ANNE CUNEO

UN MONDE DE MOTS

Un récit
2011. 560 pages. Prix: CHF 46.–
ISBN 978-2-88241-297-3


Biographie

Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.


John Florio est né en Angleterre d’un père italien et d’une mère probablement anglaise; il a grandi dans les Grisons suisses, puis, après des études à Tübingen, est retourné en Angleterre où cet Européen polyglotte a été le professeur d’italien, et parfois de français (langue qu’il parlait couramment), d’hommes et de femmes issus de toutes les classes sociales – marchands, nobles, artistes, princes et jusqu’à une reine; il se pourrait que Shakespeare ait été un de ses élèves. Son dictionnaire italien-anglais et sa traduction des Essais de Montaigne en anglais sont de véritables monuments, à la fois linguistiques et ­culturels.
Un monde de mots (titre emprunté au dictionnaire italien-anglais de John Florio) clôt une sorte de trilogie.
Le premier volet, Le Trajet d’une rivière, retrace l’histoire de Francis Tregian, le collectionneur du célèbre Fitzwilliam Virginal Book; le deuxième, Objets de splendeur, Monsieur Shakespeare amoureux, permet de connaître la première femme écrivain publiée en Angleterre.
La trilogie se conclut sur Un monde de mots, qui raconte la vie et les aventures de John Florio, un des hommes qui ont, de façon ouverte ou souterraine, façonné la culture européenne.

Haut de la page

Anne Cuneo, Renaissance toute!

L’écrivaine préférée des Romands clôt sa trilogie sur la Renaissance avec Un monde de mots, saga consacrée à John Florio, pionnier de la traduction et des dictionnaires.
Imaginez: cette femme n’a pas parlé un mot de français avant ses neuf ans. Aujourd’hui, l’écrivaine majeure de Suisse romande, celle qui a un public, draine les foules lors des dédicaces, dont les lecteurs achètent le nouveau livre sans lire la quatrième de couverture, dont les romans sont repris en éditions de poche en France, c’est elle.
Imaginez: cette femme était de la «vermine» à son arrivée en Suisse, pour reprendre le titre d’un livre qu’elle écrira sur ce thème par la suite, Italienne pauvre, orpheline de père et abandonnée par sa mère à qui l’on demandait si elle savait ce qu’était une salle de bains.
Aujourd’hui, elle sait tout faire, des pièces de théâtre, de la traduction, du journalisme, de la mise en scène, des documentaires, des récits autobiographiques, des romans historiques, des polars. Anne Cuneo est un miracle de résilience doté d’un caractère de cochon, d’un sourire irrésistible de franchise et de deux yeux pervenche à la volonté de fer.
Son nouveau livre ne va que conforter son avance. Un monde de mots raconte l’histoire de John Florio, né Giovanni Florio d’un père moine catholique italien qui avait embrassé la Réforme, avait été arrêté par l’Inquisition et s’était enfui à Londres, alors protestante. Expulsé avec femme et enfants sous Marie la Sanglante, il atterrit à Soglio, un village réformé des Grisons où il devient pasteur.
John y passe son enfance avant de partir pour Tübingen puis Londres, où il devient un formidable passeur de la Renaissance et de la civilisation italiennes en Angleterre, traducteur à une époque où c’était encore puni par l’Église, lexicographe, auteur du premier dictionnaire italien-anglais, professeur d’italien à la cour, ami de Shakespeare et des plus grands, produisant deux sommes qui lui valent d’être encore connu quatre siècles après sa mort: son dictionnaire italien-anglais, intitulé comme le roman d’Anne Cuneo Un monde de mots, et la traduction des Essais de Montaigne, dont la parution en anglais a été une véritable bombe.
Chéri de ces dames. Ce héros superbe – «À cinquante-neuf ans, il avait encore tous ses cheveux et devait être le chéri de ces dames» – apparaissait déjà dans Le Trajet d’une rivière et dans Objets de splendeur, où dominait la figure d’un Shakespeare amoureux de sa Dark Lady, et clôt ainsi une trilogie élisabéthaine qu’Anne Cuneo construisait à notre et quasi à son insu.
Le Trajet d’une rivière a beaucoup plu: publié par Campiche en 1993 puis repris par Denoël, réédité en Folio Gallimard, prix des Libraires, prix des Auditeurs de La Première et prix Madame Europe, il a marqué un tournant dans la carrière d’Anne Cuneo, lui donnant une dimension internationale et populaire qu’elle n’a plus quittée. Un monde de mots plaira à tous ceux qui ont aimé Le Trajet d’une rivière, et cela fait beaucoup de monde.
Si Le Trajet d’une rivière racontait la vie de Francis Tregian, noble de Cornouailles tour à tour secrétaire d’un prélat à Rome avant de devenir marchand de soie à Amsterdam, catholique ami des protestants, gentilhomme pratiquant la musique et l’épée, dévorant avec passion Montaigne pour finir sa vie dans la campagne suisse à fabriquer des instruments de musique, John Florio, fils d’un catholique viré protestant dans cette Europe tourmentée par ses passions religieuses, prend le contrepied du destin de Tregian et complète parfaitement cette trilogie destinée, selon son auteure, à «présenter des personnages importants, mais méconnus, de la culture élisabéthaine».
Anna d’abord. C’est un vieux spécialiste de l’Angleterre élisabéthaine, Alfred Leslie Rowse, rencontré peu avant sa mort en 1997, qui lui met un jour entre les mains une biographie de Florio, en lui disant: «Vous devriez lire cette vie. Je crois que vous auriez des choses à vous dire.» C’est le cas.
«Ce qui m’a intéressée chez John Florio, c’est qu’il était, comme moi, d’origine italienne; qu’il avait grandi en Suisse; qu’il s’était intégré dans l’Angleterre de son époque sans jamais vraiment gommer sa différence, parce qu’il y était vu comme un immigré en dépit du fait qu’il se sentait Anglais et parce qu’il a exercé, comme moi pendant longtemps, la profession de traducteur et de professeur de langues.
Je crois pouvoir ressentir ce que lui a ressenti durant sa vie.» Elle-même, comme lui, née Anna, mais Anne dès son arrivée en Suisse, histoire de faire oublier aux professeurs et aux autres élèves qu’elle était Italienne, donc expulsable et méprisable.
Alors qu’elle amassait de la documentation sur lui depuis quinze ans, le déclic se produit en 2009, lorsqu’elle gagne un bon pour manger dans un restaurant, et que Soglio est sur la liste. Par hasard, le restaurant se trouve dans le bâtiment de l’ancienne cure, celle-là même où la famille de Florio s’était réfugiée et où le père avait été pasteur! Du coup, elle part sur ses traces, l’enfance aux Grisons, puis les études à Tübingen et enfin son arrivée à Londres, où il meurt de la peste à soixante-douze ans.
Jubilation. Anne Cuneo «comprend qui Florio était vraiment» en décidant d’en faire un grand-père qui raconte, tard dans sa vie, son histoire à ses petits-enfants. Elle se glisse dans sa peau en le dotant d’une voix classique, vivante et chaleureuse mais sans mots outrancièrement modernes, s’effaçant devant le personnage. Un monde de mots est un excellent roman.
Plongé dans les remous de la Renaissance européenne, il rend aventureux, palpitant et émouvant le monde des mots, des idées, de la langue et de la littérature. Et surtout, on y retrouve la jubilation qu’Anne Cuneo avait eue à raconter la vie de Francis Tregian.
«J’ai découvert le plaisir d’écrire en écrivant Hôtel Vénus, paru en 1984, après déjà presque dix livres. J’avais décidé d’arrêter d’écrire. C’est Bernard Campiche qui m’a persuadée d’écrire Station Victoria, pour lequel je me suis mise à inventer pour la première fois. Quelle délivrance! Avant, j’écrivais des récits autobiographiques qui naissaient dans la douleur, comme une psychanalyse.» A tel point que lorsque Bernard Campiche commence à rééditer ses récits, elle est incapable de les relire.
Anne Cuneo promet qu’elle en a fini avec la Renaissance. Sa renaissance à elle, c’était après l’enfance, lorsqu’en postulant pour entrer en faculté des lettres à l’université, elle découvre que l’italien peut être un objet non de mépris et de honte mais de savoir et d’étude. Elle ose enfin reparler sa langue maternelle, et l’aimer. D’ailleurs, son prochain roman se passe dans les années 1940.


Anne Cuneo vue par les libraires

Françoise Berclaz, La Liseuse, Sion
Les lecteurs l’apprécient et elle fait partie de ces écrivains qui ont moins besoin des libraires! C’est Le Trajet d’une rivière qui lui a donné un lectorat d’habitués. Elle a trouvé la bonne formule en écrivant des livres historiques bien documentés permettant d’apprendre des choses de manière romanesque. Etre Romande n’est pas un handicap, il y a des lecteurs qui aiment s’identifier à l’écrivain. Le fait qu’elle soit éditée chez Campiche, qui a une bonne renommée, est un ingrédient de plus qui la rend populaire.

Véronique Overney, La Fontaine, Vevey
Il y a deux Anne Cuneo: celle d’avant Le Trajet d’une rivière, plus engagée politiquement, socialement et aux livres autobiographiques, qui intéressait des lecteurs plus intellectuels. Celle d’après, qui a séduit un public plus large, moins spécifique, avec des polars et des romans-fleuves. C’est une passeuse, elle ouvre un chapitre de notre passé et le raconte en romançant de manière très équilibrée. La notion de plaisir est très importante aux yeux de ceux qui la lisent. Elle met son écriture au service de l’histoire sans chercher d’effets de style, et les lecteurs lui en savent gré.

Pierre-François Clavel, Payot, Lausanne
Elle inscrit ses histoires dans le sérieux de l’Histoire, ce qui plaît beaucoup aux lecteurs. Tout comme le fait que, en tant qu’écrivaine romande, elle ait cette ambition de l’Histoire. Sa série policière, située dans nos villes romandes, permet au lecteur une identification forte. Et l’on sent dans son écriture une sincérité, une réelle envie de nous transmettre des choses, qui inspire confiance. Je l’apprécie beaucoup, même si je la considère moins comme une écrivaine romanesque que comme une écrivaine journaliste qui écrit des romans.

ISABELLE FALCONNIER, L’Hebdo


Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.


Haut de la page

Extraits (Acrobat 16,5 Mo)