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Laurent Koutaïssoff lauréat du Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne
Les dix jurés populaires du Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne,
emmenés par le comédien Michel Voïta, président du jury, ont désigné le
21 avril dernier l’écrivain vaudois Laurent Koutaïssoff pour son roman Atlas (Bernard Campiche Éditeur) comme leur lauréat. Atlas,
puissante évocation des dysfonctionnements familiaux et du pouvoir de
l’imagination, raconte le destin de Christophe, qui grandit auprès de
ses parents dont le jeu, à la fois ludique et cruel, consiste à voyager
sans partir de la maison. À leur mort, vendeur de DVD et lecteur
passionné du Comte de Monte-Cristo, il met le feu à leur appartement.
LivreSuisse, No 1, Printemps/Été 2021
Atlas
Troisième roman de Laurent Koutaïssoff, Atlas
conte le périple introspectif de Christophe. Le protagoniste, enfant
unique issu d’une famille aux moyens limités, a souffert tout son
enfance face à son exclusion du monde de ses parents. Ces derniers ne
pouvant satisfaire leur passion pour le voyage s’étaient emmurés dans
un jeu de questions-réponses sur leurs destinations hypothétiquement
favorites. Les guides de voyages, ciguë quotidienne de Christophe, ont
remplacé toutes formes de littérature et l’émancipation intellectuelle
qu’elles permettent, l’entraînant dans les méandres de la folie.
À la recherche de sa propre personne, Christophe commit l’irréparable
pour fuir son passé de solitude et commencer sa propre histoire. En
sortant de prison, ce dernier est recueilli par les employés de la
décharge municipale, aux passés alambiqués. Tous, en quête d’une
nouvelle vie qui serait pleinement la leur, découvrent progressivement
leur identité au travers de celles des autres.
Mélangeant conflits familiaux et études introspectives, Laurent
Koutaïssoff propose une œuvre savoureuse, portée par un style puissant,
aux portes de l’onirisme.
SIMON LAUFER, La Nation, vendredi 23 avril 2021
Le vice-chancelier remporte le Prix des lecteurs lausannois
Laurent Koutaïssoff a été
distingué pour «Atlas», touchant récit d’une rédemption d’un fils
marqué par l’obsession parentale pour les voyages
En septembre dernier, dans un portrait qui lui était consacré dans 24 Heures,
Laurent Koutaïssoff disait préférer «ne pas être exposé en pleine
lumière». Voilà qui est raté, puisque le discret auteur a reçu ce
mercredi le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne pour son roman Atlas
(Éd. Bernard Campiche), lors d’une cérémonie retransmise en ligne dès
19 heures depuis le Casino de Montbenon (à revoir sur la page Facebook de Lire à Lausanne).
«Son texte a séduit le jury par la poésie du propos, sa singularité et
la tenue de l’écriture», détaille le comédien Michel Voïta, président
du jury de cette septième édition, composé de dix personnes installées
dans le Grand-Lausanne.
Le troisième roman du Vaudois né à Montreux en 1966, qui officie par
ailleurs comme vice-chancelier et chef du Bureau d’information et de
communication de l’État de Vaud, l’a emporté face à plusieurs auteurs
plus en vue sur la scène littéraire, comme Joseph Incardona, Antoinette
Rychner ou Adrien Gygax. Anne-Sophie Subilia et Nadine Richon
figuraient aussi dans la sélection avec des fictions explorant, comme
les trois précités, des enjeux très actuels.
Jouer à voyager
Un peu à part, Atlas traite
d’un thème plus intemporel: la famille, abordée dans ce livre avec un
angle très original. Celui d’un enfant qui paie le prix d’une obsession
parentale dévastatrice. Dans une scène particulièrement poignante, le
lecteur découvre, médusé, des géniteurs qui font semblant de voyager
selon un cérémonial bien rodé: aller jusqu’à l’aéroport, manger un
sandwich dans la voiture le temps du vol, puis revenir à la maison en
jouant durant plusieurs jours le séjour à l’aide d’informations puisées
dans des guides de voyage, un peu à la manière des enfants et de leurs
«alors on disait que».
Le roman suit la quête de Christophe, une fois ses parents décédés,
pour sortir de ce jeu malsain, et intégrer enfin le monde. Car cet
étrange personnage reste en marge de la réalité: il préfère lire les
critiques des films plutôt que de les regarder, se cantonne à un seul
livre hautement symbolique, Le Comte de Monte-Cristo,
et se trouve presque soulagé de finir en prison après avoir mis le feu
à son appartement. Sorti de détention, il choisit encore la marge, en
allant travailler et vivre dans une déchetterie. «Comme la prison,
c’est un monde de l’entre-deux, des univers clos dans lesquels il aura
besoin de passer pour se reconstruire», détaille l’auteur.
Longue maturation
Au bout du fil, Laurent Koutaïssoff dit sa grande surprise d’avoir reçu
ce prix: «Cela me touche d’autant plus que ce livre est particulier
pour moi. J’ai eu l’idée de ces personnes qui aiment le voyage mais ne
partent jamais il y a vingt ans, lorsque je marchais sur une plage, en
vacances en Bretagne. Ensuite, cela a mis énormément de temps à mûrir,
jusqu’à ce que je trouve le bon angle et que je me sente à l’aise avec
cette problématique.»
Entre-temps, il ouvrage deux romans (La Mort de la carpe en 2012 et Le Sourire de Thérèse
en 2014) ainsi qu’un recueil de poésies et des pièces de théâtre. En
principe le matin et le week-end. De la poésie, il a commencé à en
écrire à l’adolescence, avec Michael Frei, patron du Karloff, renommée boutique de DVD lausannoise aujourd’hui close, auquel le roman rend d’ailleurs hommage.
Avec ses multiples fils reliés entre eux par une narration scrupuleusement construite, Atlas
fait sentir avant tout ce poids de la famille. «Quoi qu’on fasse, on
n’y échappe pas, on n’arrive jamais à s’en débarrasser», remarque
l’auteur. À cette impossibilité, il oppose l’importance capitale des
rencontres: celle avec la libraire Isabelle dans l’enfance de
Christophe, puis celle plus tardive qui lui donnera envie, pour la
première fois, de «ne plus rester immobile».
La fiction entraîne ainsi dans une trajectoire rédemptrice pleine
d’espoir, sans être pour autant exempte de critiques sur le monde
contemporain: «Le thème du voyage fantasmé m’a permis de mettre en
scène cette perte de contact avec le réel qui me semble exacerbée
aujourd’hui avec l’utilisation des nouvelles technologies.» S’il aime
le monde, Laurent Koutaïssoff aura la possibilité de s’en extraire pour
bénéficier du mois de résidence au château de Lavigny, offert avec les
20’000 francs du prix.
CAROLINE RIEDER, 24 Heures, jeudi 22 avril 2021
Portrait du vice-chancelier en homme de lettres
Laurent Koutaïssoff, le chef du Bureau d’information et de communication publie Atlas, son troisième roman
Il est assis seul à une grand table de bois sur la terrasse du Great
Espace, à Lausanne, en chemise blanche et baskets. Derrière lui, le
soleil d’été refuse de déclarer forfait, mais l’atmosphère a déjà la
douceur de septembre. Le nez sur son téléphone, Laurent Koutaïssoff
s’excuse de ne pas nous avoir vu arriver. Habituellement, quand il
attend sur une terrasse, l’écrivain observe. L’air innocent derrière
ses lunettes, il s’imprègne de la vie des autres, attrape des mimiques,
des parfums, des bribes de fâcheries ou des mots d’amour qui nourriront
ses fictions. Le sens en éveil, «comme dans une forêt».
Mais l’écrivain n’est pas seul en lui. Laurent Koutaïssoff est aussi –
ou plutôt «d’abord», puisqu’il hiérarchise ainsi – «vice-chancelier et
chef du Bureau d’information et de communication vaudois (BIC). Au
diable la hiérarchie. Si l’on a voulu le rencontrer, c’est parce qu’il
sort Atlas, son troisième
roman, qui parle notamment de l’inamovibilité du sceau familial. «C’est
à chaque fois la même histoire, avertit-il. On croit qu’on peu échapper
à ses parents, s’en éloigner, et puis on finit toujours par prononcer
une phrase de la même manière qu’eux.» A priori – mais «a priori»
seulement – on est loin des communiqués de presse du Canton.
Retour au début de la rencontre. La conversation démarre autour du
Cercle littéraire, où Laurent Koutaïssoff passe souvent ses pauses de
midi. Il y apprécie la compagnie inspirante d’un «fonds de livres
intéressant», qui lui permet de s’éjecter du quotidien pour se plonger
dans la création. On ne commandera rien, il n’a pas soif, en tout cas
pas suffisamment pour s’arrêter de parler. On le savait plutôt réservé,
alors on appréhendait un peu. Allait-il jouer le jeu?
Laurent Koutaïssoff fait mieux: il se raconte, comme sait le faire un
écrivain, avec précision, souci du détail, et même autodérision.
Comment naît et se développe une fiction? Pour une journaliste habituée
à malaxer le réel, la question n’est pas anecdotique. L’écrivain y
répond de manière simple. Pour Atlas,
la toile de fond a surgi sur une plage bretonne, il y a vingt ans,
alors qu’il trempait ses pieds dans l’océan en compagnie de son épouse,
enceinte. C’est l’histoire d’un couple passionné par les voyages. Mais
ces derniers restent au stade de projets, et le couple passe sa vie le
nez dans les guides. La passion tournera à l’obsession destructrice, et
le héros du roman, fils de ces deux personnes, en portera les stigmates.
Parti libéral
S’il est une chose que le vice-chancelier abhorre, c’est bien
l’obsessionnel, le compulsif, tout ce qui ferme les écoutilles, à la
manière de ces filtres sur les réseaux sociaux qui vous forcent à
patauger sans arrêt dans le même bain d’idées. «Il y a un terme pour
cela en allemand, Fachidiot.
Une règle que je me donne, c’est de toujours garder une certaine
curiosité.» Fasciné par les libre penseurs, cet enfant de Montreux
s’engage au Parti libéral, dont il deviendra par la suite secrétaire
général. En 1988, à 22 ans, il est élu conseiller communal. Ce faisant,
il règle son pas sur celui de son père, officier à l’armée, agent
immobilier et municipal des Finances, mort d’une crise cardiaque alors
que Laurent Koutaïssoff n’avait que 8 ans – un drame qui donnera
matière à son premier roman. Après des études de latin, d’histoire et
d’histoire ancienne, il se retrouve «immédiatement propulsé dans le
siècle» en se frottant aux budgets annuels et aux réflexions sur le
réfections des trottoirs.
Homère et Jacques Martin
Biberonné à Homère, Platon, «Alix» et Apulée (cherchez l’intrus),
fasciné par la complexité des langues mortes, il connaîtra son premier
choc littéraire grâce à La Parure
de Maupassant. Inspiré aujourd’hui par Laurent Gaudé et la littérature
islandaise, il a écrit de la poésie et du théâtre avant d’«oser» la
prose. Ses premiers vers, il les a partagés, adolescent, avec Michaël
Frei, qui deviendra plus tard le patron du magasin de DVD lausannois Le
Karloff. Triste coïncidence, l’enseigne ferme ses portes au moment où
sort Atlas. Dans son roman,
Laurent Koutaïssoff s’est largement inspiré de la mythique arcade pour
en faire le lieu de travail initial de son héros principal.
À la tête du BIC depuis 2012, Laurent Koutaïssoff écrit plutôt des
«haïkus d’État», comme il dit. C’est lui qui a contribué à porter le
tweet au sommet du Canton. Pour ce marcheur de montagne, l’art du
communicant n’est pas si différent de celui de l’écrivain. «Je m’impose
la même discipline, avec les mêmes impératifs de clarté, de précision
et d’équilibre. La différence fondamentale, c’est le lien actif au
texte.»
Aux côtés de Claude Ruey
En tant que vice-chancelier, il conseille aussi le gouvernement sur sa
communication. De lui, le chancelier Vincent Grandjean dit ceci: «C’est
quelqu’un qui a beaucoup d’humour, un élément clé dans les relations
humaines. Il est à la recherche de solutions. Et il est toujours à
disposition, une valeur fondamentale à la chancellerie.»
Les deux hommes se sont connus dans les années 1990, au moment du
premier passage de Laurent Koutaïssoff à l’État. Ce dernier participera
à la construction des Affaires extérieures et fera partie de la
première volée de «collaborateurs personnels», aux côtés du ministre
Claude Ruey. «C’était une époque perturbée, faite d’endettement et de
contestation. La communication telle qu’on la connaît aujourd’hui
n’existait pas. Tout était à inventer.» Suivront douze années à Genève
comme communicant pour des banques, avant le retour au bercail de la
fonction publique.
Durant ces allers-retours en train avec la Cité de Calvin, l’écrivain
apprendra à s’enfermer dans une bulle pour avancer sur ses œuvres.
Publié chez Bernard Campiche, Atlas
est sélectionné pour le Prix des Lecteurs de la Ville de Lausanne.
Mais, chut, il ne faut pas le dire trop fort. D’un grand-père à la peau
rousse, Laurent Koutaïssoff a hérité un goût pout l’ombre. «Publier ses
textes et accepter d’en être dépossédé est le prix à payer pour en
apprendre un peu plus sur soi-même. Mais fondamentalement je préfère ne
pas être exposé à la lumière.»
Bio
1966: Naissance à Montreux
1988: Élu conseiller communal libéral
1991: Licence ès lettres et rencontre avec sa future épouse, Daria
1993: Engagé à l’État. Deviendra collaborateur personnel de Claude Ruey
1999: Communicant dans la banque à Genève
2001: Naissance de Sarah
2004: Naissance de Gabrielle
2012: Engagé au BIC. Publie La Mort de la carpe
2014: Publie Le Sourire de Thérèse
2016: Publie Les Chemins à l’envers (poèmes)
2020: Sort Atlas
CAMILLE KRAFFT, La Der, 24 Heures, mardi 29 septembre 2020
Atlas, de Laurent Koutaïssoff chez Bernard Campiche, éditeur
Surtout ne pas franchir la ligne rouge! L’espace en-deçà est un cocon,
une zone protégée. Il faudra la patience et la pugnacité de Marion pour
que Christophe accepte de passer ce Rubicon psychologique.
Christophe et Marion, cabossés par une enfance chahutée. Christophe a
purgé une peine de douze mois de prison. Il a avoué derechef avoir
bouté le feu à l’appartement de ses parents, morts plusieurs mois
auparavant. Il a sciemment aspergé de liquide inflammable les
magazines, les guides touristiques, les revues de ses parents. Un
autodafé qui lui a permis de rompre avec le trauma de son enfance.
Son père, fin érudit, s’abreuvait a la source de la librairie
d’Isabelle, jusqu’à son mariage avec une femme de chambre dans l’hôtel
où il est maître de rang. Épris tous deux de voyages, sans avoir les
moyens financiers de les concrétiser, ils ont mis au point un jeu de
questions-réponses sur ces paysages de rêves, ces monuments qui font la
gloire d’une ville, d’un pays. Ils y consacrent des heures
interminables, livrant leur fils à une solitude béante. Heureusement,
il y a la douce Isabelle qui a pris le relais.
Or donc, après l’incendie, Christophe est en réinsertion. La
déchetterie, cette non-zone entre la cité et un terrain vague, est son
point d’ancrage. Depuis son plus jeune âge, il trace des plans
minutieux de son environnement qu’il consigne dans un album.
Dans cet album, Marion va découvrir le germe d’un secret. Elle invite
Christophe à se confier. Elle aussi dévoile des pans de sa vie.
L’affection qu’elle épreuve pour ce garçon étrange va permettre la
rédemption de Christophe.
Laurent Koutaïssoff est un habile narrateur. Il sait admirablement
tirer les ficelles de son récit, laissant au lecteur cette part de
suspense qui le titille. La psychologie de ses personnages est finement
analysée. Né en 1966, il a étudié les lettre à l’Université de Lausanne
et travaille au sein de l’administration cantonale vaudoise.
Il a publié différents ouvrages chez Slatkine. Atlas est son premier roman chez Bernard Campiche. Un livre du printemps littéraire de l’éditeur urbigène.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, 17 juillet 2020
Laurent Koutaïssoff, Atlas
Ce roman parfaitement construit plonge le lecteur dans l’absurde et le
tragique. Christophe Doinet travaille au Valentino, un magasin de DVD
dont le côté fouillis lui convient. Il s’y sent rassuré alors que ses
parents ne lui offrent ni amour ni compréhension. Christophe est tenu à
l’écart de ce couple étrange, branché sur une obsession des voyages
qu’il n’assouvit que par la lecture de guides appris par cœur. Peu
après la mort de ses parents, Christophe passe à l’acte, met le feu à
l’appartement familial et finit en prison où, là aussi, il se sent
entouré par un périmètre de sécurité. Dès ce moment le lecteur comprend
que la notion d’abri est essentielle pour Christophe. N’ayant appartenu
à personne, il se cherche un cadre. Et c’est dur… Après la prison il
est employé dans une déchetterie, travaille avec deux compagnons
auxquels se joint Marion. La résilience est sans doute au bout du
chemin. Et cela vaut la peine d’accompagner Christophe dans cette
construction de lui-même. Il est heureux que ce livre profond et
intelligent s’achève sur une lueur d’espoir à laquelle on n’avait
peut-être pas toujours cru!
Plume au vent, Société de Lecture, Genève, No 444, été 2020
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Les ravages d’une obsession
La violence, il y a celle qui se voit, qui s’encaisse verbalement ou
physiquement. Mais il en existe des formes plus sournoises. Comme
partir à l’aéroport en voiture, comme si on allait prendre l’avion,
mimer durant une heure dans l’auto le trajet aérien, puis rentrer à la
maison tout en faisant comme si on était arrivé à destination, et
visiter, durant trois jours dans un appartement réaménagé, la «ville»
choisie. Un jeu somme toute innocent entre adultes consentants. Sauf
qu’au milieu, un petit garçon s’y perd. Comme dans ses deux premiers
romans, dont Le Sourire de Thérèse,
le Lausannois Laurent Koutaïssoff plonge dans une histoire de famille.
Elle se dessine peu à peu au fil des souvenirs de Christophe. Singulier
personnage qui dévore les critiques de tous les films sans en avoir vu
aucun, et qui n’a voulu lire et relire qu’un unique livre: Le Comte de Monte-Cristo.
Et pour faire table rase, il met le feu à son appartement. Après un
passage en prison, il devient gardien dans une déchetterie. Là, des
rencontres vont faire bouger les frontières de son «atlas» personnel.
Cette histoire de résilience séduit par son caractère hors norme et des
personnages attachants. Même si, dans le dernier tiers, l’auteur cède à
la tentation de trop en dire en dévoilant les drames intimes de chaque
protagoniste.
CAROLINE RIEDER, 24 Heures, 13 juin 2020 et Le Matn, 13-14 juin 2020
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Une offre d'emploi affichée à la vitrine d'une échoppe retient l'attention de Christophe. Il se présente:
« ...Il faudra donc que tu puisses répondre à quelques questions. Tu t'y connais en cinéma?
- Je lis toutes les critiques.
- Tu ne regardes jamais de film?
- Si on lit la critique, ce n'est pas nécessaire. Christophe avait remarqué la gêne du patron.
Sans rien ajouter, il s'était dirigé vers un rayon, il avait tendu le
bras au hasard sans quitter Allan du regard. Il avait laissé courir ses
doigts sur le dos des coffrets comme pianotant un air à l'aveugle, puis
en avait sorti un. Il avait lu le titre à haute voix et débité en
quelques phrases non seulement l'intrigue, mais deux ou trois
commentaires sur le jeu des acteurs et d'autres œuvres du même
réalisateur. Le patron avait écarquillé les yeux puis souri.
- Un mois à l'essai, ça te va ? »
Défi, révolte... Christophe tente en vain d'attirer l'attention de ses
parents, murés derrière leurs piles de livres, prisonniers de tant de
connaissances accumulées. S'il cartographie minutieusement son univers,
établissant les plans détaillés de chaque lieu - l'appartement, la
cellule, la déchetterie où il s'engage à sa sortie de prison -, le
jeune homme semble pourtant séparé de la réalité, comme décalé. Il
intrigue ceux qui le croisent et essaient de le comprendre. Tous
dévoileront peu à peu leur histoire, poignante et douloureuse, et tous
à leur façon devront avancer.
Citations, allusions littéraires, références culturelles sont présentes
tout au long du récit, avec cette question à la clé: passion,
nourriture de l'âme, que peut la littérature?
MARIANNE BOVAY, Bulletin du Cercle littéraire (Lausanne)
La renaissance d’un incendiaire
Atlas, le troisième roman de l’écrivain et poète vaudois Laurent Koutaïssoff, aborde le thème de la résilience
Feindre un voyage. C’est à ce jeu que se prêtent un hôtelier, sa femme
et leur fils Christophe. Ils roulent jusqu’au parking de l’aéroport,
l’air de prendre un avion pour Rome, mais traînent une heure dix dans
leur voiture, juste la durée du vol.
Et rentrent ensuite au bercail. A la maison, ils feignent de visiter
Rome, déplaçant des meubles en décidant que le corridor sera le Tibre,
etc. En plein confinement imposé par le Covid-19, cette scène cocasse
d’Atlas, le troisième roman de l’écrivain et poète vaudois Laurent
Koutaïssoff, résonne de manière intrigante. L’ouvrage s’articule
néanmoins autour du thème de la résilience.
Des années après ce simulacre de voyage en Italie, Christophe, vendeur
de DVD et lecteur passionné du Comte de Monte-Cristo, met le feu à
l’appartement de ses parents. Une façon pour lui d’effacer leurs
manies, leur addiction à ces faux voyages. Atlas raconte ensuite la
réinsertion de l’incendiaire qui a passé un an derrière les barreaux.
Engagé dans une déchetterie, Christophe reprend pied grâce au soutien
d’une libraire qui a tenu un rôle clé dans sa vie.
Atlas progresse tel un puzzle, pièce par pièce, le lecteur découvrant
l’étrange univers familial de Christophe tandis que ses nouvelles
relations l’aident à changer son regard sur le monde. Entre amour et
souffrance, on suit l’itinéraire d’un homme qui se libère du passé. La
narration restitue de façon convaincante et touchante les hauts et les
bas du protagoniste, de révélation en révélation, le long d’un chemin
qui le mènera de l’absurde à la sanction, et de là à une renaissance
personnelle.
MARC-OLIVIER PARLATANO, Laurent Koutaïssoff
«Atlas»
Ce roman parfaitement construit plonge le lecteur dans l’absurde et le
tragique. Christophe Doinet travaille au Valentino, un magasin de DVD
dont le côté fouillis lui convient. Il s’y sent rassuré alors que ses
parents ne lui offrent ni amour ni compréhension. Christophe est tenu à
l’écart de ce couple étrange, branché sur une obsession des voyages
qu’il n’assouvit que par la lecture de guides appris par cœur. Peu
après la mort de ses parents, Christophe passe à l’acte, met le feu à
l’appartement familial et finit en prison où, là aussi, il se sent
entouré par un périmètre de sécurité. Dès ce moment le lecteur comprend
que la notion d’abri est essentielle pour Christophe. N’ayant appartenu
à personne, il se cherche un cadre. Et c’est dur… Après la prison il
est employé dans une déchetterie, travaille avec deux compagnons
auxquels se joint Marion. La résilience est sans doute au bout du
chemin. Et cela vaut la peine d’accompagner Christophe dans cette
construction de lui-même. Il est heureux que ce livre profond et
intelligent s’achève sur une lueur d’espoir à laquelle on n’avait
peut-être pas toujours cru!
«Plume au vent», Société de Lecture, Genève, No 444, été 2020
«Je
n’ai appris qu’une chose durant toutes ces années: “Le destin n’existe
pas!” C’est le nom qu’on donne à nos faiblesses et nos petites
lâchetés. Il faut vivre tout simplement, faire face, avec nos propres
idées et bien prendre la mesure de notre impuissance. Mais la seule
chose à laquelle on n’échappe pas, c’est la famille.»
Ce que dit un des personnages d’Atlas
aurait pu être mis en épigraphe par Laurent Koutaïssoff à son roman,
qui raconte l’histoire de Christophe Doinet, parce que cela la résume
bien et la met en perspective.
Christophe Doinet est un jeune homme qui semble toujours ailleurs. Au
début il travaille dans un magasin de DVD, Valentino. Il y a été
embauché par Allan, parce qu’il connaît bien les films sans les avoir
vus.
Christophe est un grand lecteur de critiques de cinéma. Sinon, il lit très peu, hormis peut-être un livre aimé, Le Comte de Monte-Cristo, qu’il a tenté d’offrir à son père après l’avoir dérobé dans une proche librairie.
S’il ne lit guère, il connaît aussi bien les livres que les films.
Isabelle Renaud, la libraire, à qui il a rapporté le Dumas, dont elle
lui fait la lecture, les lui raconte par le menu et il en enregistre le
contenu dans sa tête.
Alors que le Comte de Monte-Cristo se venge à la fin de l’histoire,
Christophe le fait à son début. Il met un jour le feu à l’appartement
familial qu’il occupe tout seul depuis que ses parents ne sont plus de
ce monde.
Cet incendie volontaire lui vaut un an de prison, ce à quoi il
s’attendait, sans le détourner de la commission de cet acte, dont on ne
comprend la raison que peu à peu, comme tant d’autres choses de son
existence.
Cet an de prison est un entre-deux, entre un passé, où les peines sont
plus nombreuses que les joies, et un avenir qui se profile curieusement
avec un travail dans une déchetterie où il doit surveiller le niveau
des bennes.
Le lien, entre cet avant et cet après, est un cahier, une sorte
d’aide-mémoire, que seul il peut décrypter et dans lequel il écrit,
dessine précisément ce qu’il voit ou ressent, colle photos qu’il prend
ou images qu’il découpe.
Des occasions se présentent à Christophe qu’il saisira pour avancer. Il
acceptera les aides que lui offrent des personnes compréhensives et la
définition du mot «atlas» qu’il recherchait éperdument lui sera donnée
in fine.
Blog de FRANCIS RICHARD
Christophe Doinet travaille au Valentino comme vendeur de DVD. Un
incendie ravage son appartement juste après la mort de son père.
Accident? Acte criminel? Cet événement ravive les souvenirs de son
enfance: ses parents passionnés par les voyages, sa solitude et
Isabelle, la libraire de son quartier. Elle l’aidera à s’affranchir de
sa famille et à porter un nouveau regard sur le monde. Il rencontrera
alors, dans une déchetterie de la ville, Léonard, Pique-Bœuf et Marion,
tous trois liés par une histoire commune. Le plaisir de Christophe,
c’est un album dans lequel il collectionne en secret tout ce qui marque
sa vie. Son plus grand voyage sera de partager ce journal, l’atlas de
ses blessures et de son imagination.
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