S comme Schüpbach
Auteur d’une poignée de longs-métrages remarqués et pilier de l’émission Temps présent, le réalisateur vaudois Marcel Schüpbach livre ses souvenirs sous forme de brefs Instantanés, tour à tour captivants, frustrants et éclairants, parus chez Bernard Campiche Éditeur.
Nos cinéastes n’ont pas trop l’habitude de se raconter. Une interview
au sujet d’un nouveau film, passe encore, mais un livre pour étaler sa
vie? Certes, on peut se souvenir des appréciables Ciné-mélanges en forme d’abécédaire d’Alain Tanner (2007), plus leçon de cinéma que mémoires, et surtout du frappant Swiss Paradise
de Rolf Lyssy (2010), chronique d’une dépression plutôt que de toute
une existence vouée au septième art. Mais au-delà? Sur ce terrain à peu
près vierge, voici à présent le Vaudois Marcel Schüpbach, né en 1950 à
Zurich, cinéaste retraité. Après s’être essayé au roman (Deuxième vie, Campiche, 2018), le voici qui livre des Instantanés de son demi-siècle de carrière.
Schüpbach? Ceux qui n’auraient pas vu ses trop rares longs-métrages de cinéma (L’Allégement, Happy End, Les Agneaux, B comme Béjart, La Liste de Carla)
sont sûrement tombés un jour ou l’autre sur un de ses nombreux
reportages pour la TSR/RTS, sans avoir forcément retenu son nom. C’est
là le paradoxe central de ces mémoires: elles sont le fait d’un
quasi-inconnu, dont l’exigence et le talent n’ont d’égales que la
modestie et la discrétion. Quant au parcours qui s’y esquisse, il est à
la fois unique et très (trop) typique.
Dans ce petit ouvrage composé d’une trentaine de chapitres d’environ
quatre pages, chacun consacré à un tournage, on peut très bien picorer
au hasard. Mieux vaut pourtant prendre par le début. Comme souvent dans
le genre autobiographique, le meilleur se trouve là, dans la
reconstruction d’une vocation. Dans le cas de Schüpbach, une souffrance
liée à un accès difficile au langage l’a amené à s’exprimer en images.
Un de ses premiers courts-métrages, Murmures,
où il observe le quotidien de son grand-père chaux-de-fonnier, est déjà
remarqué à Soleure; un autre consacré au peintre Lermite juste après
son décès lui révèle la grandeur et la solitude de l’art véritable. Les
phrases sont simples, les mots justes.
Du désir de maîtrise à l’écoute
Forcément, on l’attend sur ses principaux titres de gloire. Du prometteur L’Allégement, on apprend l’inspiration bressonnienne et le triste destin de son interprète Anne Caudry. De l’ironiquement titré Happy End, les conflits avec un chef opérateur rigide et un désir de provoquer peu payant. Du sous-estimé Les Agneaux,
les exigences traumatisantes d’une coproduction avec la France. On
voudrait plus, mais l’auteur s’en tient à son principe de courtes
évocations. Exit donc le «grand» cinéma de fiction, cet art apparemment
si difficile pour un cinéaste d’ici. Il est évoqué une dernière fois à
l’occasion d’une rencontre en… Mongolie avec son aîné Kurt Gloor (trois
fictions lui aussi), dont l’acharnement à poursuivre son rêve envers et
contre les instances fédérales connut une issue tragique.
Plus pragmatique, Schüpbach, trouve alors refuge à la télévision, cet
aspirateur à talents dont rares sont ceux qui en réémergent intacts.
Surprise, l’homme y a trouvé son compte, en se tournant résolument vers
le genre documentaire. Ses qualités de regard et d’écoute l’ont amené
jusqu’à devenir un pilier de l’émission la plus prestigieuse de la TSR,
Temps présent. Entre
portraits d’artistes (Luc Bondy, Pierre Amoyal, Jacques Chessex),
reportages lointains (Madagascar, Caucase, Serbie), enquêtes consacrées
à des femmes en difficulté (meurtrière, jeunesses fracassées, immigrées
algériennes) ou à des exploits humains (percement d’un tunnel), chaque
tournage a été source de rencontres, d’apprentissages et d’impressions
fortes. Par contre, le fil biographique s’y perd et les instantanés se
transforment de plus en plus en dialogues, dans une écriture plus
routinière.
Filmer contre la mort
Émergent comme par hasard ses projets de plus longue haleine pour le cinéma: le magnifique B comme Béjart, qui aura exigé une formidable ténacité face à un sujet d’une rare ingratitude, et le passionnant La Liste de Carla,
qui ne laisse pas soupçonner les trésors de diplomatie qu’il aura fallu
pour suivre Carla Del Ponte à l’œuvre au Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie. Dernier projet pour le cinéma, un portrait du
musicien de jazz américano-suisse George Robert doit être abandonné
suite au décès de ce dernier. On comprend dès lors mieux l’attrait du
relatif confort télévisuel. Cette mort qui rôde, qui prive Schüpbach
trop tôt de sa première compagne et qui semble a posteriori le fil
rouge de toute l’œuvre – comment la conjurer, comment la dépasser,
comment l’accepter –, recevra néanmoins sa plus belle réponse sur petit
écran: un Temps présent intitulé Une affaire de cœur
(2006), dans lequel le cinéaste saisit dans un exercice de haute
voltige l’exploit médical d’une transplantation cardiaque, suivi d’un Deuxième souffle (2077) consacré à Loréna, la jeune fille qu’elle a permis de sauver.
On peut comprendre que l’effort s’arrête là. L’homme semble y avoir
puisé une certaine sérénité pour faire face à la dernière étape de
l’existence, au contraire de tant d’artistes qui refusent de lâcher
quoi que ce soit. Tant pis pour nous, privés de celui qui aurait sans
doute pu devenir un de nos plus grands réalisateurs. À sa manière trop
modeste et sous ses apparences décevantes, ce petit recueil qui utilise
les images comme déclencheurs de souvenirs et marqueurs d’une vie dit
finalement très bien toute la difficulté qu’il y a à être un cinéaste
suisse. Comme l’énonce joliment le préambule: cinquante ans
d’expériences «qui ont fait du cinéaste que je voulais devenir la
personne que je suis aujourd’hui.»
NORBERT CREUTZ, Bon pour la tête, 18 février 2021
Instantanés
Qu’il est passionnant de découvrir la genèse d’une vocation et ensuite son déploiement, comme y invite les récents Instantanés de Marcel Schüpbach
Le cinéaste suisse, né en 1950 à Zurich, s’est notamment fait remarquer par son film L’Allégement
(1983) tiré du roman de Jean-Pierre Monnier et sélectionné au Festival
de Locarno où il obtint le Grand Prix du Jury des Jeunes, mais
également par ses documentaires. Ainsi Violon Passion,
relatant la relation de Pierre Amoyal à son Stradivarius, remporta un
FIPA d’or au Festival international des programmes audiovisuels et B comme Béjart (2001) ou La Liste de Carla
(2005), consacré à l’indomptable et persévérante Carla Del Ponte,
procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie,
rejoignirent un large public. Aujourd’hui, ses fragments littéraires
permettent de rencontrer l’homme derrière la caméra, pour qui tout a
commencé au Belvédère. À cette époque, après avoir insisté, le
gymnasien de 17 ans obtient du directeur l’autorisation de participer à
la Semaine d’études cinématographiques de Leysin pour y présenter son
premier court métrage. Les dés sont jetés, sans que le jeune Marcel ne
soit pleinement conscient qu’il engage là tout son avenir. Aussi
revient-il, dans plus de vingt récits bien enlevés, sur ses rencontres
fortes, sans masquer ni ses échecs ni ses réussites, tout en croisant
au passage quelques monstres (Béjart, Chessex, Del Ponte). Toutefois,
ce sont plutôt les femmes et les hommes moins connus qui retiennent
l’attention et attestent de la manière délicate d’entrer en
relation. Quelques mots, une ou deux anecdotes, une image imprimée dans
la rétine («un pyjama Calida vert bouteille») jouent le rôle de
révélateur photographique et «l’instantané» d’apparaître. Par exemple,
on rejoint ainsi le metteur en scène Luc Bondy dans l’appartement de
Berlin où il vient d’emménager; Ruth, pensionnaire de la prison de La
Tuilière à Lonay qui rayonne en parlant de son petit Marco; Georges
Robert, saxophoniste alto de jazz et directeur de l’EJMA, que la mort
emportera avant le tournage qu’ils avaient prévu ensemble. Au détour
des pages, le cinéaste évoque ses nombreux apports à l’émission Temps présent de
la Télévision suisse romande, et ses échos, tel le courrier reçu un
jour de Lorena, petite greffée du cœur devenue grande et voulant
devenir monteuse. «Chaque tournage, chaque montage, est une expérience
collective», écrit Marcel Schüpbach, dont les réalisations sont
empreintes d’une humanité qui leur confère une immense valeur.
SERGE MOLLA, Ciné-Feuilles, No 841, 23.09.20
Instantanés de Marcel Schüpbach chez Bernard Campiche Éditeur
— Je te préviens: j’ai reçu ce livre des Éditions Campiche en service de presse.
— Est-ce que ça veut dire que tu n’aurais pas eu l’idée de l’acheter?
— Ben, jusqu’ici personne n’en a parlé et les librairies étaient fermées.
— Tu n’es pas abonné aux publications de Bernard Campiche?
— Heu, non, je ne suis pas très porté sur la littérature romande.
— Et le livre dont tu veux
parler échappe à ce que tu appelles littérature romande? Quel est le
dernier bouquin édité par Campiche que tu as lu?
— Heu, Deuxième vie, un roman du même auteur.
— Que tu as aussi reçu en service de presse?
— Heu, oui.
— Et tu n’as reçu que ces deux livres en service presse?
— Heu, oui.
— On peut savoir comment Bernard Campiche sait que c’est l’auteur qui te convient et dont tu auras envie de parler?
— Je n’ai pas parlé du premier. Mais j’aurais pu le faire.
Il raconte l’histoire d’une directrice des ressources humaines à la
RTS, qui, après une greffe du cœur, devient humaine en recherchant
l’origine de son nouveau cœur.
— Et ce n’est pas de la littérature romande?
— Heu…
— Tu n’as pas répondu à ma question. Pourquoi Bernard Campiche t’envoie les livres de cet auteur en particulier.
— C’est mon frère.
— Ha. Et tu allais expliquer en quoi son dernier livre était différent des autres, que tu n’avais pas lus.
— J’aurais montré comment il avait choisi d’illustrer par
des épisodes savoureux son parcours de cinéaste de fiction puis de
reportages au lieu d’expliquer laborieusement sa conception du cinéma.
— Tu n’en feras
rien. Au lieu de parler du livre, tu vas le laisser parler. Tu as 2517
signes espaces compriss, pas un de plus, pas un de moins. Et je ne
veux pas un seul commentairede ta part. C’est compris?
1. Retrouvez ci-contre la fin des cinq récits qui commencent ainsi:
Un ami me prête sa Bolex à ressort.
J’ai dix-sept ans, je suis dans le bureau du directeur du Collège du Belvédère et je viens de dire non.
Intérieur jour, chambre d’hôtel. Ce jour-là, nous
tournons une séquence de mon deuxième long-métrage de fiction, un
«road-movie» déjanté et fauché qui laisse beaucoup de place à
l’improvisation.
Me voilà nommé producteur éditorial du magazine Temps présent.
Printemps 1987. Le violoniste Pierre Amoyal donne un
cours de perfectionnement à l’école de musique de Saluzzo, en Italie.
Réponses possibles:
a) Heureusement pour moi, il y a des possibilités de travail à la télévision.
b) Je rends grâce au cinéma qui m’a donné le moyen de m’exprimer.
c) On n’imagine jamais les batailles à mener pour réaliser ses rêves…
d) Je comprendrai plus tard le
sens profond de la leçon. Lorsque j’aurai acquis suffisamment de métier
pour oublier définitivement la technique.
e) C’est décidé, je vais faire du cinéma.
2. Trouvez ci-contre les personnages filmés dont il est question dans trois récits:
Nous pourrons filmer tout ce que nous avons demandé,
mais rien ne pourra être dévoiler avant que …………… n’ait visionné le
montage final et donné son aval.
Premières images pour se mettre en train. Un paquet
de croquettes à la main, …………… sort sur la terrasse et appelle son chat.
«Je ne me reconnais pas de ce film et sa diffusion n’est pas conforme à mon désir artistique.»
Réponses possibles:
a) Jacques Chessex
b) Maurice Béjart
c) Carla Del Ponte
3. Qui parle, dans six récits à propos de films reportages?
— Puis je poursuis ici, avec les
barrières qui se sont trouvées sur mon chemin, avec du sang aussi
dessus.
— En fait, on a beaucoup de temps à attendre, on est beaucoup de temps tout seul.
— Cet enfant, un jour, il va me demander: «Maman pourquoi?»
— Voilà, je lui mets une couche,
normalement je le change toutes les trois heures, comme les vrais bébés.
— La maladie m’a appris que la vie quotidienne a une valeur spéciale, particulière.
— Mon chien représente beaucoup de choses pour moi. En fait, euh, tout.
Réponses possibles:
a) Un prisonnière
b) Un saxophoniste
c) Une jeune fille dans un foyer
d) Une prostituée
e) Un homme sous tutelle
f) Une malade mentale
4. Qui parle, à propos du film de fiction Les Agneaux?
— Oui, mais dans votre film, on y croit. Dans les autres, c’est du cinéma.
Réponses possibles:
a) Un censeur
b) Un imbécile
c) Un pervers
d) Un pasteur
Solutions du compte-rendu à choix multiples
1. e/b/a/c/
2. c/a/b
3. c/d/a/f/b/e
4. a ET d, ET b OU c
(SCH.), La Distinction, juin 2020
Instantanés de Marcel Schüpbach chez Bernard Campiche Éditeur
Installez-vous dans votre fauteuil préféré et plongez-vous dans
l’univers du réalisateur Marcel Schüpbach. Il a recueilli quelques-uns
des instantanés qui ont jalonné sa carrière. Des témoignages de la vie
ordinaire. Des gens à qui il aime donner la parole et qui acceptent de
livrer un pan de leur vie, de mettre à nu leurs émotions sous l’œil de
la caméra, jamais intrusive, mais discrète et efficace.
Il filme, sans concession, deux retraités dont la vie s’enroule autour
d’eux, indifférents aux tempêtes qui secouent le monde. Il y a la
petite Loréna à qui on vient de greffer un cœur. De Marseille à Lyon,
sa caméra balaie cette course-poursuite contre la montre. Intensément.
Il retrouvera la jeune femme quinze ans plus tard.
Nado éructe: «À bas Milosevic et sa clique!». Il travaille dans le plus
grand complexe industriel de l’ex-Yougoslavie. À la tête d’une poignée
de manifestants, il réclame un salaire décent. Le cinéaste est là. Dans
la prison de Lonay, le réalisateur est face à Ruth, considérée comme
une dangereuse criminelle et dont le petit Marco, cinq ans, ne réussira
pas à la tirer du piège de l’héroïne.
Il y a aussi dans son champ de vision des personnages charismatiques,
sous les feux des projecteurs. Béjart, être solaire, mais que Schüpbach
doit apprivoiser. Pierre Amoyal qui s’est fait voler son fameux
«Kochanski» de 1717 et qu’il retrouvera cinq ans plus tard à Turin.
Filmer Madame le Procureur du TPY n’a pas été une sinécure. Il s’est
déjà frotté à Chessex mais avec Carla del Ponte, il s’est livré à un
acte de bravoure afin de «coller à ses basques jusqu’à l’extrême limite
du possible».
En préambule, le réalisateur raconte ses débuts au cinéma. Il faut
avoir la foi du charbonnier pour ne pas être découragé par les
embûches. Mais sa foi à lui soulève des montagnes. En cinquante ans,
Marcel Schüpbach a réalisé plusieurs longs métrages de fiction et une
quarantaine de grands reportages en Suisse et à travers le monde pour
la télévision.
Conteur né, que ce soit avec sa caméra ou la plume, le cinéaste a publié Deuxième vie en 2018 chez Bernard Campiche.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, 19 juin 2020
Haut de la pageUn cinéaste à travers des bribes de souvenirs
Le titre est parfaitement choisi: Marcel Schüpbach livre des souvenirs et des anecdotes sous forme d’Instantanés.
Avec la brièveté et l’aspect éclaté que sous-entend le terme. Ici, pas
question de longues analyses, ni de réflexions approfondies, mais de
son parcours de réalisateur, évoqué en courts chapitres qui sont autant
de moments forts. Le livre invite à une balade dans cinquante ans de
cinéma et de télévision à travers des figures, des voyages, des
tournages difficiles ou heureux, des instants de grâce ou de peine. Le
réalisateur de L’Allègement et de B comme Béjart
se dévoile avec simplicité et honnêteté. Il ne cherche pas à se
plaindre ni à se hausser du col, ne tombe pas non plus dans le piège de
l’écriture littéraire à tout prix. Le regard que pose Marcel Schüpbach
dans les coulisses demeure empli d’humanité et de modestie. Il permet à
la fois d’éclairer sa riche trajectoire et de retrouver des
personnalités marquantes comme Jacques Chessex, Maurice Béjart (qui lui
a appris qu’«il faut savoir écouter son ventre et ne rien lâcher») ou
Carla Del Ponte. Mais c’est aussi par ces anonymes que l’ouvrage se
révèle touchant, qu’ils soient rencontrés à Tbilissi, au Tadjikistan, à
Belgrade ou dans un centre d’accueil pour «jeunes à la dérive» des
environs de Bienne.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère, 12 juin 2020
Arrêts sur image
Dans Instantanés,
le réalisateur Marcel Schüpbach retrace sa trajectoire en vingt-neuf
brefs récits où le professionnel et lintime sont en constant dialogue
«Cette
suite d'instantanés retrace cinquante ans de cinéma, évoque les
rencontres, aventures, échecs, succès, qui ont fait du cinéaste que je
voulais devenir la personne que je suis aujourd'hui», écrit joliment
Marcel Schüpbach en préambule à Instantanés, vingt-neuf brefs récits
qui retracent une trajectoire où le professionnel et l'intime sont en
constant dialogue. C'est ce qui fait la saveur de ces arrêts sur image,
que le réalisateur raconte les aléas d'un tournage, l'inattendu d'une
rencontre ou les histoires incroyables que recèle le réel: derrière
chaque film, il y a d'abord des gens, une équipe, des trajectoires
révélées par son regard neuf et curieux que chaque tournage transforme.
Réalisateur de fictions (Happy End, L'Allégement, adapté d'un roman de Jean-Pierre Monnier ou Les Agneaux,
d'après Ania Carmel) et de documentaires pour le cinéma et la
télévision, Marcel Schüpbach a réalisé une quarantaine de reportages
pour la télévision et a été producteur de Temps Présent, avant de signer un premier roman, Deuxième vie
(Campiche, 2018). Ici, en peu de mots, dans une prose sobre au service
de son propos, il raconte sans fard ses débuts à l'âge de quinze ans et
les coulisses de ses tournages, d’Oulan-Bator à Tananarive, de La Haye
à Douchambé, de Paris à La Chaux-de-Fonds. On y croise Chessex, Béjart
ou Carla Del Ponte (ses deux longs métrages documentaires, B comme Béjart et La Liste de Carla,
ont connu une diffusion mondiale), le metteur en scène Luc Bondy ou le
violoniste Pierre Amoyal. Mais aussi des inconnus qui l'ont touché: une
fillette opérée du cœur, des prostituées, des malades mentaux. On aime
l'humanité du propos, l'humilité du regard, la sobriété de l'écriture,
tandis que ce regard rétrospectif ravive aussi l'histoire et la culture
d'un lieu et d'une époque.
ANNE PITTELOUP, Le Courrier, 4 juin 2020
Adolescent,
Marcel Schüpbach a peine à communiquer. Il lui faut absolument trouver
un autre langage: «ce sera le cinéma.» C'est ainsi que, têtu, à l'âge
de dix-sept ans, il réalise un court-métrage et obtient qu'il soit
présenté par son collège à la Semaine d'études cinématographiques de
Leysin.
C'est le premier des vingt-neuf récits d'Instantanés.
Les autres n'auraient pas eu lieu sans celui salvateur qui l'identifie
au cinéma. Ils sont pris tout au long de cinquante années, au cours
desquelles il abordera aussi bien la fiction que le documentaire et
devra faire montre de ténacité et de caractère.
Tout ne va pas lui réussir. Mais n'apprend-on pas davantage de ses
échecs que de ses succès? En tout cas, avec le cinéma, il a trouvé sa
voie et est devenu l'homme qu'il est aujourd'hui, un réalisateur qui a
appris «à regarder le monde» et «à capter la vraie vie» et, pour ça, su
faire ce qu'il fallait.
De ces récits, il ressort qu'il a l'esprit ouvert, qu'il sait prendre
des risques, qu'il ne se laisse pas contaminer par l'air du temps et,
surtout, qu'il aime les gens, qu'ils soient de parfaits inconnus ou
célèbres comme Luc Bondy, Pierre Amoyal, Jacques Chessex, Maurice
Béjart ou Carla del Ponte.
Les inconnus sont par exemple des malades mentaux, une criminelle qui a
enfanté en prison, des jeunes à la dérive, un jeune blessé tadjik, une
prostituée, un mineur creusant le tunnel du Lötschberg ou encore des
Algériennes révoltées contre le code de la famille qui, partout,
s'applique à elles.
Subjectivement un instantané me parle plus que d'autres: celui de
l'entretien que l'auteur a avec cet animateur de théâtre qu'était Luc
Bondy et qui parle de l'amour, l'amour qui est au fond le grand sujet,
celui qui a plus d'importance que tous les autres parce que tout dans
l'existence tourne autour de lui: «Shakespeare a beaucoup écrit
là-dessus et montré que tout est tellement lié.»
Un autre «instantané» me tient à coeur, c'est le cas de le dire, c'est
le tournage, en 2005, en quelque trente-deux heures, d'une
transplantation cardiaque opérée sur une petite Loréna de cinq ans et
demi, «l’extraordinaire voyage d'un coeur de la mort à la vie,» qui
trouve son épilogue douze ans plus tard.
Avec Loréna, dix sept ans, Marcel Schüpbach réalise en effet son dernier film, diffusé en octobre 2017 sous le titre Deuxième souffle dans le magazine Temps présent
de la Radio Télévision Suisse. Pendant le tournage, elle n'arrête pas
de lui poser des questions sur le montage. Il lui trouve un stage:
«Loréna deviendra peut-être un jour monteuse.»
Blog de FRANCIS RICHARD
(…) cette semaine, lisons le cinéaste Marcel Schüpbach. Son livre Instantanés
vient de paraître chez Bernard Campiche, il raconte trente-huit courtes
histoires vraies, drôles, émouvantes, interpellantes, stimulantes.
Comment voyons-nous, comment captons-nous le monde? (…)
JACQUES POGET, sur Musique Matin, RTS Espace 2, samedi 25 avril 2020
En
vingt-neuf instantanés, l’auteur retrace cinquante ans de cinéma et
raconte les moments clés de son parcours de réalisateur. On rencontre
en coulisses quelques monstres sacrés tels Béjart, Chessex ou Carla Del
Ponte, mais aussi de parfaits inconnus qui ont marqué de leur
empreinte les films du cinéaste. Pour Schüpbach, l’expérience du réel a
souvent dépassé la fiction, semant son chemin de petits cailloux blancs.
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