Ballades avec les esprits, de Stéphane Blok
Les esprits existent-ils? Peut-être. En tout cas, Stéphane Blok fait d'abord comme si.
Les esprits ont partie liée avec la nuit, c'est bien connu:
«Attendons la nuit
Que les fantômes viennent nous trouver
Attendons la nuit
Que le tissu effleure l'escalier
Qu'un regard frôle nos paupières»
Les esprits sont partout:
«Les esprits viennent nous trouver
Que nous les voyions ou pas
Que nous les entendions ou pas
Cela ne change rien au fait qu'ils soient là »
Il pense à ceux qui l'ont précédé ici-bas:
«Disparus
Je devrais vous solliciter plus souvent
Vous laisser de l'au-delà vous déposer parmi nous
Vous laisser exister encore
Pour voir les esprits dans les êtres et les choses, il faut s'abandonner:
L'état dans lequel j'écris
Est celui agréable
De l'abdication
Incapable de rien
Je laisse à nouveau
L'alentour me parler»
Ne rien faire:
«Toujours faire
Faire quelque chose
Agir, entreprendre
Toujours, tout le temps
Faire qui nous empêche
De ne rien faire
Regarder
Ce faire
Qui nous refuse d'être ensemble
À ne rien faire»
Refusant d'être de quelque part - il n'a pas de patrie -, et de faire, il confesse:
«Sans but il n'y a pas de désillusion
Je ne m'intéresse plus à rien
Je ne veux plus me préoccuper des idées du monde»
Pour ce rêveur, il y a bien assez
• «à faire» avec la nature,
• «à vivre» au milieu des autres,
• «à profiter» du jour et de la nuit.
Il ne peut pourtant manquer ensuite de s'interroger sur
l'inéluctabilité de la mort, sur le sort de son âme et des âmes de ses
ancêtres, sur l'existence même des esprits:
«Peut-être que les esprits ne sont qu'imagination
Une fidélité au vivant qui n'a pas lieu d'être
Le vivant s'éteint et disparaît
C'est tout»
Finalement il n'en croit rien, et c'est tant mieux:
«La perte de l'être aimé témoigne du contraire
L'impossibilité du vide
La persistance des instants vécus»
Présentement il conclut:
«Il pleut de grosses gouttes
Sur le trottoir, sur la chaussée
Sur le bord de la fenêtre
Sur mon âme inconsolable
D'aussi loin que je me souvienne»
Blog de FRANCIS RICHARD
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Stéphane Blok trinque à la santé des esprits
La vie est une feuille morte qui se pose sur le béton. Où le
musicien-poète lausannois se promène pour retrouver le souffle des
vivants déjà partis, et guetter les petites joies qui demeurent –
l’amour et les bières fraîches notamment.
Une forme qui, se souvenant d’avoir été chant, convient à merveille au
poète Stéphane Blok. Jazzman du désarroi moderne, chantre de ce qui
pousse entre les immeubles, le Lausannois publie une nouvelle salve de
poèmes comme autant de promenades en compagnie de quelques esprits.
Vivants déjà partis, dont le souffle perdure et qu’il faut apprendre à
percevoir dans le «vent sonore», dans «le bruit des gouttes de la fonte
des neiges», dans le regard des oiseaux silencieux. De quoi offrir une
nouvelle texture à ce présent inquiet, où les rêves s’épuisent sur les
trottoirs en surchauffe.
Fidèle à son expressivité sensorielle dénuée de formalisme comme
d’hermétisme, le musicien-écrivain joue de contrastes pour célébrer la
profonde ambivalence du vivre: une feuille morte se pose sur le béton,
des enfants s’amusent en dépit des bombes. C’est que «la vie est
malheureusement belle / très belle», et qu’il suffit de savoir flâner
parmi les rares joies qu’elle dispense, amour ou bières fraîches.
Manière, humble et lucide, de prolonger à pied ce chemin
qu’empruntaient nos fantômes. Et comme nulle empreinte ne persiste sur
l’asphalte, il y a la poésie. Il y a ces poèmes.
THIERRY RABOUD, La Liberté
Esprit ou esprits
Qu’importe
La terre est parsemée
De ce qui fut
Et déjà hantée
Par ce qu’elle sera
Cinq ans après Autres Poèmes (réédité en 2022), Ballades avec les esprits est le nouveau recueil de poèmes de Stéphane Blok.
Balades sur les traces de ce qui fut, les poèmes évoquent autant la
filiation – le ressenti du mouvement qui aboutit à notre présence
aujourd’hui – que l’absence des êtres aimés, les espride la nature,
l’invisible ou la magie. S’arrêter, prendre le temps de se retourner,
suspendre la fuite en avant d’une modernité déracinée qui ne se
souvient plus pourquoi elle court.
Le vernissage aura lieu ledimanche 7 à la Crique, dans le cadre du «Livre sur les quais».
Contact : info@campiche.ch / heretiques@blok.ch
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
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