève au ciel, ils donnent une teinte lente, songeuse et
sensorielle à cet événement rassembleur. «Que de tout côté / vibre
vibre la lumière / car / nous devrons entiers / tant qu’à vivre
éphémères.»
TK, L'Écho magazine, 11 juillet 2019
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Chaque
tableau de la Fête a ses poèmes écrits par les deux co-auteurs. Ils
sont consignés dans un ouvrage commun, permettant de bien s’infiltrer
au sein même de ces moments forts du spectacle. À Découvrir et relire
après le spectacle.
Le Régional, 11 juillet 2019
La Fête des Vignerons,
organisée sur la place du Marché de Vevey par la Confrérie des
Vignerons depuis 1797, aura lieu cette année du 18 juillet au 11 août.
Les deux librettistes de cette cuvée 2019 sont Stéphane Blok et Blaise
Hofmann. Stéphane fut imposé à Blaise, et réciproquement... et ni l'un
ni l'autre ne l'a regretté.
Le livret a été co-édité par Zoé et Bernard Campiche Éditeur. Il permet
de se préparer au spectacle et permettra de s'en souvenir.
Dans sa préface Stéphane dit: «Lhomme est la nature, la nature est l’homme.»
Dans la sienne Blaise précise: «La nature: La terre, le lac, ce fleuve
qui fait le lien entre un glacier et la mer, l'ai pur, la bise, le
vent, le soleil, la lune, les étoiles.»
L'homme: «Les vignerons qui parlent le mieux de l'interdépendance de la
terre et du ciel sont ceux qui travaillent dans le respect de la
nature.»
La tradition, dit Stéphane, «nous relie à avant, à après, à maintenant.»
Le défi de cette création, dit Blaise, est: «s’affranchir d'un
régionalisme trop exigu, d'une référence identitaire paralysante, tout
en évitant l'extrême opposé: enfanter une grande production hors-sol.»
La gageure était donc d'être à la fois temporel et intemporel, enraciné et universel: pari tenu.
Les poèmes sont les paroles de la Fête, mises en musique par Jérôme Berney, Maria Bonzanigo et Valentin Villard.
Ces poèmes parlent:de la nature, c'est-à-dire de la vigne (de ses
pleurs, de ses bourgeons, de sa feuille), du vigneron (des vendanges,
de la taille, de l'arrache, de la protection de la vigne), de la terre,
des trois soleils de C. F. Ramuz qui brillent en Lavaux («le
soleil lui-même, les murets chauffés et le reflet des rayons sur le
lac»), de l’eau, des saisons (de la longue nuit de lhiver) et de
l'homme (de ses cartes, de ses faux-chevaux, du petchi et de noces)…
«Certains poèmes n'ont pas été intégrés au spectacle final, ou que partiellement»: ils se trouvent à la fin du livret.
Blaise y parle notamment de Noces vigneronnes:
«Pour sa vigne, rien n'est trop beau, ni trop cher.
Il a des gestes câlins, une bouche attendrie,
il la choie, il la bichonne,
la chouchoute, la pouponne…
Comme un pleur, comme un bourgeon,
comme un printemps... Épouser un vigneron.»
Stéphane y attend notamment «Le Beau Temps»:
«Lorsque le raisin sera mûr
Il nous faudra nous hâter
Lorsque tous les grains seront mûrs
Nous hâter de vendanger
En attendant le beau
Je garde espoir et les doigts croisés
En attendant le beau temps qui
Je sais ne devrait plus tarder
Grâces soient rendues aux deux éditeurs, puisque ces poèmes ne sont plus inédits...
Blog de FRANCIS RICHARD
«Les souliers plantés dans la terre, mais le regard tourné vers le ciel…»
Colibrettiste de la Fête des
vignerons, l’écrivain-voyageur Blaise Hofmann publie trois ouvrages
pour expliquer la genèse et l’esprit d’une manifestation à nulle autre
pareille
MMagazine – Blaise Hofmann, comment définiriez-vous cette étrange manifestation qu’est la Fête des vignerons?
Blaise Hofmann – C’est
le regroupement de plusieurs arts pour célébrer la terre, le cycle des
saisons et le travail de la vigne, mais surtout un extraordinaire
rassemblement de gens, de tous les milieux, de toutes les générations,
de toutes les origines. Il faut 5’600 figurants et 20’000 spectateurs
pour transcender le tout. Il faut aussi le paysage de Vevey, ce décor
si dramatique,. La fête n’est ni chrétienne ni païenne, mais une
transcendance, une spiritualité, un mysticisme s’en dégage. Pendant
trois semaines, toute une ville s’élève et ne réatterrit pas. C’est un
carnaval mais aussi une communion.
MMagazine – Avant d’être
impliqué comme colibrettiste, vous considériez la Fête des vignerons
comme «la résurgence d’un passé nationaliste, phallocrate et
réactionnaire»…
Blaise Hofmann – Pour ce qui est du côté phallocrate, la Confrérie
guérit lentement, mais sûrement, comme la société actuelle. Pour le
reste, je me trompais. Cette fête fait le grand écart entre des notions
contradictoires. À l’image du vigneron, avec ses gros souliers plantés
dans la terre, mais le regard tourné vers le ciel. La Fête des
vignerons est ancrée dans une région. On ne l’exporte pas. Son message
reste cependant universel, essentiel, élémentaire. Si elle commémorait
un événement historique, si elle parlait par exemple de l’indépendance
vaudoise, elle serait morte depuis longtemps.
MMagazine – Or, elle défie le temps…
Blaise Hofmann – Pour
durer, comme c’est le cas ici, une tradition doit se renouveler, tout
en conservant un message atemporel, universel. Avec malgré tout une
base régionale: le territoire des tâcherons. Ces vignerons qui
travaillent les vignes pour des propriétaires et viennent surtout de
Lavaux, de la Riviera et du Chablais sont récompensés lors de la fête.
La fête se nourrit de contradictions. Elle engage des professionnels,
mais son carburant principal est bénévole. Elle s’appuie sur un
lointain passé, mais reflète toujours la société ambiante. On la dit
folklorique et traditionnelle, mais à chaque génération, elle dérange,
provoque, scandalise…
MMagazine – L’édition 2019 intègre des valeurs écologistes et féministes. Un évidence pour vous?
Blaise Hofmann – Oui,
mais c’est aussi une évidence que dans vingt ans les partis pris seront
autres. Tous les vignerons, vraiment tous, ont aujourd’hui intégré le
souci de l’environnement. Même s’ils ne font pas du bio, ils utilisent
tous les produits beaucoup moins néfastes. C’est une des grosses
évolutions de la viticulture. L’autre, ce sont les vigneronnes. Dans la
formation maintenant c’est 50-50, d’autant que le métier s’est
automatisé, est devenu moins musculaire, plus intuitif. Du reste ce
sont souvent des vigneronnes qui font les meilleurs vins.
MMagazine – La
suppression cette année du dieu Bcchus et des déesses Palès et Cérès,
figures mythiques de l’événement, ne peut-elle faire craindre une fête
un peu aseptisée?
Blaise Hofmann –
Bacchus, c’est le dieu de l’ivresse et de l’excès. Or, dans les statuts
de la Confrérie des vignerons, il n’est question que d’honorer la
viticulture, il n’est jamais question de transformation, de vin,
d’œnologie, de dégustation. Pour la fête 2019 i n’y a que la deuxième
partie du dernier tableau qui parle de vins, de cave, d’ivresse. Mais
évidemment, on est en terre vaudoise et qui dit «fête» dit «vin». Quant
à Palès et Cérès, elles étaient choisies surtout pour leur physique.
Or, nous voulions certes avoir davantage de présences féminines, mais
fondées sur d’autres critères.
MMagazine – Comment vivez-vous le gigantisme d’une telle fête?
Blaise Hofmann – Assez
mal, mais c’est aussi ce qui fait la beauté de la fête, cette audace,
cette démesure, cette folie. Il y a une grande part d’insouciance dans
ce projet, avec des sommes importantes à sortir qui peuvent mettre à
mal la Confrérie. Mais il faut un peu d’inconscience pour, trois
semaines durant, construire une arène de 20’000 places, qui va bloquer
la ville pendant des mois. C’est aussi un peu en contradiction avec le
message d’une viticulture de proximité. Mais l’immensité de l’arène,
c’est ce qui va créer des liens sociaux. Grâce à cette démesure, les
gens sortent de leurs limites, sortent de leur zone de confort.
MMagazine – Vous racontez que les relations avec le directeur artistique, Daniele Finzi Pasca, n’ont pas toujours été faciles…
Blaise Hofmann – Daniele
Finzi Pasca a toujours travaillé à créer des spectacles oniriques, ce
que je ne sais pas faire et que je n’ai pas envie de faire. J’aime
l’histoire des vraies personnes, raconter du vécu avec des anecdotes et
des détails évocateurs. C’est normal qu’il y ait eu des tensions, tout
le monde a dû s’adapter, et je pense que le produit final va vraiment
donner quelque chose de spectaculaire, de beau pour les yeux,
d’agréable pour les oreilles, à la sauce Finzi, mais avec le terreau de
la fête, grâce à la Confrérie et à tous les gens d’ici qui sont
impliqués, comme organisteurs, figurants ou spectateurs.
MMagazine – La Fête des vignerons, dites-vous, c’est aussi pour beaucoup une question de génération…
Blaise Hofmann – Vous
pouvez interroger n’importe quel participant, il va vous parler de ses
grands-parents, de ses parents, de leurs rôles respectifs dans les
fêtes précédentes. Chaque fois, on s’inscrit dans une lignée, c’est le
cas des trois quarts des figurants. Et puis, les génération ce sont
aussi les saisons, le cycle de la vie, l’alternance du jour et de la
nuit, alors qu’habituellement nous réfléchissons plutôt en termes
d’évolution, de la naissance à la mort. Il y a là quelque chose d’assez
exotique, qui évoque la réincarnation.
MMagazine – Vous lâchez deux petites bombes: le major Davel serait d’origine italienne et «Le Ranz des vaches» appenzellois…
Blaise Hofmann – Davel,
à l’origine la famille s’appelait «Daverio», de même que les Bujard se
sont d’abord appelés «Buzarri», les Jaunin, «Janini», et la liste est
longue. C’est cela qui me touche dans ce coin de pays: on est constitué
d’influences de toute l’Europe. Un mélange de Renaissance italienne, de
Lumières françaises et de nature alpine. La ville de Vevey au premier
chef, peuplée à 40% d’étrangers est une belle éponge. La composition de
l’équipe artistique est en phase avec cette mixité. Nous comptons en
effet un Anglais, un Canadien, un Tessinois, un Uruguayen, un
Fribourgeois, des Vaudois… Comme les tâcherons qui viennent maintenant
aussi d’un peu partout. Quant au «Ranz», qu’importe l’origine
qu’importe le sens des paroles, c’est un hymne plein de nostalgie,
l’hymne de tous ces hommes modernes en manque de nature, en manque de
montagne, en manque de vie sauvage. Avec la version 2019 de Maria
Bonzanigo, j’ai eu les larmes et les frissons lors des répétitions,
c’est gagné.
Bio express
Né à Morges en 1978.
Licencié en Lettres de l’Université de Lausanne.
A travaillé comme aide-infirmier, animateur, berger, enseignant.
Collaboration avec divers journaux («L’Hebdo», «24 Heures», «Le Nouvelliste», «Terre et Nature»).
Auteur d’une dizaine de romans et récits de voyage, dont:
2006: Billet aller simple, Éditions de l’Aire.
2008: Estive, Éditions Zoé, récit, Prix Nicolas-Bouvier.
2014: Marquises, Éditions Zoé.
2015: Capucine, Éditions Zoé.
2016: Monde animal, Éditions d’Autre Part.
2018: Les Mystères de l’eau, Éditions La Joie de Lire.
LAURENT NICOLET, MMagazine, 8 juillet 2019
Quel bonheur que celui de tenir entre
les doigts ce petit opuscule et d’en égrener les poèmes. Ainsi que l’n
cueillerait, un à un, des grains de raisin à la peau diaphane.
Prémisses d’une fête qui déploiera ses fastes au mitan de lété.
Écrire le livret était jusqu’alors l’affaire d’un seul écrivain.
Qu’elles ont été, en coulisse, les raisons de donner la parole à deux
hommes de lettres là n’est pas mon propos. Je suis heureuse que le
choix se soit porté sur deux personnes attachantes, le musicien-poète
Stéphane Blok et l’homme épris de voyages: Blaise Hofmann. Le premier
écrit et compose pour le théâtre, la danse et le cinéma. Le second a
publié romans et récits de voyage.
Comme pour le plus chaleureux des vins, il a fallu une lente maturation
jusqu’à ce recueil de poèmes abouti. Percer les secrets des gens de la
vigne exigeait doigté et patience.
Qualités dont sont dotés les deux écrivains. En plus de cette veine
poétique qui les anime. «La poésie est à tout le monde, elle voyage;
elle naît on ne sait où, elle ne meurt jamais» écrit Stéphane Blok dans
sa préface.
Sans le savoir avant leur rencontre littéraire, tous deux habitent à
Lausanne, à cent mètres l’un de l’autre. Ils deviennent père à quelques
jours d’écart, en pleine gestation de la Fête.
«Il y aura les rires et les pleurs de nos filles un peu partout entre les pages de ces poèmes» s’attendrit Blaise.
Parler de poésie est une gageure. Aussi je m’avance sur la pointe des
pieds. Celle de Blaise et de Stéphane est limpide comme un ciel serein
sur le Lavaux. En amont, un méticuleux travail de lecture et de
documentation. Et puis les poèmes sont là sous nos yeux avant d’être
chantés.
La force du poète qui, en peu de mots, dit le cycle des saisons et le
rythme des travaux de la vigne. Le sens du mot juste. L'image
évocatrice. «C’est un éloge des sens, de la lenteur, du vivre-ensemble,
de la nature, du «repaysement». La formule est de Ramuz.
Il y a des poèmes dans lesquels coulent le lait et le miel. Mais
d’autres sont acides, poignants, bouleversants. Tous ont un goût de
«reviens-y». L’envie, soudaine, vous prend d’en déguster quelques-uns,
conscient de leur beauté et de leur intemporalité.
S’il est un petit livre à emporter avec soi, c’est bien celui-ci.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, No 670, 28 juin 2019
Les opus sur la Fête des
vignerons se multiplient. Voici celui, incontournable, du livret de
lédition 2019, écrit, pour la première fois de son histoire, à quatre
mains par Stéphane Blok, lausannois poète et musicien , et Blaise
Hofmann, né à Morges, auteur de romans et de récits de voyage. Au fil
des poèmes, on retrouve le cycle des saisons et le rythme des travaux
de la vigne. À la manière d’une treille, ce texte entremêle le régional
et l’universel, le traditionnel et le contemporain, le concret et
l’onirique,. Un éloge des sens, de la lenteur, du vivre-ensemble, de la
nature, du «repaysement»,
SP, Agri, 14 juin 2019
Des poème pour l’éternité
Que vous ayez ou non pris des billets pour la Fête des Vignerons, que
vous adhériez ou non au gigantisme de l’événement, plongez-vous dans le
livret de l’édition 2019, rédigé par les Vaudois Stéphane Blok et
Blaise Hofmann. Véritable ode à la terre et à la nature, leurs textes
racontent avec fraîcheur et dans un langage universel les travaux de
l’année viticole, évoquent le rythme des saisons, la région et les
traditions. Si leurs poèmes seront chantés cet été par un millier de
choristes dans l’arène veveysanne, nul doute qu’ils s’inscrivent dans
le paysage littéraire romand pour longtemps. Comme le dit Blok dans la
préface, «la poésie est à tout le monde (…), elle ne meurt jamais.»
CLAIRE MULLER, Terre et Nature, 13 juin 2019
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La vigne et la terre célébrées par la poésie d’aujourd’hui
Librettistes de la Fête des
vignerons, Stéphane Blok et Blaise Hofmann sont invités ce samedi à la
librairie du Vieux-Comté, à Bulle. Rencontre à Lausanne, pour évoquer
cette création peu commune.
Sur la terrasse de ce petit
café lausannois, leurs vannes fusent, comme pour pimenter l’exercice
imposé. C’est que les librettistes de la Fête des vignerons, Blaise
Hofmann et Stéphane Blok, sont désormais rompus à l’exercice de
l’interview croisée. Retour sur cette drôle d’aventure, avant leur
venue, ce samedi, à la Librairie du Vieux-Comté, à Bulle.
La Gruyère - Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques semaines de la première?
Blaise Hofmann - Je le vis comme la publication d’un livre. Le texte
est rendu, je trouve bien d’aller aux répétitions, mais j’ai pris mes
distances par rapport au spectacle lui-même. D’autres personnes en
prennent soin et je leur fais confiance.
Stéphane Blok - Oui, le travail est rendu depuis quasiment une année.
J’ai beaucoup de curiosité. L’arène est très réussie, c’est un espace
magnifique, où l’on se sent bien. Dès que l’on entre, on comprend qu’il
est possible de coller au postulat de départ: faire quelque chose de
très gros, mais qui puisse garder une intimité, une fragilité.
Au vu des répétitions, on reconnaît la patte Fête des vignerons,
c’est-à-dire des spectacles grandioses joués par des amateurs. J’ai
vraiment de l’enthousiasme et de l’excitation. Nous avons visité les
chœurs et tous disent qu’ils ont du plaisir à chanter. C’est de la
musique sophistiquée, mais de manière un peu cachée. Elle reste
populaire.
La Gruyère - Dans ce processus de création qui a débuté en 2014, quels ont été les moments les plus forts?
Blaise Hofmann - Les répétitions, la première fois qu’il y a eu 500
choristes. Après, nous avons vécu une multitude de petites émotions.
Les journées de travail en commun, avec les créateurs et la Confrérie
des vignerons, avec tout le monde autour de la table, ont représenté
des moments très forts.
Stéphane Blok - Il y a aussi des plaisirs différents, dans l’intimité,
quand tout à coup j’ai trouvé une scansion, quand le mélange
mots-musique marche et que c’est indéniable. C’est comme quand tu joues
aux fléchettes, que tu en lances une et qu’elle va en plein centre.
C’est un plaisir intime, mais tu sais qu’il va être contagieux.
La Gruyère - Dans les poèmes,
on ressent vos différences: Blaise Hofmann est par exemple davantage
dans le concret, le travail de la terre…
Blaise Hofmann - Nous avons des sensibilités différentes. Après les
premiers dix jours de création, le découpage s’est fait en une
vingtaine de tableaux, que l’on devait se répartir. On pensait que ce
serait la fin de la lune de miel, mais il n’y a pas eu un seul tableau
que nous revendiquions les deux.
La Gruyère - Les grandes
options, comme le fait de ne pas s’appuyer sur la mythologie classique,
sont-elles nées de ces séances en commun?
Stéphane Blok - C’était décidé avant, dès les premières discussions de
la Confrérie avec Daniele Finzi Pasca et Julie Hamelin {n.d.l.r.: le
metteur en scène et son épouse, décédée en 2016}. Nous étions d’accord
avec cette optique, qui rendait le travail passionnant et permettait de
se demander où faire vivre les dieux. Ce ne sont plus les dieux grecs,
mais ils sont présents dans le contenu, dans ce qu’ils peuvent
symboliser, pas dans leur incarnation. Dans l’émerveillement d’un matin
qui se lève, comme dans cette petite chanson à boire: «Tous les jours
que les dieux font / se lèvent, se lèvent / tous les jours que les
dieux font / se lèvent à l’horizon…»
La Gruyère - On imagine une
Fête des vignerons très cadrée, avec nombre de passages obligés, alors
que vous avez été très libres…
Stéphane Blok - La fête est connue pour son exubérance, pour ses hommes
déguisés en femmes, pour ses gradins énormes et je me demande pourquoi
les gens pensent que tout est cadré. Je n’ai jamais lu ou entendu un
artiste estimant avoir été contraint ou muselé. Ce sont des vignerons
et des notables de Vevey qui commandent une œuvre et font confiance aux
artistes.
La Gruyère - Cette idée vient sans doute du côté tradition…
Stéphane Blok - Oui et c’est là que la Fête est intéressante: elle
donne une belle image de la tradition, qui est vivante et renouvelée.
Blaise Hofmann - Nous avons eu plus de liberté que les autres artistes,
ce qui n’est pas forcément bon signe: il y a moins d’intérêt pour le
texte… À l’origine, cette fête n’est pas un spectacle, mais un cortège.
Son âme, c’est des costumes, des danses et des chants, pas des
répliques de théâtre. Les mots sont là pour accompagner, guider la
dramaturgie.
La Gruyère - Vos poèmes mêlent
volontiers la tradition, l’hymne à la terre, et la modernité, avec
klaxons, capots de voiture, wi-fi…
Blaise Hofmann - J’ai écrit comme d’habitude. Chaque tableau est un
laboratoire où l’on essaie de coller un fond avec une forme. Parfois,
il y a une métrique régulière, des rimes, et d’autres passages partent
en vrille, avec des collages, des langues étrangères, des mots
techniques du lexique viticole, à la limite de la poésie sonore.
La Gruyère - Au-delà de l’homme et de la nature, il y a aussi l’âme d’un canton, avec le lac, les cartes…
Stéphane Blok - C’était pour dire que la vigne, ce n’est pas toujours
l’effervescence. J’ai proposé des interstices, ces moments qui
décrivent le rien, les intersaisons. On joue aux cartes parce que,
après les vendanges, la saison est un peu morte.
Blaise Hofmann - Il n’y a pas de vaudoiseries et il n’y en a jamais eu,
Ramuz, qui est l’étoile à suivre. Il est arrivé à avoir ce goût de la
terre, sans être attaché à un canton.
Que ce soit le chasselas, qui vient d’un plant américain, l’eau du lac,
qu’on partage avec les Français ou le nom de famille des
vignerons-tâcherons – qui étaient italiens, espagnols, portugais et qui
aujourd’hui sont albanais et de pays de l’Est – tout est mixité. On ne
peut pas faire un spectacle régionaliste et ça a toujours été le cas.
La Gruyère - Qu’allez-vous retirer de cette expérience?
Blaise Hofmann - J’ai beaucoup appris sur l’écriture chorale, sur le
lien entre les mots et la musique, en parlant avec Stéphane et avec les
compositeurs. Et sur ce qu’implique un gros spectacle, comment on le
construit, comment on gère une telle équipe artistique. J’ai vu comment
Daniele a commencé par l’arène, par se demander où seraient les caméras
de la RTS. Après, le dommage collatéral sera la casquette Fête des
vignerons. J’avais celle de l’écrivain voyageur et du berger, j’en
aurai une de plus…
Stéphane Blok - Je n’ai pas trop de souci là-dessus. Il y a peu de
porosité entre les différentes choses que l’on peut faire. Les gens qui
aiment la Fête des vignerons me connaîtront pour ça, mais ceux qui
aiment bien la chanson alternative et qui écouteront mon prochain album
n’y penseront pas.
Si je vais jouer à Porto, à Paris, même à Zurich ou à Neuchâtel, on ne
me présentera pas comme le parolier de la Fête des vignerons. Ici, oui,
dans la région, quand j’irai boire des verres en Lavaux, mais c’est
plutôt sympa.
Trois livres sur l’édition 2019
À la lecture des poèmes de la Fête des vignerons 2019 (coédités par Zoé
et Bernard Campiche), une évidence: le choix de faire appel à deux
librettistes se révèle judicieux. Stéphane Blok et Blaise Hofmann se
complètent pour dire avec des mots actuels la vigne d’aujourd’hui, la
terre et ses travaux. Pour s’appuyer sur la tradition et lui donner un
magnifique coup de jeune. À noter que les deux écrivains signent les
textes chantés, mais pas les dialogues entre le grand-père (qui sera
interprété par le comédien Michel Voïta) et sa petite-fille.
De son côté, Blaise Hofmann publie également La Fête
(Editions Zoé), passionnante plongée dans les coulisses. De l’instant
où il reçoit la proposition d’écrire le livret aux premières
répétitions, on suit l’écrivain dans ses recherches, ses rencontres,
ses doutes, ses enthousiasmes… «Je ne voulais pas faire un livre dans
le dos de la Confrérie, explique-t-il. Je leur en ai parlé et ils ont
accepté l’idée.» Le livre permet à la fois de se familiariser avec
l’histoire de la Fête des vignerons, ses origines, ses développements
et de découvrir de l’intérieur comment se met en place un tel
spectacle. On y retrouve le regard acéré et l’indéfectible honnêteté de
Blaise Hofmann. La Fête est aussi l’histoire d’un coup de foudre,
puisque, après avoir redécouvert ce monde, il a décidé de reprendre les
vignes de son père.
L’auteur d’«Estive» et de «Marquises» signe encore un livre jeunesse
sur cette Fête des vignerons: avec l’illustratrice fribourgeoise Fanny
Dreyer, il publie Jour de fête,
aux Éditions La Joie de lire. Où l’on suit Jeanne, 11 ans, qui sera
papillon dans le spectacle, le jour d’une répétition générale.
Pour la «causerie-dédicace» de samedi, la Librairie du Vieux-Comté
accueillera également Anne Philipona, au côté des deux librettistes.
L’historienne vient de signer la réédition du livre de Guy S. Métraux, Le Ranz des vaches, aux Éditions Ides et Calendes.
Blaise Hofmann
1978: Naissance à Morges. Études de lettres à l’Université de Lausanne.
2006: premier livre, Billet aller simple, récit d’un an et demi de voyage.
2007: Estive raconte une saison à l’alpage et reçoit le prix Nicolas-Bouvier.
2008: L’Assoiffée, roman.
2009: Notre mer, récit d’un tour de la Méditerranée réalisé en six mois.
2014: Marquises.
2015: Capucine, biographie romancée.
2016: Monde animal.
Vit à Reverolle (VD).
Stéphane Blok
1971: naissance à Lausanne. Études à l’Ecole de jazz et musiques actuelles de Lausanne.
1994: premier album, Esperanza Nicolasohn.
1996: Les Hérétiques.
1998: Le Principe du sédentaire.
2000: Lobotome.
2003: Léopard d’or, section vidéo, au Festival de Locarno pour Ixième, journal d’un prisonnier, réalisé avec Pierre-Yves Borgeaud.
2006: Boum, album avec Léon Francioli.
2012: Chants d’entre les immeubles. Premier livre: Les Illusions.
2014: deuxième livre: Le Ciel identique.
2017: création au Festival Altitudes de Chansons des routes et des rivières. Troisième livre: Les Fables de la joie.
Vit à Lausanne.
ÉRIC BUILLARD, La Gruyère, 27 juin 2019
Tâcheron de la création
Revenu à la terre, Blaise
Hofmann publie trois ouvrages qui lèvent le voile sur la prochaine Fête
des vignerons et ses coulisses agitées
«Le fruit est maintenant près de sa maturité.» Samedi passé à Vevey,
juste avant l’orage, l’abbé-président de la Confrérie proclamait
officiellement la Fête des vignerons devant une foule de confrères,
curieux, effeuilleuses froufroutantes, insectes fanfarons et autres
figurants costumés. Cintrés de belles fierté et d’une redingote carmin
rehaussée d’or, François Margot a rendu hommage aux créateurs.
Pendant ce temps, Blaise Hofmann était à l’autre bout du lac.
Librettiste de la fête, il présentait au Salon du Livre de Genève trois
ouvrages qui sont autant de regards sur la célébration à venir. Les
enfants se feront raconter le Jour de fête
(Éd. La Joie de Lire) magnifiquement illustré par Fanny Dreyer, tandis
que les futurs spectateurs se plongeront dans le livret composé avec
Stéphane Blok (Éd. Zoé/Campiche). On y découvre les tableaux de ce
spectacle déployé d’une vendange à l’autre, cycle des saisons où
alternent frémissements et bourgeonnements, dormance et bombance.
Un lyrisme qui se déploie de la terre à la sève, jusqu’aux amours à déguster
De la terre à la sève jusqu’aux amours à déguster, s’y déploie un
lyrisme habilement suspendu entre chant de la nature et ode aux
travailleurs viticoles. Une célébration enracinée dans ces parchets
penchés, teintée d’humour local (la prose des horodateurs de la place
du Marché), mais déployée vers l’universel en une geste qui n’est, au
détour de quelques vers, pas sans évoquer celle d’un Jean
Villard-Gilles. À la fin du recueil sont publiés des poèmes inédits qui
n’ont pas été intégrés à la dramaturgie. Où l’on devine que le
processus de réinvention de cette manifestation pluriséculaire, c’est
aussi parfois le «petchi»…
Une gestation difficile que Blaise Hofmann raconte par le menu dans «La
Fête» (Éd. Zoé). Du premier mail reçu en 2014 jusqu’au seuil des
répétitions, l’écrivain morgien plonge son lecteur dans les coulisses
du spectacle en préparation. Le romancier prend sa belle plume de
journaliste, hyperréaliste et très documentée, en traversant ces années
de création ponctuées de rencontres inspirantes et de sourdes
déceptions. Car pour porter ce fruit artistique à maturité, pour que le
vin tiré séduise, la Confrérie a confié la mise en scène à Daniele
Finzi Pasca. Et sa main ferme n’hésite pas à ébourgeoner, tailler,
égrapper, jusqu’à contraindre les sarments poussés ici à s’y plier.
Entre les créateurs du cru, Hofmann et Blok, mais aussi les
compositeurs Valentin Villard et Jérôme Berney, une entente artistique
s’opère autour de cette même ambition, relier l’homme à la terre. Sans
cesse il faut pourtant réécrire, effacer, s’effacer devant l’onirisme
vaporeux, la succession d’émotions grandioses voulues par l’omnipotent
Tessinois doublé de sa compositrice principale, Maria Bonzanigo. «Il
nous conseille vivement d’aller visionner ce que sa compagnie a réalisé
{…}. On ne va pas s’écarter de ce style!» constate Hofmann, dépité, qui
comprend pourquoi l’écrivain veveysan Nicolas Verdan, longtemps
pressenti comme librettiste, a préféré décliner, arguant d’une
incompatibilité avec cet «esprit de famille artistique centré autour
d’une figure dominante». Ils écrivent, il dispose. En racontant les
fureurs du personnage, Hofmann semble purger quelques amertumes. Avant
de mettre de l’eau dans son vin, de s’accepter en simple tâcheron
dédiant son travail à une création qui pourrait bien se révéler en
grand cru.
Premières cuvées
Son récit n’a pas pour autant l’aigreur du pinard tourné. D’une visite
de vignoble à l’effeuillage des archives, des auditions du «Ranz» aux
séances de création, il est constellé d’anecdotes savoureuses,
d’émerveillements, de profonds questionnements qui honorent l’esprit de
cette célébration inscrite à l’Unesco.
Surtout, La Fête est un retour
à la terre. Celui, sincère, d’un auteur inscrit dans «la longue
tradition des poètes de la Fête des vignerons qui n’ont jamais taillé
une vigne», et qui finit par s’y mettre. L’an passé, ce terrien
voyageur a repris 7’000 m2 du domaine familial sur La Côte. Au Salon du
livre, il arrosait ses parutions de ses premières cuvées. Un
gamay, un chasselas (frais et structurés), ornés des partitions de
Valentin Villard et Jérôme Berney. Troisième compositrice de la fête,
Maria Bonzanigo n’a pas de bouteille dédiée… «C’est parce que je ne
fais pas de rosé», sourit l’écrivain devenu vigneron.
THIERRY RABOUD, La Liberté, 11 mai 2019
Quand Blok image, Hofmann conte
L’auteur morgien et son
camarade lausannois ne se connaissaient pas il y a quatre ans. Depuis,
ils ont croisé leurs plumes, partageant le rôle de librettiste pour la
prochaine Fête des Vignerons
L’un noircit les pages d’un carnet, le second tape sur un clavier. Un
regard est clair, l’autre plus sombre. On pourrait continuer ainsi
pendant plusieurs lignes. Superficiellement. Sauf que… tous deux
préfèrent le vin rouge, dont ils partagent un verre de temps en temps.
«Attention, la Fête des Vignerons , c’est celle du travail des hommes
dans la vigne, pas de la vinification , souligne Blaise Hofmann, amusé.
Le nectar des dieux, c’est bien joli, mais on n’est pas là pour
ça! Stéphane Blok et Blaise Hofmann manient les mots de façons assez
différentes pour devenir complémentaires. Alors que le Morgien (de
Villars-sous-Yens, aujourd’hui installé à Reverolle) Hofmann et le
Lausannois Blok ne se connaissaient pas il y a quatre ans, leurs
plumes se sont unies au service du livret de la fête, déroulant en
filigrane une autre histoire: celle d’une jolie complicité.
Éloge de la nature, de la lenteur et des sens
«Stéphane est un artiste habité. Il a des valeurs auxquelles il ne
déroge pas et c’est sa force. Pour ce qui est du livret, on se retrouve
sur des points essentiels: un éloge de la nature, de la lenteur, des
sens», conte Blaise Hofmann. Et il n’y a pas que ça qu’ils partagent.
Lors d’une virée tessinoise avec l’équipe de la Fête des Vignerons,
Stéphane a annoncé à son collègue qu’il allait devenir papa. Et Blaise,
en réponse, de lui faire la même annonce.
«Il y a des joura où l’on n’a pas de chance, d’autres oui, lance
Stéphane Blok. J’ai eu la chance qu’on m’impose Blaise. L’écriture est
difficile à partager si l’on n’est pas sur la même longueur d’onde.
C’est quelqu’un qui a une intuition juste, il est bien dans ses bottes.»
Plus de confluences
La rencontre à lieu dans un local en plein cœur de Lausanne et pourtant
isolé des rumeurs urbaines: c’est l’antre de Stéphane Blok. Un cocon
devenu l’une des «bases arrière de la fête», où les deux librettistes
ont souvent écrit en parallèle. «Nous nous sommes divisés les tableaux
et chacun relisait l’autre. On a toujours pris soin de parler d’une
même voix en public», précise le poète.
Stéphane Blok concède volontiers que la plume de son coéquipier
l’inspire au niveau rytmique, mais leurs écritures s’influencent-elles
pour autant? La réponse est unanime :sur le style, non, sur le contenu,
un peu. Ils sont conscients des mots qu’ils se «repiquent».
«Dernièrement je me suis mis à le citer, mais le plus flagrant reste en
interviw, je reprends souvent ses expressions, analyse Blaise Hofmann.
Son écriture est comme ses poésies orientales qui ont macéré des
années. C’est une fausse simplicité, profonde.»
En quête de leurs propres traditions
Si, selon Blaise Hofmann, son acolyte possède un foie très résistant –
il fait aussi partie de la Société anonyme des amateurs de tripes –,
Stéphane Blok entretient un autre rapport à la nature: depuis
l’enfance, il a vendangé chaque année et chez ses grands-parents, à
Moudon, il déambulait volontiers dans le potager. Mais la fête est
surtout pour lui l’occasion d’alllier son travail contemporain
avec une tradition: «C’est une belle synergie. Les gens le savent peu
mais j’ai souvent écrit pour des chœurs mixtes en dehors de mes travaux
d’essayiste, de cinéma, etc.»
De son côté, Blaise Hofmann renoue avec ce qu’il voyait autrefois comme
«de la phallocratie ultraconservatrice». Lui qui a bien bourlingué
s’est «mis en quête de ses propres traditions après avoir expérimenté
le métier de berger. «Mes parents sont aboriculteurs… Je réconcilie mes
racines paysannes, vigneronnes, avec ma quête artistique», résume-t-il.
Et le duo s’entend sur cette conclusion: «La Fête des Vignerons,
ce n’est pas un spectacle, c’est une célébration du lien qui unit
l’homme à la nature. Ceux qui parlent de patriotisme ou régionalisme se
plantent. C’est plus métaphysique.» Ces sages paroles prononcée,
le amis colibrettistes courent prendre le train direction Rivaz pour
assister à une répétition pour le spectacle.
Le livret de la fête
«Ligne dramaturgique de la Fête des Vignerons», réalisé en étroite
collaboration avec les compositeurs, le livret réunit tous les textes
rédigés pour la célébration. Lors des premières éditions de la fête, il
est d’abord une œuvre collective, u «patchwork» de contributions
d’auteurs différents. C’est en 1905 qu’une création cohérente est
développée pour la première fois entre l’écrivain René Morax et le
compositieur Gustave Doret. En 019, une autre première encore: ce sont
deux auteurs qui sont désignés au lieu d’un. «Les poème de la fête»
sort ce jeudi en librairie, fruit d’une collaboration des éditions Zoé
et Bernard Campiche.
Bios express
Le 29 octobre 2015, Stéphane Blok et Blaise Hofmann ont été désignés
colibrettistes de la fête par les membres du Conseil de la Confrérie
des vignerons. Vous avez sûrement croisé Blaise Hofmann, nommé parmi
les Personnalités La Côte 2018, au détour de nos pages: l’écrivain
installé à Reverolle a publié une dizaine de romans et récits de
voyage. Il a notamment reçu le prix Nicolas Bouvier pour Estive, paru en 2007. Il raconte «sa» fête dans un livre éponyme, à paraître le 2 mai.
Quant à Stéphane Blok, il empile les casquettes de poète, écrivain et
musicien jazz, il met sa plume et son oreille au service du théâtre, de
la dans, du cinéma, mais aussi de chœurs de la région pour lesquels il
a signé de nombreux textes, sur des notes du regretté Nicolas Tschup.
Stéphane Blok a également signé un roman, Les Fables de la joie, et son dernier disque Chanson des routes et des rivières est sorti l’année dernière.
MARION, La Côte, 25 avril 2019
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Depuis
1797, le temps d’un été par génération, la place du Marché de Vevey
accueille la Fête des Vignerons et son spectacle. Voici le livret de
l’édition 2019, écrit pour la première fois de son histoire à quatre
mains.
Au fil des poèmes qui le constituent, on retrouve le cycle des saisons
et la terre, les hommes et les femmes qui exercent les travaux de la
vigne. À la manière d’une treille, ce texte entremêle le régional et
l’universel, le traditionnel et le contemporain, le concret et
l’onirique. Un éloge des sens, de la lenteur, du vivre ensemble, de la
nature, du «repaysement».
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