camPoche 40


Antonin Moeri

Paradise Now

nouvelles
2009. 260 pages. Prix: CHF 16.–
ISBN 978-2-88241-251-5

Édition originale parue en 2000 chez Bernard Campiche Éditeur


Biographie

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Chroniqueur des vertiges intimes et des ruptures sociales, Antonin Moeri s’interroge avec le regard étonné d’un Huron dans les trente et une nouvelles – terme auquel son narrateur préfère ceux de lignes, notes, ou notations. De quoi parlent ces histoires déroutantes qui restent en supens, à peine ébauchées, comme si l’attente et l’incertitude constituaient leur climat d’élection? D’un monde où il est difficile de trouver sa place, lorsqu’on se pose toutes sortes de questions sans réponse. Mais l’écrivain enfermé dans sa chambre n’affirme-t-il pas que «dormir, rêver et inventer, cela est délicieux, plus délicieux que toute certitude»? L’enfance, l’adolescence, l’école, la famille, les surprises de la vie défilent sous nos yeux comme les figures étranges et familières d’un carrousel, qui tournent, montent et descendent : un grutier décide de vivre en plein ciel, une jeune fille meurt de ne pas trouver de raisons de vivre, un petit garçon apprend à pêcher, un promeneur ravi par «les bruissements innombrables» des futaies se souvient de son père en voyant un écureuil… Et le narrateur est là pour raconter «ce qui (lui) advient dans l’écriture, cette utopie d’exactitude, ce temps rare qu’on arrache à la mort».

ISABELLE MARTIN, Le Temps


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La réédition en poche de Paradise Now, paru originellement en 2000, remet en lumière ce recueil, un des meilleurs livres d'Antonin Moeri. Quand il a paru, la presse unanime, citée à la fin du recueil, a célébré son art du bref.
Les textes d'Antonin Moeri font entre 3 et 5 pages. Ces courtes histoires «restent en suspens», écrit Isabelle Martin dans Le Temps, «à peine ébauchées, comme si l'attente et l'incertitude constituaient leur climat d'élection».
Les 31 notes parfaitement écrites (on n'ose les appeler nouvelles tant elles se dégagent de ce genre codifié) parlent de gens déstabilisés. Un grutier ne veut plus descendre de son engin. Un top model chouchouté voit son couple se déliter. L'écureuil que voit un promeneur lui rappelle son père mourant... Courts fragments de vie discontinus.
Et chaque histoire, si on l'examine, peut encore être décomposée. Prenons au hasard «Épiphanie». «Un jour d'hiver, Louis Bron, réparateur de photocopieuses, vint au village où sa femme et leur fils passaient des vacances.» Cette première phrase contient en germe plusieurs micro-histoires, qui seront exposées en quatre pages et demie.
La première parle des stratégies que Bron a développées pour obtenir un jour de congé dans son entreprise de photocopieuses. Puis le thème est clos. De photocopieuses et de travail, il ne sera plus question. On passe à une description percutante du village.
Troisième partie: Bron part faire du ski de fond et salue femme et enfants. Toute une opacité familiale est brusquement saisie dans ces quelques lignes: le malaise et la culpabilité de l'épouse qui voit que le lieu choisi déplaît à Bron; la dépendance infantile de celui-ci à sa femme.
Enfin il part, il est libre. La dernière scène arrive: Louis assis sur un banc, devant une ferme, voit une magnifique femme blonde, miraculeuse apparition. « Préférant garder le souvenir d'une minute heureuse, Louis se leva discrètement, se détourna pudiquement, chaussa ses skis et poursuivit sa balade inoubliable dans une région romantique où la tremblante réverbération sur la neige durcie faisait courir les étoiles dans un tourbillon de douceur. »
Tout l'art de Moeri est là: observation de faits, non-ingérence dans le monde, suite d'instantanés, langue travaillée. Le monde qu'il décrit est discontinu. La société contemporaine ne peut être comprise globalement, semble dire Paradise Now. Mais cet univers fragmenté et incompréhensible est source de délices: les images, les vues, les mots.

Blog d’ALAIN BAGNOUD


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