Venez guetter l’ironie de l’histoire
Revoilà Antonin Moeri dans un ensemble de nouvelles d’intrigante allée: Le Sourire de Mickey. Fameux.
De sacrées balades, et d’étonnantes traversées, ces histoires qui passent dans le huitième livre d’Antonin Moeri, Le Sourire de Mickey. Et vous n’avez pas fini de vous laisser prendre à leurs énigmatiques foulées, comme au jeu de leur ironique distance…
Voyez plutôt tandis que vous avancez dans ces rencontres. Là un homme
et une femme qui gardent leur secret dans l’alentour d’un monde
aseptisé et cependant de sourde violence, ici cette femme qu’on
pourrait croire décidée et qui d’un coup virevolte, plus tard cet homme
qui longtemps se confie dans une nuit de commissariat…
De la vie imprévue. Suspendue. Qui tourne drôle.
JEAN-DOMINIQUE HUMBERT, Coopération
Antonin Moeri poursuit, depuis bientôt une quinzaine d’années, un
travail littéraire des plus singuliers dont l’évolution constante et
l’ouverture progressive, du solipsisme exacerbé de ses premières
autofictions (Le Fils à maman, L’Ile intérieure et Les Yeux safran) à l’observation élargie par les nouvelles d’Allegro amoroso (gratifiées d’un Prix Schiller) et à l’avancée plus marquante encore de Paradise Now,
aboutissent aujourd’hui à un livre foisonnant, drôle et tendre, où
l’esprit critique appliqué au Brave New World actuel se distribue d’une
façon qui rompt avec toute convention, qu’elle relève du «politiquement
correct» ou de son contraire.
JEAN-LOUIS KUFFER, Le Passe-Muraille
Les narrateurs eux-mêmes sont de drôles d’animaux. La plupart ont pris
la fâcheuse habitude de ne pas terminer leurs histoires, ce qui classe
beaucoup de textes de Moeri dans la catégorie des portraits ou des
scènes de vie quotidienne plutôt que dans celle des nouvelles au sens
strict, avec chute qui clôt définitivement l’histoire. Ici, souvent, la
fin n’en est pas vraiment une. L’auteur reconnaît volontiers, sans se
l’expliquer, que, parfois «les chutes sont abruptes». Il utilise une
comparaison avec la musique: «C’est un peu comme dans la musique
contemporaine: tout à coup ça s’arrête. »
L’ironie est très souvent au rendez-vous. Si Antonin Moeri avoue «un
côté plutôt germanique et sérieux», il se soigne dans ses livres: «Dans
celui-ci plus encore que dans les précédents, dit-il, je me suis
efforcé d’être léger, même lorsque je racontais des histoires qui ne
l’étaient pas forcément.» Exercice réussi, on se surprend souvent à
sourire en lisant ces histoires peuplées d’individus parfaitement
«cruels et sadiques».
CHARLY VEUTHEY, La Gruyère
Observateur attentif et détaché, l’écrivain décrit ses personnages
comme les acteurs en représentation d’une comédie sociale cruelle, où
il s’agit pour survivre d’être «flexible», car ceux qui ne s’adaptent
pas sont rapidement exclus – ce qu’expriment jusque dans leur titre les
deux textes intitulés S’en aller et Raus!
Mais il le fait sans prendre parti, sur le ton d’un constat. Comme si
un «sentiment d’incertitude lui interdisait de porter un jugement». De
même qu’elles commencent parfois sur une mauvaise plaisanterie («La
lune est un astre […] alors que toi, t’es un désastre»), ces histoires
n’ont pas de vraie fin, elles se terminent sur un point d’interrogation
ou une considération incongrue. Sauf peut-être Mammy blue, la dernière nouvelle, qui renvoie d’un seul mot l’aîné des frères Pittet à la place du cadet mal-aimé.
ISABELLE MARTIN, Le Temps
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