Envie de voyage? Cormont?
Lecture – Soirée avec Michel Bühler à la Bibliothèque de Sainte-Croix
Quelques repères. Une dizaine
d’extraits lus. Il n’en faut pas plus pour convaincre que Cormont,
ville à mille mètres d’altitude à proximité de la frontière, vaut le
détour. Le seul moyen d’explorer la cité, de faire connaissance de ses
habitants: la lecture de Retour à Cormont,
le dernier roman de Michel Bühler. Le 2 novembre, l’auteur a présenté
son livre à la Bibliothèque de Sainte-Croix. La création d’un univers
imaginaire-réel, local-universel.
Satire et intrigue. Loufoque et sensé. La narration esquisse le
quotidien d’Eustache Joubert, un jeune retraité. Après 40 ans de
carrière à la capitale du canton, il repose ses valises dans son
village natal: Cormont. Ses divagations sur sa vie professionnelle
dénotent sa capacité d’observation et son esprit espiègle à retardement.
Témoin et acteur de son nouveau biotope, il se confronte à ce phénomène
baptisé: «l’esprit de l’escalier» ou le déboire des répliques a
posteriori. Redécouvrant sa ville au passé industriel et la
population haute en couleur, le protagoniste mélange la nostalgie et la
bienveillance au scepticisme léger. Découvreur d’un cadavre d’identité
inconnue, son intégration dans le tissu social est accélérée. Ainsi va
son initiation à la comédie humaine.
Les élucubrations intérieures et les dialogues spitants se développent
dans un décor fictif rappelant le Balcon du Jura. «L’incorporation de
la géographie est un topo de mes romans. Après tout, il est naturel de
transporter le familier dans les œuvres de fiction», explique Michel
Bühler.
Il avoue que son éditeur, Bernard Campiche, a dû le convaincre de cette
normalité. En effet, la ville de montagne n’est qu’un cadre dans lequel
se déroule la quête d’un homme à la réplique qui met les points sur
l’universel I: les croustillants illogismes des racontars. «La
thématique est à toutes mains. C’est dans le «local» qu’on rencontre le
«global», conclut l’écrivain. En filigrane, la bienveillance intrisèque
au protagoniste élève le roman à un manifeste en faveur d’une humanité
pensante… universelle?
De la relectrice parisienne à la bibliothécaire de Sainte-Croix en
passant par une «apprentie» de la langue française, chaque lecteur peut
s’identifier et savourer ce roman à pleurer de rire.
I. DEBRUYNE, Journal de Sainte-Croix, 7 novembre 2018
Ah!
Michel Bühler! Un nouveau roman? Il n’en fallait pas plus pour aiguiser
ma curiosité. Le suivant régulièrement lorsqu’il s’exprime sur
différents sujets, mais très souvent sur la précarité des plus faibles,
j’aime ses prises de position qui sont toujours fracassantes mais
justes. En le lisant, on ne peut que se plier et accuser réception de
ses idées qui sont d’une pertinence affolante. Il a un regard sur le
monde beaucoup plus réaliste souvent que le meilleur des philosophes,
Donc, si Michel Bühler nous offre un roman, forcément, mon intérêt est
en éveil. Je me demande de quoi il va parler, si c’est un roman pur,
s’il y a mis un peu de sa vie entre les mots, comment est la trame, etc.
Alors l’histoire est banale, un village, Cormont, village tout aussi
banal, où revient s’établir à la retraite le personnage, Eustache
Joubert. Lors d’une promenade, il découvre un cadavre, bien abîmé, qui
gît là depuis pas mal de temps. On se pique un peu, on se dit qu’on va
découvrir une intrigue phénoménale, une histoire abracadabrante, des
rebondissements, une fin improbable, bref, une intrigue bien ficelée.
Alors ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. un peu surprenante,
mais je pense que ce n’est pas ce qu’a voulu nous apporter Michel
Bühler.
J’ai pris ce roman comme un retour en arrière, sur le temps qui passe,
sur les souvenirs d’enfance, sur le capitalisme, sur la mise de côté
des plus démunis, sur les relents racistes de certains partis, sur
l’esprit de clocher de certains villages, sur les préjugés, sur le
racisme, sur la manipulation de certains qui conduit à la haine des
étrangers parce qu’ils sont responsables de notre misère, qui peinent à
joindre les deux bouts, sur l’exploitation des masses ouvrières par des
financiers sans scrupules. Bref, j’y ai retrouvé le Michel Bühler dont
j’apprécie les idées et la plume.
Tout y est, un historien dans cent ans pourrait tout à fait imaginer
notre vie d’aujourd’hui en lisant ce bouquin. Alors certes, ne nous
laissons pas aller au pessimisme, ce n’est pas le genre de la maison.
Michel Bühler nous amène à connaître d’autres personnages, ceux qui
font du bien, et il y en a quelques-uns dans ce roman. C’est un beau
roman contemporain, de plus bien écrit par un auteur qui maîtrise
parfaitement la langue française. Il n’a pas d’orientation politique,
bien que l’on connaisse l’auteur pour ses idées, mais c’est plutôt
comme je l’ai dit plus haut, une photographie de notre époque, avec ce
que l’on a acquis mais aussi ce que l’on a perdu.
Arrivant au bout de l’espace qui m’est accordé, je me rends compte que
je ne vous ai pas parlé des personnages. Et ce n’est pas plus mal. Vous
pouvez me faire confiance. C’est un livre à lire! Absolument! Ne
serait-ce que pour la beauté des textes.
MONIQUE MISIEGO, Courrier d'Oron, 18 octobre 2018
L’on
ne présente plus Michel Bühler. Il fait partie du paysage culturel
francophone. Sa notoriété de chanteur a franchi les frontières. Son
talent d’écrivain est de la même veine. Ses lecteurs attendent le fruit
de sa plume. Ils ne seront pas déçus avec Retour à Cormont. L’histoire est bien menée, à la façon d’un thriller «à la vaudoise».
Sitôt que le clairon de la retraite a retenti, le narrateur regagne le
village qui l’a vu naître. Du temps de sa gloire – celle des horloges à
coucou – il ne comptait pas moins de 5 000 âmes. À cause de
commandes en chute libre, la fabrication a eu du plomb dans l’aile.
Un jour, il prend son bâton de pèlerin, bien décidé à pousser jusqu’à
«La Cave-à-l’Ours». Une sacrée trotte! Et là il fait une découverte
macabre. La victime, un «casso»? (cas social). Vu que l’on ne sait pas
combien ils sont et où ils habitent, si l’un d’entre eux disparaissait,
on ne s’en apercevrait pas. Du côté de la police, silence radio.
Le café est le lieu de débats sociaux. Même si le Jurassien est plutôt
un taiseux, il a parfois des coups de gueule qui ébranlent les
certitudes. Le narrateur se penche sur son passé. Rudesse du climat.
Rudesse du quotidien. «Les hommes sortaient de l’usine à 18 h. Ils
avalaient rapidement leur souper, un bout de pain et de fromage
accompagné d’une tasse de café au lait.» Elle a forgé les caractères,
la mentalité.
Depuis une vingtaine d’années, un sujet suscite les passions et des
réactions virulentes: l’implantation d’éoliennes sur les crêtes. Le
peintre ne décolère point: «À quoi ça sert? à enrichir des actionnaires
qui ne mettront jamais les pieds ici! ou alimenter les enseignes au
néon des zones commerciales! Pour que les jeunes puissent recharger
leurs téléphones portables et parler des heures durant pour ne rien
dire? Foutre en l’air cette beauté! ça me rend fou!»
Pour Michel Bühler, «Retour à Cormont» est l’opportunité d’évoquer ces
thèmes qui lui sont chers: les inégalités sociales, la place que l’on
accorde à l’étranger dans nos vies, le blanchiment d’argent, la
méfiance à l’égard des migrants… Ces thèmes reviennent en boucle dans
les cafés du lieu. Le fracas des bombes, les cris des affamés, la
torture dans les prisons, les fortunes colossales de quelques-uns
scandalisent et meurtrissent encore et toujours l’écrivain de
Sainte-Croix. Il parle haut et fort de ses révoltes contre la bêtise,
contre l’avilissement de ses frères en humanité.
Ce qu’il aime, Michel, ce sont ces cafés aux tournées partagées, aux
parties de cartes et de soirées de chansons. C’est la quintessence de
ces établissements où se reconstruit le monde.
Les balades entrecoupent des réminiscences de souvenirs, de réflexions
sur le passé. La langue est fluide, imagée. Le roman se lit d’une
traite. Le lecteur a hâte de connaître l’identité du macchabée. À
l’évidence, Retour à Cormont se profile comme un best-seller.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, No 626, 17 août 2018
Un nouveau roman de Michel Bühler
Récemment paru chez Bernard Campiche Éditeur, Retour à Cormont est le nouveau roman de Michel Bühler
Eustache Joubert est un fonctionnaire fraîchement retraité. Après
quarante années passées au service cantonal de la statistique, le voici
contraint de remonter dans son village d’enfance pour terminer ses
vieux jours. Son loyer dans le chef-lieu du canton s’apprêtant à
doubler, il décide de louer un charmant deux-pièces à loyer raisonnable
au centre du village de Cormont. Le héros du livre s’adonne à quelques
balades à pied qui l’emmèneront à la Cave à l’Ours. Il y découvre un
cadavre.
Chacun ira de ses spéculations sur le mort dont le lecteur découvrira
l’identité à la fin de l’ouvrage. Pour La Fouine, qui ne s’est jamais
remis du départ de sa femme, envolée avec un représentant en vins de
Bordeaux, l’affaire est claire: il s’agissait d’un suicide, consécutif
à un gros chagrin d’amour.
Fusible, lui, penchait pour un assassinat: un ingénieur chargé
d’étudier l’implantation des éoliennes aurait très bien pu rencontrer
un opposant sur ces crêtes. Une discussion se serait engagée, le ton
serait monté, et d’un coup d’épaule l’anti aurait envoyé le pro
rejoindre ses ancêtres.
L’avis du Dodu était qu’on avait là l’exemple typique d’un accident: le
gars s’était bêtement approché du bord des roches, il avait glissé…
Le dernier mot sur la question, pour un certain temps, est revenu à P’tit Kir, qui a déclaré un soir, timide:
— J’ai ma petite idée…
L'avis des lecteurs
«Juste un peu polar mais pas trop, avec une, plus vraie que nature, galerie de personnages.»
«Ça se lit d’une traite.»
«La manière de rencontrer les personnages, de les quitter, de les
retrouver au détour d’un chemin ou d’une bière crée un entrelacs subtil
qui nous tient en haleine.»
«La patience du taiseux, les silences, les cancans… j’ai tout aimé!»
«Un vrai polar, social et poétique. On repartirait bien pour une centaine de pages encore…»
«J’ai aimé l’ironie de l’auteur, sa perspicacité, son intégrité, sa poésie et sa tendresse.»
«C’est toujours un bonheur de retrouver l’ami Bubu infatigable, intangible, inoxydable.»
«Ben voilà, resté scotché jusqu’à la surprise finale!»
Et ce qu’en dit la presse:
«On sourit souvent dans ce récit bien mené dressant, à travers un
microcosme villageois, un portrait du monde d’aujourd’hui.» 24 Heures
«Humour, ironie, indignation, empathie composent une fiction engagée,
de lecture aisée, en résonance avec les enjeux du présent.» Le Courrier
«Une suite de portraits à la fois tendres et acides.» «Vigousse»
«L’intrigue, nouée autour de la découverte d’un cadavre dans la Cave à
l’Ours sert de prétexte à une véritable balade ethnotouristique.» La Région
«Michel Bühler réussit une chronique villageoise truculente.» La Gruyère
Journal de Sainte-Croix
À 62 ans, Eustache Joubert est arrivé à la moitié de son âge, autrement
dit c'est maintenant «un jeune retraité». Un vieux du village de
Cormont, un facétieux, à qui, jeune homme, il avait demandé son âge lui
avait dit: «Je vais vers mes huitante ans. J'ai fait la moitié…»
Pendant quarante ans, Eustache a été fonctionnaire à l'État de Vaud, au
Service des statistiques. En raison de la crise, à 22 ans donc, il
avait quitté Cormont, autrefois «patrie mondiale du coucou,» pour
saisir l'opportunité d’«entrer dans l'administration cantonale.»
Parce que son loyer, à Lausanne, va doubler – l'immeuble dans lequel il
habite va être rénové -–que l'air de la montagne ne peut que lui faire
du bien et qu'il a vu une petite annonce y signalant «un charmant deux
pièces au loyer raisonnable,» il fait son Retour à Cormont,
Il n'a pas le coeur de se séparer de ses livres, des romans policiers
dans lesquels il a trouvé «le piment et le parfum d'aventure qui
manquaient à [sa] petite vie.» Ce n'était pas une passion pour les
énigmes mais une aimable distraction pour homme pondéré.
Son retour au village de son enfance commence fort. En se baladant du
côté des Caves, «une suite de surplombs, d'abris sous roches, qui se
succèdent par vagues sur une centaine de mètres,» il fait une
découverte qui le fige sur place et lui fait battre le coeur:
«À trois pas, sur un rocher, des ossements auxquels sont encore
attachés des lambeaux de chair et de vêtements, un crâne aux orbites
vides, au rictus effrayant.»
Il dévale la pente. Au chalet de Grand-Mont, où se trouve un café, il
annonce la nouvelle et appelle la maréchaussée, son prénom, Eustache,
apportant «avec lui son lot de bonne humeur…» Quelle peut être
l'identité du défunt ? Il n'en a pas la moindre idée.
Au Café Industriel, un habitué a sa petite idée: c'est un pensionnaire
du Centre de requérants d'asile (ça «ferait toujours un étranger de
moins, non?»). Au Malibu, un autre penche pour un cassos, un cas social
(«un qui disparaîtrait, on ne s'en apercevrait pas…»).
Eustache est outré par ces idées reçues, mais, comme il a «l’esprit de
l’escalier», il lui faut des heures pour aligner les arguments pour
descendre celles-ci... Des idées reçues, il en a lui aussi puisqu'il
considère l’«homo sapiens» comme «une odieuse espèce animale»…
Cet ancien fonctionnaire garde ainsi une haute idée de l'État. Qui
permet à l'homme, cet «animal grégraire», de tirer avantage des
communautés qu'il a organisées : «il est donc normal qu'il paie pour
les routes, le système éducatif, la sécurité que lui garantit la
police…»
Eustache pousse le bouchon quand il fustige l’«arrogance des
privatiseurs de toutes sortes» et pense de son ancienne cheffe, adepte
du New Public Management», qu'elle est «obligatoirement une tête de pont de ceux qui, comme Ronald Reagan, affirmaient:
L'État n'est pas la solution à nos problèmes; l'État est le problème.»
Mais il a aussi du bon sens: il sait d'expérience que ce qui est
«nouveau» n'est pas forcément «meilleur» et qu'il convient de faire la
distinction. Ce bon sens le met à distance des propos forts de café...
du commerce qui se tiennent dans les bistros de Cormont…
Car l'action se passe la plupart du temps dans les bistros du village.
Et Michel Bühler, certainement fin observateur de ces lieux, permet au
lecteur de s'y retrouver, par la magie du verbe, comme s'il y était. La
phrase qui conclut le roman est de cet acabit :
«— Des fois, il faudrait écouter les gens qui se taisent!»
Blog de FRANCIS RICHARD
Chronique d’un village plus vrai que nature
Michel Bühler tel qu’en lui-même. Que ce soit pour ses chansons, ses
romans ou ses pièces de théâtre, il ne prend jamais la plume pour ne
rien dire. Dans Retour à Cormont,
l’histoire de ce jeune retraité, revenu dans le village de sa jeunesse,
lui permet de traiter des sujets qui lui sont chers. De dénoncer le
racisme ordinaire, l’étroitesse d’esprit, l’esprit de clocher, les
méfaits du néolibéralisme, mais aussi de rappeler les beautés de la
nature et de dessiner de savoureuses scènes de bistrot. Ancien employé
du Service des statistiques, Eustache Joubert revient à Cormont,
village imaginaire du Jura vaudois, qui a des airs de Sainte-Croix, où
vit Michel Bühler. Il fait connaissance avec les gens du lieu, se
retrouve entre des militants anti-immigrés de l’UPN, des marginaux
rastas, un journaliste localier, un ancien professeur de l’École
polytechnique, les serveuses de bistrot ou encore Marek, l’homme à tout
faire polonais de sa voisine. En ajoutant la découverte d’un cadavre,
Michel Bühler réussit une chronique villageoise truculente, qui n’évite
pas toujours la caricature ni la facilité. Avec, en arrière-fond,
l’infatigable défense de ses valeurs humanistes, malgré le risque de
découragement, à l’image du journaliste qui se désole: «J’ai longtemps
entretenu l’espoir qu’on pouvait éduquer les cons. Hélas…
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
Michel Bühler prend la plume en «montreur de choses», pas en «donneur de leçons»
Dans Retour à Cormont,
le chanteur et auteur imagine un fonctionnaire qui revient dans son
village natal. L’occasion d’évoquer le racisme, la précarité sociale
ou… les éoliennes
De temps à autre, Michel Bühler prend la plume pour écrire non pas des chansons, mais des livres. Dans Retour à Cormont,
son quatrième roman paru chez Bernard Campiche, il a créé le joliment
nommé Eustache (une trouvaille que le héros doit à son père, pour le
différencier des autres Joubert du village), un fonctionnaire vaudois à
la retraite qui rentre passer ses vieux jours là où il est né.
L’occasion pour Michel Bühler de faire de ce microcosme villageois le
théâtre de préoccupations qui lui tiennent à cœur.
La commune que retrouve Eustache n’a plus grand-chose à voir avec ce
que le narrateur a connu quarante ans auparavant. Planté à 1000 mètres
sur le balcon du Jura, elle ne s’est jamais relevée de sa destitution
de leader mondial dans la fabrication de coucous, au profit des
Chinois. Cormont et ses rares bistrots, où le nouveau venu a le choix
entre partager un verre avec les «Corneilles» pure souche aux propos
volontiers xénophobes, ou les cassos qui affluent car les loyers sont
plus bas qu’en plaine. Dans le village se trouve aussi un centre de
réfugiés, tandis qu’un projet de parc d’éoliennes divise la population.
Modifiez quelques détails, on y reconnaît Sainte-Croix, où l’auteur
habite quand il n’est pas à Paris. Début mai, il a prit publiquement
position contre les éoliennes prévues entre le Chasseron et le
Creux-du-Van, dans une pétition réunissant des signataires de divers
bords politiques. Ses combats personnels se retrouvent ainsi dans son
roman.
Si toute ressemblance de sa fiction avec la réalité n’est pas fortuite,
l’auteur vise néanmoins un propos plus universel. «J’ai pris soin de
changer les noms des lieux et la dimension de la commune, car je ne
veux pas mettre en cause qui que ce soit. Mes personnages sont plutôt
des archétypes.»
À Sainte-Croix, il le dit d’ailleurs, grâce à un comité bénévole, la
cohabitation avec le centre d’accueil des migrants se passe bien. Alors
que, dans le roman, ce sont eux qu’on pointe du doigt lorsque le
narrateur découvre un cadavre lors d’une balade en montagne. Michel
Bühler donnerait-il dans le roman policier? Pas vraiment. Le macchabée
permet plutôt aux villageois friands de raccourcis de cataloguer
Joubert comme celui qui a découvert le corps. Une carte de visite plus
intrigante que celle d’ancien employé du service cantonal des
statistiques mis sur le banc de touche par une nouvelle cheffe
arriviste, qui revient sur sa terre natale par manque de choix et de
moyens.
L’enquête que déclenche sa macabre découverte ne fait qu’accompagner le
récit, comme un fil complémentaire tissé pour étoffer la complexité du
réel. Michel Bühler a d’ailleurs été surpris de découvrir ce cadavre
dans son histoire. «Un matin, il était là, et je ne pouvais pas faire
autrement que de le garder. Je n’ai trouvé que très tard qui il était.»
Bien plus que dans les chansons, où il faut aller à l’essentiel, dans
le roman il se laisse porter. «Quand on est en “état d’écriture”, il y
a des idées qui vous viennent que vous n’auriez pas dans la vie
ordinaire.»
Truculentes scènes de bistrot
Ce qui s’est imposé d’emblée, en revanche, c’est l’envie de faire «un
portrait du monde d’aujourd’hui, de notre pays à travers le personnage
d’Eustache.» À 73 ans, Michel Bühler le dit sans détour: «Je pense que
le monde est tellement affligeant que j’ai essayé de traiter le sujet
avec un peu d’humour. Je souriais en écrivant, en espérant que le
lecteur sourirait aussi.» Et c’est effectivement souvent le cas dans ce
récit bien mené. Notamment lors de truculentes scènes de bistrot, où la
Fouine interpelle Fusible, tandis que Dodu la ramène aussi.
Ou quand Eustache peste silencieusement contre les idées à courte vue
des piliers de bar, sans arriver à trouver la réplique qui tue. Alors
il consigne les reparties percutantes qui affluent ensuite, espérant
que l’occasion de s’en servir se représentera. «Il souffre de l’esprit
d’escalier. En ce sens, c’est un peu mon portrait, j’en suis atteint
aussi.» Son héros lui ressemble également, car il préfère observer
plutôt que de faire de grands discours. «Je n’ai jamais donné de
leçons, je suis plutôt un montreur de choses.»
Sans parvenir à échapper, parfois, à une certaine visée didactique.
Quand on le lui fait remarquer, le chanteur et écrivain rit et cite
Jean Ferrat. «Il a dit un jour: “Je ne chante pas pour passer le
temps.” Pour moi, c’est la même chose, si l’on parle aux gens, ce n’est
pas pour ne rien dire.
CAROLINE RIEDER, 24 Heures
Mystère et politique
Le village de Cormont ne figure sur aucune carte mais paraîtra très réel à qui abordera Retour à Cormont de Michel Bühler. Dans son quatrième roman, l’écrivain et chanteur romand, connu de nos lecteurs pour ses chroniques dans Le Courrier,
met en scène Eustache Joubert, qui regagne son petit village après
avoir travaillé des années en ville. Retour à la quiétude? Pas
vraiment. En se promenant, Joubert tombe par hasard sur un cadavre
depuis longtemps décomposé et réduit à l’état de squelette.
Le roman ne se résume toutefois pas à une intrigue policière et donne
la parole, outre à Joubert, à toute une galerie de personnages. Autant
d’occasions pour l’écrivain d’aborder divers enjeux sociaux et
politiques suisses. Réfugiés, écologie, emploi, etc. font monter le ton
durant les apéros chez les Corneilles, sobriquet des habitants de
Cormont. Sans compter que l’af faire du squelette au pied du précipice
alimente hypothèses et spéculations sur l’identité du défunt. Joubert,
lassé de rester sans réagir aux propos populistes qui surgissent dans
le patelin, finira par protester et refuser les idées trop vite
ficelées.
Une scène de ce roman apparaît emblématique: l’un des protagonistes lit
un article de journal de façon biaisée, influençant ainsi la perception
d’un fait divers. Joubert, lui, lit à voix haute l’article entier,
dévoilant ce que son antagoniste avait évité de formuler. Humour,
ironie, indignation, empathie composent ainsi dans Retour à Cormont une fiction engagée, de lecture aisée, en résonance avec les enjeux du présent.
MARC-OLIVIER PARLATANO, Le Courrier
Retour en forme de profession de foi
Michel Bühler revient à l’écriture avec un roman qui emmène le lecteur dans le dédale de ses promenades... et de ses convictions
La formule consacrée figurant dans le générique des films, «Toute
ressemblance avec des personnes…» aurait pu figurer dans une postface
de Retour à Cormont, le roman que vient de publier Michel Bühler chez Bernard Campiche. Mais cela aurait prêté à sourire.
En effet, l’auteur revêt l’habit d’un fidèle fonctionnaire vaudois qui,
l’heure de la retraite venue, retrouve sa terre d’origine, Cormont, un
village jurassien qui ressemble à s’y méprendre à Sainte-Croix.
L’intrigue, nouée autour de la découverte d’un cadavre dans la Cave à
l’Ours – cette grotte existe, mais elle porte un autre nom –, sert de
prétexte à une véritable balade ethnotouristique sur le Balcon du Jura.
À la découverte…
Le lecteur aura sans doute du plaisir a mettre des noms sur les
lieux-dits, que l’auteur aime arpenter, mais aussi sur des personnages,
pour ne pas dire des «tronches», décrits avec plus ou moins de
sympathie selon la sensibilité de l’auteur.
Le destin de cette bourgade encore marquée par la nostalgie d’un passé
industriel glorieux transparaît également dans ce roman, écrit avec le
talent et la sensibilité d’un homme qui aime son pays et ses gens. Même
si certains lui sont tout simplement insupportables.
Convictions réaffirmées
Car le lecteur découvrira assez rapidement que ce roman donne aussi
l’occasion à son auteur d’enfoncer le clou de ses convictions. Ceux qui
suivent le chroniqueur dans Résistance,
publication du POP vaudois, n’en seront pas étonnés. Pour d’autres, ce
sera la découverte de l’homme politique vêtu de rose sur les hauteurs
mais qui, à l’occasion, passe l’habit rouge dans les contrées plus
lointaines.
Cet aspect-là est sans doute celui qui nous interroge le plus. Car il
est loin d’être anodin. Fervent défenseur du droit d’asile, Michel
Bühler en vient à caricaturer les sympathisants d’une UPN qui ressemble
à s’y méprendre à l’UDC.
Et puis, s’il ne verse pas dans le pathos, l’auteur se mue en défenseur
des personnes assistées, les «cassos», qui dans l’idéal préféreraient
travailler. Ils n’est pas certain que le recours aux clichés soit la
meilleure arme pour les combattre, dans une communauté où cette
problématique a pris par moment une dimension fortement émotionnelle.
Au-delà de cet aspect de confrontation des idées, parfois exacerbées
par un fait divers, ce livre témoigne d’un bout du chemin de vie de
l’auteur dans un pays qu’il connaît particulièrement bien. C’est aussi
un beau témoignage des valeurs qui l’animent, et auxquelles il reste
fidèlement arrimé. Quant aux dénouement de l’intrigue, on vous le
laisse découvrir.
ISIDORE RAPOSO, La Région Nord vaudois
Bühler tel qu’en lui-même
Ce n’est pas parce qu’il a remisé sa guitare que Michel Bühler a choisi
de se taire. La preuve par ce nouveau bouquin, un roman cette fois-ci,
tout juste paru aux Éditions Bernard Campiche et avec lequel il emmène
le lecteur dans l’un de ces villages jadis prospères et aujourd’hui
comme coupés du monde. Fonctionnaire à la Ville, où il a fait toute sa
carrière, Joubert décide de «remonter» sur les crêtes de son enfance.
Personnage discret, timide et un brin méfiant, il y deviendra un
personnage incontournable le jour où, à l’occasion d’une balade sur le
Grand-Mont, il découvrira le cadavre d’«un individu de sexe masculin
mesurant environ un mètre septante-cinq, vêtu d’une chemise à carreaux
rouges et bleus», dira le rapport de police.
Du coup, et comme l’enquête piétine, chacun y va de sa petite idée. Un
habitant de la région qui aurait fait une mauvaise chute? Un étranger
qui se serait égaré? Un de ces réfugiés que l’on parque pas loin d’ici,
dans une ancienne usine? L’occasion est ainsi toute trouvée pour Bühler
de tirer une suite de portraits à la fois tendres et acides de ces gens
que l’on dit «de village» et qui, à les entendre, savent tout des
choses de notre monde. L’auteur lui-même en profite pour revenir aux
thèmes qui lui sont chers: la perte des vrais métiers, donc des
emplois, la désertification des régions isolées, la peur de l’étranger,
les tromperies des puissants.
Guitare ou pas, Michel Bühler reste le même. Et c’est très bien ainsi.
ROGER JAUNIN, Vigousse
Ce
roman, très attendu nous raconte l’histoire du retour d’Eustache
Joubert dans son village natal du Jura, Cormont, après avoir travaillé
près de quarante ans dans la capitale… Un côté «polar» puisque le héros
du livre découvre, en se promenant sur les crêtes jurassiennnes, un
cadavre non-identifié. Ce livre est surtout l'occasion d’évoquer des
thèmes comme les éoliennes, l’UDC, les «cas sociaux», les anglicismes.
Ce livre se lit aisément et plaira, à n'en pas douter, à beaucoup de
lecteurs…
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