Dans le réel, avec les esprits
Ballades ou balades? On ne sait jamais comment l’écrire… Lui
en joue, le bougre: «Balades à venir / Balades imaginaires», lit-on
dans ces Ballades avec les esprits.
Stéphane Blok déambule et le poète-musicien-chanteur vaudois n’oublie
jamais le sens du rythme et des sonorités, du refrain et des
ritournelles: «Nous n’irons plus au bois / Nous n’irons plus bien loin
/ Nous n’irons pas si loin». Son nouveau recueil de poèmes est parsemé
de présences, d’âmes, de songes et de souvenirs. Le voici attentif aux
signes, «au petit peuple de la forêt» comme aux «déesses d’eau et de
lune dans la couleur des jours».
Coauteur, avec Blaise Hofmann, du livret de la dernière Fête des
vignerons, Stéphane Blok invite à le suivre dans une fascinante
exploration de la réalité. Elle ne s’arrête pas au visible, mais se
visite dans toutes ses dimensions: l’inconnu, les rêveries, les
fantômes côtoient une «coquille vide d’escargot», «le renard goupil»,
les «bières fraîches», «les feuilles frissonnantes». Alternent aussi
légèreté et gravité, avec la conscience de la finitude, puisque «la
mort est une peau de bête sur laquelle on se couche / Dans l’odeur de
fumée et de résine». Le tout sans perdre de vue cet élan vital: «Ce
n’est pas à moi de le dire / Mais je crois que / La vie est
malheureusement belle / Très belle.»
ERIC BULLIARD, La Gruyère
Une balade vers «l’horizon de la joie»
Dans Ballades avec les esprits, Stéphane Blok invoque les ancêtres et les mondes invisibles ou silencieux
«Esprit, ou esprits / Qu’importe / La terre est parsemée / De ce qui
fût / Et déjà hantée / Par ce qu’elle sera,» Ce vers placé en exergue,
donne le la de Ballades avec les esprits,
le nouveau recueil de poèmes de Stéphane Blok. Il s’agit bien de
ballades, l’écrivain et musicien sachant marier légèreté apparente la
forme, comme des éclats de ritournelle, et questionnements méditatifs
sur la finitude, sur l’éphémère de toute chose (vie, poèmes), sur le
deuil, sur l’état disloqué du monde.
Entre passé et futur, on ne peut s’empêcher aussi d’imaginer l’auteur
en balade, marchant en compagnie des esprits du titre, tels des
veilleurs qui permettent de ressentir «la transhumance du vivant vers
sa mort annoncée». Le recueil s’ouvre sur la nuit qu’il faut attendre
«pour que les fantômes viennent nous trouver». Jouant sur les clichés,
le poète évoque les «grincements de plancher» pour mieux apercevoir le
«baiser du papillon blanc à l’orée de nos rêves.»
«Dans l’odeur de fumée et de résine»
L’invocation des ancêtres, grands-parents et arrière-grands-parents, va
de pair avec l’attention à tout l’entier du monde invisible ou
silencieux, «l’araignée au coin de la fenêtre», la mouche au coin de
l’assiette», le vent, les fleurs. Comment leur offrir une place dans
«notre présent provisoire»? Le monde invisible désigne aussi bien sûr
«l’autre monde» où «la mort est une peau de bête sur laquelle on se
couche / Dans l’odeur de fumée et de résine».
Par les poèmes qui sont des «prières que l’on s’adresse», l’auteur
cherche à continuer les «balades à venir / balades imaginaires», à
s’inscrire dans le cycle de l’ancien et du nouveau . Comment faire pour
«apprécier à sa juste valeur / La générosité infinie à laquelle la mort
nous oblige»? À ce questionnement, en répond un autre, comme en échec
«Que dois-je aller chercher au fon de moi / Pour que ma joie perdure)»
L’écriture ne fixe rien, les mots s’effacent comme le reste. L’image du
carnet revient comme un outil dérisoire face à l’immanence du réel. La
pluie disperse les mots sur la page face à l’apparition d’un cheval
noir. Poète, compositeur, interprète, romancier, Stéphane Blok, par
ailleurs librettiste de la Fête des vignerons 2019, poursuit avec ce
sixième ouvrage, une balade entre fulgurances et recherche du peu, un
cheminement vers l’«horizon de la joie».
LYSBETH KOUTCHOUMOFF, Le Temps
Stephane Blok, Ballades avec esprits
S’il y est beaucoup question de déambulations, c’est bien la ballade
avec deux «l» qu’on rencontre dans ce nouveau recueil poétique. En
musicien accompli, Stéphane Blok invite les rythmes, les airs à
irriguer ses strophes à la première personne: notations furtives de
dialogues avec le monde naturel, pensées accrochées aux aiguilles du
temps et interrogations la vie de l’invisible travert ces poèmes
enlevés, tous tendus vers l’àdéal d’un dépouillement bienheureux.
NICOLAS JUILLARD, Qwertz
Ballades avec les esprits, de Stéphane Blok
Les esprits existent-ils? Peut-être. En tout cas, Stéphane Blok fait d'abord comme si.
Les esprits ont partie liée avec la nuit, c'est bien connu:
«Attendons la nuit
Que les fantômes viennent nous trouver
Attendons la nuit
Que le tissu effleure l'escalier
Qu'un regard frôle nos paupières»
Les esprits sont partout:
«Les esprits viennent nous trouver
Que nous les voyions ou pas
Que nous les entendions ou pas
Cela ne change rien au fait qu'ils soient là »
Il pense à ceux qui l'ont précédé ici-bas:
«Disparus
Je devrais vous solliciter plus souvent
Vous laisser de l'au-delà vous déposer parmi nous
Vous laisser exister encore
Pour voir les esprits dans les êtres et les choses, il faut s'abandonner:
L'état dans lequel j'écris
Est celui agréable
De l'abdication
Incapable de rien
Je laisse à nouveau
L'alentour me parler»
Ne rien faire:
«Toujours faire
Faire quelque chose
Agir, entreprendre
Toujours, tout le temps
Faire qui nous empêche
De ne rien faire
Regarder
Ce faire
Qui nous refuse d'être ensemble
À ne rien faire»
Refusant d'être de quelque part - il n'a pas de patrie -, et de faire, il confesse:
«Sans but il n'y a pas de désillusion
Je ne m'intéresse plus à rien
Je ne veux plus me préoccuper des idées du monde»
Pour ce rêveur, il y a bien assez
• «à faire» avec la nature,
• «à vivre» au milieu des autres,
• «à profiter» du jour et de la nuit.
Il ne peut pourtant manquer ensuite de s'interroger sur
l'inéluctabilité de la mort, sur le sort de son âme et des âmes de ses
ancêtres, sur l'existence même des esprits:
«Peut-être que les esprits ne sont qu'imagination
Une fidélité au vivant qui n'a pas lieu d'être
Le vivant s'éteint et disparaît
C'est tout»
Finalement il n'en croit rien, et c'est tant mieux:
«La perte de l'être aimé témoigne du contraire
L'impossibilité du vide
La persistance des instants vécus»
Présentement il conclut:
«Il pleut de grosses gouttes
Sur le trottoir, sur la chaussée
Sur le bord de la fenêtre
Sur mon âme inconsolable
D'aussi loin que je me souvienne»
Blog de FRANCIS RICHARD
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Stéphane Blok trinque à la santé des esprits
La vie est une feuille morte qui se pose sur le béton. Où le
musicien-poète lausannois se promène pour retrouver le souffle des
vivants déjà partis, et guetter les petites joies qui demeurent –
l’amour et les bières fraîches notamment.
Une forme qui, se souvenant d’avoir été chant, convient à merveille au
poète Stéphane Blok. Jazzman du désarroi moderne, chantre de ce qui
pousse entre les immeubles, le Lausannois publie une nouvelle salve de
poèmes comme autant de promenades en compagnie de quelques esprits.
Vivants déjà partis, dont le souffle perdure et qu’il faut apprendre à
percevoir dans le «vent sonore», dans «le bruit des gouttes de la fonte
des neiges», dans le regard des oiseaux silencieux. De quoi offrir une
nouvelle texture à ce présent inquiet, où les rêves s’épuisent sur les
trottoirs en surchauffe.
Fidèle à son expressivité sensorielle dénuée de formalisme comme
d’hermétisme, le musicien-écrivain joue de contrastes pour célébrer la
profonde ambivalence du vivre: une feuille morte se pose sur le béton,
des enfants s’amusent en dépit des bombes. C’est que «la vie est
malheureusement belle / très belle», et qu’il suffit de savoir flâner
parmi les rares joies qu’elle dispense, amour ou bières fraîches.
Manière, humble et lucide, de prolonger à pied ce chemin
qu’empruntaient nos fantômes. Et comme nulle empreinte ne persiste sur
l’asphalte, il y a la poésie. Il y a ces poèmes.
THIERRY RABOUD, La Liberté
Esprit ou esprits
Qu’importe
La terre est parsemée
De ce qui fut
Et déjà hantée
Par ce qu’elle sera
Cinq ans après Autres Poèmes (réédité en 2022), Ballades avec les esprits est le nouveau recueil de poèmes de Stéphane Blok.
Balades sur les traces de ce qui fut, les poèmes évoquent autant la
filiation – le ressenti du mouvement qui aboutit à notre présence
aujourd’hui – que l’absence des êtres aimés, les espride la nature,
l’invisible ou la magie. S’arrêter, prendre le temps de se retourner,
suspendre la fuite en avant d’une modernité déracinée qui ne se
souvient plus pourquoi elle court.
Le vernissage aura lieu ledimanche 7 à la Crique, dans le cadre du «Livre sur les quais».
Contact : info@campiche.ch / heretiques@blok.ch
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
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