Daniel Abimi: Le Dernier Échangeur. Lausanne blues
S’emparer d’une ville pour en décrire ses noirs secrets est une des
thématiques majeurs du polar mais elle prend d’avantage d’intérêt
lorsqu’il s’agit d’une cité propre et lissée comme Lausanne qui nous
apparaît si calme et si tranquille.
Pourtant Daniel Abimi, natif de Lausanne et ayant travaillé des années
durant comme journaliste pour un quotidien de la ville va bousculer les
clichés de cette fameuse quiétude helvétique.
Avec Le Dernier Échangeur,
nous partageons les pérégrinations de Michel Rod, journaliste porté sur
la boisson, qui enquête sur la mort d’un médecin dont le cadavre
sauvagement massacré est retrouvé au cœur d’un parc en périphérie de la
cité. Avec l’aide de son ami l’inspecteur Mariani, Michel Rod va tenter
de débrouiller l’écheveau complexe d’une vengeance qui tourne vite au
jeu de massacre et c’est dans l’univers sordide d’une bande de
bourgeois aux mœurs dissolues qu’il trouvera peut-être la réponse.
Même s’il joue parfois trop sur les expressions locales, il faut saluer
la qualité d’écriture délicate de Daniel Abimi qui parvient à nous
immerger dans les méandres d’une bourgeoisie qui tente de tromper son
ennui au gré de partouzes sordides sans pour autant forcer le trait. Un
peu à la manière de Claude Chabrol, l’auteur nous décrit, sur un
ton détaché et sardonique, ce petit monde lausannois où tout le monde
se connaît et s’observe avec une morgue assassine. Il y a pourtant un
certain déséquilibre dans ce récit où le nombre de meurtre (plus d’une
dizaine), comme pour mieux relancer l’histoire, frise le grotesque et
le guignolesque. Observation d’une société ou fresque burlesque, le
lecteur peine à se situer dans ce récit oscillant parfois
involontairement entre le premier et le second degré. C’est bien
dommage.
Ce déséquilibre on le retrouve également dans le portrait des
personnages qui jalonnent le roman. On appréciera l’humanité de Michel
Rod et de son ami Émile qui au travers de leurs failles affectives
donnent une tonalité encore plus sombre à cette ville peuplée d’âmes
solitaires en quête d’amour. L’auteur ne cède d’ailleurs pas aux
mirages de la rédemption ou d’une quelconque qualité qui pourrait nous
donner l’envie d’apprécier le personnage principal. Pétri de défauts et
de travers, Michel Rod promène sa grasse carcasse et son mal de vivre
en enquêtant parfois de manière plus que maladroite sur la vie de son
entourage sans pour autant s’en intéresser complètement. Détacher de
tout, sans le moindre idéal, Michel Rod est l’anti-héro parfait. C’est
le paradoxe de ces personnages fort bien élaborés qui mettent en
exergue les autres protagonistes de ce récit qui virent à la caricature
à l’instar de ce promotteur immobilier qui est pourtant l’une des
pièces maitresses du roman, sans parler des truands qui semblent sortis
d’un film de Tarantino.
Présentée comme un guide touristique, la ville de Lausanne peine à
touver ses marques dans ce récit. Il ne suffit pas de décliner une
succesion d’établissements ou de rues pour faire de la cité une espèce
de personnage qui donnerait du relief au roman. À quelques exceptions,
comme la description des différentes diasporas qui la constitute, la
ville reste en marge d’une histoire qui peine à convaincre.
Parfois brouillon dans sa trame narrative, Le Dernier Échangeur
souffre d’un manque de consistance de l’auteur qui peine à se prendre
au sérieux. Entre Ken Bruan et James Ellroy il faut parfois choisir ou
posséder suffisement de talent pour parvenir à concilier les
deux. Mais qu’à cela ne tienne, Le Dernier Échangeur servira d’introduction à l’excellent second roman de Daniel Abimi, intitulé, Le Cadeau de Noël qui fera l’objet d’une prochaine chronique.
CÉDRIC SEGAPELLI, Tribune de Genève, blog
Le Dernier Échangeur, un roman noir et suisse
À Lausanne, un journaliste enquête sur le meurtre d’un médecin. Il
s’éprend de sa veuve, qui va l’entraîner dans un monde où tout
s’échange. Mais autour d’elle, c’est l’hécatombe. Les vautours tombent
comme des mouches.
Lausanne n’a pas vu le temps passer. De grosse bourgade provinciale au
bord du lac Léman, voilà la capitale du canton de Vaud devenue petite
ville avec plus de cent communautés étrangères. Du passé, elle a gardé
un respect strict des classes sociales. Le mélange est détonant. Dans Le Dernier Échangeur, derrière les apparences, notables lausannois, caïds de la pègre locale et bourgeoises se croisent et en meurent.
L’auteur Daniel Abimi – père albanais et mère suisse alémanique –
soulève un coin du drap qui cache la ville qu’il aime. Journaliste, il
a aussi couru pendant une dizaine d’années les pistes africaines et les
montagnes afghanes sous le drapeau du Comité international de la
Croix-Rouge.
Le Dernier Échangeur est son premier roman.
Un extrait:
Il avala une gorgée de vin chaud, accompagnée d’une saucisse pas assez
grillée et de frites trop grasses. Il reprenait des forces.
Depuis la nuit où le corps d’Attila Szabo avait été retrouvé, il
n’avait pas levé le pied, ses nuits s’étaient raccourcies un peu plus
encore, il avait passé son temps à courir derrière n’importe quel début
de piste, à poser des questions indécentes et indigentes à Luisa Szabo
et il buvait de plus en plus. Le pire était qu’il n’avait pas du tout
envie de diminuer la dose. Il se sentait vidé de toute substance. Le
corps tout recroquevillé de Szabo, la tête de Dritan qui explose, il
aurait aimé se soulager de ces images obsédantes qui l’empêchaient de
dormir ; il était fatigué de ces réveils précoces qui lui pourrissaient
ses nuits et hypothéquaient ses journées.
Une famille nombreuse s’installa à une table voisine. C’était le moment
de partir s’il ne voulait pas que trois gamins pas élevés gâchent sa
journée. Rod avait fini d’avaler sa saucisse. Après avoir resserré les
boucles de ses souliers, il se lança sur les pistes, il voulait encore
profiter de ce moment avant de rentrer sur Lausanne. Il aimait ce froid
sec.
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Où Abimi nous sert un Lausanne sans pourboire…
Daniel Abimi vient de commettre son premier roman. Et c’est un rompol qui se dévore, on ne le lâche plus des mains.
Bien sûr, c’est à cause de Lausanne, me direz-vous… Pas seulement.
C’est ciselé comme une classe sociale. Dans ce roman, on ne se mélange
pas, sauf au plumard.
L’autre face de Lausanne, pas celle de Lausanne Jardins, de l’éco-quartier, des bobos, qui sentent bon le savon.
Curieusement, ici le «commissaire» Montalbano, ou Pepe Carvalho, n’est
pas un flic, il est de fait remplacé par un journaliste dans un grand
quotidien local. Il mange, il boit aussi, mais que dans des bistrots
populaires avec du gros rouge qui tâche fort. Et les mets sont lourds
comme l’athmosphère. Lausanne est une vraie ville, mais de province
blafarde.
Allez, je ne vous en dit pas plus.
Si: ce roman s’appelle Le Dernier Échangeur, Daniel Abimi est son auteur et Bernard Campiche, son éditeur.
Daniel Abimi a failli être lauréat du Grand Prix Champignac de 1993
avec la phrase: «Directeur de la Sécurité sociale et de l’environnement
depuis quatre ans, le socialiste Pierre Tillmanns a été confronté à une
terrible hausse du nombre des chômeurs. Il a mis sur pied de nombreux
chantiers d’occupation. Tout en favorisant le recyclage des déchets.»
Il s’est rattrapé depuis. Son profil Facebook indique qu’il a visité la ville de Mekele en Ethiopie.
Blog de JOSEF ZIZYADIS
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Daniel Abimi explore l’envers du décor lausannois
Horreur
et damnation, les cheveux des gardiens de la paroisse littéraire
romande vont se dresser: notre confrère Daniel Abimi vient, avec son
premier roman intitulé Le Dernier Échangeur, de commettre un double attentat au bon goût et à la bienséance stylistique.
Journaliste «de terrain» à 24 Heures,
au fait des plus sombres affaires locales mais aussi internationales
(il a passé dix ans au CICR), ce lecteur féru de romans noirs (Ellroy
en tête) s’est mis en tête d’explorer l’envers d’un décor souvent trop
rassurant. Entre les hauts lausannois de Sauvabelin où se commet le
premier d’une longue série de meurtres, divers mauvais lieux de notre
bonne ville et des alentours vaudois, dont le dernier est un club
échangiste de Roche où tout un monde encanaillé fait «la chenille»
gluante, défile une frise de personnages typés, parfois un brin
caricaturaux.
Le protagoniste Michel Rod, «localier» dans un journal de la place,
séduit en revanche par son épaisseur humaine de chasseur de scoops à la
fois cabossé par la vie et prêt à tout par curiosité. Lausannois de
souche, il connaît un peu tout le monde, autant chez les policiers que
chez les juges ou les dames de plus ou moins grande vertu. Or, son
immersion dans une société de plus en plus métissée et dont la classe
moyenne se «libère» à gogo, constitue l’essentiel de l’intérêt de ce
polar.
Michel Rod, bon pote de son collègue Émile (autre personnage réussi) et
proche également de l’inspecteur Mariani (très bien croqué lui aussi)
promène ainsi son regard un peu désabusé (le regard en abîme d’Abimi)
sur ce monde pas joli-joli.
Notables et autres arrivistes, accompagnés ou non de leurs (petites)
bourgeoises, se mélangent au cours de parties fines dont l’auteur,
congénère d’Houellebecq, rend bien le côté tristounet, voire grotesque.
S’il ne fait pas dans la dentelle en matière d’écriture, émaillée d’un
peu trop d’expressions locales (de «gouilles» en «batoilles»), Daniel
Abimi excelle en revanche dans le dialogue, le montage du récit et son
atmosphère. L’intrigue du Dernier Échangeur
a aussi peu d’importance que celle d’un épisode de Derrick. Pourtant le
ton est juste, pimenté d’un humour frisant le cynisme mais comme par
défense, tant il est vrai que la vie est souvent plus affreuse, sale et
méchante qu’en ces pages jouant enfin sur le burlesque et le débonnaire
– restons vaudois…
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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Meurtres à Lausanne
Lausanne,
que l’auteur connaît visiblement jusque dans ses zones les plus sombres
– il est journaliste, chef de la rubrique locale –, est un véritable
personnage de ce roman baladeur et policier. Du parc de l’Ermitage à
l’hôpital de Cery, des fitness du centre-ville au stade de la Pontaise,
traversant les différentes communautés et toutes les classes de la
société, c’est un journaliste qui mène l’enquête. Précis et efficace.
L’Illustré
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Lausanne é(change)
Si on n’avait pas lu la semaine dernière une enquête de L’Hebdo sur l’engouement pour l’échangisme en ville de Lausanne, on aurait dit que Daniel Abimi exagérait. L’auteur du Dernier échangeur
situe en effet l’intrigue de son premier polar – et premier roman –
dans une zone qu’ignorent en règle générale les brochures touristiques,
les cartes géographiques et les mémentos culturels. Le libertinage est
au centre de cette intrigue. Mais est-il le motif du carnage qui met
les enquêteurs dans leurs petits souliers? Daniel Abimi maintient le
suspense en conviant à la fête un chirurgien plastique, quelques
éminents représentants de la bonne société locale, un entrepreneur
véreux, des Kosovars désœuvrés et des petites frappes sans espoir.
Le lecteur n’ayant pas le temps de s’identifier à l’un ou l’autre de
ces acteurs avant qu’ils soient mis en terre au cimetière de Montelly,
le salut viendra du narrateur, Rod, un journaliste local qui trouve
l’inspiration dans ses gueules de bois successives. Les décrochages sur
son travail au sein d’une rédaction mettent en lumière ce «bon vieux
temps» où les meilleures histoires se dégotaient accoudés à un bar, à
la cinquième tournée. Journaliste à 24 Heures, Daniel Abimi sait de quoi il parle.
MAGALIE GOUMAZ, La Liberté
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Un tonton flingueur en terre vaudoise
L’on
a cru un peu vite qu’il n’y avait qu’à Genève où l’on était capable de
broder autour de la mort d’Édouard Stern. Que nenni, il suffit de lire Le Dernier Échangeur,
premier roman signé Daniel Abimi, pour se persuader du contraire! Un
polar noir aux accents vaudois! Comme quoi, le glauque est universel et
n’attend pas les rues sombres de Chicago pour tenir en haleine le
lecteur. Écoutez plutôt: Michel Rod, journaliste dans un grand
quotidien vaudois, a soudain l’œil attiré par une série de meurtres
d’une teneur peu recommandable. Dans cette ville de Lausanne, où les
choses ont décidément bien changé, la bourgeoisie du coin fricote avec
la mafia locale. Résultat, un cocktail détonnant, genre Nestor Burma,
accompagné d’un zeste de Michel Audiard. Daniel Abimi: le tonton
flingueur d’une littérature romande qui s’est soudain découvert un
petit génie de la gouaille…
DANIEL BUJARD, La Côte
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Romans noirs
Chute de cadavres à Lausanne
Journaliste, ancien délégué au CICR, Daniel Abimi débute sa vie d'auteur
avec «Le dernier Echangeur». Glauque et jouissif
Un
médecin assassiné sur les hauts lausannois de Sauvabelin... «Les
macchabées ont rarement bonne mine, mais celui-là semblait tout droit
sorti d'une encyclopédie médicale, chapitre des grands brûlés.» C'est
le premier cadavre du livre et surtout pas le dernier. Car dans Le Dernier Échangeur,
bien noir, de Daniel Abimi, le sang coule à flot. L'alcool aussi,
d'ailleurs, et le sexe n'est pas en reste. Parmi les personnages de
cette intrigue à rebondissements figure un journaliste «de terrain»,
Michel Rod, qui, dans la vie, en voit des vertes et des pas mûres.
Désabusé, imbibé, les poumons enfumés, il pratique nuit et jour l'art
de faire «le plein de pastis et de commérages» avec les juges, les
flics, les dames du monde et du trottoir. Sans être dépourvu pour
autant d'humanité, si on se donne la peine de gratter la carapace.
Des dessous peu reluisants
Manipulés
et manipulateurs - chacun étant l'un et l'autre à son tour - grouillent
au fil des pages et ne se limitent pas à échanger des propos. Notables
et canailles de concert ont du goût pour les parties de jambes en l'air.
Si Le Dernier Échangeur,
baigne dans une atmosphère glauque – les dessous de Lausanne étant
aussi peu reluisants que les protagonistes de l'histoire –, il est
teinté d'humour cynique et de sens parodique. On apprécie aussi la
galerie de portraits qui ne manquent pas de chair. Daniel Abimi, 44
ans, journaliste à 24 Heures – il a aussi travaillé pendant
dix ans au CICR –, signe son premier bouquin. Friand de romans noirs,
il s'est jeté à son tour dans l'écriture: «Cela ne correspond pas un
besoin mais à une vieille envie. L'envie aussi de transposer un cadre
familier comme Lausanne dans un canevas de roman noir qui permet de
forcer le trait. Je me défends de toute forme de réalisme. Il n'y a pas
non plus d'implication personnelle dans ce kaléidoscope de personnages.»
Un faible pour les antihéros
Interdit
donc de chercher des ressemblances entre le localier de fictionMichel
Rod et d'autres existant ou ayant existé... «Les rédacteurs que
j'évoque appartiennent à la préhistoire du journalisme. De toute façon,
rien ne m'énerve plus que les romans à clés où l'on joue à deviner qui
est qui.» Ce qui séduit avant tout Daniel Abimi, qui a un faible pour
les antihéros, c'est de créer des caractères, des dialogues, une
atmosphère. Pas de message, pas d'affection ni de détestation
particulières pour les créatures qui peuplent son bouquin et leurs
faits et gestes. Juste une histoire. Dans laquelle la solitude et le
vide existentiel tiennent une bonne place.
PATRICIA GNASSO, Le Matin
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Romand noir…
La
classe moyenne de notre bon vieux monde s’est encanaillée ces dernières
décennies, comme l’a bien montré un Houellebecq, et ce mouvement de
«libération» n’a pas épargné notre bonne vieille Suisse. C’est du moins
ce que le protagoniste «fouille-merde» du premier roman de Daniel Abimi
documente au passage, après avoir été entraîné dans une suite de
meurtres sordides affectant un groupe d’échangistes de nos régions dont
le plus dénué de scrupules est un grand affairiste de l’immobilier
régional, cocaïnomane et pervers polymorphe dont le lecteur se gardera
de chercher le «modèle» puisque Le Dernier Échangeur n’est pas
«à clef». Point d’intrigue sophistiquée non plus dans ce polar d’une
écriture un peu jetée, mais remarquable en revanche par son climat de
dèche et de mal-être, d’ennui vaseux et de médiocrité, sous un regard
qui tire vers le burlesque ou vers la fraternité à la Deschiens…
PASCAL FERRET, Le Passe-Muraille
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De L.A. à Lausanne
Michel
Rod est journaliste (tout comme Daniel Abimi). Il se met à enquêter sur
une étrange affaire de meurtre, qui secoue la haute société
lausannoise. Sans se douter qu’il approche ainsi le monde glauque de
l’échangisme, ni que les cadavres vont se multiplier autour de lui. De
plus en plus près, même.
Il y a un côté exercice de style sympathique dans ce Dernier échangeur.
Comme si Daniel Abimi, pour ce premier roman, plaçait une atmosphère
typique du polar américain dans sa bonne ville de Lausanne et qu’il
regardait ce que ça pouvait bien donner. Avec meurtres en série, sexe,
alcool… et une bonne dose d’humour, voire de parodie. Des qualités qui
cachent pas tout à fait le côté répétitif de l’intrigue, mais donnent
envie de suivre ce nouveau venu au ton original en Suisse romande.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
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Un vrai polar. Toutes les règles du genre sont respectées.
Le héros est un journaliste à la dérive, alcoolique, qui traîne de café
en pince-fesses et en bordels. Il vit avec sa mère, bientôt mourante.
Les cadavres jonchent la ville sans que la police n'arrive à stopper
l'assassin et à faire le lien entre les crimes. On pénètre dans toutes
sortes de milieux, selon la coutume du roman policier qui est devenu un
révélateur social.
L'originalité du Dernier Échangeur
est que l'intrigue s'y passe à Lausanne. L'auteur, Daniel Abimi, né de
père albanais et de mère suisse-alémanique, connaît la ville sur le
bout des doigts et nous entraîne dans ses quartiers les plus divers. Né
de père albanais: ce n'est pas un détail. Grâce à ça on pénètre
notamment dans une boîte ethnique: patron Kosovar, orchestre albanais...
Ce n'est pas le seul lieu insolite. Abimi montre que dans une ville
comme Lausanne, de nombreux milieux cohabitent, s'ignorent
généralement, interfèrent parfois dans des circonstances
exceptionnelles.
À côté des communautés étrangères, il y a la petite pègre, les gros
bonnets, la bourgeoisie immuable dans son fonctionnement, sinon que,
dans le roman de Abimi, cette bourgeoisie partouze beaucoup. Ce n'est
d'ailleurs pas un des moindres charmes du livre que de voir ces
notables, après une journée de ski et une raclette, s'adonner à l'amour
collectif dans un chalet de Villars ou dans une boîte échangiste située
dans la zone industrielle, juste après Villeneuve...
Blog d’ALAIN BAGNOUD
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Rouge moisson en pays vaudois.
Depuis quelque temps ça menaçait, eh bien c’est là! Oblong,
insidieusement glacé, lisse comme la crosse nickelée d’un browning.
Bref: prêt à l’emploi. Cela: le premier polar de Daniel Abimi, publié
chez Bernard Campiche. En
quelque trois cent vingt pages et divers lieux de Lausanne ou des
confins vaudois, vous aurez tout loisir de dérouler le sanglant panache
d’une série de crimes qu’on ne vous racontera pas, bien sûr, et qui
vous entraîneront dans les milieux du trafic de drogue, de l’échangisme
bénévole ou prostitutionnel, de la promotion immobilière, ainsi qu’en
compagnie de représentants des ordres judiciaire et policier. Le
polar m’est toujours apparu comme l’ultime refuge des neurasthéniques
que rebute l’idée d’exorciser la malédiction de la vie en allant
consulter chez les sondeurs d’âme. S’il est vrai, selon le terrible mot
de Gauguin, que «la vie étant ce qu’elle est, on rêve de vengeance», en
exposant les plus noirs aspects de la condition humaine, en vouant à la
mort ou, sinon, à la déchéance, à la décrépitude, au désenchantement,
l’auteur de romans policiers (et son lecteur avec lui) se donne une
illusion de décréteur de destin, de manipulateur tout-puissant. Mais ni
l’un ni l’autre ne sont dupes. Chacun sait qu’on ne guérit pas de
l’existence par la magie de l’imprimé et qu’il ne suffit pas, pour se
purger efficacement de l’amertume et du ressentiment d’être né, de
s’instituer Dieu Soi-même à l’encontre de personnages que votre seul
caprice appelle à l’équivoque don de l’être. Chez Daniel Abimi,
lecteur de Dashiell Hammett et Léo Malet, cette dimension désabusée
d’humour noir persillée de cynisme n’est pas absente, quoiqu’elle se
tempère parfois d’une tendresse affleurante envers certains de ses
personnages. Dans ce roman qui, sans être à clés, recycle habilement
plusieurs péripéties ayant défrayé la chronique et abreuvé notre soif
inextinguible de sang et de scandales, l’auteur se nourrit de son
expérience de fait-diversier qui a dû quelquefois, littéralement,
fouiller la merde, de sa connaissance concomitante de certains milieux
ethniques. Il y trace aussi une manière d’autoportrait, non à travers
son héros, journaliste de terrain éraflé par la vie et investigateur
tenace qui lui dissemble autant qu’il lui ressemble, mais plutôt par
les rebonds de l’intrigue qui finissent par dresser un catalogue de ses
possessions et dépossessions affectives. Comme dans le genre du film
noir y domine la sauvagerie de la jungle urbaine. Campagne ou montagne
n’y sont qu’une annexe poisseuse de la ville, cette Asphalt Jungle
qui donna son titre à un maître film de John Huston. Il s’y dévoile
également une phénoménologie de la sensation, souvent nauséeuse: corps
en déclin, odeurs, dégoût de soi, les organes y sont rarement
silencieux et leur rapport au monde n’est pas ordinairement celui de
l’exultation. Autre point commun entre polar et film noir, les
scènes dialoguées n’y commentent pas seulement l’action, elles la
rythment et l’infléchissent. La pratique habituelle de l’interview dans
l’exercice de son métier nous vaut de la part de l’auteur des dialogues
particulièrement réussis. Nous semblent par contre constituer les
parties plus molles du roman les séquences de partouzes, espèces de
machines à Tinguely poussives qu’on s’essaie laborieusement à
visualiser.
Enfin, Daniel Abimi n’a pas résisté au plaisir de s’offrir un petit
clin d’œil lausannois passéiste: en défi aux prescriptions hygiénistes
de notre bel aujourd’hui, on toraille ferme dans ses salles de
rédaction, ses protagonistes picolent méthodiquement pour rallumer la
mèche et, loin des espaces funétiques
désormais en vogue, des Pompes funèbres à l’abord suranné tiennent
encore délicieusement boutique dans le défunt bâtiment administratif de
la rue Beau-Séjour.
JEAN-JACQUES MARMIER, La Distinction
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Un crime à Lausanne
Un
journaliste, amateur d’alcool sans modération, comme le réclame le
genre policier, assiste à la conférence de presse d’un médecin vénal
qui a découvert le remède contre l’insomnie. Le lendemain matin, son
corps torturé est découvert au pied d’un arbre. Il n’en faut pas plus
au gratte-papier lausannois pour décider de mener une enquête. Et voici
tous les ingrédients d’un honorable polar réunis.
LAURENCE DE COULON, La Vie protestante
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Coup de cœur
Premier roman de Daniel Abimi, Le Dernier Échangeur
est un livre sans concession qui nous entraîne dans un univers
lausannois inattendu, sombre et cruel, où l’on croisera tour à tour
industriels véreux, malfrats de la pègre locale, bourgeois en mal de
sensations fortes, prostituées, journaliste fatigué, flics non
infaillibles et juges corrompus. Michel Rod, journaliste, part sur les
traces du meurtre sordide d’un médecin réputé. En suivant sa veuve, il
va découvrir un monde où tout s’échange. Mais, peu à peu, les morts
s’accumulent, les têtes tombent les unes après les autres. Une écriture
crue et cynique, contrebalancée par des entêtes de chapitres sous forme
de petits poèmes aux consonances naïves: «Où comment un journaliste
s’escrime à tuer ses journées. Il s’ennuie, essuie des bitures, mais il
finit toujours par rentrer à la maison…». Lui-même journaliste à
Lausanne, Daniel Abimi signe un très bon roman, tout à fait digne des
nombreux polars nordiques en vogue actuellement!
EMMA CHATELAIN, Librairie Payot-La Chaux-de-Fonds, site internet de Payot
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Le Dernier Échangeur
est un roman noir. À Lausanne, un journaliste enquête sur le meurtre
d’un médecin. Il s’éprend de sa veuve, qui va l’entraîner dans un monde
où tout s’échange. Mais autour d’elle, c’est l’hécatombe. Lausanne n’a
pas vu le temps passer. De grosse bourgade provinciale au bord du lac
Léman, voilà la capitale du canton de Vaud devenue petite ville avec
plus de cent communautés étrangères. Du passé, elle a gardé un respect
strict des classes sociales. Le mélange est détonant. Dans Le Dernier Échangeur,
derrière les apparences, notables lausannois, caïds de la pègre locale
et bourgeoise se croisent et en meurent. Daniel Abimi soulève un coin
du drap qui cache la ville qu’il aime. Journaliste, il a aussi couru
pendant une dizaine d’années les pistes africaines et les montagnes
afghanes sous le drapeau du Comité international de la Croix-Rouge.
Les Forums de Fnac Suisse – Juin 2010
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Daniel Abimi ou le gras et le fin
Dans une grande petite ville d’Europe de l’Ouest – Lausanne – la vie va
à un train ordinaire avec le même mélange crapoteux de petites
saloperies agrémentées de rares beaux gestes qu’ailleurs. Il n’y a qu’à
regarder, c’est partout pareil. Reykjavík, Trondheim, Thessalonique…
Daniel Abimi garde depuis toujours un œil sagace sur la capitale
vaudoise, sa ville qui est devenue le terreau de ses romans. En fait de
terreau, c’est un marigot où évoluent crocodiles et reptiles et autres
bestioles plus ou moins venimeuses mais toujours désespérées. La jungle
humaine Daniel Abimi connaît puisqu’il a longtemps ménagé la chèvre et
le chou au nom du CICR en Afrique francophone.
Daniel Abimi est un de ces beaux hybrides comme Lausanne sait les
fabriquer. Alémanique par la mère, Kosovar par le père. Hybride encore
par ses milieux. À la terrasse d’un café à prétentions culturelles (la
petite grande ville s’est inventé une intelligentsia à sa taille), on
peut le voir pérorer entre vieux potes – tous anciens universitaires,
pour certains passés à l’Administration.
Le même jour mais à une heure plus tardive, le même Abimi, ayant
échangé son costume pour un manteau de cuir noir, finira par convaincre
un interlocuteur revêche en lui attrapant les deux oreilles pour lui
secouer la tête sur le comptoir. Arguments massue. La scène eut lieu
dans un bar de l’Ouest lausannois sous l’œil hagard du patron, roi du
karaoké sentimental.
Michel Rod, journaliste lausannois et cheville ouvrière du premier
roman de Daniel Abimi, a quelques points communs avec son paternel.
Encore plus jeune qu’aujourd’hui, Daniel Abimi a été intronisé dans le
métier de «fouille merde» par Pijac, un mythique «fait diversier» de la
presse romande. Un vrai Bérurier qui revenait par la fenêtre quand il
se faisait virer par la porte. Si Pijac n’était pas un maître à penser,
il a laissé au jeune Daniel une certitude: chez les gens soi-disant
simples, il s’en passe toujours de drôles. Abimi n’a pas oublié
l’apprentissage du terrain, du précepte il en a fait la devise de Rod.
Autre valeur commune entre Abimi et son personnage: on mange gras. Le
boucher Schaller du Maupas en sait quelque chose. Rod (Abimi?) peut
démanteler un soir de vague à l’âme un rôti de porc pour six personnes
après avoir tapé dans le boudin. Avec les doigts et en training. Vision
sublime et sauvage qu’il accorde à ses vrais amis.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Manger gras avec les doigts n’interdit
pas la finesse. Rod au regard peu amène sur lui-même fait souvent
mouche d’un trait d’esprit fulgurant. Lausanne en sait quelque chose;
une fois déchirés les rideaux de l’establishment valdo-vaudois, Rod
fait le ménage là où on a par trop caché la merde au chat.
ALAIN WALTHER, Le Persil
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