OLIVIER SILLIG

LA CIRE PERDUE

Roman
2009. 448 pages. Épuisé.

ISBN 2-88241-235-5, EAN 9782882412355
Dessin original de couverture de Dode Lambert


Biographie



«Approchez, Mesdames et Messieurs, venez plus près, déposez votre obole et glissez-vous sous la tente! En ce mois de mars, douzième de 1492, Hardouin, le montreur ambulant, vous présen-tera la Chose, un hermaphrodite adolescent conservé dans une bombonne d’eau-de-vie. Pour votre plus grande édification, nous promenons de foire en foire cette étrange créature, gagnée lors d’une mémorable partie de cartes qui vous sera contée.» Vous apprendrez comment le vieux montreur a sauvé d’une mort certaine Tyecelin, son actuel assistant, un gamin de sept ans. Vous suivrez leurs péripéties, leurs rencontres, la tribu qui se formera autour d’eux. Vous rencontrerez Grand Macabre, la chiromancienne qui fabulera la vraie vie de l’hermaphrodite, vous saurez l’histoire de Juan, le premier assistant parti avec Colomb aux Indes Occidentales, vous découvrirez Face-de-lune le mongolien, Ava la jeune aveugle et son fiancé défiguré, Delphin le délicat chevalier et Carolingine la tortue. Vous verrez des routes qui se séparent, qui se retrouvent, s’achèvent et recommencent. Approchez!»

La cire perdue est un procédé consistant à mouler de ­l’argile autour d’un modèle en cire, qui fond lorsqu’on coule le métal dans le moule (Petit Robert). Cette transmutation est un des thèmes conducteurs du roman.

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La Cire perdue

Écrivain, cinéaste, plasticien, Olivier Sillig pratique le mélange des genres. Ses livres aussi promènent sous différentes étiquettes – science-fiction, polar, roman historique – des interrogations sur l’identité sexuelle et sur la nature des relations humaines. Depuis Bzjeurd (L’Atalante, 1995, repris en Folio SF), Sillig a publié cinq autres romans, dont La Cire perdue, certainement son livre le plus ample et le plus abouti. On est en 1492, l’Amérique vient d’être découverte, mais le troupeau d’enfants sur lequel s’ouvre le récit ne le saura jamais. Réfugiés dans les cendres d’un village en ruines, ils sont déjà bleus et ne vivront pas au-delà du premier chapitre.
Seul Tiécelin, sept ans, sera sauvé. Emmené par Hardoin, un vieil homme qui fait métier d’exhiber de foire en foire un hermaphrodite conservé dans l’alcool, «la Chose». La Cire perdue est un vrai roman picaresque, avec succès, déboires, rebondissements. À la paire improbable du vieillard et du gamin vient s’agglutiner tout un cortège de fous: une enfant aveugle, un idiot, une travestie rescapée des délires de Gilles de Rais, et même une tortue. Le récit suit l’errance de la petite troupe en des temps déraisonnables. Les récits enchâssés enrichissent le fil principal et témoignent de la démesure de l’époque.
Olivier Sillig sait l’évoquer avec une économie de moyens et une générosité qui la rend proche et même contemporaine. Même s’il laisse entendre qu’il s’agit là d’un conte sans fin.

ISABELE RÜF, Le Phare

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Le conte de toutes les dualités

L’écrivain vaudois imagine un monde de bonimenteurs, un monstre hermaphrodite, le tout à la fin du XVe siècle. Pour mieux s’interroger sur le désir et l’attirance des sexes.

Récipiendaire de la Bourse à l’écriture du canton de Vaud 2009, s’apprêtant à en profiter pour écrire un livre inspiré par New York, Olivier Sillig prouve une fois de plus, en publiant La Cire perdue, qu’il est un auteur polygraphe. Exit la science-fiction ou le polar. Voici un conte. Et qui a du souffle à revendre. Mais au-delà d’un récit ne manquant ni d’imagination ni de rebondissements, Olivier Sillig propose un tout autre projet littéraire. Mais revenons tout de même à l’intrigue.
Fin XVe, alors que l’on s’apprête à découvrir l’Amérique, un homme nommé Hardouin s’arrête un soir dans une grange, quelque part en France. Il y choisit un enfant orphelin, Tiécelin, l’habille, le soigne et l’emmène. Pour lui proposer d’être son assistant. C’est que Hardouin est un bonimenteur, allant de foires en places publiques pour montrer sa «chose», un corps hermaphrodite conservé dans de l’eau-de-vie. On commence à subodorer que l’entreprise romanesque d’Olivier Sillig va virer au subtil jeu de pistes. D’autant que vont surgir une jeune aveugle qui sait tout du monde, un délicat chevalier défiguré, et que nous seront contées les histoires du premier assistant d’Hardouin, leurs amours charnelles, et celle de l’hermaphrodite, imaginée dans une Venise carnavalesque...

Où tout est dualité

Au-delà de cette débauche narrative qui se lit avec un plaisir sensuel, Olivier Sillig a mis en place tout un système de dualités. L’aveugle qui seule comprend ce qui se passe autour d’elle en est un exemple patent. Le symbole de l’hermaphrodite fonctionne au centre de ce système comme une interrogation centrale du récit: qu’en est-il de nos désirs, de notre attirance pour un sexe ou pour l’autre? Ainsi dans l’histoire fabulée de cette «chose», Olivier Sillig réussit habilement à imaginer une danse macabre du désir d’un corps pour le féminin et le masculin.
Accentuant sa réflexion, il souligne en passant que si Hardouin a été amoureux de son ancien assistant, ses émois homoérotiques n’ont rien à voir avec de la pédophilie, puisque le jeune Tiécelin, 7 ans au début du récit, n’est pas objet de désir, mais bien plutôt d’une sorte d’amour paternel. D’ailleurs, en développant son conte essentiellement du point de vue de Tiécelin, Olivier Sillig construit lentement une transmutation. Ou comment un gamin qui dans les premières pages du livre n’attendait que la mort dans le froid et le dénuement va connaître un parcours étonnant, quelques révélations, et devra se déterminer sur ses penchants amoureux.
La «cire perdue», nous rappelle-t-on en exergue, est un procédé consistant à mouler de l’argile autour d’un modèle en cire, qui fond lorsqu’on coule le métal dans le moule. C’est donc bien le thème de la transmutation qui court tout au long du récit. Mais on dira surtout que La cire perdue est un conte profondément humain. On saisit assez vite comment Olivier Sillig a moulé son argile romanesque autour du questionnement central de l’identité sexuelle et du désir. Cire thématique sur laquelle il déverse le métal de la réflexion et de l’introspection pour mieux brûler quelques clichés tenaces.

Une joyeuse hallucination

Mais il faut aussi souligner que La Cire perdue est un conte qui se lit avant tout dans une sorte de joyeuse hallucination. On se demande où ce diable d’Olivier Sillig va encore nous mener par le bout du nez. Les descriptions de la beauté et de la crasse, les scènes grotesques, les récits fabulés, tout s’enchaîne dans un délire où l’auteur, visiblement, a pris un immense plaisir à s’immerger. Jusqu’à se laisser emporter dans le lyrisme d’une conclusion où, ultime pirouette, l’auteur revient à la plus stricte logique: le monde ne perdure que par les enfants des enfants des enfants que nous devenons un jour. C’est un peu court peut-être, mais cela aura permis à Olivier Sillig de s’interroger sur l’amour sans plomber son roman.

JACQUES STERCHI, La Liberté

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Fin du XVe siècle. Hardouin, montreur de monstres, va de village en village pour exposer « La Chose », un adolescent hermaphrodite conservé sous verre. Près d’une grange, il découvre des enfants mourant de froid et sauve Tiécelin, un gamin dégourdi qui va rapidement devenir son assistant. Durant leur périple, ils rencontreront des figures peu habituelles, telle Grand Macabre, une mystérieuse voyante qui raconte l’histoire de Carlocarla, et bien d’autres personnages. Un roman historique surprenant et foisonnant d’images.

KARINE FANKHAUSER, Payot-Lausanne

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Un cortège de saltimbanques

S’installant au XVe siècle, Olivier Sillig déploie dans La Cire perdue ses talents de conteur autour d’une joyeuse troupe qui parcourt le monde, en tentant d’en apprendre un peu plus sur l’humain.
Difficile de ne pas penser un peu au Capitaine Fracasse, en suivant, dans ce chariot qui va de ville en ville et de foire en foire à travers l’Europe, les aventures d’Hardouin et de Tiécelin, transbahutés au pas de la mule Riquette.
Le récit de La Cire perdue, dernier roman du Lausannois Olivier Sillig, se déroule à la fin du XVe siècle, quelque 150 ans avant celui de Théophile Gautier. Mais on retrouve néanmoins dans ce roman, épais mais mené avec efficacité, un souffle épique à la fois tragique et léger qui se développe au petit bonheur des rencontres: brigands, compagnons de foires et de tréteaux, bonimenteurs et diseurs d’aventure, amoureux violents ou doux, travestis ou masqués. A l’image de «La Chose» qu’ils transportent et montrent aux badauds non sans l’entourer d’une mise en scène mystérieuse, les rencontres des deux compagnons de fortune et d’infortunes sont ambiguës: un même être peut s’avérer porteur de bonheur et dévastateur.
Au début du roman, Hardouin, le vieux, sauve Tiécelin, l’enfant, d’une mort certaine dans la nuit d’hiver. L’enfant, orphelin, se rebelle d’abord puis se laisse apprivoiser par cet homme devenu montreur de «monstre» un peu par hasard, histoire de gagner de quoi manger et de parcourir le monde, tout en continuant d’en sonder les mystères. Belle figure que ce Hardouin, amoureux des hommes, frère de ces Séfarades qu’il croisera, fuyant sur les routes d’Espagne, ami des savants et des peintres. Le voilà soudain devenu père, chargé d’un petit Tiécelin, qu’il emmène avec lui pour lui enseigner à la fois la cruauté et la beauté du monde. C’est aussi l’histoire d’une compagnie qui crée peu à peu: Face-de-lune, un jeune garçon attardé, grimpe sur le chariot. Ava, une jeune rousse sans yeux, l’y rejoint. Les amours des uns et des autres ajoutent d’autres attelages à la troupe qui forme peu à peu un cortège de saltimbanques.

Dialogues directs

Les dialogues entre personnages sont directs, très simples, pas de grandes descriptions mais un réel art du conte. On sent bien, à la lire, que malgré la présence de la grande Histoire qui secoue parfois le chariot de Hardouin et Tiécelin, cette Cire perdue n’est pas tout à fait de son époque. Elle a plusieurs siècles d’avance, comme si Hardouin savait déjà ce que de futurs psychologues découvriront beaucoup plus tard sur les enfants. Le respect de toute différence au sein du petit groupe répond lui aussi à des exigences très contemporaines.



Roman épique, roman d’apprentissage, conte humaniste, La Cire perdue d’Olivier Sillig se nourrit de tout cela. L’auteur jette un regard somme toute joyeux sur le monde. Il jette l’un après l’autre les problèmes par-dessus bord. Il n’élude pas le malheur, mais ne s’y attarde guère, lui préférant les bienfaits de la tolérance et de l’amitié. Après tout, comme le dit Tiécelin à qui une voyante fait le récit tragique de la vie de l’hermaphrodite: «Ton histoire ce n’est qu’une histoire.» Cette histoire n’est qu’une histoire parmi d’autres, certes, mais bien enlevée et qui possède un certain charme.


ELEONORE SULSER, Le Temps

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Fantaisie médiévale

Olivier Sillig suit, au cœur du Moyen Âge, un saltimbanque qui gagne sa vie en présentant au public un hermaphrodite conservé dans un bocal d’eau-de-vie.

La Cire perdue, qui vient de paraître chez Bernard Campiche Éditeur, est le sixième roman d’Olivier Sillig, auteur installé à Lausanne et âgé de cinquante-huit ans. Ce livre, qui mêle allégrement les genres, est séduisant, même s’il explore parfois des mondes troubles.
L’histoire est pour le moins singulière. Hardouin, un saltimbanque, sauve la vie d’un enfant qui va mourir avec vingt-quatre autres. Il l’emmène sur les routes pour en faire son assistant. Âgé de sept ans, Tiécelin va apprendre le métier de bateleur pour aider Hardouin à attirer le public des villes et des foires vers une attraction pour le moins étonnante: Hardouin et Tiécelin présentent au public «La Chose», un hermaphrodite adolescent enfermé dans un bocal d’eau-de-vie.
Au fil des pages, le lecteur ira, selon pérégrinations du duo, de surprise en surprise. La petite histoire se mêle à la grande lorsque le premier assistant d’Hardouin, Juan, s’engage comme mousse, en 1492, sur les bateaux de Christophe Colomb. Une étonnante galerie de portraits parsème également le texte: la chiromancienne Grand Macabre, le mongolien Face-de-Lune, Ava la jeune aveugle ou Carolingine la tortue… Au final, la petite bande s’élargit et c’est une tribu qui tient de la cour des miracles qui marche sur les routes médiévales.
Les choses se mêlent dans ce roman, sans qu’on sache toujours où l’auteur veut nous conduire. Les thématiques centrales du livre – à l’exception certainement de celle de la pendaison – pourraient s’exprimer aussi bien dans un contexte contemporain, car le Moyen Âge de ces pages, sans jugement de valeur, est parfois de pacotille. On y sent un auteur qui a eu du plaisir à se plonger dans cette époque et qui ne s’est pas gêné de l’exploiter pour ses visées romanesques: «Quand j’ai démarré le livre, je me suis acheté un dictionnaire du Moyen Âge et ensuite j’ai beaucoup utilisé Wikipédia, en croisant avec le dictionnaire pour m’assurer des informations.»

Une auberge espagnole

Le point fort du livre tient dans la relation entre Hardouin et ses deux assistants dont il devient en quelque sorte le père. Mais cette belle image est parfois troublée par les soucis rencontrés par Hardouin qui craint d’aimer trop Juan, son «fils» spirituel, lequel découvre au fil des pages qu’il partage avec Hardouin une attirance vers les êtres du même sexe.
Olivier Sillig explique que «beaucoup de mes romans tournent autour de l’identité sexuelle. Et là, je voulais aborder un thème qui nous interpelle tous, celui de la pédophilie.»
Mais il ne faut pas trop compter sur l’auteur pour l’auto-analyse de ses romans, il se dit peu compétent pour l’exercice. Lorsqu’on lui demande si son livre est historique, ou fantastique, il répond: «En tout cas pas historique, à mon avis un peu fantastique. Mais je suis toujours en bordure de tous les genres.» Quant au pourquoi de la figure centrale de cet hermaphrodite médiéval? «Quand j’écris, je ne m’occupe pas trop des thèmes.» Autant dire qu’il faudra vous faire une idée personnelle du roman: «Peut-être que mes bouquins, ce sont des auberges espagnoles.» Une chose est certaine, dit-il, «je ne me censure pas, même si ce roman est moins dégueulasse que d’autres que j’ai écrits.»

Déconcertant

Comme on peut s’y attendre au vu de ce qui précède, l’homme Olivier Sillig est déconcertant et peu conventionnel. Il a étudié un peu la psychologie – «une erreur de jeunesse» – travaillé plusieurs années dans l’informatique – «ça c’était bien» – et beaucoup créé: «C’est décidément quand je fais de la création – même la cuisine – que je suis heureux.» Après avoir peint, «sans aimer la nécessité de commercialiser les œuvres», fait du cinéma, «mais, c’est laborieux», construit avec passion des petits bateaux et s’être obstiné à faire des croquis, il s’est lancé dans l’écriture: «Il a fallu du temps avant que je sois publié. Je ne savais pas si mon premier livre était lisible, j’ai fait sept ans avant de le publier.»
Ce premier roman, Bzjeurd, une œuvre de science-fiction, a connu un succès qui a permis à Olivier Sillig d’être publié dans la collection Folio science-fiction. Aujourd’hui, il a le sentiment que «c’est romancier que j’aime le mieux être, que j’aime le mieux faire et c’est ça que je fais le mieux. J’ai plein de romans en stock.» Mais il ne se contente pas de ce seul art: il vient de réaliser un nouveau projet pour le cinéma et il se fait aussi connaître dans le monde du slam, dans le canton de Vaud, sous le nom de 512.
Il semble que sa vie ne supporte ni le vide ni l’ennui, il essaie de faire en sorte que ses romans n’en apportent pas non plus à ses lecteurs: «J’écris avec un petit lecteur en peluche sur mes épaules et je fais en sorte de ne pas l’ennuyer.»

CHARLY VEUTHEY, La Gruyère

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La Cire perdue

L’action du roman se déroule en 1492, l’année même où l’Amérique fut découverte. Cependant, pour les personnages qui évoluent en toile de fond de cette épopée, il s’agit d’une information dont ils n’auront jamais vent. Ils ne sont, en effet, pas de ceux qui les subissent. Tiécelin, sept ans, est le seul survivant parmi une myriade d’enfants retrouvés au milieu d’un village en ruine par Hardoin, un vieil homme qui mène une caravane de phénomènes de foire afin de gagner sa vie. On y retrouve, notamment, un hermaphrodite conservé dans l’alcool, une enfant sans yeux, un fou du village, une travestie et, même, une tortue. Hardoin se retrouve ainsi dans le rôle du père par procuration pour Tiécelin, mais également pour toute sa petite troupe, qui, au fil de ses pérégrinations, jettera un regard innocent sur les grandeurs ou les atrocités propres à cette époque. Un roman riche et complexe qui plaira, sans aucun doute, à tous ceux et celles qui sont attirés par l’histoire.

BENOÎT MIGNEAULT, Fugues



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