PIERRE BÉGUIN

ET LE MORT SE MIT À PARLER

roman
2017. 214 pages. Prix CHF 30.–
ISBN 978-2-88241-423-6
Traduction espagnole: Jeselito Carnaval. Tradución de Margarita López Méndez
y Débora Farrji-Haguet. Medellin: Silaba, 2019.


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Imagínese esta escena: mientras Barranquilla es un mar de color, baile, ron y frenesí por cuenta del carnaval; en la morgue de una prestante universidad se despierta un indigente rodeado de cadáveres. Su llegada fue conducida a través de engaños, e incluso sobrevive al intento de asesinato perpetrado por los guardas de seguridad, quienes pretendían traficar con sus órganos y su cadáver para estudios de anatomía. La historia, aunque espeluznante y delirante, fue real. Y si bien su protagonista se salvó de milagro, otros colegas recicladores, o “cartoneros” como los llamaban con desdén, no corrieron con la misma suerte. Tras conocerse su testimonio, empezó a revelarse una intriga que involucró a altas personalidades de la política, pero que el aparato judicial se encargó de ocultar, quedando primero relegada al escándalo momentáneo y luego al eterno olvido. Pierre Béguin narra un capítulo de nuestra historia de infamias que a los ojos del presente resulta difícil de concebir, pero que no es más que la constatación de esa eterna violencia que, entre el carnaval y el martirio, nos sigue como la sombra.


FELIPE SANCHEZ HINCAPIÉ
, Laterales Magazine, 29 avril 2019

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Le roman pour ne pas oublier

Pierre Béguin a déjà placé ce fait divers au cœur de Joselito Carnaval, en 2000. Mais l’horreur ne passe pas et tout n’était peut-être pas dit. Dans Et le mort se mit à parler, l’auteur genevois revient sur le même drame, survenu en Colombie en 1992. Avec le point de vue d’un protagoniste de l’histoire dont l’identité n’est révélée qu’à la fin.
Dans une ville côtière de Caraïbes, un homme s’échappe de la faculté de médecine . On l’avait laissé pour mort, poignardé, dans une cuve de formol. Enlevé, comme d’autres cartoneros (des indigents qui survivent en récoltant cartons et canettes), Wilfrido Soto va révéler un ignoble trafic de cadavres et d’organes. Mais le scandale sera étouffé dans les fastes enivrés du carnaval. Après Condamné au bénéfice du doute (Prix Édouard-Rod 2016), Pierre Béguin met à nouveau son talent de romancier au service d’une affaire réelle. Il s’appuis en outre sur sa connaissance en profondeur de la Colombie, ce pays où «la seule loi qui fonctionne vraiment, c’est la loi de la pesanteur». Mais aussi ce pays de couleurs et de musiques, de fêtes et de traditions.
En plus de la révoltante affaire au cœur du livre, le roman trouve son intensité dans l’écriture, dans ce style qui mélange avec une pertinence rare le trivial et le lyrisme. Il permet de dire aussi bien le quotidien des bidonvilles que la beauté de cette «lumière peau d’abricot», juste avant l’aube. Et ces moments de grâce dans un monde où «la violence et la mort sont une donnée banale du quotidien»: «Malgré l’obscurité, le ciel semble encore tirer la lumière des pierres et des murs, buvant l’eau de la terre, irrisant tout, ne laissant plus au ras du sol qu’une chaleur sèche, sans un souffle d’air, comme si tout restait figé dans l’attente de quelque chose».


ÉRIC BULLIARD
, La Gruyère

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Sanglant carnaval

En 2000, Pierre Béguin évoquait dans Josélito Carnaval un sordide fait divers survenu huit ans plus tôt dans une ville colombienne. Remettant l’ouvrage sur le métier à partir de ce même drame, du même personnage et du même décor, il signe aujourd’hui Et le mort se mit à parler. Il faut dire que la matière qui l’inspire, révélatrice du plus abject visage de la folie humaine, est romanesque au possible.
Un cartonero, gagnant sa survie en recyclant les ordures de la ville, est laissé pour mort dans une cuve de l’université, recouvert de fragments de cadavres en putréfaction. Il parvient à s’en tirer, et alerte ce qui sert de justice dans cette ville rongée par la corruption où seul règne la loi du plus fort. Les preuves de l’existence d’un réseau de trafic d’organes s’accumulent, mais le scandale est rapidement étouffé dans les vapeurs du carnaval. Une trame puissante que l’écrivain genevois dilue pourtant en multipliant les perspectives. La nervosité de l’enquête est mise à mal par une prolifération de personnages secondaires et par la peinture parfois très didactique du décor caribéen, tandis que l’auteur se complaît en sanglantes descriptions. Dommage.


THIERRY RABOUD
, La Liberté

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Sordide, le récit tricoté avec de la laine rêche par l’écrivain genevois!
Comme les feuilles mortes, les cadavres se ramassent à la pelle dans la ville côtière de Colombie, face à la mer exubérante des Caraïbes. C’est le temps de Joselito Carnaval et sa débauche d’excès. Aussi lorsqu’un indigent est laissé pour mort  dans une cuve de formol à la faculté de médecine et qu’il en ressort, ça sème le trouble dans la sphère politique dès que les médias s’emparent de l’affaire. Ça fait désordre! Oh pas longtemps! Juste quelques vagues. Un chiffonier ressuscité ne va tout de même pas semer le trouble pendant le sacro-saint carnaval!
Wilfrido Soto gêne. Et dans ce pays, les gens qui se mettent en travers de la route nauséabonde de politiciens pourris doivent être éliminés. La peur est le ferment de la lâcheté. Montalvos, le sixième juge d’instruction, tente de prendre fait et cause pour l’indigent. Il risque sa place et sa promotion. Lâchement, il renonce. Par son silence, il glane des galons. Il devient procureur de la République. Wilfrido meurt, une seconde fois. Atrocement.
Trafic d’organes, jeunes enfants de la rue énucléés et qui errent, le regard vide. C’est l’horreur glauque étalée devant les yeux du lecteur qui en a entendu parler, mais la Colombie, c’est si loin! «Banques d’organes clandestines pour les États-Unis avec des ramifications possibles en Europe dans des laboratoires privés de recherche scientifique.» Un cauchemar à la face hideuse!
Ce roman fort, percutant, est traversé de fulgurances poétiques, ce qui lui confère quelque humanité. Cependant, il laisse le lecteur glacé d’horreur. Des détails d’une violence inouïe, jusqu’à la nausée! L’auteur ne l’épargne pas, le lecteur! Pourquoi d’ailleurs mettre des gants lorsque la misère vous explose à la figure et vous éclabousse de sa fange? Un livre dont le thème est extrait de strate la plus dure, la plus crue, la plus terrible de la réalité.
Rarement livre ne m’a autant bouleversée. Dans Et le mort se mit à parler, le vice, la violence, la misère se côtoient, se chevauchent sans espoir de rédemption aucune.


ÉLIANE JUNOD
, L'Omnibus

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Malheur à celui par qui le scandale arrive

Du sang, des morts, et la fête qui continue, car rien ne saurait arrêter un carnaval. Dans son dernier roman, Et le mort se mit à parler, paru chez Campiche, Pierre Béguin situe l’intrigue dans une ville latino-américaine de la côte caraïbe. Il pourrait s’agir de la Colombie, mais qu’importe le drapeau. Cette fiction s’inspire d’ailleurs de faits réels. Dans un précédent opus, Joselito Carnaval, Pierre Béguin s’était appuyé sur les mêmes événements survenus en 1992. Et le mort se mit à parler ménage le suspense jusqu’à la fin.
À l’université de la ville, un indigent est laissé pour mort dans une cuve à formol. À priori, il n’y aurait là qu’un incident bizarre vite oublié. Néanmoins, cette affaire va mettre au jour un énorme scandale. Ce dernier sera vite étouffé, mais la dynamique des événements aura tout de même permis d’entrevoir les aspects les plus sombres de la misère et de l’inégalité entre les êtres humains. Sur fond de nouba et de réjouissances carnavalesques, le lecteur est entraîné vers les bas-fonds, parmi des miséreux qui recyclent cartons et bouteilles, les cartoneros de la ville.
Le «mort» qui se met à parler n’est autre que l’indigent retrouvé à la faculté de médecine. Son témoignage gêne du monde, de telle sorte que s’il a survécu jusque-là, il court un grand danger. Pierre Béguin montre en gros plan un monde pris de folie réduit à la dualité entre prédateurs et proies, sans lois applicables ni garde-fous. La jungle urbaine, la drogue, les tueurs à gages: le paysage social de ce roman met à nu une ville et un pays implacables, laissant fort peu d’espoir aux démunis. Le tout en tenant le lecteur en haleine de bout en bout.


MARC-OLIVIER PARLATANO
, Le Courrier

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Les remords d’un juge

Dans Et le mort se mit à parler, Pierre Béguin revient sur un fait divers survenu en Colombie en 1992

Après les méandres psychologiques tortueux et fascinants de l’affaire Jaccoud dans la Genève des beaux quartiers (Condamné au bénéfice du doute, prix Édouard-Rod 2016), Pierre Béguin poursuit dans la veine du fait divers mais change de continent et de milieu. Nous voici en effet, dans Et le mort se mit à parler, sur les bords de la mer des Caraïbes, en Colombie, au tout début du carnaval de l’année 1992, au milieu des cartoneros, les ramasseurs de canettes, de bouteilles et de cartons usagés. Abordée déjà dans Joselito Carnaval (2000), l’affaire, sordide, de l’Université, a jeté une ombre sur les festivités avant de se dissoudre dans les flots d’alcool, le tonnerre des percussions et la violence des gangs. On entre facilement dans ce récit où le bidonville est un personnage à part entière et le carnaval, l’expression grimaçante d’un capitalisme où la vénalité sert d’unique boussole.
Le roman s’ouvre par un «Avertissement» où le narrateur s’adresse directement au lecteur: le drame qu’il s’apprête à raconter, à la troisième personne, a constitué pour lui un «moment de vérité» dont il a tiré considération et prestige tout en y laissant un «morceau d’âme.» Ce n’est qu’à la fin que l’on comprend pleinement qui est ce narrateur. Avant cela, on se laisse prendre par l’épopée tragique de Wilfrido Soto, le ramasseur de détritus à recycler. Le «mort qui se mit à parler», c’est lui. Aux premières pages du livre, il se réveille dans un lieu indescriptible dont il prend petit à petit la mesure de l’horreur. Quand il se rendra à la police, encore hébété et hoquetant de douleur, pour témoigner de l’enfer dont il a réchappé, sa voix de miséreux n’aura que peu de poids. L’ampleur du scandale ébranlera bien quelques personnes dont un juge. Mais quand les gangs font régner la terreur, quand la mort fauche quiconque tente de dénoncer les abus, qui peut avoir le courage de s’interposer? Le carnaval, immense force d’inertie collective, vient de toute façon laver le sang et les remords.


Le Temps

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Dans l'évangile de Luc, le mort qui se met à parler est le fils unique d'une veuve de Naïm, ressuscité par Jésus, pris de compassion pour elle. Dans le roman de Pierre Béguin, Wilfrido Soto, laissé pour mort, au milieu d'autres morts, dans «une grosse cuve en métal», s'en échappe et fait une déposition à la police.
Pour vivre Wilfrido Soto ramasse des cartons, des vieux papiers, des bouteilles vides dans les rues d'une ville de Colombie. C'est un «cartonero»… En passant devant l'Université, le premier jour du Carnaval, il est appelé par un gardien, qui lui propose des cartons à emporter avant que les camions à ordures ne passent.
C'est un piège. Il est roué de coups de bâtons par quatre hommes, qui le maintiennent, pendant qu'un cinquième, celui qui l'a appelé, le poignarde entre les côtes, puis dans l'estomac, enfin à l'épaule. Il fait le mort. Alors ils le transportent dans une pièce très froide et le placent dans une cuve déjà pleine de cadavres.
À l'Université de cette ville côtière des Caraïbes, le lendemain, la police trouve, dans des cuves remplies de formol, dix cadavres: «Les victimes sans exception, étaient des indigents sans papiers, vivant [...] du recyclage, tous décédés de traumatisme crânio-cérébral et de blessures à l'arme blanche.» Comme Wilfrido Soto...
Des cuves sont retirés, «outre les dix cadavres, quatre crânes encore couverts de lambeaux de peau, vingt-trois membres inférieurs, huit membres supérieurs, trente-deux foies ou morceaux de foie, des viscères, une vingtaine de côtes et des centaines d'osselets...» Mais ne s'agit-il pas d'une faculté de médecine?
Après deux jours d'investigation, «ce qui n’était au début qu’une agression de quelques gardiens contre un indigent [menace] maintenant de tourner au scandale national en pleine liesse populaire.» Parce que cette investigation révèle un trafic d'organes qui bénéficie de connivences entre la finance et la politique:
«Les financiers disent quand et sur qui il faut tirer. Les politiciens exécutent…»
Un des personnages du livre dit à la fin: «Nos démocraties sont des façades qui dissimulent les réalités brutales du capitalisme…» Mais ne faut-il pas entendre par là ce qu'il faut bien appeler capitalisme de connivence? Ce capitalisme dévoyé qui demande au législateur de faire des lois à ses convenance et profit:
«Les lois prolifèrent comme des cellules cancéreuses, semant dans leur sillage des prisons qui jamais ne se vident, ajoute le même personnage…»
Au début du livre le narrateur, vingt-cinq ans après les faits, explique pourquoi il les relate. C'est pour lui une tentative de réparation. Il n'en attend pas une forme de rédemption, mais bien plutôt l'accomplissement d'un devoir trop longtemps repoussé: il aurait dû le remplir à l'époque, mais le courage lui a fait défaut…
À la fin du livre le lecteur apprend qui est le narrateur et comprend ce qu'il voulait dire dans son avertissement: «Ce drame fut pour moi un moment de vérité. J'y ai gagné à bon compte une certaine considération. Avec la carrière et le prestige qui l'escortent habituellement. Mais j'y ai laissé aussi un morceau d'âme...»

Blog de  FRANCIS RICHARD

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Colombie. Une ville industrielle sur la mer des Caraïbes. Alors que le carnaval déploie ses fastes et ses folies, un indigent est laissé pour mort dans une cuve de formol de la faculté de médecine. Ce qui ne devrait être qu'un banal fait divers dans un pays livré à la violence quotidienne va se révéler l'un des plus grands scandales que le pays ait dû affronter. Un scandale rapidement étouffé, mais qui laisse voir, le temps d'un carnaval, les pires facettes de la condition humaine.
Basé sur un drame survenu en 1992 – et déjà abordé par l'auteur dans un précédent roman (Joselito Carnaval, 2000) –, «Et le mort se mit à parler», allégorie du monde moderne comme il va mal, tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page.

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Extrait de l'œuvre

«L'affaire de l’Université lui apparut tout à coup comme une sorte d'allégorie d’un monde dépourvu de tout garde-fou moral où le mercantilisme systématisé, en colonisant l'espace social jusque dans ses ultimes strates, avait poussé l'idéologie du profit au plus haut degré du cynisme. Une société d'anthropo­pha­ges !
Le juge éprouva, face au défi qu'il devrait relever, une sensation de vertige presque physique. En même temps, il se demandait s'il ne se laissait pas entraîner sur la pente de ses propres démons. Son esprit méticuleux, son besoin obsessionnel de savoir que chaque chose est à sa place, son sens de la retenue, soutenu par une prudence qui passait pour vertueuse au palais de Justice, s’accom­modaient très mal de ce brusque dérapage de l'enquête sur un terrain qui, au-delà de ses dangers, allait nécessiter esprit d'initiative, culot et sens de l'improvisa­tion. Pourtant, lui qui évitait scrupuleusement toute situation non maîtrisée, lui qui se dirigeait ­résolument vers une carrière construite avec circonspection, à coups d'instructions solides et méthodiques, se sentait tout à coup investi d'une mission qui le flattait au moins autant qu'elle le dépassait.»


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