S’il plaît à Dieu
est un roman historique. L’on aime ou l’on boude le genre, c’est selon.
Dans tous les cas, le récit devient fluide dès lors qu’on a saisi les
liens qui unissent les protagonistes. Le récit couvre les rêves
expansionnistes d’un caporal qui allait devenir le régent d’une Europe
en pleine mutation. Napoléon est de la lignée des grands conquérants
comme Alexandre le Grand, Gengis Kahn, César qui ont mis le monde à feu
et à sang.
Dans le sillage du petit homme ventripotent, Jean-Charles Develay,
d’Yverdon qui, par un hasard improbable, a délaissé de brillantes
études de médecine pour s’enrôler en tant que sous-lieutenant de
cavalerie en 1807. Par quel miracle échappe-t-il de l’enfer de la
retraite de Russie? À Paris, le chirurgien en chef Bouchet le presse de
reprendre ses études. Après dix ans de chevauchées, sabre au clair,
comment manier un bistouri?
«Si je trouvais une femme qui me donnât six mille francs et qui me
plût, je quitterais le métier de soldat pour recommencer mes études de
chirurgien. Je dois payer mes folies de jeunesse et continuer un métier
qui ne servira qu’à l’asservissement des peuples.» Il a plu à Dieu
d’inverser le cours de son destin. À Yverdon, Develay deviendra un
médecin réputé et respecté.
Voilà un fil tiré de l’écheveau aux multiples nœuds de la descendance
d’Elisabeth Develay, génitrice de huit enfants. Dans la fratrie,
Jean-Charles est le troisième. À la mort de son mari, le cœur en
charpie, elle doit se séparer de ses enfants. Elle les retrouvera des
années plus tard en des circonstances précaires. Comment cette barque
familiale n’a-t-elle pas sombré, corps et âme, dans les turbulences de
l’Histoire? Une foi inébranlable leur a permis de tenir le cap, du
moins ceux que la maladie n’a pas foudroyés dans la fleur de la
jeunesse, comme Georgina, la cadette bien-aimée. La religion est le
ferment qui motive leur existence.
À chaque début de chapitre, l’auteure a posé des balises, sans quoi le
lecteur y perdrait ses repaires dans l’entrelacs des événements
historiques et dans la constellation des personnages qui gravitent
autour des Develay. Suzanne Deriex s’est lancée sur les traces de sa
famille.«Dans son passé réel, je guette le filigrane qui, de génération
en génération, maintient l’évolution de la vie sur notre terre.» Elle
s’est investie dans une recherche de bénédictin extrêmement fouillée en
piochant dans les archives et en contactant les descendants d’Elisabeth.
Cette grande dame de la littérature française, née à Yverdon en 1926, a
commis des récits, des romans, des contes, des nouvelles ainsi que des
pièces radiophoniques. S’il plaît à Dieu est paru ce printemps chez Bernard Campiche.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, 16 août 2019
Élisabeth-Antoinette
von Gonzenbach, fille cadette du Junker Georg-Leonhard, naît en 1755 au
Vieux Château de Hauptwil, en Thurgovie. Elle perd sa mère à l’âge de
huit ans. Sa sœur aînée Anna (1742), épouse de Johannes Schläpfer, vit
à Speicher, dans les rhodes extérieures du canton d’Appenzell. Anton,
son frère (1748), s’initie aux affaires de son père dans le commerce et
le tissage du coton, en jouant du violon avec talent. Il épouse sa
cousine Ursula von Gonzenbach (1751) du Grand Château. Après deux
années passées à Lyon, où elle étudie le clavecin et le chant,
Élisabeth se marie à Hauptwil avec David-Emmanuel Develay (1736)
bourgeois d’Yverdon, dans les États de Vaud conquis par le canton de
Berne, et bourgeois de Genève, où il joue un rôle actif dans le parti
des Représentants.
Élisabeth aura huit enfants. Les deux aînés naissent à Genève
: Suzette en décembre 1780, Jean-Emmanuel en juin 1782, pendant le
siège de la ville, suivi de sa reddition entraînant la chute du parti
des Représentants. Les Develay quittent Genève. Jean-Charles (1784) et
François (1785) naissent au Vieux Château de Hauptwil, Caroline (1786),
Henri (1787) puis Georgina (1789), la septième, à la colonie suisse de
Constance.
Au moment de la Révolution française, le gouvernement de Genève
amnistie et rappelle les Représentants et leurs alliés. En 1790, après
le retour des Develay à Genève, David-Emmanuel est frappé de porphyrie,
maladie gravissime qui atteint sa raison. Il se croit empoisonné,
accuse sa femme d’infidélité, refuse de reconnaître David-Léonard
(1791), son huitième enfant né et baptisé à Genève, qui porte son nom.
Il emmène de Genève les cadets, fait enlever les trois aînés et en
obtient la garde exclusive à Yverdon.
Élisabeth, recueillie avec David-Léonard par son frère Anton à
Hauptwil, est convoquée à Yverdon neuf ans plus tard, après le décès de
son mari. Elle trouve ses enfants dans la misère, la famille est sous
tutelle. Des connaissances de longue date, Henri et Louise
Hentsch-Cardoini, Jean-Théodore et Pernette Rivier-Vieusseux lui
viennent rapidement en aide sans parvenir à lever la tutelle.
Lors d’une visite à Yverdon de Pernette Rivier, le jeune pasteur
genevois Louis Ferrière (1768), précepteur du fils unique des Rivier,
tombe amoureux de Suzette Develay et désire l’épouser. Momentanément
aumônier de l’hôpital de Genève, devenue chef-lieu du département
français du Léman, il se prépare à fonder un institut d’éducation pour
jeunes garçons. Suzette refuse de s’engager : elle est trop jeune,
ses frères et sœurs ont besoin d’elle, elle craint que la porphyrie
soit héréditaire. Ferrière attend, insiste, lui promet que, en toutes
circonstances, il soutiendra Élisabeth Develay et chacun de ses
enfants. Suzette accepte, elle partagera sa vie et sa vocation.
Suzanne Deriex
S’il plaît à Dieu (tome IV de Un Arbre de vie) retrace la vie de la famille Develay. Après Un arbre de vie, Exils et La Tourmente, voilà le quatrième tome de Un arbre de vie. Une plongée rare dans l’Histoire de la Suisse, entre 1802 et 1831.
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