Manifestations, rencontres et signatures Index des auteurs
Olivier Sillig, né à Lausanne, successivement
psychologue, informaticien, peintre, cinéaste et écrivain, est avant
tout romancier. Toujours en bordure de genre, ses romans vont de la
science-fiction aux récits historiques, en passant par le fantastique,
le kafkaïen et le roman policier. Un éclectisme qu’il revendique.
En 2009, Olivier Sillig a reçu le Prix Bibliomedia 2009 pour son roman Lyon, simple filature (Éd. Encre fraîche), et la Bourse à l'écriture 2009 du Canton de Vaud.
Olivi Sillig a édité, notamment, aux éditions L'Âge d'Homme; aux éditions Encre fraîche.
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Olivier Sillig, sorcier et conteur protéiforme
Olivier Sillig est un personnage multiple et passablement
insaisissable, qu’on pourrait dire sans risquer de toucher trop loin de
la cible: singulier. Lui qui dit ne croire à rien donne plutôt
l’impression de faire un peu tout et non sans conviction même si, aux
dernières nouvelles, c’est écrire des romans qu’il préfère. Or, à
l’approche de ses soixante ans, cette espèce de jeune homme prolongé a
multiplié les expériences tous azimuts, de la théologie à la
construction de petits bateaux en fer-blanc genre art brut, en passant
par la psychologie plus ou moins profonde et l’assistanat social, le
dessin virtuose, le cinéma, l’informatique et le bricolage menuisier
sur La Galère,
jusqu’à toutes les formes de littérature. La science-fiction
poético-philosophique (qui lui vaut les honneurs de la collection de
poche Folio, pour un livre au titre peu vaudois de Bzjeurd), les nouvelles (une tripotée) et le roman (dont le cinquième, Lyon, simple filature,
a décroché cette année le Prix Bibliomedia). Chaque fois dans un autre
genre et une autre tonalité, mais avec des thèmes qui lui tiennent à
cœur et au corps, dont la question de l’identité et, plus précisément,
de l’identité sexuelle. Lui qui, pour sa sensibilité aiguë, était
qualifié de «fille manquée» en son enfance, a pris sa revanche à onze
ans en coiffant au poteau les lascars participant à un concours sportif
local dont il fut le héros – bon pour l’ego. Par ailleurs, malgré sa
dyslexie sévère, les dons d’expression ne lui manqueront pas. Mon
souvenir personnel se situe dans la classe d’expression artistique
facultative du collège lausannois de Béthusy et les camps de dessin de
Pierre Gisling. Le petit Sillig était du type réellement original.
Suffit d’un coup d’œil à la galerie de peintures et de croquis de son
blog pour s’en convaincre. L’on y trouve également, comme une
constellation hirsute, les traces de sa créativité tous azimuts.
Une expo assez saisissante, dans le vaste espace d’accueil du CHUV, il
y a quelques années, déployait les croquis d’Olivier Sillig, au talent
baroque fellinien sur les bords, qui pourraient illustrer, couleurs de
bédéaste à l’appui, ses six romans si singuliers aussi. Ceux-ci, de Bzjeurd l’étrange à La Cire perdue,
le plus ambitieux, racontent chacun à sa façon l’histoire d’un garçon
solitaire rêvant de pays qui font semblant d’exister pour nous
permettre de nous raconter, et qui deviennent bel et bien lieu de
rencontre pour celui qui écrit et ceux qui lisent…
«C’est peut-être dans Bzjeurd que j’ai parlé le plus de moi-même», relève Olivier Sillig à propos de cet étrange roman d’après l’Apocalypse (les amateurs de La Route,
de McCarthy, apprécieront) évoquant aussi les fables «désertes» d’un
Buzzati. Or le rêve éveillé de ce fils d’architecte lausannois bien
peigné et bon papa, qui sourit en relisant Pollyanna, d’Eleanor Porter (la petite fille se consolant de toutes les poisses par l’imagination du pire), et Les Mémoires d’un âne,
de la Comtesse de Ségur, n’a cessé de pousser de nouvelles pointes dans
le grand labyrinthe aux énigmes éternelles, pour nous ramener en 1492,
avec Cire perdue, aux rives d’une étrange exploration des sentiments,
où la confusion des sexes et des sentiments va de pair avec les
fantasmes de l’illusionniste facétieux. Jusqu’à sa façon
d’esquiver toute explication «logique», le conteur se montre fidèle à
lui-même, slalomant entre émotions fortes et aventures révélatrices,
érotisme et transgression, courts-métrages ancrés dans notre temps et
récits fantastiques. Sous l’éclairage multiple que ce bricoleur se
ménage en construisant des lampes (qu’il commercialise) aussi
extravagantes que les bateaux de fer-blanc conçus pour être lancés sur
les mers de son imagination. Aux dernières nouvelles, il préparait sa
prochaine prestation de slam au Bourg (il se produit sous le pseudo de
512) et travaillait à un projet de récit dans lequel un émigré russe
erre dans un Bronx imaginaire – «En fait, je trouve la vie rêvée plus
belle que la vie vécue.» Et le noyau, le mobile de ce tourbillon
créateur rappelant le besoin des enfants (et des artistes bruts) de
saturer leur feuille blanche? On priera le psy de service de ne pas la
ramener, on remerciera sa famille (de sa grande sœur jadis punitive à
sa fille Lucia) de ne l’avoir pas fait enfermer pour sa dinguerie
imprévisible, e la nave va…
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
Le blog d’Olivier Sillig
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