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Ils
se retrouvent tous les quatre, ce vendredi 27 juin 2003, entre hommes,
au manoir de Clairvaux-sur-Loue. C’est le banquier suisse Maximilien
Reuth, personnalité ambiguë, qui invite ses amis dans son «petit
paradis», en plein pays de Gustave Courbet. Entre deux parties de pêche
à la mouche, on écoutera de la musique, on lira Maupassant, on
cuisinera, on rira, on se laissera vivre… Ne pousse pas la rivière, dit le proverbe, gravé au-dessus de la porte d’entrée, elle avance toute seule.
Par surcroît de prudence, la règle interdit de parler d’argent, de
politique ou de femmes. Et l’on remet scrupuleusement à l’eau les
truites qu’on attrape: parcours de pêche no kill!
Le lendemain à l’aube, le paradis est crevé.
Crime, enquête, soupçons. Qui est Max? Qu’a-t-il fait, ou pas fait? La
sécheresse exaspère les tensions, dans un huis-clos de plus en plus
oppressant. L’ordre des choses est revenu: d’une façon ou d’une autre,
chacun est rattrapé, et doit passer aux aveux. Ainsi Philippe Sauvain,
qui comptait sur ce séjour pour achever un roman historique inspiré par
l’énigme d’Un Enterrement à Ornans,
le célèbre tableau de Courbet, cède à l’urgence d’un tout autre texte:
sa propre enquête sur Max, qui se retourne très vite en enquête sur
lui-même.
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Que
fait ce banquier lausannois à Clairveaux-sur-Loue? Certes, il pêche la
truite avec ses trois compères. Mais a-t-il tué la belle Vivianne?
Jacques-Étienne Bovard ne cesse de se bonifier. Voilà son livre le plus fort, le plus beau.
JEAN-MARC BOERLIN, Les meilleurs livres du printemps, Payot-L’Hebdo
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Jacques-Étienne Bovard, écrivain heureux d’être lu
Littérature
Son dernier roman met en scène un quatuor d’amis confronté à un crime
crapuleux. Même si elles sont exclues du groupe, les femmes sont les
vraies héroïnes de ce polar situé dans le Jura français. Rencontre avec
un auteur romand enchanté de son sort.
C’est
aussi agaçant que d’avoir un mot sur la langue qui ne sort pas. Tant
qu’on ne l’a pas trouvé, on reste croché, incapable de se concentrer.
Jacques-Étienne Bovard, assis à une table du café Romand à Lausanne,
souriant devant sa bière, les manches de son pull relevées sur des
avant-bras puissants, me fait penser à quelqu’un, mais à qui? À toute
vitesse, comme le cylindre d’un bandit manchot à peine actionné, des
images défilent sous mes yeux: l’homme a quelque chose du Johnny
Halliday période Golf Drouot, un peu de la timidité rugueuse de Freddy
Girardet mais aussi du sourire narquois de Sam Sheppard, un côté guide
de montagne, marin d’eau salée, bûcheron dilettante ou instituteur des
années 1960… La roue du bandit manchot ralentit, se stabilise, puis
s’arrête. Ça y est! Jacques-Étienne Bovard ressemble à Samuel Beckett,
en moins coupant, en moins labouré, en moins tragique. Même grands yeux
clairs aux pupilles minuscules – regard de prédateur ou d’aveugle –
mêmes parenthèses creusées autour de la bouche, mêmes cheveux épais, en
brosse souple, dont on imagine qu’ils deviendront blancs sans
nostalgie. «Beckett? C’est flatteur», dit l’auteur vaudois, dont chaque
livre se vend à environ 5000 exemplaires – un record en Suisse romande
– ce qui ne manque pas d’attiser la méfiance et d’alimenter le préjugé.
Un geste fraternel, amical
Alors comment fait-il Bovard pour plaire à ce public qu’on dit
infidèle ? La réponse est simple : il s’en soucie en
écrivant. «Je suis un écrivain à lecteurs, et c’est mon bonheur. Quand
je fais la cuisine, il ne me viendrait pas à l’idée de préparer des
choses bizarres pour égarer mes hôtes, de quitter la table parce que
j’ai mieux à faire ou de bluffer mes invités pour leur montrer ce que
je sais faire. Pour moi, écrire, c’est aller vers l’autre, un geste
fraternel, amical.»
Son dernier livre, Ne pousse pas la rivière,
parle précisément d’amitié, mais d’amitié entre hommes. L’intrigue se
déroule au manoir de Clairvaux-sur-Loue, dans le Jura français. Quatre
amis s’y rendent régulièrement pour se reposer, écouter de la musique,
lire et surtout pêcher à la mouche. Et pour que ce havre de paix le
demeure, interdiction de parler d’argent, de politique et de
femmes ! Mais un jour de canicule, leur paradis explose : la
police vient de découvrir dans la rivière le corps de Viviane, la jeune
fille qui venait régulièrement faire le ménage au manoir. Tous les
soupçons se portent alors vers Max, banquier suisse deux fois divorcé,
et dont la générosité tout à coup porte au soupçon. « Le polar est
le lieu des fausses pistes par excellence. Un meurtre, un viol, un
flic, des témoins plus ou moins impliqués, voilà un moyen très efficace
pour faire remonter à la surface les choses les plus profondes »,
s’amuse Bovard, dont l’écriture visuelle a tout pour inspirer le cinéma.
Je et tous les autres
Il y a d’ailleurs du Chabrol dans Ne pousse pas la rivière,
et pas seulement parce que les protagonistes se mettent à table à
chaque chapitre et qu’ils y dégustent des vins exceptionnels. On
retrouve ces climats poisseux de secrets bien gardés, ces rapports de
force minés par la mesquinerie, ces petits arrangements avec la morale
qui font le charme cruel et goguenard de certains films de l’auteur de La Cérémonie.
Mais le dernier roman de Bovard est aussi une sorte de documentaire sur
le travail de l’écriture puisqu’un des membres de ce quatuor
improbable, Philippe, est un «romancier romand à succès» venu à
Clairvaux pour terminer un livre qui, sous le coup des événements,
prendra une tout autre tournure. Vampire prêt à condamner ses amis pour
nourrir son imaginaire, observateur inquiet du monde qui l’environne,
éponge capable de filtrer le réel pour le restituer de manière plus
lisible, Philippe serait-il le double de Bovard? «Tous mes personnages
sont des espèces de moi
potentiels. Je me retrouve évidemment dans ce Philippe qui écrit des
romans en tirant la langue, mais aussi dans le marginal paresseux qui
rêve de se fondre dans la nature, dans le cuistot jovial et le
braconnier sur les bords, dans l’espèce de prince millionnaire et fort
en gueule qui règne sur son paradis. Disons qu’ils sont tous des parts
d’enfance revisitée…»
L’origine du monde
Autre
personnage central de ce polar étrange, la Loue, une des plus belles
rivières d’Europe, dont Bovard observe les humeurs avec délectation,
comme jadis Courbet, originaire de cette même vallée du Jura français.
Sa présence, comme celle de Maupassant d’ailleurs, est souvent évoquée
dans le roman. Et c’est par le biais de Courbet, peintre de L’Origine du Monde,
que JEB rend hommage aux femmes, dont l’absence est la cause principale
de l’échec de l’utopie de Clairvaux. «Quand je pense aux choses qui
comptent vraiment pour moi, qui me ressourcent en permanence, qui
m’éclairent, qui me rendent même la pensée de la mort supportable, il y
a toujours comme la sensation d’une palpitation tranquille, d’une
présence très proche, et cette présence est féminine.» Les femmes
doivent le sentir qui lui rendent son affection avec malice. Si
Jacques-Étienne Bovard, mari comblé et père de deux petites filles,
fait le bonheur de son éditeur, c’est aussi parce que les lecteurs sont
en général des lectrices.
La pêche
Comme une méditation
Mais aucun écrivain romand ne pouvant vivre de sa plume,
Jacques-Etienne Bovard continue d’enseigner le français au gymnase, à
Lausanne. « Cela fait vingt ans, et mon plaisir ne s’est jamais
émoussé. » Deux de ses élèves, qu’il a encouragés et dont il a
corrigé les manuscrits, viennent d’être édité. Une manière élégante de
rendre e qui lui a été donné vingt plus tôt quand, élève de Chessex, il
publiait son premier texte. Depuis, il a écrit sept romans ou recueils
de nouvelles. C’est un des auteurs les plus réguliers de Suisse
romande. Comment fait-il pour tenir ce rythme, lui qui adore faire du
bateau, de la cuisine, et qui passe beaucoup de temps à véhiculer ses
filles de la danse au tai chi? «J’écris le matin, de préférence le
week-end, avant que les autres se lèvent. Je bois un café, prends ma
tablette de Nicorette à mâcher et me mets à mon ordinateur.»
Et pour échapper parois à son île si féminine, à son agenda saturé, JEB
part à la pêche. «C’est comme une méditation, une sorte de défi magique
à la pesanteur. Il y a une correspondance entre la canne et la plume.
Un lancer parfait, un poser idéal, une harmonie totale avec l’eau qui
passe, qu’est-ce d’autre sinon la phrase qu’il fallait écrire, à cet
endroit précis, pour qu’elle fasse ressentir cela?»
MARIE-CLAUDE MARTIN, Femina
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La pêche au vif
Avec
Ne pousse pas la rivière, son sixième roman dédié à Jim Harrison,
Jacques-Etienne Bovard donne son meilleur livre à ce jour.
Lorsque Philippe Sauvain, romancier quinquagénaire solidement établi,
commence, dans la touffeur de fin juin 2003, de jeter des notes sur un
cahier, il ne se doute pas que la vie a commencé de lui dicter un
nouveau roman. En séjour chez le richissime banquier lausannois
Maximilien Reuth, qui l’a accueilli avec deux autres compères (Petit-
Bouilli le génie de la cuisine et Vuille l’écolo facteur de clavecins)
dans sa demeure de Clairvaux-sur-Loue, non loin d’Ornans, afin de se
livrer à la pêche à la mouche et de partager bonne chair, bons vins et
«soirées d’art» vouées à la musique ou la lecture, il se trouve en
pleine confusion mentale et sentimentale alors même qu’il devrait jouir
de ce coin de paradis. Son désarroi tient au fait qu’un meurtre vient
d’y être commis sur la personne de la jeune Vivianne Lhomme, 21 ans,
protégée du maître de maison et retrouvée nue, probablement violée et
étranglée, dans les eaux de la Loue. Immédiatement soupçonné et
interrogé par la police, Max a été provisoirement rendu à ses amis,
lesquels restent pourtant perplexes, à proportion de son attitude pour
le moins ambiguë.
C’est à ce moment précis du retour de Max, qu’il observe tout en (se)
racontant leur rencontre et leur amitié, que le romancier se met à
«construire» ce qui va devenir son vrai roman, tandis que son projet de
récit historique inspiré par L’enterrement à Ornans de Courbet tourne
court. Imaginant d’abord un scénario plausible d’homicide accidentel
dont Max, par dépit amoureux, se serait rendu coupable, Philippe
Sauvain ne tarde à être rattrapé et dépassé par la vie même. Max
devrait baisser le nez, au lieu de quoi le voici traiter ses amis de
faux culs, flairant leur défiance. Et de leur rappeler les joies de la
pêche… Cynisme ou provocation? En fait, à mesure qu’il développe, sur
le papier, le portrait d’un Max à la fois dominateur et fragile,
artiste raté et poète de la vie à sa façon (il sent et distingue
merveilleusement le vrai et le faux en musique, en littérature ou en
amitié), narcissique et violent mais aussi blessé et cassé, tenu pour
un despote par son entourage et ses femmes successives et cependant
hypersensible et généreux, le Max en train de vivre les suites de
l’«affaire», au milieu de ses amis, apparaît simultanément au lecteur
dans les lumières et les ombres mouvantes de ces jours plombés par la
chaleur. Et la vie devient art, comme les truites montées des
profondeurs deviennent figures mythiques à certaines heures, ou comme
les moires de la Loue à sa source se transmuent en tableau sous le
pinceau de Courbet.
Bilans existentiels
La rivière, symbole de vie où l’on repêche une jeune morte à la
troublante blancheur; l’innocence du poisson qu’on traque de tout son
art pour le relâcher conformément à la doctrine chevaleresque du no
kil; la noblesse rêvée de l’amitié virile et ses petites trahisons
«trop humaines»; la force des mecs réunis «sans femmes» et qui se
découvrent mutuellement si vulnérables; l’imagination romanesque qui se
faisait tout un cinéma quand le fait divers le plus trivial scelle une
tragédie; enfin quatre hommes dans le même «bateau» confrontés à leur
cinquantaine: tels sont les thèmes antinomiques et entrelacés que
Jacques-Étienne Bovard, avec une porosité jamais atteinte jusque-là, et
un pouvoir d’expression renouvelé, traite avec autant de poésie
réaliste (à l’école de Maupassant) que de symbolisme lyrique: ainsi la
relation de l’homme et de la nature selon Hemingway revit-elle ici dans
une scène de pêche d’une formidable densité émotionnelle et plastique,
où la beauté du geste fait la pige à la mort…
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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Le roman qui était né du refus de la mort
Amitié, crime et pêche à la mouche. Le meilleur roman de Jacques-Étienne Bovard.
Un romancier quinquagénaire est invité avec deux amis par un richissime
banquier dans sa maison de Clairvaux-sur-Loue, non loin d’Ornans. Les
quatre compères vont se livrer à leurs passe-temps favoris: la musique,
la lecture, la bonne chère, l’amitié et la pêche à la mouche le long de
la Loue. L’écrivain entend aussi rédiger son nouveau livre inspiré par L’Enterrement à Ornans,
le tableau de Gustave Courbet. Mais la découverte d’une jeune fille
morte dans la rivière va bouleverser les vacances de ces mecs entre
mecs et sans femmes.
Le banquier est immédiatement
soupçonné du crime par dépit amoureux. Rude épreuve pour l’amitié des
quatre hommes. Ce sera le sujet du roman de l’écrivain. Livre en abyme
donc que ce nouvel opus de Jacques-Étienne Bovard. Il plaira, c’est
sûr, l’écrivain lausannois n’ayant jamais poussé aussi loin l’analyse
fine de ses personnages. La rigidité de certains textes de Bovard fait
place ici à plus de limpidité, d’allant, dans ce puzzle de caractères.
À l’image de la Loue, cette rivière omniprésente et qui semble inspirer
son cours à l’écriture, les zones d’ombre des personnages aussi, comme
ces sombres portraits qu’a faits Courbet du cours d’eau.
On peut considérer que Ne pousse pas la rivière,
c’est son titre, est un livre écrit contre la mort. À la découverte du
cadavre, Bovard prête à son narrateur un plaidoyer pour la vie, travail
incessant pour éloigner cette ennemie. «Je connais la peur de la mort»,
écrit-il, «dérivée en élans paniques vers la femme», dans l’écriture,
vers l’ami, la nature, la bouffe, la musique.
Dédié à Jim Harrison, ce long roman est la catharsis de cette peur. La célébration du vouloir vivre.
JACQUES STERCHI, La Liberté
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Le banquier de Bovard est notre frère plus que l’incendiaire Daniel de Roulet
Réflexion
«Une des vertus du romancier est de nous faire mieux comprendre celui que, trop souvent, nous avons jugé d’avance»
Dans un récent recueil de textes intitulé Comment guérir un fanatique,
le grand écrivain israélien Amos Oz explique que l'approche des
réalités humaines, pour un romancier, consiste essentiellement à se
mettre dans la peau des autres. Par rapport au conflit
israélo-palestinien, cette empathie l'engage à dire que ce n'est pas
«une affaire de bons et de méchants» mais que c'est «une tragédie:
l'affrontement du bien et du bien.» Plus précisément, Amos Oz invoque
la loyauté du romancier envers chacun de ses personnages en affirmant
«que pour écrire un roman il faut être capable d'éprouver une
demi-douzaine de sentiments et d'opinions contradictoires avec le même
degré de conviction, d'intensité et d'énergie».
Or c'est la même capacité de se mettre dans la peau de l'autre qui fait
la qualité de L'attentat du romancier algérien Yasmina Khadra, lequel
nous fait vivre de l'intérieur, et sous de multiples points de vue, le
drame du chirurgien arabe bien intégré dans la société israélienne,
dont la femme, qu'il croyait connaître intimement et se savait
considéré par elle comme «sa propre chair», se fait exploser dans un
restaurant.
À ces deux exemples illustrant l'approche du romancier qui cherche à
«comprendre sans juger», pour reprendre la fameuse formule de Simenon,
pourrait s'ajouter celui du dernier roman de Jacques-Etienne Bovard, Ne
pousse pas la rivière, dont le protagoniste est un riche banquier
plutôt antipathique au premier regard. Au tournant de Mai 68, cet
esthète pachydermique aurait incarné le même «ennemi de classe» que
Daniel de Roulet, ainsi qu'il le raconte dans Un dimanche à la
montagne, a cru identifier en la personne du magnat de la presse
allemande Axel Springer, dont il semble établi aux dernières nouvelles
(beau titre de gloire, vraiment!) qu'il ait vraiment incendié le chalet
des hauts de Rougemont, ainsi qu'il a résolu de l'avouer à grand
renfort de publicité alors même que la justice (bourgeoise…) ne pouvait
plus rien contre lui, prescription oblige.
Jacques-Étienne Bovard est-il un meilleur écrivain que Daniel de
Roulet? N'est-il pas «idéologiquement suspect», pour user d'un critère
cher à son pair politiquement si correct, en se montrant à ce point
fasciné par un nanti aux goûts d'esthète? Nous nous en fichons à vrai
dire complètement, seulement attentif, dans les deux cas de figure, à
ce que l'un et l'autre nous apprennent de leur personnage, et à travers
celui-là de la créature humaine en ses ombres et lumières. Or il n'y a
«pas photo» de ce point de vue là, dans la mesure où Bovard nous fait
vivre en immersion le naufrage personnel d'un type compliqué, plein aux
as et comme condamné pour cela même, qui se juge finalement sans
faillir, tandis que de Roulet, vrillé sur son moi de moralisante
mauvaise foi, se contente de se flageller à l'idée qu'il ait pris, à
tort, Axel Springer pour un nazi. Son récit, très intéressant pour
l'éclairage qu'il donne à la naïveté «révolutionnaire» de certains
soixante-huitards, ne nous apprend ainsi (presque) rien sur l'homme
Springer, peut-être aussi complexe, abject ou minable - avec ses
propres pans de grâce, qui sait? - que l'est le protagoniste si
contradictoire et si crédible du roman de Bovard.
Littérature que tout cela? Pas seulement: car une des vertus du
romancier, conteur médium de nos destinées, peut être d'ajouter bel et
bien à cette lente «hominisation» que décrit Michel Serres dans son
dernier livre, Récit d'humanisme, en nous faisant mieux comprendre
celui que, trop souvent, nous aurons jugé d'avance…
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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Et au milieu coule le style…
En cinq
romans et quelques recueils de nouvelles, le Vaudois Jacques-Étienne
Bovard s’est imposé comme l’un des écrivains phares de Suisse romande.
Par son talent de raconteur d’histoires, sa critique de la société et
de son pays. Ne pousse pas la rivière
reprend certains de ces ingrédients: quatre hommes se retrouvent dans
la demeure, en France, d’un riche banquier suisse. Parmi eux l’écrivain
Philippe Sauvain, le narrateur. Leur paradis est bousculé par la
découverte du cadavre d’une jeune fille. Max, le banquier, se voit
accuser.
Histoire d’une amitié autour de l’art de vivre, Ne pousse pas la rivière
va bien au-delà de l’intrigue faussement policière. Jacques-Étienne
Bovard parvient une nouvelle fois à créer des personnages touchants,
vivants. Sa fluidité de style ne se voit en rien ralentie par une
construction narrative élaborée. Ni par ces descriptions très
convaincantes des difficultés de l’écriture ou des liens entre l’homme
et la nature. Sans doute l’un de ses meilleurs livres.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
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Ne pousse pas la rivière
Un écrivain, sur le parvis de l’église Saint-François à Lausanne lors
d’un concert, fait la connaissance d’un banquier suisse bavard et
sentimental. Lequel l’invite dans son manoir de Clairvaux-sur-Loue,
dans le Jura français. Il y aura deux autres personnes amies ; un
cuisinier et un facteur de clavecins qui fabrique accessoirement les
plus astucieux appâts à truites. On écoutera de la musique, on lira
Maupassant, on mangera somptueusement en évitant les sujets qui
fâchent, juste entre hommes. Luxe et volupté au pays de Courbet. Et
surtout, on pêchera, avec passion. Pas pour tuer, juste pour le
plaisir, on remet les poissons à l’eau.
Pourquoi faut-il que le cadavre fort maltraité de la jeune fille qui
aide au ménage soit retrouvé dans la rivière? Non seulement ça casse
l’ambiance, mais tout le monde soupçonne tout le monde, et chacun a ses
secrets, son petit drame personnel.
Jacques-Étienne Bovard a une pêche d’enfer.
LILIANE ROUSSY, Le Chênois
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Ne pousse pas la rivière
La rivière dont il est question, c’est la Loue. Elle coule en
Franche-Comté et a maintes fois été peinte par Gustave Courbet. Elle
est à la fois décor et personnage de ce roman. Une rivière riche en
poissons où l’on trouve surtout la truite et l’ombre. Quatre amis
pêcheurs en ont fait leur havre de paix. Entre
deux parties de pêche à la mouche (No kill! On remet toujours la prise
à l’eau!), ils écoutent de la musique, lisent Maupassant, cuisinent,
mangent et boivent. Quatre hommes très différents, unis par une même
passion. Un matin, la découverte d’un crime remet tout en question.
Comme la rivière qui s’étouffe peu à peu dans un été caniculaire,
l’amitié qui les lie résistera-t-elle à cette épreuve?
Jacques-Étienne Bovard a le don de nous faire vibrer avec ses
personnages, qu’ils décrivent un tableau de Courbet: On rêve d’admirer
pour de bon La Truite, La Source de la Loue (tableau représenté en couverture de l’ouvrage) ou... L’Origine du Monde. Qu’ils
écoutent des musiques qui bercent leurs séjours à Clairvaux: On plonge
dans sa discothèque pour en retrouver les titres. Quand Philippe leur
lit des contes de Maupassant: On se dit qu’il va falloir les relire!
Et lorsqu’il décrit les parties de pêche: «Prédateur captivé, proie
moi-même éperdue et entêtée… Puis cette rencontre, cet abandon, dans la
main cette caresse de soie liquide qui n’a qu’une autre similitude:
pain bénit pour le psychanalyste, j’y ai pensé, un peu de moi-même en
riait, comme de l’angoisse qui me poignait, quelques secondes
auparavant, à l’idée que la rivière pouvait tout aussi bien me la
reprendre, son offrande, avant que j’aie eu ce que je voulais et que
moi je la lui rende!»
Il donnerait l’envie de s’y mettre au moins sportif d’entre nous!
GISÈLE DROUX, Journal de Cossonay
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