Lutter contre l'homophobie, accepter les différences
À l’heure où le conseiller national Matthias Reynard (PS/VS) vient de
déposer à Berne une initiative parlementaire qui veut ajouter à
l’article 261bis du Code pénal la discrimination sur l’orientation
sexuelle aux côtés de l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse,
le livre de Nicolas Verdan prend une actualité qui interpelle; il
appelle à la vigilance pour lutter contre les discriminations et les
exclusions, quelles qu’elles soient, et au respect de l’autre dans sa
différence. Longtemps tue, la persécution des homosexuels par les nazis
est contée dans ce livre qui tient du roman policier et du document
historique et se déroule en un magistral contrepoint superposant trois
périodes: l’avant-guerre (1932,33), la guerre, l’après-guerre (1958) et
trois lieux: le Berlin canaille des années 30, le jeune État d’Israël,
moins Terre promise qu’il n’y paraît, l’Argentine, refuge d’anciens
nazis. En jeu, la liste établie par le Dr Magnus Hirschfeld, lui-même
juif et homosexuel, qui avait fondé un institut célèbre de sexologie et
s’efforçait de convaincre ses patients de s’accepter tels qu’ils
étaient. Cette liste était dangereusement compromettante, car elle
contenait des noms de nazis qui avaient consulté le Dr Hirschfeld et
voulaient s’en cacher, mais aussi parce qu’elle pouvait permettre au
Mossad (services secrets israéliens) de retrouver des criminels de
guerre. Plus que l’horreur de cette époque perpétrée avec un
inconcevable cynisme, c’est le souci de rappeler l’humain dans tout
homme, avec sa part de souffrance qui peut virer hélas à des abîmes de
noirceur, qui fait l’importance de ce livre; il est une mise en garde
non seulement contre l’oubli de ce qui s’est passé, mais surtout contre
l’intolérance, le rejet, les a priori qui conduisent à classer les gens
selon un besoin de normalisation discriminatoire.
MYRIAM TÉTAZ, Courrier de l’AVIVO
Plaidoyer
pour l’acceptation des différences, y compris sexuelles, roman
historique et policier, le livre de Nicolas Verdan est d’abord un récit
croisé de destins inscrits dans le temps comme dans l’Histoire. Son
héros est un homosexuel qui ne demande qu’une chose: qu’on le laisse
tranquille à propos de sa sexualité, que ce soit quand on lui montre de
l’hostilité ou quand on veut qu’il lutte pour la reconnaissance des
droits des homosexuels. Ce qu’il veut, c’est bénéficier du droit à
l’indifférence.
Les autres personnages sont soit des officiers nazis, soit le directeur
d’un institut de sexologie de Berlin, de surcroît juif, qui doit faire
face aux exactions du pouvoir hitlérien nouvellement installé. Des
agents du Mossad entrent aussi en scène quand le héros, Karl, qui fut
au nombre des Juifs expulsés vers la Palestine par les nazis, accepte
de les aider à retrouver en Argentine un ancien officier allemand tenu
pour responsable de l’extermination de Juifs.
Le choix de l’auteur est de montrer des personnages à plusieurs
facettes, et de ne pas céder à la facilité en montrant, par exemple,
que la mission des agents du Mossad est conclue par erreur de cible.
Facile à lire, prenant par son côté de roman historique et d’aventure, Le Patient du docteur Hirschfeld se
distingue par le choix du thème central: celui de l’homosexualité. Il
illustre la thèse selon laquelle la cruauté vis-à-vis des autres est la
manifestation de la peur que ceux-ci inspirent, et plus encore des
effets de la peur sur soi-même.
Après-demain
Coup de projecteur sur l’homophobie nazie
Un roman de Nicolas Verdan nous entraîne dans le milieu homosexuel sous Weimar et le IIIe Reich.
Nicolas Verdan s’est fait connaître par des romans qui lui ont inspiré
des faits historiques. Celui-ci se fonde sur la vie et l’œuvre d’un
personnage réel, le Dr Magnus Hirschfeld (1868-1935). Après avoir écrit
des ouvrages célèbres défendant la cause des homosexuels, il fonda en
1919 à Berlin l’Institut de sexologie, qui acquit une réputation
mondiale, avant d’être pillé et détruit par les nazis dès 1933.
Hirschfeld, juif et lui-même militant homosexuel, mourut en exit à
Nice. Dans le cadre de son Institut, il avait constitué une énorme
documentation, comportant des noms et un répertoire de toutes les
«déviances» sexuelles. C’est là qu’entre en jeu le roman, centré sur un
personnage mi-réel mi-fictif, l’avocat pragois Karl Fein. À travers de
nombreuses péripéties que nous ne dévoilerons pas au lecteur, il relate
les tentatives de la Gestapo, puis du Mossad (les services secrets
israéliens) pour s’emparer de cette documentation sulfureuse. La
première afin d’exercer un possible chantage sur des opposants au
nazisme ou supprimer les références à des dignitaires nazis «invertis»,
le second pour traquer un criminel de guerre nazi réfugié en Argentine.
Par sa structure, basée sur un aller-retour entre Berlin 1932-33 et
Tel-Aviv 1958, le livre, qui tient du roman policier ou d’espionnage
palpitant, présente quelque analogie avec Qui a tué Arlozorrof?
de Tobie Nathan, dont nous avons rendu compte dans ces colonnes. Le
thème principal est la répression féroce de l’homosexualité par le
régime hitlérien. L’auteur avance des arguments psychanalytiques
pertinents, montrant comment, chez les nazis, le refoulement de leurs
propres pulsions et la haine de soi ont pu entraîner la haine des
autres. Il dépeint «cet Übermensch
qui soignait sa peur de l’autre en projetant sur lui ses terreurs et
ses hontes. Le Juif, l’homosexuel devaient disparaître en lui.» On est
confronté au délire racial des médecins et eugénistes nazis. Nicolas
Verdan excelle à rendre les atmosphères: celle du Berlin «décadent» de
la fin de la République de Weimar, avec ses boîtes de nuit interlopes
(décrites avec une pointe de complaisance) où règnent les travestis;
celle du Tel-Aviv moderniste construit par des architectes allemands
s’inspirant du Bauhaus; celle des couloirs discrets et feutrés des
grandes banques zurichoises. Il nous entraîne aussi dans la
Thessalonique de 1943, au moment de la déportation de son importante
communauté juive, qui y était parfaitement intégrée depuis des siècles.
Et dans l’Argentine péroniste, havre complaisant pour les nombreux
criminels de guerre nazis qui échappèrent à la potence. Ce roman très
maîtrisé, qui pose des problèmes graves, a assurément mérité le Prix du
Public de la RTS et le Prix Schiller qui l’ont récompensé en 2012.
PIERRE JEANNERET, Gauchebdo
Le docteur Hirschfeld,
personnage mystérieux ayant réellement existé, est un sexologue
sulfureux, exerçant son art en Allemagne, dans les années trente. Il
s'est spécialisé dans les déviances sexuelles masculines,
homosexualité, travestisme, fétichisme. Lui-même homosexuel notoire, il
vient en aide à ceux qui n'assument pas leur sexualité. Lorsque les
nazis arrivent au pouvoir, il est contraint de fuir Berlin et
d'abandonner son célèbre Institut des sciences sexuelles. Avant de
partir, il confie la précieuse liste de ses patients à l'un d'entre
eux, Karl, et lui demande de la mettre à l'abri dans un coffre bancaire.
Le roman de Nicolas Verdan fait de multiples aller-retour entre 1933,
lorsque Karl est le patient du docteur, et 1958 lorsque le Mossad
recherche activement cette liste pour retrouver certains nazis.
Petit à petit, on découvre les secrets inavoués de certains
personnages, comme Blume, responsable du Bureau des Mariages, qui
n'autorise les jeunes gens à se marier que s'ils correspondent aux
critères eugéniques nazis.
Sans jamais croiser le docteur (on ne fait que lire ses dossiers, ou se
remémorer une de ses remarques), on entre dans son univers avec
facilité. La prouesse de Nicolas Verdan est de lâcher les informations
au compte-goutte. Au fil des chapitres, on découvre que Karl est bien
différent de ce que l'on s'imaginait, de même pour d'autres personnages
importants qui, au final, se révèlent à l'opposé de ce qu'ils
paraissent.
Ce roman n'est pas à proprement parler un énième roman sur les nazis et
leurs horreurs, mais plutôt un témoignage sur les interrogations que se
posent les hommes à propos de leur sexualité, et sur la notion de
normalité, de différences, d'exclusions, en temps de guerre, puis en
temps de paix, de reconstruction.
Très bien documenté, ce roman se lit facilement, avec intérêt et plaisir.
MARQUISE, climaginaire
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Mais
pourquoi veulent-ils tous mettre la main sur la liste des patients du
Dr Hirschfeld? Peu avant de mettre à sac son prestigieux Institut des
sciences sexuelles de Berlin, en 1933, les nazis fouillent le bureau de
ce sexologue qui en sait trop sur des hauts
dignitaires du Reich. En vain! Les dossiers comportant notamment le nom
de centaines d’homosexuels allemands ont disparu. Vingt-cinq ans plus
tard, le Mossad s’intéresse à son tour à cette fameuse liste. Construit
à partir de l’histoire réelle de la dramatique fin de carrière du
célèbre sexologue, ce roman explore cette tendance propre à toute
société humaine à légiférer nos préférences sexuelles, jusqu’à nous
assigner une «juste place» sur l’échelle des genres.
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