On
sait que la Suisse est faite de régions, de conceptions et de langues
diverses. Il fallait un livre comme celui-ci pour en donner une image
plus profonde.
Il s’agit tantôt de souvenirs personnels, tantôt de mémoires d’une
époque. On passe des descriptions caillouteuses des paysages de
montagne aux pensées inavouées et à tous les non-dits qui empoisonnent
l’existence.
Mais on y trouve aussi dans une très brève histoire («L’Adieu aux
abeilles») toute la communion de l’auteur avec la nature ou dans «Oncle
Ruedi et les sirènes» l’appel du monde avant que la vie sans charme
reprenne le dessus.
Il s’agit, pour les cantons de langue allemande ou italienne, d’auteurs
récents et parfois peu connus des lecteurs de langue française. C’est
une excellente occasion de faire un peu leur connaissance.
JULIETTE DAVID, Suisse magazine
Ni itinéraires ni bonnes adresses, ce Voyage
est immobile! Empruntées à vingt-cinq auteurs suisses (dont des
Alémaniques peu traduits), ces nouvelles tissent une carte étonnante de
la Suisse, où curieusement le monde entier semble s'être donné
rendez-vous, dans ce recueil aux frontières élastiques qui étend la
Confédération jusqu'au Portugal, à Berlin ou Odessa…
Marie-Claire, édition suisse
Trois titres publiés cette année à Orbe par Bernard Campiche, une anthologie et deux recueils d’auteurs suisses
Le premier, Un Voyage en Suisse. Récits des cantons (295 pages), affiche l’ambition avouée d’offrir «une mosaïque créatrice, une carte géographique narrative, un miroir de l’activité littéraire en Suisse», à raison d’un texte (paru après 1982) et d’un auteur par canton de la Confédération, de A à Z…
Malgré des choix subjectifs, ici ou là discutables, l’entreprise est
réussie. Certains auteurs, comme Maurice Chappaz, Anne Cuneo, Jacques
Chessex, Peter Bichsel ou le Tessinois Alberto Nessi, sont bien connus
du lectorat helvétique. Bien d’autres sont à découvrir.
On est en droit de s’interroger sur l’existence de critères qui permettraient de définir une «littérature suisse».
Sans doute certains dénominateurs communs apparaissent-ils en cours de
lecture: l’évocation fréquente de la mort, tantôt sereine, tantôt
tragique; le goût des atmosphères étranges, aux confins du fantastique
(héritage de Jeremias Gotthelf?); une forte présence de la nature,
souvent menacée voire violée par le tourisme et le bétonnage; la
nostalgie d’une jeunesse passée à l’époque des Sixties, avec la musique et les joints qui l’accompagnaient; une vision souvent ironique ou critique de la Suisse, «un pays pour vieux, beaucoup trop ordonné et beaucoup trop propre», comme l’écrit le Zurichois Charles Lewinsky; d’autres textes s’ouvrent sur l’ailleurs, l’étranger, le monde.
Cependant, cette série de récits offre une telle variété d’écritures,
de sujets et d’atmosphères que toute tentative d’énoncer des critères
de «suissitude» s’avère rapidement vaine. On lira avec intérêt, et
souvent avec plaisir, ce recueil qui offre un véritable kaléidoscope de
la production littéraire dans notre pays.
Encore chéri! (157
pages) d’Antonin Moeri contient, entre autres, la nouvelle éponyme. Au
cœur de chacune d’entre elles, quelque chose bascule: par exemple, les
lettres d’amour qu’envoie un jeune adolescent à la fille d’un notable
sont interceptées par les parents de cette dernière.
Ou encore, la narratrice du récit intitulé «Le Figurant» se débarrasse
du bellâtre dont le corps l’a un moment séduite. Tel individu
solitaire rencontré dans un café a-t-il tué sa mère handicapée? Les
récits d’Antonin Moeri mettent volontiers en scène des marginaux, des
personnages étranges ou inquiétants, dont le destin est parfois inspiré
par des faits divers réels. On bascule souvent de l’apparente banalité
vers le crime, accompli ou rêvé.
Le regard du narrateur est toujours distancié. La langue est claire,
précise, sans effets de style apparents. Il peut s’y glisser une touche
poétique, comme dans la belle évocation de Paris dans «Ville Lumière»,
qui fait un peu songer à Patrick Modiano.
Enfin le recueil Loin de soi (173
pages), de Silvia Härri, a bien mérité le prix
Georges-Nicole 2013. Il séduit d’abord par la beauté de sa
langue: «Il aime la neige, cette
couche trompeuse sur la surface des choses qui masque les aspérités
comme un rideau tiré sur la vérité.»
Surtout, ces récits sonnent juste, à l’image de ceux de la regrettée
Yvette Z’Graggen. Ils mettent en scène tous les âges de la vie, de
l’enfance à l’EMS. On notera, dans «Carnet de voyage», un étonnant
télescopage de dialogues surpris dans le train, avec leurs parlers
divers. Ou encore l’inattendu «Le Nom du père», où l’on découvre que le
narrateur est… un tableau de la Renaissance.
On sent chez l’auteure une réelle empathie avec ses personnages, mais
aussi un rapport profond avec la nature, les animaux. On est souvent
dans l’ambiguïté des sentiments: ainsi, dans «Rature», ce rapport entre
une psychothérapeute et sa jeune patiente: qui en réalité a besoin de
qui? Tout cela compose une œuvre attachante, profondément littéraire,
sans pourtant sentir la «littérature».
PIERRE JEANNERET, Domaine public
Voyage littéraire à travers la Suisse
Un recueil édité par Bernard Campiche propose un panorama des littératures cantonales contemporaines
Entreprise intéressante, originale, et risquée, que celle initiée en
Suisse alémanique et reprise par l’éditeur Bernard Campiche. L’ambition
avouée du recueil est d’offrir «une mosaïque créatrice, une carte
géographique narrative, un miroir de l’activité littéraire en Suisse».
De A (Appenzell) à Z
(Zurich), voici vingt-cinq courts récits, tous parus après 1982. Un par
canton, avec une double exception: deux nouvelles pour les Grisons
(écrites originellement l’une en allemand, l’autre en romanche), et
pour Zurich, le grand canton
de la Confédération. Sans doute les choix, forcément subjectifs,
sont-ils ici ou là discutables. On pourra s’étonner par exemple qu’Anne
Cuneo, dont le grand talent n’est pas en cause, représente… Genève. Si
certains noms – comme ceux de Maurice Chappaz, Jacques Chessex, Peter
Bichsel ou Alberto Nessi – sont bien connus, qui en Suisse romande a
déjà entendu parler du Saint-Gallois Peter Weber ou du Thurgovien Beat
Brechtbühl? Le recueil offre donc aussi le plaisir de la découverte.
Certes, quelques-uns de ces écrits sont très «littéraires», au sens
élitiste, voire abscons, du terme. Mais nombreux sont ceux qui, outre
la qualité de leur langue ou l’émotion qu’ils suscitent (comme «Agnès»
de Charles Lewinsky ou «Cacahuètes» de Ruth Schweikert), offrent une
image ou plutôt des images de la Suisse. Existe-t-il entre ces textes
des dénominateurs communs? On pourrait avancer un certain goût de la
nouvelle intimiste; l’évocation fréquente de la mort, comme celle de
l’ingénieur Louis Favre en plein percement du Gotthard (racontée par
l’Uranais Martin Stadler), celle évoquée par le Jurassien Alexandre
Voisard dans «L’adieu aux abeilles», ou encore celle, cruelle, dans le
glaçant récit «La leçon de natation» de l’Appenzelloise Helen Meier;
des atmosphères parfois étranges, où l’on reconnaît peut-être le legs
de Jeremias Gotthelf; une très forte présence de la nature et notamment
des montagnes, tantôt vierges comme dans un tableau de Segantini,
tantôt déflorées par la technique, le tourisme, et le bétonnage qui
l’accompagne; une nostalgie, chez les auteurs, de leur jeunesse passée,
qui se situe souvent autour de 1968, au son de la musique des Pink
Floyd et dans les effluves des joints (à Coire avec Silvio Huonder),
une nostalgie qui revient parfois à la surface dans des flash-back (au
cours d’une escalade dans «Le temps des lunules» du Glaronnais Emil
Zopfi); un intérêt pour les problèmes de société (à travers un squat
libertaire chez Anne Cuneo), enfin une vision souvent critique, teintée
d’ironie, d’une Suisse vue comme «un pays pour vieux, beaucoup trop
ordonné et beaucoup trop propre» (Charles Lewinsky). Un pays qui
découvre dans les années 1960 les joies de la consommation et des
interminables tours en bagnole, déjà immortalisés par le cinéaste Henry
Brandt dans un petit film-choc présenté à l’Expo 64 («En Ford à travers
la Suisse» du Zougois Thomas Hürlimann). Toute tentative d'énoncer les
critères qui permettraient de reconnaître une «littérature suisse»
univoque s’avère cependant vaine, tant ces récits offrent de diversité.
Ainsi, les uns s’inscrivent résolument dans les paysages et les lieux
du canton concerné, comme ceux d’Alberto Nessi dans les vallées
tessinoises, ou du Grison Leo Tuor du côté de Maloja. Ce principe de
l’insertion du texte dans l’espace cantonal était à vrai dire l’un des
critères de choix, qu’il s’avéra impossible de respecter à chaque fois.
D’autres récits s’ouvrent sur le voyage, l’émigration, les pays
étrangers: en témoigne la belle évocation d’Odessa, la ville du
«Cuirassé Potemkine» et du grand poète juif Isaac Babel, fusillé en
1940, par la Schwytzoise Gertrud Leutenegger. En bref, ce recueil (dont
les textes alémaniques ont été excellemment traduits par François
Conod) offre un bon kaléidoscope de la littérature, ou plutôt des littératures contemporaines dans notre pays.
PIERRE JEANNERET, Gauchebdo
Et
puis sans transition, on se lance dans Un voyage en Suisse. vingt-cinq
récits de vingt-cinq écrivains de notre pays, sur vingt-cinq cantons…
Il en manque un, non?
Non, non. En fait, le dernier, le Jura, y est, sous la plume d’ailleurs
d’Alexandre Voisard, mais il manque parfois, c’est vrai, des
demis-cantons, enfin, des écrivains par demi-canton, et puis alors, au
contraire, il y a parfois deux écrivains pour un même canton, par
exemple pour Zurich, on a Charles Lewinsky, l’auteur de Melnitz, qui a eu tant de succès, mais aussi tout dernièrement de Retour indésirable,
et puis on a Ruth Schweikert, toujours pour Zurich, qui est très connue
en Allemagne, et qui a été traduite aussi en France chez Métaillé… Pour
le Tessin, on a Alberto Nessi, avec un texte magnifique intitulé «Je ne
sais pas si j’étais heureux» et qui dit vraiment tout de son canton:
les châtaignes, les chèvres, l’Eglise, les migrations, les différences
ville/campagne. Et puis alors, pour Genève on a un texte d’Anne Cuneo
sur le squat «Rhino», qui reflète très bien la réalité immobilière
genevoise, son tissu urbain, les milieux alternatifs qui étaient assez
solides il y a une quinzaine d’années maintenant. Et puis, par exemple,
sur le canton de Vaud, il y a Chessex à propos de Payerne. Bref, c’est
véritablement une carte littéraire de la Confédération…
Mais ces textes, si je comprends bien, Geneviève, ce ne sont pas des textes de commande?
Non, non. En fait, ce sont des extraits de livres des auteurs qui ont
été choisis par l’éditeur Dirk Vaihinger, dont les Éditions Nagel &
Kimche fêtent cette année leur vingt-cinq ans. Et pour certains de ces
textes, ils ont été traduits par François Conod. L’éditeur revendique
une forme de subjectivité, et en ces termes «Un système strict n’était
ni possible ni souhaitable. Toute la démarche a aussi un caractère
ludique et expérimental». Et il faut dire que c’est ce qui rend ce
livre sympathique…
GENEVIÈVE BRIDEL, Quartier Livres, RTS «La Première»
Traduit de l’allemand, Un voyage en Suisse
promène le lecteur dans la Confédération avec le regard de vingt-cinq
auteurs suisses. Selon Bernard Campiche, éditeur de sa version
française, «seule la durée peut aider à comprendre cette mosaïque
culturelle qu’est la Suisse».
On cherchera en vain le chocolat, le Cénovis, la montre Swatch ou la figure d’Heidi. Dans Un voyage en Suisse,
le pays alpin échappe aux clichés et figures stéréotypées qui font sa
réputation et en même temps occultent ce qu’il est réellement.
Afin de le découvrir dans sa réalité crue, il faut regarder le peuple
vivre sous la plume de vingt-cinq auteurs suisses issus des différents
cantons. Chaque écrivain a ses souvenirs propres, anecdotiques ou
historiques, transmis au fil de ses récits.
Tous les textes réunis dans ce Voyage
ont été extraits des œuvres de leurs auteurs et publiés pour la
première fois après 1982. Ce qui ne signifie pas que les histoires
racontées ont pour cadre notre époque uniquement. Elles peuvent
remonter à des temps plus anciens.
Vingt-cinq écrivains donc. Pourquoi ce nombre? «Il faut dire que la
Suisse est constituée de vingt-trois cantons, ou vingt-six avec les
demi-cantons. Mais le chiffre vingt-cinq nous a paru le plus plausible.
Nous avons estimé que le canton le plus peuplé, où se trouve la seule
grande ville du pays (Zurich), devait être représenté par deux récits,
et que le canton bilingue des Grisons devait l’être tant par un récit
en rhéto-romanche que par un texte en allemand», explique dans une note
d’intention Dirk Vaihinger, éditeur alémanique qui a publié Un voyage en Suisse (Die Schweizerreise), en 2008.
Repli sur soi contre ouverture
Traduit en français par François Conod, le livre paraît aujourd’hui aux
Éditions Campiche. Quatre ans séparent les deux versions.
Pourquoi autant de temps? «En raison des innombrables difficultés
que m’ont posé les droits d’auteur et de traduction, confie Bernard
Campiche. La version française diffère légèrement de l’allemande. Sur
les vingt-cinq écrivains, trois sont morts entre-temps. J’ai dû donc
les remplacer». Mais cela ne change en rien la géographie du livre.
Voici donc Appenzell, Argovie, Bâle, Berne, Genève, Fribourg… Les
cantons se découvrent ici par ordre alphabétique. De chacun d’eux se
dégage une atmosphère liée au paysage, aux habitudes, aux événements
politiques, économiques ou sociaux du lieu. Ce qui frappe, c’est que
les récits de cantons appartenant à la Suisse centrale donnent pour la
plupart une vision intimiste du pays. A croire que la configuration
géographique induit un repli sur soi !
Les Suisses que l’on voit vivre ici sont des paysans, des fermiers ou
des gens ordinaires de petites villes, avec des problèmes de famille,
de couple, de solitude ou d’argent. Ils «humanisent» l’Helvétie,
gommant l’image d’un luxe inaccessible que le pays projette souvent.
Leurs voyages se font à l’intérieur des terres et dévoilent des
paysages d’une beauté inattendue où la neige, et le chalet qui va avec,
sont heureusement absents.
Avec ses cantons frontaliers, l’Helvétie respire mieux. Elle devient
une caisse de résonance qui renvoie un écho du monde. S’y croisent
parfois la petite et la grande Histoire, comme à Soleure dont le profil
est dressé par Peter Bichsel en ces mots bien drôles: «Les écrivains
sont à Soleure, les cinéastes sont à Soleure, Napoléon y a été, et
Casanova, et tous reviennent, et tous sont d’ici».
Parole d’éditeurs
À propos d’Un voyage en Suisse, son éditeur alémanique Dirk Vaihinger écrit :
«Les gens se sentent avant tout de leur région – l’habitant de
l’Oberland zurichois aime se distinguer du Zurichois de la ville, celui
de l’Entlebuch du Lucernois, celui de la Haute Engadine du citoyen de
Coire. Mais quand un Bâlois, un Zurichois et un Grison se rencontrent,
la chute de la blague qui s’ensuit est toujours constituée par
l’esprit, le dialecte et le paysage du canton concerné. (…)
Un voyage en Suisse à
travers la littérature, dans des récits choisis selon le lieu d’origine
ou de résidence de leurs auteurs, donne une image de ces dissemblances
internes (…); en outre il offre une mosaïque créatrice, une carte
géographique narrative, un miroir de l’activité littéraire en Suisse».
Son éditeur francophone Bernard Campiche confie:
«Je publie depuis longtemps une auteure française, Sylviane Roche, qui
vit aujourd’hui en Suisse. Elle m’a un jour raconté que lorsqu’elle a
décidé de s’établir chez nous, elle croyait qu’elle se retrouverait en
terre apprivoisée. Elle s’est vite aperçue que ce n’était pas le cas.
Je veux dire par là que même pour une francophone, les cantons romands
peuvent paraître étrangers. Il faut du temps pour comprendre la Suisse.
Seule la durée peut vous y aider».
Le Tessin, théâtre des migrations
Le Tessin lui aussi fait l’objet de récits truculents. À la lecture de ce Voyage,
il apparaît comme le théâtre de mouvements migratoires frénétiques. En
témoigne «Je ne sais pas si j’étais heureux», texte du Tessinois
Alberto Nessi, où s’entrechoquent, dans un mélange de souvenirs, la
Suisse, l’Italie, la France et le Portugal.
On le voit, le choix des textes n’est pas innocent. Autre exemple,
Genève. Dans un récit d’Anne Cuneo, la ville protestante, qui depuis
Calvin a perdu une bonne dose de son austérité, est vue aujourd’hui à
travers une enquête sur un crime, racontée par Anne Cuneo.
Une vision désuète
De nombreux auteurs ou voyageurs étrangers ayant parcouru la Suisse ont
consigné dans leurs œuvres leurs impressions sur le pays. Réunies dans
des ouvrages divers, ces impressions ont donné lieu ces dernières
années à des titres comme Le Goût de la Suisse de Sandrine Fillipeti, ou encore Le Voyage en Suisse de Claude Reichler et Roland Ruffieux.
«Tous ces livres contiennent des textes qui datent pour la plupart du
XVIIIe ou XIXe siècle, proteste Bernard Campiche. Ils reflètent une
vision désuète et souvent erronée de la Suisse. Il faut avoir vécu
trente ou quarante ans dans ce pays pour connaître la mosaïque
culturelle qu’il forme. Les personnes qui y ont séjourné comme
touristes ne peuvent pas le cerner de manière juste».
Faites Un voyage en Suisse en vingt-cinq étapes littéraires!
Deux femmes nagent côte à côte. L’une, large comme une baleine, semble
dans son élément. L’eau. L’autre, jeune et belle, se révèle à la peine.
Le lecteur découvre qu’il s’agit de l’épouse et de la maîtresse
présumée d’un homme dont il ignore tout. La première prépare le crime
parfait…
Déroutante et complexe, la nouvelle ouvre le recueil intitulé Un voyage en Suisse.
Pourquoi débuter par «La leçon de natation» de Helen Meier? Très
simple. L’écrivaine est Appenzelloise. Appenzell commence avec un «A».
Les vingt-cinq récits défilent dans l’ordre alphabétique des cantons.
Comme ça, au moins, pas de jaloux! Restait le délicat problème des
nationalités cantonales. Dirk Vaihinger, qui a conçu ce volume en 2008
pour les éditions Nagel Kimche de Zurich, a dû arbitrer. Comptent ainsi
le lieu de naissance, mais aussi un domicile durable «à l’étranger». Il
semble ainsi clair que Maurice Chappaz, né à Lausanne en 1916, était
Valaisan.
Auteurs confirmés
Bernard Campiche donne aujourd’hui la version française de cette
anthologie. Elle change du coup de sens. Il y a cette fois bien plus de
traductions, et donc d’auteurs inconnus, parfois inédits dans notre
langue. Le volume en devient plus exotique. Plus apéritif aussi. Il
doit logiquement y avoir là davantage de noms à découvrir.
En cinq ans, le monde littéraire helvétique a par ailleurs changé. Il
avait été admis en 2008 que les textes dateraient des vingt-cinq
dernières années. Ils peuvent en avoir trente en 2013. Il semblait
clair que leurs auteurs seraient vivants. Certains ont disparu depuis.
C’est le cas de Chappaz, mais aussi de Jacques Chessex, d’Anne-Lise
Grobéty ou d’Adelheid Duvanel. D’autres plumes ont émergé, même s’il
semble clair que cet ouvrage assez officiel favorise les auteurs
confirmés, voire vieillissants.
Un choix très sérieux
Est-ce le choix opéré par Vaihinger? L’ensemble apparaît très sérieux.
C’est de la littérature littéraire. Les narrations se révèlent souvent
compliquées. Plusieurs versions de la même histoire ou des retours en
arrière dans un texte de dix pages troublent le lecteur. Des nouvelles
comme «Cacahuètes» de la Zurichoise Ruth Schweikert ou «Le temps des
lunules» du Glaronais Emil Zopfi exigent ainsi une lecture attentive,
sinon plurielle. Ce n’est pas toujours le cas. «L’adieu aux abeilles»
du Jurassien Alexandre Voisard ou «Oncle Ruedi et les sirènes» du
Lucernois Erwin Koch émeuvent au contraire par leur simplicité.
Et Genève, me direz-Vous? Eh bien notre canton est représenté par Anne
Cuneo, star Campiche, avec «Rhino, souvenir d’un squat disparu». Là le
lecteur rentre comme il le faisait boulevard des Philosophes. De
plain-pied.
ÉTIENNE DUMONT, Tribune de Genève
25
récits de 25 cantons, par 25 écrivains différents, publiés au cours des
25 dernières années. Vingt-cinq bonnes raisons d’entreprendre un voyage
littéraire à travers la Suisse et de sentir le parfum originaire de ces
histoires ou d’aborder le domicile de leur auteur.
Un recueil qui restitue la topographie littéraire d’un pays où l’on
aime raconter, où tant de voix se font entendre dans la diversité de
ses quatre langues.
Un ouvrage de la Collection ch.
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