Douze
courtes nouvelles où de brèves conversations allègent les monologues,
nous entraînent à suivre patiemment la dérive des personnages.
Le style est d’une fausse simplicité qui rend merveilleusement les
aléas de la vie. La descente aux enfers se fait de façon telle que le
moment où elle commence est difficile à percevoir.
L’auteur nous conte quelques secrets d’alcôve, de crime ou de haine,
mais aussi de tendresse. Il y a là toute la complexité de la nature
humaine, qu’il se plaît à dessiner avec une certaine retenue non dénuée
d’ironie.
JULIETTE DAVID, Suisse magazine
Chutes, perversion et extravagances
Recueil de nouvelles au titre quelque peu racoleur et sensuel, Encore chéri!
résonne comme un entrelacs de tensions aussi passionnées que
déséquilibrées. D’un ton piquant, Antonin Moeri écrit un genre de
nouvelles «d'atmosphère» qui tient de la rencontre. Ces entrevues
surprenantes provoquent une perte de contrôle du lecteur sur le récit.
Les douze histoires que comprend ce court livre tiennent tant de
l’anecdote que du fait divers. Un procès auquel un juré a été convié
par erreur, un garçonnet épistolier victime de l’abîme social le
séparant de sa jeune amoureuse ou encore un adolescent obsédé par la
montre qui lui a été offerte par son père. Qu’ils soient enfants,
pervers, tueur repenti ou psychopathes, Antonin Moeri cherche à les
comprendre, à les laisser prendre la parole. L’auteur emmène alors son
lecteur dans les méandres de trames narratives complexes qui, malgré
des problématiques intrigantes et prometteuses, n’en finissent que trop
rarement en apothéose.
D’un œil moqueur et parfois cruel sur ses personnages, Antonin Moeri
construit ses récits avec pour dessein de plonger le lecteur dans
l’instant. Cette spontanéité offre une narration éminemment sensorielle
qui, nonobstant les qualités stylistiques reconnues, manque
fondamentalement de substance. Le début de la nouvelle intitulée
«Rencontre» illustre bien cette absence régulière de profondeur: Les
choses n’allaient plus entre eux. Depuis combien de temps? Personne ne
le sait exactement. Les gens ont remarqué des changements. Par exemple:
elle s’habille autrement. Si le discours indirect libre est un
outil splendide, en abuser sous prétexte d’une introspection du
personnage revient parfois à donner plus de valeur à l'ineptie qu’aux
véritables interrogations que soulèvent ces nouvelles.
Ayant souvent recours à l’éparnothose, l’auteur exploite abondamment
l’oralité. Les tournures proches du discours impliquent d’emblée le
lecteur dans l’énergie tumultueuse de la pensée des personnages.
Partant de dialogues aux traits absurdes, le livre d’Antonin Moeri
permet de saisir de manière systématique l’instant clef, fréquemment
reflété par un monologue qui mène chacun des personnages à la folie. La
narration, dans cet ouvrage, se veut une capture photographique à la
fois précise et confuse du plongeon menant fatalement les protagonistes
vers une démence prodigieusement paranoïaque. L’auteur, trop conscient
de nos horizons d’attente, semble discrètement s’amuser de la
frustration déconcertante qu’il provoque chez le lecteur. Effet
stylistique ou non, cet ouvrage pâtit âprement de la presque absence de
chutes. Concrètement, si la nouvelle se doit de chérir la chute, c’est
bien parce qu’elle en est une caractéristique essentielle. Dans ce
recueil, ne cherchez ni l’événement, ni le récit normalisé.
En résumé, l’univers kafkaïen de Encore chéri!
est une version édulcorée, velléitaire et trop peu brutale de ce qu’a
pu produire par exemple Frédéric Beigbeder. Néanmoins, les variations
stylistiques et les interpellations emplies de musicalité des nouvelles
comme «Exit» ou «Temps mort», font de ce livre une expérience
inhabituelle et utile.
VALENTIN JEANNERET, Les Lettres et les arts
Art
de l’ellipse, la nouvelle convient au talent incisif d’Antonin Moeri.
Les douze textes brefs rassemblés sous une invite ironique – Encore chéri!
– se signalent par une extrême économie de moyens qui offre pourtant
des plongées vertigineuses, dans les perversions humaines. Souvent,
l’auteur se saisit d’un fait-divers – une joggeuse étranglée, un
forcené qui défend sa maison fusil à la main – pour montrer comment un
individu glisse hors de la normalité, sans que son entourage perçoive
sa dérive. Ces écarts ne sont pas toujours sanglants, il s’agit aussi
d’errements anodins mais dont perçoit la violence potentielle. Elle
surgit des dialogues qui révèlent des colères rentrées prêtes à
exploser.
ISABELLE RÜF, Le Phare, No 15
Antonin
Moeri est né à Berne. Après ses premières années vécues à Mexico, il
poursuit sa scolarité sur les rives du Léman, dans la région de Vevey.
Adolescent, Antonin Moeri part à Genève pour y étudier à l'Université.
Après avoir suivi les cours de l'École d'art dramatique de Strasbourg,
il exerce le métier d'acteur en France et en Belgique.
Traducteur de Theodor Fontane, de Robert Walser et Ludwig Hohl, il écrit cinq livres parus aux Éditions L'Âge d'Homme: Le Fils à maman en 1989 pour lequel il obtient le Premier Prix au concours littéraire de la revue [VWA]; L'Île intérieure en 1990; Les Yeux safran en 1991; Allegro amoroso en 1993 pour lequel il obtient le Prix Schiller 1994; Cahier marine en 1995. En 1998, il publie aux éditions Bernard Campiche: Igor, suivi, en 2000, d'un premier recueil de nouvelles, Paradise Now, en 2003, d'un deuxième recueil de nouvelles, Le Sourire de Mickey. En 2007, il publie aux Éditions Bernard Campiche le roman Juste un jour.
Antonin Moeri vit et travaille à Genève. Il séjourne une partie de l'année à Cully.
1) Qui êtes-vous?!
Je suis un auteur de nouvelles grinçantes, parfois lyriques, toujours cruelles.
Très attiré par le canapé où se croisent les confidences.
2) Quel est le thème central de ce livre?
Le moment de basculement dans une certaine folie, du passage à l'acte.
Et le sentiment amoureux, que ce soit un sentiment très pur ou quelque
chose qui fait référence à la psychiatrie, à la pulsion sexuelle et
peut-être criminelle.
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous?
"C'est pour moi la plus belle nuit d'amour"
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle?
Ce serait la musique de Klaus Nomi ou celle d'Arvo Pärt.
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité?
Un sentiment de panique que n'importe qui peut éprouver devant le vernis de civilisation.
20 minutes
Trois titres publiés cette année à Orbe par Bernard Campiche, une anthologie et deux recueils d’auteurs suisses
Le premier, Un Voyage en Suisse. Récits des cantons (295 pages), affiche l’ambition avouée d’offrir «une mosaïque créatrice, une carte géographique narrative, un miroir de l’activité littéraire en Suisse», à raison d’un texte (paru après 1982) et d’un auteur par canton de la Confédération, de A à Z…
Malgré des choix subjectifs, ici ou là discutables, l’entreprise est
réussie. Certains auteurs, comme Maurice Chappaz, Anne Cuneo, Jacques
Chessex, Peter Bichsel ou le Tessinois Alberto Nessi, sont bien connus
du lectorat helvétique. Bien d’autres sont à découvrir.
On est en droit de s’interroger sur l’existence de critères qui permettraient de définir une «littérature suisse».
Sans doute certains dénominateurs communs apparaissent-ils en cours de
lecture: l’évocation fréquente de la mort, tantôt sereine, tantôt
tragique; le goût des atmosphères étranges, aux confins du fantastique
(héritage de Jeremias Gotthelf?); une forte présence de la nature,
souvent menacée voire violée par le tourisme et le bétonnage; la
nostalgie d’une jeunesse passée à l’époque des Sixties, avec la musique et les joints qui l’accompagnaient; une vision souvent ironique ou critique de la Suisse, «un pays pour vieux, beaucoup trop ordonné et beaucoup trop propre», comme l’écrit le Zurichois Charles Lewinsky; d’autres textes s’ouvrent sur l’ailleurs, l’étranger, le monde.
Cependant, cette série de récits offre une telle variété d’écritures,
de sujets et d’atmosphères que toute tentative d’énoncer des critères
de «suissitude» s’avère rapidement vaine. On lira avec intérêt, et
souvent avec plaisir, ce recueil qui offre un véritable kaléidoscope de
la production littéraire dans notre pays.
Encore chéri! (157 pages)
d’Antonin Moeri contient, entre autres, la nouvelle éponyme. Au cœur de
chacune d’entre elles, quelque chose bascule: par exemple, les lettres
d’amour qu’envoie un jeune adolescent à la fille d’un notable sont
interceptées par les parents de cette dernière.
Ou encore, la narratrice du récit intitulé «Le Figurant» se débarrasse
du bellâtre dont le corps l’a un moment séduite. Tel individu solitaire
rencontré dans un café a-t-il tué sa mère handicapée? Les récits
d’Antonin Moeri mettent volontiers en scène des marginaux, des
personnages étranges ou inquiétants, dont le destin est parfois inspiré
par des faits divers réels. On bascule souvent de l’apparente banalité
vers le crime, accompli ou rêvé.
Le regard du narrateur est toujours distancié. La langue est claire,
précise, sans effets de style apparents. Il peut s’y glisser une touche
poétique, comme dans la belle évocation de Paris dans «Ville Lumière»,
qui fait un peu songer à Patrick Modiano.
Enfin le recueil Loin de soi (173
pages), de Silvia Härri, a bien mérité le prix
Georges-Nicole 2013. Il séduit d’abord par la beauté de sa
langue: «Il
aime la neige, cette couche trompeuse sur la surface des choses qui
masque les aspérités comme un rideau tiré sur la vérité.»
Surtout, ces récits sonnent juste, à l’image de ceux de la regrettée
Yvette Z’Graggen. Ils mettent en scène tous les âges de la vie, de
l’enfance à l’EMS. On notera, dans «Carnet de voyage», un étonnant
télescopage de dialogues surpris dans le train, avec leurs parlers
divers. Ou encore l’inattendu «Le Nom du père», où l’on découvre que le
narrateur est… un tableau de la Renaissance.
On sent chez l’auteure une réelle empathie avec ses personnages, mais
aussi un rapport profond avec la nature, les animaux. On est souvent
dans l’ambiguïté des sentiments: ainsi, dans «Rature», ce rapport entre
une psychothérapeute et sa jeune patiente: qui en réalité a besoin de
qui? Tout cela compose une œuvre attachante, profondément littéraire,
sans pourtant sentir la «littérature».
PIERRE JEANNERET, Domaine public
Antonin Moeri, éminent Blogreur, vient de publier un dernier recueil de nouvelles sous un titre bien choisi: Encore chéri! Une bonne manière de savourer la langue de cet authentique écrivain
Un homme explique sa visite à un masseur, qui se trouve être un ancien
brigadier et accueille ses clients en rangers et veste de policier
déboutonnée. Une amazone initie un jeune homme à la sodomie. Un taulard
explique comment il a étranglé une joggeuse en training rose qu'il
voulait seulement aborder. Un homme assiste au procès d'un escroc et
observe la mère du prévenu. On retrouve aussi le «forcené de Bienne»,
Peter K, qui avait tiré sur des policiers plutôt que se laisser
expulser de chez lui. Il y a aussi des sujets plus frais que ces
faits-divers: des garçons amoureux, des jeunes couples attirés par
Paris. Une grande variété de thèmes, donc, inscrits dans le réel.
Cependant, ce qui fait l'intérêt de ces textes, c'est moins leur objet
que leur forme. On sait que Moeri travaille surtout sur le flux verbal.
C'est là dedans que sont l'originalité et le talent de notre auteur.
La plupart de ses nouvelles sont ou comprennent de longs monologues. Le
narrateur ou les personnages y entament des confessions, dans
lesquelles le langage est primordial, qui se développent, pourrait-on
dire, plus selon une une logique du discours que pour exprimer un
contenu.
Par exemple, dans «La Traque», basée sur l'histoire de Peter K, Antonin
Moeri s'attache moins à comprendre le fonctionnement mental de cet
homme pourchassé, à faire un portrait de lui, à déterminer ses
motivations, qu'à se mettre à sa place, lui donner la parole et laisser
se développer un discours où l'intérêt est souvent dans des évocations
soudaines, comme celle de l'origine de la maison, «une ruine que son
grand-père avait achetée en revenant du Texas où il a conduit des
diligences.»
On se souvient de ce que disait Nabokov: la littérature est dans les
détails. Et chez Moeri, de ce côté-là, on est gâté. Des images précises
surgissent, incongrues, surprenantes, savoureuses, souvent sous forme
d'énumération. Par exemple, dans une autre nouvelle liée elle
aussi à une maison, «L'Augustin», le narrateur observe les dents du
propriétaire d'une demeure praticienne et l'imagine «dévorer des foies
de sanglier, des langues de bœuf, des saucisses de Francfort, des
jarrets de veau, des râbles de lapin et des rognons de porc.»
Le langage chez Moeri obéit aussi à des règles de tension. La
musicalité de la phrase affronte des changements de niveau soudain qui
intègrent des mots plus communs (siphonné, fils de pute ).
L'énonciation tenue est questionnée par l'irruption de structures
parlées (la suppression de l'adverbe de négation ne dans les dialogues,
par exemple.) Les longs monologues sont soudain remplacés par des
dialogues courts qui s'enchaînent comme un échange de balles de
ping-pong...
Tout ceci donne aux nouvelles d'Encore chéri!
leur saveur et leur étrangeté, et créent un style reconnaissable entre
mille. Ce qui est, on le sait, la véritable marque d'un écrivain.
Blogres d’ALAIN BAGNOUD
Un extrait:
Je la voyais, celle que j’avais aimée contre l’arbre, quand le feu
montait partout autour de moi et que j’ai voulu crier, que j’ai vu son
œil vert me fixer, comme si elle avait voulu m’accuser. Elle était
attachée au tronc et sa tête pendait de côté. Ce spectacle me rendait
fou. En plus, elle se mettait à bouger, elle venait vers moi comme si
on se connaissait depuis longtemps. Elle me souriait depuis la rue.
Elle quittait le sol en tendant les bras devant elle. Je n’arrivais pas
à m’éloigner de cette fenêtre. Je vous jure. Ce que je dis est la pure
vérité. Elle montait dans les airs avec des perles de
transpiration sur le front. On aurait dit que des phares de voiture
l’éclairaient. La fenêtre était pourtant fermée, elle n’aurait pas pu
entrer chez moi. Elle se tenait là, le nez écrasé contre la vitre. Les
doigts crispés sur le manche d’un balai, je l’attendais de pied ferme.
Je serrais ce balai comme j’avais serré le cou du flamant rose. Et
toujours ce tic-tac infernal de l’horloge en plastique. Je restais des
heures dans cette position. Parfois toute la nuit.
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Douze. C'est un nombre symbolique.
Celui des tribus d'Israël, des apôtres de Jésus, des mois de l'année, des signes du zodiaque...
Douze, c'est le nombre de nouvelles du dernier recueil d'Antonin Moeri. Ce ne peut être un hasard...
Deux d'entre elles ont paru dans le numéro de décembre 2011 de la revue littéraire en ligne Coaltar. Les autres sont inédites.
Dans ces nouvelles, l'auteur ménage ses effets et ne ménage pas le
lecteur. Je ne crois pas que cela sera pour lui déplaire quand il s'y
plongera...
Un jeune garçon, réservé, timide, écrit des lettres énamourées à la
plus belle fille de sa classe, dont le père est plus riche que le sien:
"Ce sont des dizaines de lettres qui furent écrites dans ce style qu'adoptent les amants ou les fous."
Une jeune femme est toute fière d'avoir ramené chez elle un beau mec.
Quelque temps après, elle décide de se conduire avec lui comme une
vraie salope sans trop savoir pourquoi:
"J'avais besoin de ça pour me sentir exister."
Un homme agonise sur un trottoir. Des passants s'adressent à lui sans
qu'il ne comprenne ce qu'ils lui disent. Dans ses derniers moments, une
langue continue d'aller et venir sur sa joue, un dernier instant
bonheur:
"J'ai tout de même senti sur ma joue cette langue de chien, chaude, humide et délicieuse."
Un misanthrope habite une belle maison, qui intrigue le narrateur. Du
coup il airmerait bien en savoir plus sur son propriétaire, qui lui
répond d'une voix cinglante:
"Je veux bien parler de la baraque, mais le reste, motus, compris."
Un forcené, détenteur de trois flingues, refuse qu'on saisisse la
vieille maison familiale et descend tout ce qui bouge et qui voudrait
le contraindre à se rendre:
"Je ne céderai pas. C'est ma maison. La seule chose à laquelle je tienne. Je sauverai ton honneur, papa."
Le compagnon d'Odile en a marre d'elle. Elle s'achète de belles
fringues et rentre de plus en plus tard de son travail, où elle doit
sans doute draguer son chef. Dans un parc il rencontre un repris de
justice fauché comme les blés. Il refuse pourtant net la proposition
que le compagnon d'Odile lui fait:
"Je veux pas finir ma vie à l'ombre. Je veux tout faire pour mener une
vie normale. Faut être complètement sonné pour envisager un pareil
truc."
Un taulard se livre à un quidam qui voudrait écrire sur son cas. Il
raconte comment son oeil a été attiré par une joggeuse en training
rose, qu'il ne savait pas comment aborder. Il voulait seulement lui
parler, mais cela ne s'est pas passé comme il voulait:
"Quelqu'un l'avait étranglée. Son oeil vert, je dis son oeil vert parce
que l'autre était fermé, son oeil vert, injecté de sang, me fixait,
comme si la dame avait voulu m'accuser."
Il devait comparaître au tribunal, non pas comme prévenu, mais comme
juré. Finalement il n'avait pas été retenu, mais, ayant pris un congé
pour ça, il était resté pour assister à l'audience au cours de laquelle
le prévenu devait être jugé pour vol, par contumace:
"J'ai alors vu une petite femme d'un certain âge, assise sur une
chaise, les épaules agitées par des spasmes, la tête penchée, on aurait
dit qu'elle souffrait d'un torticolis aggravé par les frasques de son
fils qu'elle avait imaginé d'une irréprochable honnêteté."
Sacha, étudiant en droit, converse avec Lou, étudiante en philo. Il lui
raconte Paris tel qu'il la voit par les yeux d'une mystérieuse femme,
Lara Krieg:
"Pourquoi m'avoir parlé de cette Lara je-ne-sais-plus-comment?
— Parce que tu ne connaissais pas Paris. J'ai très envie de visiter cette ville avec toi."
Il sèche l'école. Son père lui a offert une belle montre, de haute précision, pour son anniversaire. Cette montre l'obsède:
"Ce n'est pas un tic-tac qu'elle fait sur la table, c'est une sorte de
tsig-tsig très doux. On dirait qu'elle me regarde. Elle est couchée sur
le flanc."
Des hommes ont le fantasme de la masseuse nue sous sa blouse. Lui c'est
le fantasme du brigadier masseur, en rangers et veste déboutonnée:
"J'ai presque peur quand il se penche au-dessus de ma tête, que son
torse peu poilu effleure mon front et qu'il tire brusquement ma cage
thoracique vers lui."
Léonore a fière allure "avec ses longs cheveux blonds, ses yeux bridés
et ses bottes camarguaises". Elle est "flanquée d'un animal
monstrueux". Elle sera sa première fois, et une fois mémorable:
"Tu sais, ce que j'aime faire, c'est former les jeunots, les initier,
leur apprendre les joies, les vraies joies! Je trouve ça extra."
Il la revoit de nombreuses années plus tard...
Un jeune garçon peut aussi être sentimental, comme une fille. Une femme
se comporter comme un mec. La mort être merveilleuse. Un homme riche
garder jalousement un jardin secret. Un repris de justice vouloir se
ranger. Un taulard, peut-être fou, ne plus savoir ce qu'il a fait
réellement. Un homme devenir forcené quand on touche à son passé. Un
homme présent à une audience ne garder que l'image de la mère du
prévenu. Un homme ne savoir dire les choses que très indirectement à la
femme qu'il désire. Un écolier tranquille en apparence être très
destructeur dans la réalité. Un homme fantasmer très fort grâce à un
autre. Une jeune femme experte dans les plaisirs d'adultes retomber en
enfance quand elle subit des ans l'irréparable outrage.
Toutes les histoires qu'Antonin Moeri raconte sont, certes, des
histoires caractéristiques de notre époque, mais elles réservent bien
des surprises comme dans la vraie vie. L'imprévisible est éternel...
Des dialogues permettent de respirer un peu après de longs paragraphes,
dont les phrases sont suffisamment courtes toutefois pour ne pas
essoufler le lecteur et, au contraire, le tenir en haleine.
Une fois refermé le livre, nous pouvons nous dire que la forme de la
nouvelle en accentue le caractère dense. Ce qui ne peut pas nous
laisser indemne, mais nous offrir matière à réflexions sur l'humaine
condition et à interrogations sur le pourquoi de certaines de nos
actions.
Blog de FRANCIS RICHARD
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
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