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Un
jour, sans crier gare, une fissure craquelle la surface polie de
l’apparente sérénité. Quelle secousse sismique imperceptible initie la
désagrégation de l’être intime? On ne peut pas toujours la nommer mais
elle est mortelle, souvent. Anne-Lise Grobéty appelle l’«Endouleur»
cette expérience du malheur. Elle est commune à toutes les filles aux
prénoms troublants qui font allégeance à cette Belle dame qui mord, la
belladone mortifère. La souffrance n’attend pas le nombre des années :
Paulia n’est qu’une toute petite fille oubliée dans la neige pendant que
les adultes se déchirent. La blessure est parfois dérisoire, comme le
désarroi de Liviane qui espère tant de reconnaissance de son professeur
adoré quand il ne s’inquiète que de sa poitrine naissante. La douleur
est assassine quand elle fait craquer les glaces intérieures de Myrthe
et la précipite vers la folie et le crime. Quatorze récits explorent
ainsi les registres du malheur. Ils sont brefs, cinq ou six petites
pages d’une écriture travaillée à l’extrême, portée au bord de
l’artifice, ciselée comme de la poésie. Anne-Lise Grobéty joue des
rimes, de l’allitération. «Entêtant genêt autour de la tête!»: c’est
Liviane qui jubile au printemps, juste avant la fêlure. Les phrases
s’évadent de la prose, s’organisent en vers le temps d’un quatrain, se
répondent en jeux typographiques. À sujet grave, traitement ludique,
ellipses énigmatiques qui suggèrent la cassure. La nouvelliste inaugure
une écriture précieuse, raffinée à l’extrême, concentrée: quatorze
variations brillantes sur basse continue.
ISABELLE RÜF, L’Hebdo
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