KOUTAÏSSOFF, Laurent



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Né en 1966, Laurent Koutaïssoff a étudié les lettres à l’Université de Lausanne et travaille actuellement au sein de l’administration cantonale vaudoise. Il est l’auteur de trois romans, Le Sourire de Thérèse (Slatkine 2014), La Mort de la carpe (Slatkine 2012), Atlas (Bernard Campiche Éditeur, 2020; Prix des Lecteurs de la Ville de Lausanne 2020 & Lauréat Lettres frontière 2021) et d’un recueil de poésie Les Chemins à l’envers (Slatkine 2016).

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Portrait du vice-chancelier en homme de lettres

Laurent Koutaïssoff, le chef du Bureau d’information et de communication publie Atlas, son troisième roman

Il est assis seul à une grand table de bois sur la terrasse du Great Espace, à Lausanne, en chemise blanche et baskets. Derrière lui, le soleil d’été refuse de déclarer forfait, mais l’atmosphère a déjà la douceur de septembre. Le nez sur son téléphone, Laurent Koutaïssoff s’excuse de ne pas nous avoir vu arriver. Habituellement, quand il attend sur une terrasse, l’écrivain observe. L’air innocent derrière ses lunettes, il s’imprègne de la vie des autres, attrape des mimiques, des parfums, des bribes de fâcheries ou des mots d’amour qui nourriront ses fictions. Le sens en éveil, «comme dans une forêt».
Mais l’écrivain n’est pas seul en lui. Laurent Koutaïssoff est aussi – ou plutôt «d’abord», puisqu’il hiérarchise ainsi – «vice-chancelier et chef du Bureau d’information et de communication vaudois (BIC). Au diable la hiérarchie. Si l’on a voulu le rencontrer, c’est parce qu’il sort Atlas, son troisième roman, qui parle notamment de l’inamovibilité du sceau familial. «C’est à chaque fois la même histoire, avertit-il. On croit qu’on peu échapper à ses parents, s’en éloigner, et puis on finit toujours par prononcer une phrase de la même manière qu’eux.» A priori – mais «a priori» seulement – on est loin des communiqués de presse du Canton.
Retour au début de la rencontre. La conversation démarre autour du Cercle littéraire, où Laurent Koutaïssoff passe souvent ses pauses de midi. Il y apprécie la compagnie inspirante d’un «fonds de livres intéressant», qui lui permet de s’éjecter du quotidien pour se plonger dans la création. On ne commandera rien, il n’a pas soif, en tout cas pas suffisamment pour s’arrêter de parler. On le savait plutôt réservé, alors on appréhendait un peu. Allait-il jouer le jeu?
Laurent Koutaïssoff fait mieux: il se raconte, comme sait le faire un écrivain, avec précision, souci du détail, et même autodérision. Comment naît et se développe une fiction? Pour une journaliste habituée à malaxer le réel, la question n’est pas anecdotique. L’écrivain y répond de manière simple. Pour Atlas, la toile de fond a surgi sur une plage bretonne, il y a vingt ans, alors qu’il trempait ses pieds dans l’océan en compagnie de son épouse, enceinte. C’est l’histoire d’un couple passionné par les voyages. Mais ces derniers restent au stade de projets, et le couple passe sa vie le nez dans les guides. La passion tournera à l’obsession destructrice, et le héros du roman, fils de ces deux personnes, en portera les stigmates.

Parti libéral

S’il est une chose que le vice-chancelier abhorre, c’est bien l’obsessionnel, le compulsif, tout ce qui ferme les écoutilles, à la manière de ces filtres sur les réseaux sociaux qui vous forcent à patauger sans arrêt dans le même bain d’idées. «Il y a un terme pour cela en allemand, Fachidiot. Une règle que je me donne, c’est de toujours garder une certaine curiosité.» Fasciné par les libre penseurs, cet enfant de Montreux s’engage au Parti libéral, dont il deviendra par la suite secrétaire général. En 1988, à 22 ans, il est élu conseiller communal. Ce faisant, il règle son pas sur celui de son père, officier à l’armée, agent immobilier et municipal des Finances, mort d’une crise cardiaque alors que Laurent Koutaïssoff n’avait que 8 ans – un drame qui donnera matière à son premier roman. Après des études de latin, d’histoire et d’histoire ancienne, il se retrouve «immédiatement propulsé dans le siècle» en se frottant aux budgets annuels et aux réflexions sur le réfections des trottoirs.

Homère et Jacques Martin

Biberonné à Homère, Platon, «Alix» et Apulée (cherchez l’intrus), fasciné par la complexité des langues mortes, il connaîtra son premier choc littéraire grâce à La Parure de Maupassant. Inspiré aujourd’hui par Laurent Gaudé et la littérature islandaise, il a écrit de la poésie et du théâtre avant d’«oser» la prose. Ses premiers vers, il les a partagés, adolescent, avec Michaël Frei, qui deviendra plus tard le patron du magasin de DVD lausannois Le Karloff. Triste coïncidence, l’enseigne ferme ses portes au moment où sort Atlas. Dans son roman, Laurent Koutaïssoff s’est largement inspiré de la mythique arcade pour en faire le lieu de travail initial de son héros principal.
À la tête du BIC depuis 2012, Laurent Koutaïssoff écrit plutôt des «haïkus d’État», comme il dit. C’est lui qui a contribué à porter le tweet au sommet du Canton. Pour ce marcheur de montagne, l’art du communicant n’est pas si différent de celui de l’écrivain. «Je m’impose la même discipline, avec les mêmes impératifs de clarté, de précision et d’équilibre. La différence fondamentale, c’est le lien actif au texte.»

Aux côtés de Claude Ruey

En tant que vice-chancelier, il conseille aussi le gouvernement sur sa communication. De lui, le chancelier Vincent Grandjean dit ceci: «C’est quelqu’un qui a beaucoup d’humour, un élément clé dans les relations humaines. Il est à la recherche de solutions. Et il est toujours à disposition, une valeur fondamentale à la chancellerie.»
Les deux hommes se sont connus dans les années 1990, au moment du premier passage de Laurent Koutaïssoff à l’État. Ce dernier participera à la construction des Affaires extérieures et fera partie de la première volée de «collaborateurs personnels», aux côtés du ministre Claude Ruey. «C’était une époque perturbée, faite d’endettement et de contestation. La communication telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas. Tout était à inventer.» Suivront douze années à Genève comme communicant pour des banques, avant le retour au bercail de la fonction publique.
Durant ces allers-retours en train avec la Cité de Calvin, l’écrivain apprendra à s’enfermer dans une bulle pour avancer sur ses œuvres. Publié chez Bernard Campiche, Atlas est sélectionné pour le Prix des Lecteurs de la Ville de Lausanne. Mais, chut, il ne faut pas le dire trop fort. D’un grand-père à la peau rousse, Laurent Koutaïssoff a hérité un goût pout l’ombre. «Publier ses textes et accepter d’en être dépossédé est le prix à payer pour en apprendre un peu plus sur soi-même. Mais fondamentalement je préfère ne pas être exposé à la lumière.»


Bio
1966: Naissance à Montreux
1988: Élu conseiller communal libéral
1991: Licence ès lettres et rencontre avec sa future épouse, Daria
1993: Engagé à l’État. Deviendra collaborateur personnel de Claude Ruey
1999: Communicant dans la banque à Genève
2001: Naissance de Sarah
2004: Naissance de Gabrielle
2012: Engagé au BIC. Publie La Mort de la carpe
2014: Publie Le Sourire de Thérèse
2016: Publie Les Chemins à l’envers (poèmes)
2020: Sort Atlas

CAMILLE KRAFFT, La Der, 24 Heures, mardi 29 septembre 2020

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