LAURENT KOUTAÏSSOFF

ATLAS

Roman
2020. 296 pages. Prix: CHF 32.00
ISBN 978-2-88241-455-7

Prix des Lecteurs de la Ville de Lausanne 2021
Prix Lettres frontière 2021


Biographie

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Manifestations, rencontres et signatures
Index des auteurs

Laurent Koutaïssoff lauréat du Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne

Les dix jurés populaires du Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne, emmenés par le comédien Michel Voïta, président du jury, ont désigné le 21 avril dernier l’écrivain vaudois Laurent Koutaïssoff pour son roman Atlas (Bernard Campiche Éditeur) comme leur lauréat. Atlas, puissante évocation des dysfonctionnements familiaux et du pouvoir de l’imagination, raconte le destin de Christophe, qui grandit auprès de ses parents dont le jeu, à la fois ludique et cruel, consiste à voyager sans partir de la maison. À leur mort, vendeur de DVD et lecteur passionné du Comte de Monte-Cristo, il met le feu à leur appartement.

LivreSuisse,
No 1, Printemps/Été 2021

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Atlas

Troisième roman de Laurent Koutaïssoff, Atlas conte le périple introspectif de Christophe. Le protagoniste, enfant unique issu d’une famille aux moyens limités, a souffert tout son enfance face à son exclusion du monde de ses parents. Ces derniers ne pouvant satisfaire leur passion pour le voyage s’étaient emmurés dans un jeu de questions-réponses sur leurs destinations hypothétiquement favorites. Les guides de voyages, ciguë quotidienne de Christophe, ont remplacé toutes formes de littérature et l’émancipation intellectuelle qu’elles permettent, l’entraînant dans les méandres de la folie.
À la recherche de sa propre personne, Christophe commit l’irréparable pour fuir son passé de solitude et commencer sa propre histoire. En sortant de prison, ce dernier est recueilli par les employés de la décharge municipale, aux passés alambiqués. Tous, en quête d’une nouvelle vie qui serait pleinement la leur, découvrent progressivement leur identité au travers de celles des autres.
Mélangeant conflits familiaux et études introspectives, Laurent Koutaïssoff propose une œuvre savoureuse, portée par un style puissant, aux portes de l’onirisme.

SIMON LAUFER
,
La Nation, vendredi 23 avril 2021

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Le vice-chancelier remporte le Prix des lecteurs lausannois

Laurent Koutaïssoff a été distingué pour «Atlas», touchant récit d’une rédemption d’un fils marqué par l’obsession parentale pour les voyages

En septembre dernier, dans un portrait qui lui était consacré dans 24 Heures, Laurent Koutaïssoff disait préférer «ne pas être exposé en pleine lumière». Voilà qui est raté, puisque le discret auteur a reçu ce mercredi le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne pour son roman Atlas (Éd. Bernard Campiche), lors d’une cérémonie retransmise en ligne dès 19 heures depuis le Casino de Montbenon (à revoir sur la page Facebook de Lire à Lausanne). «Son texte a séduit le jury par la poésie du propos, sa singularité et la tenue de l’écriture», détaille le comédien Michel Voïta, président du jury de cette septième édition, composé de dix personnes installées dans le Grand-Lausanne.
Le troisième roman du Vaudois né à Montreux en 1966, qui officie par ailleurs comme vice-chancelier et chef du Bureau d’information et de communication de l’État de Vaud, l’a emporté face à plusieurs auteurs plus en vue sur la scène littéraire, comme Joseph Incardona, Antoinette Rychner ou Adrien Gygax. Anne-Sophie Subilia et Nadine Richon figuraient aussi dans la sélection avec des fictions explorant, comme les trois précités, des enjeux très actuels.

Jouer à voyager

Un peu à part, Atlas traite d’un thème plus intemporel: la famille, abordée dans ce livre avec un angle très original. Celui d’un enfant qui paie le prix d’une obsession parentale dévastatrice. Dans une scène particulièrement poignante, le lecteur découvre, médusé, des géniteurs qui font semblant de voyager selon un cérémonial bien rodé: aller jusqu’à l’aéroport, manger un sandwich dans la voiture le temps du vol, puis revenir à la maison en jouant durant plusieurs jours le séjour à l’aide d’informations puisées dans des guides de voyage, un peu à la manière des enfants et de leurs «alors on disait que».
Le roman suit la quête de Christophe, une fois ses parents décédés, pour sortir de ce jeu malsain, et intégrer enfin le monde. Car cet étrange personnage reste en marge de la réalité: il préfère lire les critiques des films plutôt que de les regarder, se cantonne à un seul livre hautement symbolique, Le Comte de Monte-Cristo, et se trouve presque soulagé de finir en prison après avoir mis le feu à son appartement. Sorti de détention, il choisit encore la marge, en allant travailler et vivre dans une déchetterie. «Comme la prison, c’est un monde de l’entre-deux, des univers clos dans lesquels il aura besoin de passer pour se reconstruire», détaille l’auteur.

Longue maturation

Au bout du fil, Laurent Koutaïssoff dit sa grande surprise d’avoir reçu ce prix: «Cela me touche d’autant plus que ce livre est particulier pour moi. J’ai eu l’idée de ces personnes qui aiment le voyage mais ne partent jamais il y a vingt ans, lorsque je marchais sur une plage, en vacances en Bretagne. Ensuite, cela a mis énormément de temps à mûrir, jusqu’à ce que je trouve le bon angle et que je me sente à l’aise avec cette problématique.»
Entre-temps, il ouvrage deux romans (La Mort de la carpe en 2012 et Le Sourire de Thérèse en 2014) ainsi qu’un recueil de poésies et des pièces de théâtre. En principe le matin et le week-end. De la poésie, il a commencé à en écrire à l’adolescence, avec Michael Frei, patron du Karloff, renommée boutique de DVD lausannoise aujourd’hui close, auquel le roman rend d’ailleurs hommage.
Avec ses multiples fils reliés entre eux par une narration scrupuleusement construite, Atlas fait sentir avant tout ce poids de la famille. «Quoi qu’on fasse, on n’y échappe pas, on n’arrive jamais à s’en débarrasser», remarque l’auteur. À cette impossibilité, il oppose l’importance capitale des rencontres: celle avec la libraire Isabelle dans l’enfance de Christophe, puis celle plus tardive qui lui donnera envie, pour la première fois, de «ne plus rester immobile».
La fiction entraîne ainsi dans une trajectoire rédemptrice pleine d’espoir, sans être pour autant exempte de critiques sur le monde contemporain: «Le thème du voyage fantasmé m’a permis de mettre en scène cette perte de contact avec le réel qui me semble exacerbée aujourd’hui avec l’utilisation des nouvelles technologies.» S’il aime le monde, Laurent Koutaïssoff aura la possibilité de s’en extraire pour bénéficier du mois de résidence au château de Lavigny, offert avec les 20’000 francs du prix.

CAROLINE RIEDER
,
24 Heures, jeudi 22 avril 2021

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Portrait du vice-chancelier en homme de lettres

Laurent Koutaïssoff, le chef du Bureau d’information et de communication publie Atlas, son troisième roman

Il est assis seul à une grand table de bois sur la terrasse du Great Espace, à Lausanne, en chemise blanche et baskets. Derrière lui, le soleil d’été refuse de déclarer forfait, mais l’atmosphère a déjà la douceur de septembre. Le nez sur son téléphone, Laurent Koutaïssoff s’excuse de ne pas nous avoir vu arriver. Habituellement, quand il attend sur une terrasse, l’écrivain observe. L’air innocent derrière ses lunettes, il s’imprègne de la vie des autres, attrape des mimiques, des parfums, des bribes de fâcheries ou des mots d’amour qui nourriront ses fictions. Le sens en éveil, «comme dans une forêt».
Mais l’écrivain n’est pas seul en lui. Laurent Koutaïssoff est aussi – ou plutôt «d’abord», puisqu’il hiérarchise ainsi – «vice-chancelier et chef du Bureau d’information et de communication vaudois (BIC). Au diable la hiérarchie. Si l’on a voulu le rencontrer, c’est parce qu’il sort Atlas, son troisième roman, qui parle notamment de l’inamovibilité du sceau familial. «C’est à chaque fois la même histoire, avertit-il. On croit qu’on peu échapper à ses parents, s’en éloigner, et puis on finit toujours par prononcer une phrase de la même manière qu’eux.» A priori – mais «a priori» seulement – on est loin des communiqués de presse du Canton.
Retour au début de la rencontre. La conversation démarre autour du Cercle littéraire, où Laurent Koutaïssoff passe souvent ses pauses de midi. Il y apprécie la compagnie inspirante d’un «fonds de livres intéressant», qui lui permet de s’éjecter du quotidien pour se plonger dans la création. On ne commandera rien, il n’a pas soif, en tout cas pas suffisamment pour s’arrêter de parler. On le savait plutôt réservé, alors on appréhendait un peu. Allait-il jouer le jeu?
Laurent Koutaïssoff fait mieux: il se raconte, comme sait le faire un écrivain, avec précision, souci du détail, et même autodérision. Comment naît et se développe une fiction? Pour une journaliste habituée à malaxer le réel, la question n’est pas anecdotique. L’écrivain y répond de manière simple. Pour Atlas, la toile de fond a surgi sur une plage bretonne, il y a vingt ans, alors qu’il trempait ses pieds dans l’océan en compagnie de son épouse, enceinte. C’est l’histoire d’un couple passionné par les voyages. Mais ces derniers restent au stade de projets, et le couple passe sa vie le nez dans les guides. La passion tournera à l’obsession destructrice, et le héros du roman, fils de ces deux personnes, en portera les stigmates.

Parti libéral

S’il est une chose que le vice-chancelier abhorre, c’est bien l’obsessionnel, le compulsif, tout ce qui ferme les écoutilles, à la manière de ces filtres sur les réseaux sociaux qui vous forcent à patauger sans arrêt dans le même bain d’idées. «Il y a un terme pour cela en allemand, Fachidiot. Une règle que je me donne, c’est de toujours garder une certaine curiosité.» Fasciné par les libre penseurs, cet enfant de Montreux s’engage au Parti libéral, dont il deviendra par la suite secrétaire général. En 1988, à 22 ans, il est élu conseiller communal. Ce faisant, il règle son pas sur celui de son père, officier à l’armée, agent immobilier et municipal des Finances, mort d’une crise cardiaque alors que Laurent Koutaïssoff n’avait que 8 ans – un drame qui donnera matière à son premier roman. Après des études de latin, d’histoire et d’histoire ancienne, il se retrouve «immédiatement propulsé dans le siècle» en se frottant aux budgets annuels et aux réflexions sur le réfections des trottoirs.

Homère et Jacques Martin

Biberonné à Homère, Platon, «Alix» et Apulée (cherchez l’intrus), fasciné par la complexité des langues mortes, il connaîtra son premier choc littéraire grâce à La Parure de Maupassant. Inspiré aujourd’hui par Laurent Gaudé et la littérature islandaise, il a écrit de la poésie et du théâtre avant d’«oser» la prose. Ses premiers vers, il les a partagés, adolescent, avec Michaël Frei, qui deviendra plus tard le patron du magasin de DVD lausannois Le Karloff. Triste coïncidence, l’enseigne ferme ses portes au moment où sort Atlas. Dans son roman, Laurent Koutaïssoff s’est largement inspiré de la mythique arcade pour en faire le lieu de travail initial de son héros principal.
À la tête du BIC depuis 2012, Laurent Koutaïssoff écrit plutôt des «haïkus d’État», comme il dit. C’est lui qui a contribué à porter le tweet au sommet du Canton. Pour ce marcheur de montagne, l’art du communicant n’est pas si différent de celui de l’écrivain. «Je m’impose la même discipline, avec les mêmes impératifs de clarté, de précision et d’équilibre. La différence fondamentale, c’est le lien actif au texte.»

Aux côtés de Claude Ruey

En tant que vice-chancelier, il conseille aussi le gouvernement sur sa communication. De lui, le chancelier Vincent Grandjean dit ceci: «C’est quelqu’un qui a beaucoup d’humour, un élément clé dans les relations humaines. Il est à la recherche de solutions. Et il est toujours à disposition, une valeur fondamentale à la chancellerie.»
Les deux hommes se sont connus dans les années 1990, au moment du premier passage de Laurent Koutaïssoff à l’État. Ce dernier participera à la construction des Affaires extérieures et fera partie de la première volée de «collaborateurs personnels», aux côtés du ministre Claude Ruey. «C’était une époque perturbée, faite d’endettement et de contestation. La communication telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas. Tout était à inventer.» Suivront douze années à Genève comme communicant pour des banques, avant le retour au bercail de la fonction publique.
Durant ces allers-retours en train avec la Cité de Calvin, l’écrivain apprendra à s’enfermer dans une bulle pour avancer sur ses œuvres. Publié chez Bernard Campiche, Atlas est sélectionné pour le Prix des Lecteurs de la Ville de Lausanne. Mais, chut, il ne faut pas le dire trop fort. D’un grand-père à la peau rousse, Laurent Koutaïssoff a hérité un goût pout l’ombre. «Publier ses textes et accepter d’en être dépossédé est le prix à payer pour en apprendre un peu plus sur soi-même. Mais fondamentalement je préfère ne pas être exposé à la lumière.»


Bio
1966: Naissance à Montreux
1988: Élu conseiller communal libéral
1991: Licence ès lettres et rencontre avec sa future épouse, Daria
1993: Engagé à l’État. Deviendra collaborateur personnel de Claude Ruey
1999: Communicant dans la banque à Genève
2001: Naissance de Sarah
2004: Naissance de Gabrielle
2012: Engagé au BIC. Publie La Mort de la carpe
2014: Publie Le Sourire de Thérèse
2016: Publie Les Chemins à l’envers (poèmes)
2020: Sort Atlas

CAMILLE KRAFFT, La Der, 24 Heures, mardi 29 septembre 2020

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Atlas, de Laurent Koutaïssoff chez Bernard Campiche, éditeur

Surtout ne pas franchir la ligne rouge! L’espace en-deçà est un cocon, une zone protégée. Il faudra la patience et la pugnacité de Marion pour que Christophe accepte de passer ce Rubicon psychologique.
Christophe et Marion, cabossés par une enfance chahutée. Christophe a purgé une peine de douze mois de prison. Il a avoué derechef avoir bouté le feu à l’appartement de ses parents, morts plusieurs mois auparavant. Il a sciemment aspergé de liquide inflammable les magazines, les guides touristiques, les revues de ses parents. Un autodafé qui lui a permis de rompre avec le trauma de son enfance.
Son père, fin érudit, s’abreuvait a la source de la librairie d’Isabelle, jusqu’à son mariage avec une femme de chambre dans l’hôtel où il est maître de rang. Épris tous deux de voyages, sans avoir les moyens financiers de les concrétiser, ils ont mis au point un jeu de questions-réponses sur ces paysages de rêves, ces monuments qui font la gloire d’une ville, d’un pays. Ils y consacrent des heures interminables, livrant leur fils à une solitude béante. Heureusement, il y a la douce Isabelle qui a pris le relais.
Or donc, après l’incendie, Christophe est en réinsertion. La déchetterie, cette non-zone entre la cité et un terrain vague, est son point d’ancrage. Depuis son plus jeune âge, il trace des plans minutieux de son environnement qu’il consigne dans un album.
Dans cet album, Marion va découvrir le germe d’un secret. Elle invite Christophe à se confier. Elle aussi dévoile des pans de sa vie. L’affection qu’elle épreuve pour ce garçon étrange va permettre la rédemption de Christophe.
Laurent Koutaïssoff est un habile narrateur. Il sait admirablement tirer les ficelles de son récit, laissant au lecteur cette part de suspense qui le titille. La psychologie de ses personnages est finement analysée. Né en 1966, il a étudié les lettre à l’Université de Lausanne et travaille au sein de l’administration cantonale vaudoise.
Il a publié différents ouvrages chez Slatkine. Atlas est son premier roman chez Bernard Campiche. Un livre du printemps littéraire de l’éditeur urbigène.


ÉLIANE JUNOD
, L'Omnibus,
17 juillet 2020

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Laurent Koutaïssoff, Atlas

Ce roman parfaitement construit plonge le lecteur dans l’absurde et le tragique. Christophe Doinet travaille au Valentino, un magasin de DVD dont le côté fouillis lui convient. Il s’y sent rassuré alors que ses parents ne lui offrent ni amour ni compréhension. Christophe est tenu à l’écart de ce couple étrange, branché sur une obsession des voyages qu’il n’assouvit que par la lecture de guides appris par cœur. Peu après la mort de ses parents, Christophe passe à l’acte, met le feu à l’appartement familial et finit en prison où, là aussi, il se sent entouré par un périmètre de sécurité. Dès ce moment le lecteur comprend que la notion d’abri est essentielle pour Christophe. N’ayant appartenu à personne, il se cherche un cadre. Et c’est dur… Après la prison il est employé dans une déchetterie, travaille avec deux compagnons auxquels se joint Marion. La résilience est sans doute au bout du chemin. Et cela vaut la peine d’accompagner Christophe dans cette construction de lui-même. Il est heureux que ce livre profond et intelligent s’achève sur une lueur d’espoir à laquelle on n’avait peut-être pas toujours cru!

Plume au vent, Société de Lecture, Genève, No 444, été 2020


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Les ravages d’une obsession

La violence, il y a celle qui se voit, qui s’encaisse verbalement ou physiquement. Mais il en existe des formes plus sournoises. Comme partir à l’aéroport en voiture, comme si on allait prendre l’avion, mimer durant une heure dans l’auto le trajet aérien, puis rentrer à la maison tout en faisant comme si on était arrivé à destination, et visiter, durant trois jours dans un appartement réaménagé, la «ville» choisie. Un jeu somme toute innocent entre adultes consentants. Sauf qu’au milieu, un petit garçon s’y perd. Comme dans ses deux premiers romans, dont Le Sourire de Thérèse, le Lausannois Laurent Koutaïssoff plonge dans une histoire de famille. Elle se dessine peu à peu au fil des souvenirs de Christophe. Singulier personnage qui dévore les critiques de tous les films sans en avoir vu aucun, et qui n’a voulu lire et relire qu’un unique livre: Le Comte de Monte-Cristo. Et pour faire table rase, il met le feu à son appartement. Après un passage en prison, il devient gardien dans une déchetterie. Là, des rencontres vont faire bouger les frontières de son «atlas» personnel. Cette histoire de résilience séduit par son caractère hors norme et des personnages attachants. Même si, dans le dernier tiers, l’auteur cède à la tentation de trop en dire en dévoilant les drames intimes de chaque protagoniste.


CAROLINE RIEDER
, 24 Heures,
13 juin 2020 et Le Matn, 13-14 juin 2020

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Une offre d'emploi affichée à la vitrine d'une échoppe retient l'attention de Christophe. Il se présente:
« ...Il faudra donc que tu puisses répondre à quelques questions. Tu t'y connais en cinéma?
- Je lis toutes les critiques.
- Tu ne regardes jamais de film?
- Si on lit la critique, ce n'est pas nécessaire. Christophe avait remarqué la gêne du patron.
Sans rien ajouter, il s'était dirigé vers un rayon, il avait tendu le bras au hasard sans quitter Allan du regard. Il avait laissé courir ses doigts sur le dos des coffrets comme pianotant un air à l'aveugle, puis en avait sorti un. Il avait lu le titre à haute voix et débité en quelques phrases non seulement l'intrigue, mais deux ou trois commentaires sur le jeu des acteurs et d'autres œuvres du même réalisateur. Le patron avait écarquillé les yeux puis souri.
- Un mois à l'essai, ça te va ? »
Défi, révolte... Christophe tente en vain d'attirer l'attention de ses parents, murés derrière leurs piles de livres, prisonniers de tant de connaissances accumulées. S'il cartographie minutieusement son univers, établissant les plans détaillés de chaque lieu - l'appartement, la cellule, la déchetterie où il s'engage à sa sortie de prison -, le jeune homme semble pourtant séparé de la réalité, comme décalé. Il intrigue ceux qui le croisent et essaient de le comprendre. Tous dévoileront peu à peu leur histoire, poignante et douloureuse, et tous à leur façon devront avancer.
Citations, allusions littéraires, références culturelles sont présentes tout au long du récit, avec cette question à la clé: passion, nourriture de l'âme, que peut la littérature?


MARIANNE BOVAY
, Bulletin du Cercle littéraire (Lausanne)

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La renaissance d’un incendiaire
Atlas, le troisième roman de l’écrivain et poète vaudois Laurent Koutaïssoff, aborde le thème de la résilience

Feindre un voyage. C’est à ce jeu que se prêtent un hôtelier, sa femme et leur fils Christophe. Ils roulent jusqu’au parking de l’aéroport, l’air de prendre un avion pour Rome, mais traînent une heure dix dans leur voiture, juste la durée du vol.
Et rentrent ensuite au bercail. A la maison, ils feignent de visiter Rome, déplaçant des meubles en décidant que le corridor sera le Tibre, etc. En plein confinement imposé par le Covid-19, cette scène cocasse d’Atlas, le troisième roman de l’écrivain et poète vaudois Laurent Koutaïssoff, résonne de manière intrigante. L’ouvrage s’articule néanmoins autour du thème de la résilience.
Des années après ce simulacre de voyage en Italie, Christophe, vendeur de DVD et lecteur passionné du Comte de Monte-Cristo, met le feu à l’appartement de ses parents. Une façon pour lui d’effacer leurs manies, leur addiction à ces faux voyages. Atlas raconte ensuite la réinsertion de l’incendiaire qui a passé un an derrière les barreaux. Engagé dans une déchetterie, Christophe reprend pied grâce au soutien d’une libraire qui a tenu un rôle clé dans sa vie.
Atlas progresse tel un puzzle, pièce par pièce, le lecteur découvrant l’étrange univers familial de Christophe tandis que ses nouvelles relations l’aident à changer son regard sur le monde. Entre amour et souffrance, on suit l’itinéraire d’un homme qui se libère du passé. La narration restitue de façon convaincante et touchante les hauts et les bas du protagoniste, de révélation en révélation, le long d’un chemin qui le mènera de l’absurde à la sanction, et de là à une renaissance personnelle.


MARC-OLIVIER PARLATANO
, Laurent Koutaïssoff
«Atlas»

Ce roman parfaitement construit plonge le lecteur dans l’absurde et le tragique. Christophe Doinet travaille au Valentino, un magasin de DVD dont le côté fouillis lui convient. Il s’y sent rassuré alors que ses parents ne lui offrent ni amour ni compréhension. Christophe est tenu à l’écart de ce couple étrange, branché sur une obsession des voyages qu’il n’assouvit que par la lecture de guides appris par cœur. Peu après la mort de ses parents, Christophe passe à l’acte, met le feu à l’appartement familial et finit en prison où, là aussi, il se sent entouré par un périmètre de sécurité. Dès ce moment le lecteur comprend que la notion d’abri est essentielle pour Christophe. N’ayant appartenu à personne, il se cherche un cadre. Et c’est dur… Après la prison il est employé dans une déchetterie, travaille avec deux compagnons auxquels se joint Marion. La résilience est sans doute au bout du chemin. Et cela vaut la peine d’accompagner Christophe dans cette construction de lui-même. Il est heureux que ce livre profond et intelligent s’achève sur une lueur d’espoir à laquelle on n’avait peut-être pas toujours cru!

«Plume au vent», Société de Lecture, Genève, No 444, été 2020

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«Je n’ai appris qu’une chose durant toutes ces années: “Le destin n’existe pas!” C’est le nom qu’on donne à nos faiblesses et nos petites lâchetés. Il faut vivre tout simplement, faire face, avec nos propres idées et bien prendre la mesure de notre impuissance. Mais la seule chose à laquelle on n’échappe pas, c’est la famille.»
Ce que dit un des personnages d’Atlas aurait pu être mis en épigraphe par Laurent Koutaïssoff à son roman, qui raconte l’histoire de Christophe Doinet, parce que cela la résume bien et la met en perspective.
Christophe Doinet est un jeune homme qui semble toujours ailleurs. Au début il travaille dans un magasin de DVD, Valentino. Il y a été embauché par Allan, parce qu’il connaît bien les films sans les avoir vus.
Christophe est un grand lecteur de critiques de cinéma. Sinon, il lit très peu, hormis peut-être un livre aimé, Le Comte de Monte-Cristo, qu’il a tenté d’offrir à son père après l’avoir dérobé dans une proche librairie.
S’il ne lit guère, il connaît aussi bien les livres que les films. Isabelle Renaud, la libraire, à qui il a rapporté le Dumas, dont elle lui fait la lecture, les lui raconte par le menu et il en enregistre le contenu dans sa tête.
Alors que le Comte de Monte-Cristo se venge à la fin de l’histoire, Christophe le fait à son début. Il met un jour le feu à l’appartement familial qu’il occupe tout seul depuis que ses parents ne sont plus de ce monde.
Cet incendie volontaire lui vaut un an de prison, ce à quoi il s’attendait, sans le détourner de la commission de cet acte, dont on ne comprend la raison que peu à peu, comme tant d’autres choses de son existence.
Cet an de prison est un entre-deux, entre un passé, où les peines sont plus nombreuses que les joies, et un avenir qui se profile curieusement avec un travail dans une déchetterie où il doit surveiller le niveau des bennes.
Le lien, entre cet avant et cet après, est un cahier, une sorte d’aide-mémoire, que seul il peut décrypter et dans lequel il écrit, dessine précisément ce qu’il voit ou ressent, colle photos qu’il prend ou images qu’il découpe.
Des occasions se présentent à Christophe qu’il saisira pour avancer. Il acceptera les aides que lui offrent des personnes compréhensives et la définition du mot «atlas» qu’il recherchait éperdument lui sera donnée in fine.


Blog de FRANCIS RICHARD

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Christophe Doinet travaille au Valentino comme vendeur de DVD. Un incendie ravage son appartement juste après la mort de son père. Accident? Acte criminel? Cet événement ravive les souvenirs de son enfance: ses parents passionnés par les voyages, sa solitude et Isabelle, la libraire de son quartier. Elle l’aidera à s’affranchir de sa famille et à porter un nouveau regard sur le monde. Il rencontrera alors, dans une déchetterie de la ville, Léonard, Pique-Bœuf et Marion, tous trois liés par une histoire commune. Le plaisir de Christophe, c’est un album dans lequel il collectionne en secret tout ce qui marque sa vie. Son plus grand voyage sera de partager ce journal, l’atlas de ses blessures et de son imagination.

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