LAURENCE VERREY

DE LA SOIF

Poésie
2025. 112 pages. Prix: CHF 20.00
ISBN 978-2-88241-561-5

Colauréate du Prix Louise Labé 2025


Biographie

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Laurence Verrey, De la soif

«L’expérience de la traversée est la seule expérience» écrivait Christian Gabriel/le Guez Ricord dans Rosace. Comment ne pas éprouver ici, dans ces pages de Laurence Verrey, le témoignage d’une telle pratique? La survenue du poème, tout d’abord, ce temps intime, enfoui, profondément mystérieux, qui un jour déborde la vie entravée et sort des entrailles: «un coup de grisou balayait le vieux silence».
Expérience de pulsion, d’arrachement, qui plus tard se donne comme un recours, un espace où revenir «en écho à parler», sous le signe de Philippe Jaccottet. Et puis viennent ces gestes qui apprennent d’une expérience ou d’une rencontre à l’autre à insister pour «éclaircir l’énigme». La suite des poèmes de Laurence Verrey nous offre ainsi, tout au long de ce livre, une métamorphose de l’acte d’écrire qui est ceci et cela, et plus encore le passage de ces différents états: fièvres, flux, frondes, fugues, feux, cartes, façons d’aller au monde à partir de la plus petite brèche jusqu’aux sentiments ouverts qui excèdent notre mesure.
Le lecteur trouvera ici une palette remarquable des champs de regard que l’auteure a traversés, alternant mouvements panoramiques et plan focal, saisies de voyages récents («Ode au Ventoux», «Arménie 2024») ou vies de l’instant avec le «pollen polyglotte». Une agilité sensible qui parvient à déployer et à ramasser, au gré de ce qui advient, comme à la découverte d’un jeu promis depuis l’enfance. Sur la route du ciel/ je marche à l’envers/avec les étoiles.
Le pain de l’amitié y a toute sa part comme ce «À pleine poitrine» dédié à l’ami poète Jean-Marie Berthier ou ce généreux «Entre île et aile» quand le voyage s’étire sans fin, offert aux poètes du groupe du Scriptorium. D’une île à l’autre, ainsi vont ces poèmes avec une progression rythmée où l’on reconnaîtra tout l’art musical de l’auteure de Lutter avec l’ange.
De la soif est une nouvelle voix d’Antigone, face à l’avancée du désert, à la protestation du glacier et plus encore, face à la haine accablante. Un témoignage qui est aussi un testament déposé dans les mains de celles et ceux qui nous suivront. Ce pour quoi ce livre, sûrement l’un des plus importants dans l’œuvre de Laurence Verrey, et dont le titre sonne comme un traité de l’indicible nous touche tant:
«…aujourd’hui je dépose ma soif/ dans l’osier d’un berceau/ dans la clarté d’un visage au creux/
des bras aimés qui ne la trahiront pas/ je confie mon rire aux enfants/
des rues j’abandonne mon sort à/ ce qui vient et que je ne maîtrise pas.»

DOMONIQUE SORRENTE,
Phénix

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Avoir soif de. Une expression banale, une image simple pour des thèmes qui ne le sont pas, mais dont l’esprit et le cœur aspirent à trouver le sens. Entre les vers jetés sur la page en liberté, la nature et la puissance de la vie partagent l’espace élégiaque avec les grandes questions qui transpercent notre temps…
Poétesse active et «militante», notamment à travers l’association Poésie en mouvement (POEM) ou la manifestation morgienne des Salves poétiques, Laurence Verrey incarne un art humaniste de l'écriture travaillée, entre inspiration stylistique et ouverture sur le monde.

Marie-Claire Suise @ MarieClaire Suisse

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«Pour Laurence Verrey, plus qu'un thème, la soif est cette tension primordiale qui accompagne l’existence», écrit l'éditeur en fin de volume.

Il ajoute que cette soif est «à la fois creusée et comblée par l’écriture.»

Dans ce recueil de poèmes, regroupés par thèmes, la poétesse la communique au lecteur. Elle est sous-jacente ou exprimée, quel que soit le thème.
 
FIÈVRES

Dans Corps traversé I, il peut lire:
«Ce qui n'était pas encore
parole
[...]
se tendait
vers les eaux intérieures»

En l'occurrence le mot important est «parole», qu'il peut retrouver dans Corps traversé II, où la poétesse se donne un «mot d'ordre:
se déprendre
de ce corset réservé à la parole
des filles»
Comment y parvenir? Elle le dit dans Dire encore:
«recourir au poème»
 qui est, pour elle, comme une planche de salut:
«morceau de bois
lettre pauvre
nudité de nos mains»

L'éditeur a donc raison quand il parle du rôle de l'écriture, puisqu'elle précise qu'à «la parole éclipsée:
il suffit cependant d'un mot
fluide
qui repousse le sec»

Plus loin, dans Éclaircir l'énigme, elle dit:
«La parole est le seuil de l’indompté»

Aussi, quel que soit le mot qu'elle prononce, voit-elle plein de choses, qui ne sont pas forcément celles que voit le lecteur.
 
FLUX

Dans Famille de passage I:
«On aura senti dès le matin
une ivresse infime un vent blanc
se glisser entre nous
                    et coulée dans la gorge
                    cette belle joie du ciel
 
«L’inconnu de passage» lui demande:
                    «Est-ce l'alcool du poème
                    ou l'attente sur le rivage dévasté
                    qui nous tient?»
Elle lui répond par une autre interrogation:
                    «est-ce le mot terre
                    qui se prend dans nos pieds
                    suspend l'exil?»

Là encore le mot peut être salvateur, et, dans la question, se trouve une réponse.

Plus loin, dans Famille de passage II, la soif est employée dans les deux sens, propre et figuré:
«nous poussons des bourgeons sous la neige
et comme hier encore autour de la table partagée
nous buvons à la soif qui ne meurt pas»
Plus loin, elle dit, dans Traces du désir:
«À la soif des cimes, la cime la plus haute
crie qu'on vienne la boire
il est tant d'eau perdue»
Il suffit parfois d'employer ce mot de soif, comme dans Famille de passage III, pour qu'il fasse de l'effet:
«nous disons soif
          et le poème s'en vient
          comme une eau»

FRONDES

Dans De la soif elle donne la parole à Antigone. L'expression est employée dans le sens de thème:
«Parler de la soif - pas plus que la mort
n'est épuisé»
et dans celui d'origine:
«De la soif me vient l'amour du chant
le tintement d'une fontaine l'eau d'un lac»
Dans Certains soirs, place est faite davantage à la tension primordiale qu'à la soif proprement dite:
«Certains soirs on voit
passer une ombre
un interdit
une question égarée
on lève un sens
n'importe lequel
pourvu qu'il répande
un peu de jour
cela dit»

CARTES

Dans Mouvement, le lecteur retrouve la dilection que la poétesse a pour les fluides:
«Sous le signe de l'évasion
rivières et fleuves sortent de leur lit
serpents d'eau impatients»
et pour les mots:
«frais comme le cresson la luzerne
les noms les sources
       s'ancrent
       dans la terre»
 
Dans Désert, elle file la métaphore de la soif:
langues sèches des chardons

De même que dans Glacier:
«Sous la glace ou sous la langue
       plus rien que de la pierre
l'eau s'en va goutte à goutte
       minuscule protestation»

FEUX

Dans une heure à peine
, il s'agit d'une toute autre soif:
«il fera nuit de nouveau
[...]
et avant que la mer
ne sombre
dans son lourd
son ruminant sommeil
vient l'envie de boire
une bonne dose
de volcan
pour réveiller l’endormi»
 
FUGUES

Dans Ode au Mont Ventoux, la soif de poétesse se fait désir, difficile à assouvir:
«Touche la montagne effluve et brume
lointaine elle disparaît
et tout à coup se donne
désirée elle vibre libre qui pourrait s'en emparer
si ce n'est la paume fraternelle des vents ?»
 
Dans Arménie 2024, «un chant de larmes» monte de cette terre martyre et une autre soif apparaît dans la question qu'elle pose en conclusion:
«cependant qui par-delà les monts Ararat
se fera défenseur du plus faible
si le voisin conquérant décide de l'écraser
de céder à la soif des voleurs d'eau
à la faim impitoyable des dévorants ?»

ÎLES

Le recueil se termine sur ce thème. Et les premiers vers feraient déjà une très belle fin:
«Entre île et aile se glisse ivre et leste
la voyelle de la différence
quand l'île durcit le ton l'aile enchante le gouffre
pour aller d'il à elle - comme d'air à airelle -
un passage une libre césure
et pourtant si souvent la dureté du mur»

Blog de FRANCIS RICHARD

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Pour Laurence Verrey, plus qu’un thème, la soif est une manière d’être au monde, qui dit l’attente, une tension pour dépasser l’aridité. La soif, pour celle qui ressent le manque et crie vers l’eau, c’est s’en remettre au désir, à l’intensité de vivre, par l’écriture. Nommée dès les premiers recueils dans l’oeuvre de l’auteure, la soif ouvre à une fraternité des errants de la langue que nous sommes. Elle est incarnée par la figure d’Antigone (dont le poème ouvre la troisième partie du recueil, intitulée frondes) qui oppose à l’épouvante des siècles un horizon pour la paix désirée.


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