Blues de l’aube
Les heures nues, que désigne le titre du dernier récit autobiographique
d’Asa Lanova – peut-être bien l’un de ses plus beaux du point de vue de
la musique des phrases –, sont celles de la lucidité de plus en plus
aiguë qui nous vient, avant l’aube, au fur et à mesure que nous prenons
de l’âge. La sourde angoisse, liée au vieillissement, de celle qui a
connu la «grande obsession» de l’érotisme, ne trouvera d’exorcisme que
par les mots, réunis ici en longs colliers de phrases splendides, dont
le déploiement proustien contraste cependant avec l’étroitesse du
«théâtre» investi en l’occurrence, entre le lit couvert de chats de la
narratrice, le jardin où la porte sa première rêverie matinale, la
«chambre aux mots» où la ramène la discipline «quasi militaire» de
l’écriture, les allées enfin de ses souvenirs.
À ceux-ci est associé un amour-passion passager vécu dans la prime
jeunesse avec Maurice Béjart, visiblement exalté à proportion de l’aura
de celui-ci, entre fantasme de l’âge et retour à la cruelle réalité,
puisque «Satan» ne répond pas vraiment. La remémoration d’un autre
lien, à la fois littéraire et affectif, avec l’éditeur et écrivain
Georges Belmont, dégage une bien plus réelle émotion alors que
«Maestro», comme la disciple le surnomme, s’approche de sa propre fin.
Une dernière étreinte avec un certain Stanislas de passage, aussi
intense que brève, et sans lendemain, marquera-t-elle le terme d’une
vie hantée par la hantise du sexe? Ce qui est sûr est que les plus
belles pages de ce livre ne sont pas celles que tisse ce remugle
d’érotisme solitaire, mais celles qui se vouent à la célébration de la
simple vie, des animaux entourant leur sorcière bien-aimée, des
oiseaux, des aubes pures et des nuits de solitude de la narratrice
tissant sa toile, à l’encre violette, avec une grâce arachnéenne.
JEAN-LOUIS KUFFER, Le Passe-Muraille
Haut de la page
En fragile équilibre, entre le souvenir d’un amour fou et le besoin de
contacts charnels, une femme lutte contre le déclin du corps et l’envie
obsédante du suicide.
Dans un insistant décor bleu, le simple désir de durer l’amène à une
communion avec les bêtes et les plantes. Son style nerveux, dense,
traduit les aléas de cette existence qu’elle a brisée et dont elle
essaie péniblement de recoller quelques bribes.
Et c’est dans l’écriture qu’elle trouve la difficile raison de survivre.
JULIETTE DAVID, Suisse magazine
Une
femme se retourne sur son passé, revivant les éblouissements, mais
aussi les déchirements de son adolescence. Très jeune vouée à une
brillante carrière artistique, elle fera des débuts prometteurs à
Paris, puis, en proie à un mal de vivre insurmontable, à une hantise de
n’être pas à la hauteur de ce qu’on attendait d’elle, elle se réfugiera
dans une succession de fuites incompréhensibles et dont elle sortira
meurtrie à tout jamais. Un premier amour domine ce livre, vertigineux,
inoubliable. Enfin, pour se guérir de ses blessures, elle choisira une
solitude quasi monacale et, de là, durement naîtra l’écriture, qui
deviendra son exutoire, sa survie. Au moment où commence le récit, la
narratrice s’interroge sur l’emprise du Temps sur elle, se refusant à
admettre ce que néanmoins elle sent la cerner de toutes parts, ce
déclin qu’elle renie farouchement, se raccrochant au «dur désir de
durer» qui la maintient en vie. Dans cette solitude à la fois assumée
et parfois mal vécue, retournée à la maison de son enfance elle se
découvrira une nature de terrienne, une passion fusionnelle avec les
bêtes, et un attachement viscéral à un jardin que, par l’espèce de
fatalité qui lui fit perdre tout ce à quoi elle tenait le plus, elle
craindra d’en être arrachée comme il en fut fait de sa mère. Mais, en
dépit de ce déclin auquel elle se refuse de toutes ses forces, elle
conservera, obsessionnelle, la recherche de passions charnelles qu’elle
vivra malgré la perte de l’être aimé à la folie. Éros contre Thanatos.
En dépit de certaines de ses pulsions délétères, ce récit révèle une
furieuse envie de vivre envers et contre tout. Avec, tenace,
irréductible, la volonté de rester debout jusqu’à la fin.
Vivre… à mort
Le temps
d’un soliloque, une femme enroule et déroule le ruban de sa vie,
sachant que celle-ci se rapproche de la fin. Seule, la faim de vivre
accrochée au cœur et au corps, elle livre bataille au temps qui passe,
l’écriture pour toute arme; elle croise le fer avec le déclin, les
pertes, et ce vide amoureux qui la ronge. Entre chambre aux mots et
jardin, entre chats et chien, elle met en prose ce désir de durer,
attendant l’homme à l’aura bleue. Éros contre Thanatos. Mots contre
maux. Les heures nues, entre nuit et aube, où l’on meurt un peu, contre
la renaissance du jour. L’affrontement des contraires, tout ce qui fait
une vie mortellement intense.
Si la Lausannoise sait danser avec les mots,
ses digressions naturalistes, trop pointillistes, pèchent par leur
exhubérance, leur parfum entêtant. Le trop est l’ennemi du bien.
MMG, Femina
Les déchirures de l'amour-passion
Quelle
amoureuse! Des hommes, des chats, de l’écriture, et surtout de l’amour
lui-même. Ce nouveau récit de l’envoûtante Asa Lanova nous rappelle
avec vigueur quelle magnifique écrivaine de la passion l’ancienne
danseuse née à Lausanne est avant tout. Écrit à la manière d’une
litanie ou d’une dernière prière avant de dormir, élégiaque et
contemplatif, Les Heures nues
plonge dans l’actuel «dur désir de durer» de la femme solitaire dans sa
maison de Pully au vert jardin, et se souvient des heures chaudes de la
passion. Émergent deux figures tutélaires qui meurent en cours
d’écriture: celles de Maurice Béjart, indépassable amour d’une vie, et
de Georges Belmont, son maître en écriture, traducteur et ami de Henry
Miller. Frémissante, mademoiselle Asa raconte l’irruption dans son
antre d’un chat sauvage et d’un dernier amant qui ravive sa nostalgie
de l’Égypte. Belle et raffinée, progressant par glissandi mélodieux, la
langue de ces Heures nues évoque assez miraculeusement autant la peur viscérale de la fin que l’étonnement devant chaque aube qui survient.
ISABELLE FALCONNIER, L’Hebdo
Tout est
là, dans ce livre évoquant à la fois le temps qui passe, toujours plus
cruellement, drapé de solitude et de regrets, et l’amour, la passion,
la danse exigeante des corps qui illumine et justifie tout. Refusant
l’apitoiement comme le renoncement, l’écrivain tisse une longue et
prenante mélopée, un attrape-rêve dont les fils soyeux retiennent le
souvenir de grandes amours perdues – dont Maurice Béjart – et
d’Alexandrie désormais si lointaine, mais aussi une admiration lyrique
pour la vie et la nature. Un ultime amant viendra-t-il, signant la
victoire d’Éros sur Thanatos?
JOËLLE BRACK, L’Hebdo, Sélection Les Meilleurs Livres de l'été
La romancière lausannoise exorcise son angoisse du vieillissement dans une prose de toute beauté.
Au fil de longues phrases enveloppantes et
sensuelles et puissamment évocatrices, Asa Lanova poursuit ici une
lutte acharnée contre la fuite du temps que le souvenir d’un
amour-passion exacerbe, entre fantasme exalté et retour à la cruelle
réalité. Une dernière (?) étreinte, aussi violente que brève, et sans
lendemain, marquera-t-elle la fin d’une vie hantée par l’obsession
érotique? Ce qui est sûr est que les plus belles pages de ce livre sont
vouées à la célébration de la simple vie, des animaux entourant leur
sorcière bien-aimée, des oiseaux, des aubes pures et des nuits de
solitude de la narratrice tissant sa toile, à l’encre violette, avec
une grâce arachnéenne.
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
Rester debout, malgré tout
Asa Lanova se décortique une fois de plus dans Les Heures nues,
sorte de confession romanesque. On y retrouve la passion pour la danse
et le brutal abandon de la scène dans sa jeunesse. Les années passées à
Alexandrie. La sensualité brûlante et la passion de l’écriture. Mais
Les Heures nues, c’est surtout une belle et cruelle réflexion sur la
vieillesse qui s’installe. Sur l’ultime amant. Sur la mort. Celle du
poète admiré, le «Maestro». Celle de l’artiste adulé, Maurice – Béjart
bien sûr.
La force de ces Heures nues
réside dans sa construction obsessionnelle. Il y a la maison où
l’écrivaine réside solitaire. Les animaux: le chien du désert autrefois
recueilli en Égypte et dont la mort nous vaut deux pages d’une
bouleversante émotion; les chats surtout, dont les descriptions sont
d’une justesse époustouflante. Et puis le jardin, ce lieu de vraie vie,
de méditation, d’observation, de sensualité qui traverse les saisons
que sait si bien décrire Asa Lanova. Dans une ritournelle douce-amère
tout revient, jardin, chien et chats, maison… La mort viendrait-elle
lentement? Et pourtant Asa Lanova conclut par l’affirmation de rester
debout, malgré tout, apaisée par cet ultime amant qui a fini par sonner
à sa porte…
JACQUES STERCHI, La Liberté
«Je cuisine pour mes chats»
Un cri d’amour à la vie: c’est ainsi que résonne Les Heures nues, le dernier roman d’Asa Lanova. Rencontre chez l’auteure, dans un écrin de verdure et de souvenirs.
Rencontre.
Pully. Une maison au cachet suranné, entourée d’arbres et presque
complètement recouverte de vigne vierge. Devant un portail en fer
forgé, Asa Lanova nous accueille, sourire aux lèvres: «C’est moi-même
qui ai planté cette vigne vierge, lance-t-elle fièrement. Vous voyez,
j’ai la main verte!» Cette maison appartenait à ses grands-parents.
Elle y a vécu les meilleurs moments de son enfance: «J’y suis très
attachée, car elle est peuplée de souvenirs.» Après un tour du
propriétaire elle nous guide à l’intérieur, où chaque objet, chaque
meuble raconte son histoire née, souvent, sous le ciel d’Orient.
Enfance
Née d’un père architecte et d’une mère fleuriste, Asa Lanova a surtout
été élevée par ses grands-parents paternels. «Mes parents m’ont eue
très jeunes, ma mère avait dix-huit ans, raconte-t-elle. Ils aimaient
aller au bal et faire la fête avec les copains. De ma mère, je garde
l’image d’une superbe créature, en robe de soirée, et qui disparaissait
le soir.» Mais la grande maison familiale a aussi été le témoin de
scènes épiques. «Ma mère et ma grand-mère se détestaient. Je me
souviens d’éclats de voix qui venaient des caves. C’est sans doute de
là que j’ai hérité le goût du drame. À quatorze ans, je mettais parfois
une des robes de soirée de ma mère et je déclamais du Racine.» Enfant
unique, Asa Lanova a un cousin célèbre: Freddy Buache, «un homme
merveilleux, que j’adore. Un vrai battant.»
Solitude
La solitude est un thème très présent dans Les Heures nues,
le dernier roman d’Asa Lanova. «Je crois que déjà petite fille j’étais
une solitaire. Ce besoin de solitude est peut-être aussi une des
raisons qui m’ont éloignée du monde de la danse.» Mais cette solitude
lui pèse parfois: «À force de la rechercher, on a parfois de la peine à
en sortir. C’est comme un piège qui se referme sur vous. Les gens
finissent par en avoir assez de cette créature qui ne répond jamais au
téléphone, qui ne sort presque pas.» Cela dit, elle n’en a pas perdu
ses amis pour autant: «Ils savent que je les aime. Si je les appelle,
ils seront là.» Donc, la solitude comme un refuge rassurant, mais...
«accompagnée quelquefois de moments de grande angoisse. Je suis
quelqu’un de très angoissé.»
Vieillesse
«Je déteste le mot vieillesse! Non pas par coquetterie, mais parce que
je trouve plutôt que l’on grandit. Je pense qu’à partir d’un certain
âge il faut résister à tout prix. Il faut utiliser une sorte d’aïkido
mental qui aide à ne pas se laisser déchoir. Personnellement, je ne
sais pas ce que veut dire “vieillir”. Je vois bien que mon corps n’est
plus comme avant, mais je n’en fais pas un drame. Ce qui me semble
essentiel, c’est de conserver une fraîcheur d’âme.»
Cuisine
«La cuisine n’est pas mon fort. Il m’arrive d’avoir des crises de
petite bonne femme, alors je fais des confitures.» Par le passé, Asa
Lanova aimait s’entourer d’amis et leur faire la cuisine. «Après, je
suis devenue tellement sauvage que je n’invitais plus personne. Et pour
moi, je ne fais pas de plats très compliqués mais j’adore mettre des
herbes aromatiques dans tout!» Vouant une véritable passion aux
animaux, Asa Lanova ne rechigne pas à mettre la main à la pâte pour
eux: «J’ai longtemps vécu en Égypte. À Alexandrie, je préparais
d’énormes casseroles pour les chiens du désert. Aujourd’hui, je fais la
cuisine surtout pour mes chats. J’en ai huit!»
Jardin
Dans le jardin d’Asa Lanova, tout est calme et beauté. «Ce jardin que
j’adore est mon exutoire. C’est quelque chose qui me rafraîchit l’âme.»
Comme elle le souligne, ce nid de verdure est aussi le refuge de toutes
sortes d’animaux, d’insectes et d’oiseaux. Grands arbres, rosiers et
plantes rares – comme cette passiflore qu’elle a plantée il y a quatre
ans – y cohabitent dans une harmonie de parfums et de couleurs. «La
plupart des arbres ont été plantés par mon grand-père. De les voir
desséchés me rend triste. C’était un fils de paysan et un sage. Il m’a
appris des tas de choses importantes qui ont trait à la terre. Quand je
vais mal, je viens ici pour me régénérer.»
Roman
Les Heures nues est le
récit d’une femme qui se retourne sur son passé, qui en revit les
moments les plus lumineux comme les déchirures les plus douloureuses:
«À part quelques petits détails, ce roman est totalement
autobiographique. Il s’est imposé à moi comme une nécessité. Ce fut
comme une longue naissance. Peu à peu, les choses ont pris forme,
parfois dans la souffrance, et j’ai compris que ça allait devenir un
roman.»
Portrait
Parcours
Asa Lanova est née en 1933, à Lausanne. À seize ans, elle part en
Angleterre suivre des cours de danse. «J’y ai surtout appris l’anglais!»
Danse
À dix-sept ans, elle monte à Paris pour poursuivre une carrière
qui s’annonçait brillante. Engagée comme soliste aux Ballets de
l’Étoile, elle a pour partenaire Maurice Béjart. Il danse Hamlet et
elle, Ophélie.
Maurice Béjart
«L’Unique grand amour de ma vie. Maurice n’est pas mort, il s’est
réincarné. La mort définitive n’existe pas. C’était un homme très
exigeant mais aussi d’une grande sensibilité.»
Alexandrie
Elle y a vécu quatre ans et, selon ses propres dires, elle est «tombée
en amour avec cette ville». «Je vis à Pully mais, sentimentalement, je
suis restée à Alexandrie.»
Animaux
Elle les adore. D’Alexandrie, elle avait ramené cinq chiens et six
chats. Aujourd’hui, elle a huit chats – «ce sont mes petits tyrans» –
dont quatre sont d’Alexandrie.
Écologie
L’écologie est primordiale pour elle. «Malheureusement, trop peu de
gens s’y intéressent. Personnellement, je condamne farouchement le port
de la fourrure!»
JEAN PINESI, Coopération
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
Haut de la page
|