Les Externalités négatives, d’Yves Rosset
Livre dense au rythme effréné, étourdissant que cette chronique de
l’écrivain lausannois aujourd’hui établi à Berlin. Les mois rythment le
récit. À chacun sa couleur, son odeur, son tsunami de nouvelles du
monde. Un monde qui a la danse de Saint-Guy. Rythme haletant que celui
de l’ICE lancé à 230 km/h avec des pointes à 300 km/h entre Berlin et
Lausanne. Le voyage le conduit à une chambre d’hôpital au CHUV où une
femme – Françoise – livre un combat sans répit contre la maladie.
Combat dont l’issue est subodorée. L’ouvrage est dédié à Françoise, sa
tante.
Les aller-retour entre les deux capitales font sourdre les souvenirs,
par vagues. Mais l’auteur est sans cesse interpelé par son
questionnement existentiel, essentiel. Doit-il anesthésier les pensées
obsessionnelles qui le ramènent dans cette chambre d’hôpital? Il passe
sans transition d’un souvenir évoqué par une photo à une question du
genre: «Fallait-il vraiment s’habituer aux champs d’éoliennes» ou «De
quelles matières premières naissent les images?» Ou encore: «Que
recommande le feng shui sur l’exploration port mortem du galetas?»
L’écrivain aligne les mots sans virgules ou alors des phrases entières
hachée de virgules, c’est selon.
Ce livre incite à réfléchir sur notre façon d’être au monde. Plein de
citations littéraires ou philosophiques, il donne des pistes. Il zappe
d’un événement à l’autre. L’homo sapiens est devenu un zappeur
invétéré. Peut-il en être autrement? L’auteur nous déroule en style
télégraphique le monde contemporain, ses horreurs plus que ses vertus.
Parfois, étourdi, le lecteur a envie de crier: «Assez!» Le rythme
s’apaise à l’évocation du passé. Alors de grandes bouffées de nature
montent des pages, bienfaisantes. Le jardin de sa mère est comme
un havre de paix qui rassérène. Lorsqu’il se penche sur une fleur et en
hume le parfum, c’est la poésie qui déboule au tournant des pages.
Yves Rosset est un fin lettré. Il cite Garcia Lorca, Baudelaire,
Marguerite Duras, Raymond Guérin, des auteurs allemands, et suisses,
Gustave Roud, Ramuz, Jaccottet, Claude Du Pasquier ancien professeur
d’université.
«J’imagine que je n’aurai plus que très peu de temps à vivre, alors je
me rue sur le clavier, pour une dernière jetée, dans les eaux vives des
mots, jusqu’à leur assèchement.» Écrit-il en se remémorant le premier
anniversaire de la mort de Françoise.
Les Externalités négatives d’Yves Rosset sont parues ce printemps chez Bernard Campiche Éditeur.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, No 574, 14 juillet 2017
Yves Rosset, écrivain d’aujourd’hui
Transit Berlin-Bursins
Yves Rosset, écrivain de Berlin comme Ramuz fut le Vaudois de Paris,
témoigne par son œuvre de notre appartenance à l’ère anthropocène. Mais
il n’a pas rompu avec la génération qui l’a précédé. Il la
nomme «les ramuzroudjaccottetchessexgillesdelamuriens». Mais il a
choisi de s’expatrier en 1990, à l’âge de 25 ans, et ne cesse depuis
lors d’observer l’état de congestion qui gagne la planète. Dans notre
quotidien se multiplient les signes d’un cataclysme global et
Rosset les recense dans des carnets. Il y consigne des
statistiques, y colle des coupures de presse, y note l’aveu de ses
perplexités ingénues. Puis il lie ces matières disparates dans une
expression littéraire qui situe ses livres parmi les témoignages
les plus frappants sur notre temps. Son style peut
dérouter, mais c’est un auteur sérieux qui a lu et cite Jaccottet.
Celui-ci s’expliqua naguère d’une manière inattendue sur les limites de
l’intériorité, domaine qui était cher aux poètes de la Suisse
française: «Car il y a entre nous et
la lumière du dehors une distance infranchissable, et c’est cette
distance même qui a fait éclater la puissance, le
rayonnement. Il faudrait aussi, plutôt que de croire à une
inspiration venue du dedans, se livrer, toujours, à cette force du
dehors.» La force qui préoccupe Rosset n’est plus cet
absolu bénéfique, mais son inverse, le monde qu’on perçoit en péril. Et
le titre de son nouveau livre, il l’a voulu repoussant: Les Externalités négatives.
Mais que cela ne vous détourne pas de lire ces 250 pages et d’y prendre
un plaisir singulier. On déclare aimer Yves Rosset après le
déclic qui fait admettre son style. Ramuz déjà fit scandale avec
son viol du bon français. Mais un siècle a passé depuis Le Règne de l’esprit malin
et tous les arts ont appris à se libérer des interdits et formules de
l’élégance créatrice. Pour le chroniqueur d’aujourd’hui, il
s’agit de mener son combat dans un grand brouhaha: tous les jargons
d’un nouvel écosystème avec ses prêcheurs et ses truqueurs.
Lorsque le Berlinois cherche sa phrase au fond de lui, il la trouve
ponctuée des éclats de toute l’agitation socioscientifique, tels
les déchets de plastique de l’océan pollué qui finissent par se
fondre dans les entrailles des albatros et des baleines.
Quand en l’an 2001 le jury du Prix Georges Nicole couronna sur manuscrit la première œuvre de Rosset (Aires de repos sur les autoroutes de l’information),
une controverse dressa contre son écriture insolite des maîtres de la
plume, de Voisard à Gallaz, qui ne supportaient pas un texte parsemé de
phrases tronquées et d’extraits de presse en anglais ou en
allemand. J’ai plaidé pour qu’on ne récuse pas la démarche
du Suisse exilé alors qu’il commençait à tracer sa voie dans les
lettres d’aujourd’hui. Déjà il avait mis en oeuvre son dispositif, sa
caisse à outils, ses fameux «carnets» où il compacte notes, mementos,
réflexions et images. Ils constituent maintenant un massif de
pages serrées, à la graphie pointue, en voie de
rivaliser avec le journal d’Amiel, trésor de citations et de
tropes, de propos entendus, d’exclamations happées, de statistiques
interceptées, de concepts et néolangages lancés à Paris, étalés dans Der Spiegel ou rebondissant dans Le Temps.
Mais les chroniques de Rosset offrent aussi, très personnelles,
des pensées nettes, ses propres formules et réactions intimes, des
stupéfactions, toute une richesse de choses vues et la couleur de
chaque saison, les remarques de ses deux filles, ce réel qui pour
chacun de nous luit en petites étoiles dans la sombre menace
planétaire.
Le matériau du chroniqueur c’est donc le concret de notre époque,
continûment révélé par les chercheurs. Sa plume glane et module,
mais Rosset coupe net à mi-phrase la citation qui risquerait de
devenir rasante. Son propos n’est pas celui d’un diariste ordinaire ni
ne tournoie en intériorité égocentrée. En fait il se rattache aux
écrivains du flux de conscience. Une réaction intime peut surgir d’un
chiffre piqué dans une rubrique économique. Sur une découverte
scientifique angoissante passe un air de printemps et l’écrivain
l’enregistre aussitôt, ne souhaitant plus respirer autre chose. Et,
réfléchissez un peu, c’est bien par ce disparate exact et
haché que se compose la succession de nos pensées. Rosset, selon
la contraction de ses synapses, nous offre agglutinées une quantité
d’humeurs, lectures, visions, écoutes, hésitations, rencontres et
glissades. Cet inattendu devient une expression littéraire de
notre temps. L’écrivain aspire à la métaphysique mais s’applique à
cheminer par les nebensprünge d’un stress personnel. Il ne cesse
de révéler une intelligence qui prétend douter d’elle-même. Il
s’explique: «La description de la confusion n’est pas la même chose qu’une description confuse».
La finesse exige la précision et se voile de candeur. Le vrai
hait la platitude. D’où notre plaisir de lecture. Souvenez-vous des
essais de Montaigne où les citations surabondent, en latin selon
l’usage de son époque, et loin de pontifier en érudit de province il
zigzaguait ainsi vers les perceptions fondamentales qui nous touchent
depuis des siècles.
Le thème dominant des Externalités négatives, c’est le va-et-vient
d’Yves Rosset entre l’Allemagne et le Léman, un transit Berlin-Bursins
durant toute l’année 2011, avec un chapitre par mois, à
cause de la maladie, de la mort et de l’enterrement de sa tante
paternelle, Françoise Rosset. Elle était la fille d’un directeur de la
police lausannoise. Cette chronique strictement familiale s’étend
jusqu’au tri des affaires de la défunte et à la liquidation
de son domicile. On ressent surtout la lente croissance d’un deuil. Ce
livre exprime, dans une émotion contenue mais très vive,
tout ce que signifièrent, pour l’expatrié, cette série de retours
en plein milieu vaudois, avec Bougy-Villars comme lieu d’origine des
Rosset, les vendanges à Bursins, une maison d’enfance à
Mont-sur-Rolle, le civisme par feu le père d’Yves, qui fut municipal à
Lausanne, les traditions filiales soudain nimbées de charme, une époque
en voie d’effacement. Dans la bibliothèque de la défunte
s’alignaient les œuvres que chaque Vaudois, au XXe siècle, se devait
d’aligner pieusement (volumes liquidés en vrac pour 400 francs). «Un monde banal certainement mais profondément inouï.»
Un effondrement aussi. La lente agonie de Françoise ressentie comme une
profonde injustice. L’adieu, l’affliction, l’amour pas assez dit. Les
plus belles pages de ce livre. «Tu posais ta main sur ton œil gauche
pour calmer un peu ton vertige…Tu avais même pu t’asseoir, te maquiller
un peu…»
Le neveu se dit: «Tu as été la seule qui m’a d’emblée et toujours soutenu».
Le trafic sur les routes de La Côte. 535000 véhicules
immatriculés dans le canton, dit la presse. Lu à Berlin: «Le
quart de l’industrie allemande est lié directement à
l’automobile». L’auteur monte à pied de la gare et de la Migros, passe
le pont de l’autoroute, le nouveau rond-point et murmure: «C’est le
trafic qui l’a tuée». Il pense à Françoise, à sa vie sans voiture.
Lu ces mots dans un quotidien lausannois: «Être dans un territoire
protégé jusqu’au prochain zonage». Une dernière poire d’Yves Rosset,
acide, pour la soif: «Se dire que l’on peut aussi très bien vivre sans ouvrir un seul livre de littérature contemporaine».
BERTIL GALLAND, La Nation, juillet 2017
Notre temps, comme il va
En mêlant l’intime et les échos de l’actualité, Yves Rosset signe avec Les Externalités négatives une saisissante chronique de notre «société de surabondance». Un tourbillon fascinant, entre Berlin et le pays vaudois
C’est un livre qui vibre et qui vit. Un livre plein d’interrogations, de réflexions, de doutes, qui touche juste et fort. Avec Les Externalités négatives,
Yves Rosset (Vaudois installé à Berlin depuis plus de vingt-cinq ans)
signe une chronique sans fard de notre époque devenue folle.
Le titre, un rien abscons, vient du monde économique. Externalité
désigne «le fait que l’activité de production ou de consommation d’un
agent affecte le bien-être d’un autre sans qu’aucun des deux reçoive ou
paye une compensation pour cet effet». Toute une vision du monde, de
notre société de surconsommation aveugle se comprend donc dans
l’expression Externalités négatives.
De janvier à décembre, ces carnets d’Yves Rosset retracent l’année
2011, telle qu’il l’a vécue. Celle du printemps arabe, de Fukushima et
d’Anders Breivik. Celle de la mort de Steve Jobs et de l’affaire DSK,
«sur presque sept milliards d’êtres humains, cette nouvelle-là». À ces
événements répond un deuil: l’écrivain se souvient de la maladie puis
des derniers jours d’une tante qui lui est chère et dont il va vider le
grenier.
Souvent, il s’adresse à elle, et la force du livre naît notamment de ce
contrepoint poignant, de l’alternance entre les questionnements
intérieurs, les échos du monde et cette douleur intime: «Puis soudain,
j’avais eu peur, car avec toi, si tu partais, ce serait la voix du
monde des ancêtres paternels qui disparaîtrait, monde que je voulais
encore que tu me racontes, que tu m’ouvres, me transmettes…»
Bundesliga et Jaccottet
Au fil des mois, Yves Rosset observe le monde autour de lui, se
désespère, sourit parfois. Il voit ses enfants grandir, débat avec des
amis, déplore les «polluantes vagues easyjetiennes» déferlant sur son
quartier de Berlin, se désole d’une «société de l’hyperabondance», où
«la quantité d’énergie fossile produite en un million d’années par la
Terre était consommée en une année». Où «notre niveau de consommation
s’était multiplié par six au cours des cinquante dernières années». Un
monde où prendre son temps est devenu un luxe, songe-t-il lors d’un de
ses nombreux voyages en train de Berlin à Lausanne.
L’attention au quotidien
Le livre est aussi celui d’un intellectuel jamais pédant, qui évoque
Gerhard Richter, Walter Benjamin, Terrence Malick, Lars von Trier et se
demande ce qu’il va lire «pendant les trois mois jusqu’à la reprise du
championnat» de Bundesliga. Il cite Jaccottet, Flaubert, Ramuz, Garcia
Lorca, Baudelaire et s’interroge: «Mais comment puis-je dire que je
suis écrivain avec seulement deux livres à quarante-six ans?» Angoisse.
Révélé par Aires de repos sur l’autoroute de l’information (prix Georges-Nicole 2001), Yves Rosset n’a peut-être pas publié beaucoup de livres, mais ces Externalités négatives
le confirment en écrivain intense et original. À chaque page, on reste
épaté par l’extrême attention portée au quotidien, aux images et aux
informations qui l’assaillent, au temps qui passe: «Comment l’on se
sent lorsque l’on voit les dos de ses livres jaunir dans la
bibliothèque.»
Il y a ici une hypersensibilité qui pousse aux questionnements sans
faux-fuyant, y compris quand il s’agit de pointer ses propres
contradictions, ses faiblesses. Il se décrit par exemple en «réfugié
bobo ayant complètement manqué le train du mouvement hipster».
Plus loin, il avoue une «admiration sans limite pour les êtres qui
risquent leur vie en Syrie, en Jordanie, en Libye, pour vivre plus
humainement, plus démocratiquement, et malaise de moi-même qui ne fait
que geindre dans la surabondance».
Ses phrases claquent et nous emportent dans un tourbillon où se mêlent
articles de journaux, informations télévisées, souvenirs de lectures,
visages croisés dans la rue… Des catastrophes, des drames et puis «les
jours nous reprennent, leur petit trot et leurs petits soucis». Parce
qu’une actualité chasse l’autre, un nouveau souci remplace un
questionnement. Avec une aisance assez stupéfiante, Yves Rosset
juxtapose sans transition ses observations, ses sentiments, ses
impressions. Il crée ainsi un rythme, souvent effréné, enivrant, usant
régulièrement de phrases adverbiales, sèches, sans tomber dans le
procédé facile.
«Mille petits moments»
Cela donne des passages tournoyants: «D’un fait à l’autre, d’un sujet
au suivant. Les émotions générées par les montages post-life de
certains shows télévisés. Ma production qui est à des années-lumière.
Tout est dans l’art de la répartition des forces. Le projet pour
l’aéroport de Francfort-sur-le-Main vise 126 mouvements de vol par
heure d’ici 2020. Le projet de loi sur la forêt amazonienne discuté ces
jours par les parlementaires brésiliens…»
Entre Berlin et le pays vaudois qu’il peine parfois à reconnaître
(«Mais où, pensais-je, sont mes bons vieux Vaudois AOC
ramuzroudjaccottetchessexgillesdelamuriens?») Yves Rosset nous tend un
miroir saisissant. Feuilletant de vieux Spiegel,
il remarque: «Se perdre dans mille petits moments qui sont autant
d’aspects du grand tout.» Ailleurs, il note: «Passer d’un truc à
l’autre, c’est la vie» Et cette formule simple résume ce flot qui nous
arrive au visage, ce projet littéraire ample et puissant.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère, 27 mai 2014
Iout l’extérieur de soi
Yves Rosset s’interroge: est-on écrivain avec seulement trois livres à
son actif? Des questions, cet auteur vaudois de 51 ans, établi à
Berlin, s’en pose à chaque ligne de cette saisissante chronique du
temps qui passe. Avec une puissance évocatrice hors du commun, Rosset
livre un combat sans relâche à tout ce qui, d’ordinaire, laisse sans
voix: le sentiment de vieillir, la maladie, la mort d’une tante. Avec
une attention extraordinaire aux composants organiques, chimiques,
matériels, psychologiques de ce qui forme notre décor quotidien, le
narrateur détisse une trame narrative qui finit par scintiller dans sa
cruelle nudité. Et pourtant, quelle douceur, quel amour pour ce bas
monde où, pour la troisième fois, Rosset nous apparaît comme un grand
écrivain!
NICOLAS VERDAN, Terre & Nature, 27 avril 2017
Un extrait du livre
Il y avait des petits pains de Rolle, saupoudrés de sucre et d’un peu
de cannelle, les gâteaux ont vite disparu, le saucisson en croûte dans
sa pâte épaisse comme de tresse jaune aussi. Ton juge a parlé et
constaté que vous deux, dont la tâche était de jauger les êtres
humains, arriviez souvent au même résultat. Il était devenu entretemps
un haut fonctionnaire du canton et qu’il ait pris du temps pour venir
avait impressionné mon frère. Quand tout avait été rangé, nous étions
retournés vers la tombe et mon frère avait expliqué à son fils le
phénomène du foisonnement de la terre, remuée, creusée, dont le volume
augmente, puis qui se tassera à nouveau. La pasteure avait utilisé
l’image de l’être comme un arbre, qui subit, tout comme lui, les aléas
du temps et des saisons, qui a, tout comme lui, des racines et peut
porter des fruits. J’y repense en lisant le début de la Chanson de
l’oranger sec de Federico Garcia Lorca : « Bûcheron. / Viens abattre
mon ombre / et délivre-moi du supplice / de me voir sans oranges. »
Chères sœurs, chers frères. Je regardais les toiles d’araignée sous le
plafond. Plus tard, des gens égarés viendraient à la grande salle et
demanderaient si c’était là la rencontre du groupe des Weight Watchers.
Des gens me souriaient, mais je ne les connaissais pas, content quand
même qu’ils soient venus pour toi.
Noël, sans qui je n’aurais pas eu le courage de finir ce texte, m’avait
dit qu’y domine le point d’interrogation. En effet, quelle distance y
a-t-il entre Fukushima et aujourd’hui? Quels mots entre nous et celles
et ceux que nous aimons et qui nous ont quittés ? Quel chemin entre
l’irréversible et l’encore possible? Quel bruit fait un glacier qui
fond? Quel nouvel espéranto inventer pour partager les enjeux
démographiques à l’échelle planétaire? Quel miroir tendu à l’Homo
sapiens par l’estimation selon laquelle il n’y aura peut-être plus de
singes d’ici vingt-cinq à cinquante ans? Quelle rencontre fera de
demain une journée particulière ? Et pour combien de temps la vieille
dame aperçue tout à l’heure au kiosque de la Berliner Ostbahnhof
a-t-elle fait provision de sensations en achetant pour 17.50 euros
de magazines consacrés aux people et autres fugitives célébrités de
notre petit bout de monde?
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