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Préface. Par Édith Bianchi.
Le temps.
Par Jacques Pilet. Simone Oppliger a tenté de saisir en images le temps
qui passe. De Quand nous étions horlogers aux derniers travaux en vue
d’un livre qui devait s’intituler Un siècle, une vallée, une famille.
Vieilles photos de famille, de Renan, de Saint-Imier, du
«Jura-république», de vieux, de jeunes, d’objets anciens.
Amérique latine.
Par Jacques Pilet. Simone Oppliger, à l’adolescence, rêvait du Mexique.
Plus tard, elle le photographia. Elle parcourut aussi le Brésil, le
Pérou, le Guatemala, Panama, Cuba, les Antilles). Reportages.
Guerres.
Par Jacques Pilet. Deux reportages, l’un en Guinée Bissau (guerre de
libération contre le Portugal), l’autre au Vietnam deux ans avant la fin
du conflit. Reportages.
Exils. Par Jacques Pilet.
Simone Oppliger rencontra de nombreux requérants d’asile, noua avec
certains d’entre eux des amitiés durables. Elle sut leur parler, les
photographier, établir une connivence. Rappel du «Cœur et la terre»,
trajectoire de la famille de Leila.
Les planches.
Par Jacques Pilet. Simone Oppliger fut la photographe du Théâtre de
Carouge pendant une dizaine d’années. Elle suivit aussi plusieurs
tournages de films. Elle aimait saisir le jeu des comédiens.
Racines.
Par Jacques Pilet. Simone Oppliger ne cessa de cultiver ses racines,
soignant ses amitiés d’enfance, accompagnant les membres de sa famille
jusqu’à la mort. Images: paysages, personnages (de son amie Catinette
au vieux travaillant au jardin), Jacqueline sur son toit de Londres,
etc… Portraits de S. jeune (glamour), portraits ultérieurs.
Les corps.
Par Jacques Pilet. Simone Oppliger photographia la naissance
(sages-femmes), la mort (sa mère), les ventres ronds (Fanny enceinte),
les corps enfantins, les corps mystérieux (travesti), les corps sur le
sable.
Voyages intérieurs. Dans les dernières
années, Simone Oppliger se tourna vers une photographie plus
méditative. La recherche du soleil avant la nuit.
Images. objets, jardins, maisons, essais de couleurs, bords de mer, lumières de lac, l’hôpital.
Expositions
prévues, fin 2010, au Théâtre de Carouge (GE) et à la Galerie Focale, à
Nyon. Soirée prévue au Musée de l’Élysée, Lausanne.
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Simone Oppliger
Images de racines et d’exils
Du
blanc de l’hiver au blanc de l’absence, de la neige jurassienne qu’un
train traverse au blanc des mouettes qui cinglent vers le large, au
blanc de l’écume qui ourle le Léman, jusqu’à la page blanche où les
survivants consignent leurs souvenirs et tracent des mots d’amour, ce
beau livre évoque par le texte et l’image le parcours de Simone
Oppliger, photographe. Structuré en huit chapitres (Le temps,
Amérique latine, Guerres, Exils, Les planches, Racines, Les corps,
Voyages intérieurs), l’ouvrage s’articule autour d’un double mouvement:
l’aspiration à l’évasion et la nécessité des racines.
Née à Renan, près de Saint-Imier, Simone Oppliger a tôt éprouvé le
besoin de fuir ce coin de terre où l’hiver s’attarde. Au cours de sa
carrière, elle a tiré le portrait de ceux qui n’ont jamais quitté leur
coin de terre comme celui des migrants jetés sur les routes de l’exil.
«Elle ne cessa de se demander: pourquoi sont-ils donc partis? La
pauvreté, la guerre, bien sûr. Mais aussi, souvent, la fuite d’un
milieu étouffant, le rêve d’un ailleurs prometteur», se souvient
Jacques Pilet, son compagnon, qui rédige le texte introductif de chacun
des chapitres. «Elle est profondément d’ici, même si elle milite pour
manifester l’ailleurs et l’exil», estime Charles-Henri Favrod en
postface. Fille d’horloger, Simone Oppliger conserve un lien profond
avec la terre des origines et ses habitants taiseux. Ses photos
témoignent des travaux des champs, de rituels immémoriaux: des mains
aussi noueuses que les racines de gentianes qu’elles arrachent, la
bouchoyade, la forêt pétrifiée par le givre... «Chez moi, au Jura, la
terre est si sérieuse», écrit-elle. En 1980, elle publie Quand nous
étions horlogers, un livre magistral qui documente les mutations
douloureuses du monde horloger, les usines qui ferment, le savoir-faire
qui disparaît. Ce témoignage photographique s’impose spontanément comme
un «classique sur la civilisation jurassienne».
Figures de l’absence
Aux antipodes des longs hivers que rythme le tic-tac des horloges,
Simone Oppliger part se frotter au soleil de l’Amérique latine. Elle
photographie aussi la guerre, au Vietnam et en Guinée- Bissau. En
Suisse, elle rencontre nombre d’exilés, photographie les spectacles du
Théâtre de Carouge. Et puis, tandis que la maladie rétrécit l’horizon,
la photographe se concentre sur des objets, cailloux, bois flottants,
outils... Deux chaises vides, face au large ou dans une salle d’attente
à l’hôpital, qui préfigurent l’absence.
Le temps a rattrapé la fille de l’horloger. Simone Oppliger s’éteint au
printemps 2006, à 59 ans, des suites d’une longue maladie. «Saisir
l’intensité du présent. Simone Oppliger s’y employa sans cesse mais
avec une application particulière lorsqu’elle vit approcher la fin du
voyage. Le temps parut alors passer si vite. Et dans les dernières
heures, on lisait dans son regard comme un étonnement: déjà?» se
souvient Jacques Pilet.
ANTOINE DUPLAN, L’Hebdo
Simone Oppliger, grand angle
Les Éditions Bernard Campiche rendent un bel hommage à la photographe
décédée en 2006. Plus de 120 images et des textes de son compagnon,
Jacques Pilet.
Magnifique ouvrage que ce Simone Oppliger photographe
publié par Bernard Campiche. Magnifique parce qu’il magnifie fort
justement le travail de la photographe née à Renan, Jura, décédée d’un
cancer en 2006 à Cully. Son angle de vue était un grand angle.
Charles-Henri Favrod précise: «Toujours la sympathie et une effusion
contrôlée.» La rencontre. L’autre. Favrod encore: «Et toujours sans
autre prétention que le témoignage, sa foi en l’homme en dépit des
mécomptes du monde qui va son train infernal.»
L’essentiel: l’humain, toujours, dans ses photographies
Ce
train, Simone Oppliger le prend dans son Jura natal, cette terre «si
sérieuse». Là-haut, à Renan, «rien ne vient en abondance, ni les fruits
ni la parole, encore moins les visiteurs. Mais quand les choses se font
rares, elles deviennent précieuses. Ici, rien ne distrait de
l’essentiel». Alors bien sûr Simone Oppliger s’en ira de par le monde.
Mais de ce Jura essentiel restera toujours une trace sensible dans ses
photographies: pointer l’essentiel. L’humain toujours. Et puis la
maladie venue, une attention aux choses qui s’intensifie. Jacques
Pilet, qui fut son compagnon: «Le regard de la photographe tente de
restituer la présence physique des repères quotidiens. Chaises, murs,
plantes, cailloux.»
Le temps, la guerre, les gens
Les textes de Jacques Pilet jalonnent intelligemment l’ouvrage, sans
inutile pathos, tout d’admiration et de pudique témoignage. Simone
Oppliger a commencé par saisir en images le temps qui passe. Depuis Quand nous étions horlogers au livre qui n’a pas pu se terminer et qui devait s’intituler Un siècle, une vallée, une famille.
Et puis c’est ce grand angle sur le monde. L’Amérique latine si désirée
et passionnément photographiée, humainement. Toujours le regard,
toujours l’individu. La guerre aussi, en Guinée-Bissau lors de la
libération du Portugal et le Vietnam deux ans avant la fin du conflit.
L’exil quand Simone Oppliger va à la rencontre des requérants d’asile
en Suisse. Des images magnifiques parce que profondément humaines,
entre rire et regard noyé. Photographe de théâtre, des corps à la
recherche méditative intérieure. Jacques Pilet: «Simone Oppliger aimait
les mots. Ceux des autres remplissaient sa vie. Mais elle était économe
des siens: par pudeur et par perfectionnisme. Elle recherchait aussi la
sobriété des images.» Bien belle définition de l’art de Simone Oppliger.
L’enquête empathique
En 1986, la photographe se fait aussi écrivaine pour L’Amour mortel,
que réédite Bernard Campiche. G., l’amie d’enfance, vient d’être
assassinée par son amant, en Valais. «Ce livre n’est pas celui que je
voulais faire. Mon premier projet était joyeux, impertinent. Je devais
remonter avec G. les chemins de la vie jusqu’à notre enfance»,
notait-elle dans sa préface. Mais comme l’écrit Michel Contat, «Simone
Oppliger savait ce qu’était la mort, elle la regardait droit dans les
yeux». Grand angle.
JACQUES STERCHI, La Liberté et Le Courrier
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Simone Oppliger photographe
Il n’est jamais trop tard pour se souvenir de la belle personne et
photographe talentueuse qu’était Simone Oppliger, née près de
Saint-Imier, décédée au printemps 2006, à cinquante-neuf ans. Ce très
beau livre en fait, en mots et en images, le démonstration éclatante.
ISABELLE FALCONNIER, Le Coup de cœur de L'Hebdo, Les plus beaux livres des Fêtes. Sélection Payot L'Hebdo
Simone Oppliger, le regard empathique.
Un livre et une exposition
rendent hommage au travail de la photographe jurassienne, en perpétuel
mouvement entre le vallon de Saint-Imier et le vaste monde.
Sur la photo de l’affiche, c’est son regard qui accroche le nôtre. Et
puis sa moue. Un air à la fois tendre et décidé. Simone Oppliger,
sûrement, regardait ses sujets avec bienveillance et ils le lui
rendaient, eux qui semblaient se donner à elle, offrir pleinement
leur réalité à son objectif. Une exposition – à la Galerie Focale à
Nyon – et un livre – édité chez Bernard Campiche – célèbrent la
photographe décédée il y a quatre ans: Simone Oppliger photographe.
L’exposition présente une quinzaine de clichés noir-blanc, soit la
quasi-totalité des tirages de Simone Oppliger possédés par le Musée de
l’Élysée, partie infime et hétéroclite du travail réalisé en
quarante ans de photographie. Soldat portugais pris à l’heure de
l’indépendance de la Guinée-Bissau, orphelin du Vietnam, mannequins du
Locle ou requérants d’asile africains. L’humain est bien là. «Une grande
sincérité émane de ces images. Simone impliquait cela car elle
s’intéressait vraiment aux autres», note Régine Aldara, de
l’Association Focale. Une autre salle montre des réalisations plus
personnelles, plus petites et en couleurs, souvenirs de vacances. «Ces
clichés étaient destinés à rester dans les albums de famille mais nous
avons décidé de les montrer car ils correspondent aussi à Simone. Elle
avait toujours un appareil avec elle. Pour elle, la photo était un
moyen d’approcher les gens mais aussi de garder la trace de moments
heureux», souligne le photographe Luc Chessex, qui a sélectionné les
œuvres.
Le livre, lui, est découpé en huit chapitres égrainant les thèmes chers
à la photographe, de son Jura natal à ses voyages en Amérique latine en
passant par le théâtre ou l’exil. Des regards, énormément, des sourires
souvent, quelques paysages désolés, deux ou trois objets. Une
photographie documentaire, graphique mais également émouvante.
Traversée par le thème de l’enracinement.
Née dans le vallon de Saint-Imier en 1947, pays laborieux où l’hiver
s’aggripe plus que de raison, Simone Oppliger a très tôt éprouvé le
besoin d’aller se frotter au monde. Mais toujours elle revenait à sa
terre de Renan. En 1980, elle publie Quand nous étions horlogers,
livre témoignage sur le déclin de l’horlogerie locale. Deux autres
ouvrages suivront: L’Amour mortel en 1986, déclaration à l’amie
d’enfance assassinée (réédité) et Le Cœur et la Terre, en 1994,
consacré aux migrants. Un dernier travail était en cours, sur les
racines. «Simone Oppliger aimait les mots. Ceux des autres
remplissaient sa vie. Mais elle était économe des siens: par pudeur et
par perfectionnisme. Elle recherchait aussi la sobriété des images»,
écrit Jacques Pilet, compagnon de toujours, dans les commentaires qui
jalonnent Simone Oppliger photographe.
Sous-estimé selon Luc Chessex, le travail de la Jurassienne continue
cependant de convaincre. Anna-Patricia Kahn, galeriste munichoise, est
venue jusqu’à Nyon pour voir les clichés de l’artiste, dont elle avait
entendu parler par un ami commun. Elle a décidé de monter une
exposition prochainement en Allemagne: «J’ai été touchée par l’humanité
qui émane de ces photographies. Simone Oppliger était bien plus qu’une
photoreporter, elle faisait de la poésie du réel.»
CAROLINE STEVAN, Le Temps
Simone Oppliger
Dans un monde saturé d’images tape-à-l’œil, entachées de recherche
formelle maniérée ou d’un esthétisme vainement léché, l’œuvre de Simone
Oppliger (1947-2006) tranche par son humanisme sobre, calme et
empathique. Le poids des mots et encore moins le choc des photos
n’étaient pas du goût de la Jurassienne.
Née à Renan, dans le vallon de Saint-Imier, cette fille d’horloger
n’aimait pas les clichés, leur préférant la vie simple, évidente,
banale, criante, qu’elle aimait capter dans des instantanés dans
lesquels, longtemps après, on sent toujours la vérité du moment saisi.
Simone Oppliger était née dans un pays de labeur, d’humbles et de
taiseux. Ce terreau singulier lui a enjoint de préférer la réalité aux
apparences: elle n’a ainsi pas eu à éviter le piège d’une voie facile.
Ce beau livre, nourri des textes brefs et parlants de son mari Jacques
Pilet, d’Édith Bianchi, de Michel Contat, de Myriam Grobet Mettan et
d’un entretien avec Charles-Henri Favrod, permet de se souvenir de son
travail remarquable. En huit chapitres et autant de thèmes qui ont retenu
l’œil et le cœur de la photographe, on ressent l’authenticité aimante
de son regard. Une tension en rien nerveuse l’anime de bout en bout:
reliée à sa terre natale, Simone Oppliger est attirée par l’ailleurs
dans un double questionnement où la nécessité de l’ancrage répond à
l’appel du large.
Adolescente, elle rêvait de Mexique; adulte, elle connaîtra la pauvreté
et les immensités de l’Amérique latine, les guerres civiles
interminables des républiques centraméricaines. Les soubresauts de la
guerre froide (Vietnam, fin de l’empire portugais) la retiendront comme
la thématique des réfugiés en Suisse – la photographe, humaniste
indépendante, était concernée par la vocation humanitaire de son pays.
Et puis il y a bien entendu sa terre natale. Longueur des hivers
jurassiens, paysages de montagne, ouvriers et horlogers incarnés. Et
ses proches. On perçoit alors avec acuité sa sensibilité profonde, une
veine libertaire fatiguée aussi. La force du regard empathique de
Simone Oppliger résidait dans un mélange de pudeur non contenue et
d’application naturelle. Elle était certainement marquée par un
activisme familial – le travail bien fait accompli dans la quiétude et
la conscience – qui, au fil de sa vie, l’a libérée en lui ouvrant des
horizons aussi bien intérieurs qu’interpersonnels. Pour tout cela, son
œuvre mérite beaucoup plus d’attention de notre part.
THIBAUT KAESER, L’Écho illustré
Simone Oppliger et le silence
Dans la collection des beaux
livres campImages, Bernard Campiche Éditeur vient de publier une
superbe monographie de la photographe de Renan Simone Oppliger,
disparue voici quatre ans. Un opus empreint de retenue, comme pour ne
pas briser la qualité du silence.
Elle avait cinquante-neuf ans quand elle est décédée au
printemps 2006. Simone Oppliger s’en est allée presque surprise malgré
son combat contre la maladie. Un nouveau paysage s’offrait-il à elle?
Elle aura pris le temps de photographier la nudité du cimetière de son
enfance à Renan. On peut lire cette image telle une carte génétique,
une référence à la vie s’inscrivant dans cette région qui n’en finit
pas de mourir et de renaître.
«Chez moi, dans le Jura, la terre est si sérieuse, peut-on lire de sa
plume. Rien ne vient en abondance, ni les fruits ni la parole, encore
moins les visiteurs. Ici, rien ne distrait de l’essentiel. Les
lignes sont droites et leur dessin évident. La terre, le ciel.
Peut-être sommes-nous ainsi plus proches de sentiments essentiels, de
l’idée de la vie et de la mort. Une note de musique s’entend mieux
entre deux silences.»
Le quatrième volume de campImages s’ouvre délicatement. La tonalité
noir-blanc domine. C’est celle d’une très grande pudeur. Jacques Pilet,
compagnon de l’artiste, raconte le parcours visuel avec les mots qui
sonnent juste.
YVES-ANDRÉ DONZÉ, L’Impartial
Simone Oppliger entre deux silences.
Dans la collection des
beaux livres campImages, Bernard Campiche Éditeur vient de publier une
superbe monographie de la photographe de Renan Simone Oppliger,
disparue voici quatre ans. Un opus empreint de retenue, comme pour ne
pas briser la qualité du silence.
Elle avait cinquante-neuf ans quand elle est décédée au printemps 2006.
Simone Oppliger s’en est allée presque surprise malgré son combat
contre la maladie. Un nouveau paysage s’offrait-il à elle? Elle aura
pris le temps de photographier la nudité du cimetière de son enfance à
Renan. On peut lire cette image telle une carte génétique, une
référence à la vie s’inscrivant dans cette immuable région qui n’en
finit pas de mourir et de renaître.
«Chez moi, dans le Jura, la terre est si sérieuse, peut-on lire de sa
plume. Rien ne vient en abondance, ni les fruits ni la parole, encore
moins les visiteurs. {…} Ici, rien ne distrait de l’essentiel. Les
lignes sont droites et leur dessin évident. La terre, le ciel.
Peut-être sommes-nous ainsi plus proches de sentiments essentiels, de
l’idée de la vie et de la mort. Une note de musique s’entend mieux
entre deux silences.»
Le quatrième volume de campImages s’ouvre délicatement. La tonalité
noir-blanc domine. C’est celle d’une très grande pudeur. Jacques Pilet,
compagnon de l’artiste, raconte le parcours visuel avec les mots qui
sonnent juste. Il fait le tour d’une œuvre de 1970 à l’an 2000, d’une
vie, de voyages intérieurs, de grands reportages exempts de voyeurisme.
Il accompagne les photos d’un murmure délicat, d’une caresse de celle
qui rejette tout intellectualisme et qui «s’en tient à l’instantané
vécu». Il passe en revue l’Amérique latine de Simone. Ses images de
guerre ne sont jamais spectaculaires. Elle capte des sourires d’enfant
au-delà de l’horreur. De l’humanité au-delà de l’humain. En
Guinée-Bissau, elle campe l’attitude conquérante d’un officier qui,
jambe en avant, s’adresse au colonisé affranchi. Projetée elle-même
hors de son Jura, Simone Oppliger saisit les no-man’s lands des exilés,
leurs différences à parcourir la vie, ici comme ailleurs. Cela fait du
bien dans le discours ambiant actuel qui déploie la haine alors que la
photographe débusquait la vie et soulignait la dignité totale de l’être
humain. Photographe attitrée du Théâtre de Carouge, Simone Oppliger
extrait de la même façon des attitudes d’authenticité au sein même de
l’illusion théâtrale. Et puis les corps et les objets, la naissance et
la mort. La directrice scientifique éditoriale Édith Bianchi parle d’un
don pour l’amitié et Charles-Henri Favrod analyse, dans une interview,
le «message social… mais d’abord fraternel» de l’immense photographe.
«Spontanément citoyenne du monde, Simone se faisait une haute idée de
son pays», insiste encore Michel Contat. Quant à son amie Myriam
Grobet Mettan, elle fera comme Jacques Pilet, elle sentira cette
présence comme un souffle entre les deux silences évoqués. Le grand
projet sur les origines que caressait Simone Oppliger fonctionne
aujourd’hui à travers la restitution de ses images: elles dénotent
l’origine humaine du monde. Un livre à recevoir comme un viatique pour
la nouvelle année.
YVES-ANDRÉ DONZÉ, Le Journal du Jura
Entre racines et évasion
Décédée en 2006 à l’âge de cinquante-neuf ans, Simone Oppliger renaît au travers
d’un recueil d’images qui retracent sa vie et son engagement public.
Des hivers interminables dans son Jura natal aux séquelles de la guerre
du Vietnam, de la vie monacale des horlogers de Saint-Imier au
quotidien de requérants d’asile en Suisse, le cœur de la photographe a
toujours balancé entre un impératif besoin d’évasion et une nécessité
vitale de trouver ses propres racines.
Articulé en huit chapitres, ce livre posthume dévoile des images tout
en intimité de Simone Oppliger, en couleurs pastel ou dans un noir et
blanc parfois obsolète et teinté d’une nostalgie chaleureuse. En
parallèle, plusieurs auteurs – dont son compagnon, le journaliste
Jacques Pilet – signent des hommages remplis d’humanité, à l’image de
la vision qu’avait la photographe de la réalité.
CHRISTOPHE DUTOIT, La Gruyère
Simone Oppliger en son bel album
Telle qu’elle apparaît sur la
couverture, saisie à Cuba par son collègue et ami Luc Chessex, c’est la
photographe jurassienne Simone Oppliger (1947-2006) dans sa vérité.
Celle que ses proches ont connue et aimée. Le regard grave mais
critique. Et une esquisse de sourire exprimant la relativité de toute
chose et le refus des faux-semblants.
Quatre ans après son décès, l’éditeur Bernard Campiche a pris
l’initiative de consacrer un beau livre à cette artiste née à Renan, à
cette fille d’un ouvrier horloger et d’une couturière qui, établie
depuis longtemps dans le canton de Vaud, était restée attachée à son
vallon, aux gens et aux paysages de sa haute terre industrielle et à
ceux de tout le Jura.
Un choix émouvant de photographies de Simone Oppliger est ici présenté
dans un fort bel album. Qu’il s’agisse de reportages très au loin –
Amérique latine en mouvement, Vietnam en guerre, Afrique en ébullition
–, plus tard de requérants d’asile en Suisse ou de comédiens, mais
aussi des diverses facettes de notre Jura, y compris en ses années de
braise, ces images procèdent toujours d’un instinct sûr de la rencontre.
La photographie ne dérobe presque jamais un visage ou un corps. Elle
l’invite dans son objectif pour dialoguer. Le journaliste Jacques
Pilet, qui fut son compagnon de vie, précise cette démarche dans des
pages justes, pudiques, évitant le pathos qu’elle aurait détesté.
Ainsi apparaît ce que Simone Oppliger a apporté de meilleur à la
photographie: le partage, l’empathie, le goût et la patience de
comprendre les autres, attitude qui dessine un continent de fraternité.
Et c’est le même regard qu’elle porte sur les objets inanimés et les
paysages.
Le petit train qui, tel un trait noir, file dans le brouillard et sur
la neige du haut vallon de Saint-Imier, c’est encore elle, qui nous dit
adieu.
HADDOCK, VINCENT PHILIPPE, Le Jura libre
Une femme, un regard
Le Jura et le reste du monde.
Décédée en 2006, Simone Oppliger a laissé une œuvre photographique immense. Un superbe album lui rend hommage.
Quatrième livraison de la collection campImages après celles consacrées
à Jacques-Étienne Bovard, Anne Cuneo et Michel Bühler, ce nouvel album
parcourt l’œuvre de Simone Oppliger, photographe et écrivaine
jurassienne. Née à Renan en 1947 et décédée à Cully au printemps 2006.
Profondément attachée à son village d’origine, pays de taiseux,
d’hommes et de femmes durs à la tâche, Simone Oppliger s’est employée à
y capturer aussi bien les visages que les lourdes façades des maisons,
les gestes ancestraux que les paysages de neige. Elle a aussi parcouru
l’Amérique latine, le Vietnam, la Guinée-Bissau – deux pays alors en
guerre –, côtoyé quelques-uns de ces migrants que la faim, la guerre ou
les deux à la fois ont amenés en Suisse dans les années
quatre-vingt-dix. Plus tard, quand la maladie l’a laissée sans force,
elle a photographié des objets, chaises vides dans une salle d’attente,
cailloux et feuillages rougis par l’automne.
Jacques Pilet, qui fut son compagnon, signe les textes de présentation
des huit chapitres de l’ouvrage. Il dit qu’elle savait «saisir
l’intensité du présent». Qu’elle «s’y employa sans cesse, mais avec une
application particulière lorsqu’elle vit approcher la fin du voyage. Le
temps paru alors passer si vite. Et, dans les dernières heures, on
lisait dans son regard comme un étonnement: déjà?»
ROGER JAUNIN, Vigousse
Simone Oppliger mettait son œil à l’écoute des autres
Décédée
à Cully en 2006, à cinquante-neuf ans, Simone Oppliger a laissé
derrière elle des images qui témoignent de sa grande sensibilité et de
son immense empathie envers les humbles.
Par le texte et l’image, un livre rend hommage à la carrière et à la
personnalité de cette Jurassienne d’origine, qui passa l’essentiel de
sa vie dans le canton de Vaud. Tout commence et tout finit à Renan,
village de huit cents âmes caché dans un repli du Jura bernois. Fille
d’un horloger et d’une couturière, Simone Oppliger dit y avoir passé
une enfance heureuse. Rien d’étonnant à ce que le premier des huit
chapitres de Simone Oppliger photographe
s’ouvre sur des photos de sa région natale, entre paysages enneigés,
bouchoyade à la ferme et horlogers, «microsse» planté sur le front.
L’adolescente craint l’enfermement, dans le vallon, à l’usine, dans des
rites immuables. «À quatorze ans, Simone rêvait du Mexique, raconte son
mari, le journaliste Jacques Pilet. Elle trouva même là-bas une
correspondante avec qui elle lia une étrange amitié.»
La clé des champs, ce sera la photo. Un apprentissage et quelques
petits boulots plus tard, Simone Oppliger découvre à Lausanne le milieu
de la presse, développe et tire les photos des autres au laboratoire
des quotidiens 24 Heures et La Tribune de Lausanne. De longues heures dans le noir qui seront suivies par les premiers reportages, dont le Jura en ébullition.
Dès 1970, elle s’envole. Pérou, Brésil, Mexique, Salvador, Haïti sont
des chocs. «Comment approcher sans gêne une famille d’Indios dont les
gamins pataugent pieds nus dans une boue de pluie et de neige?» se
demande rétrospectivement Jacques Pilet, avec qui elle partage ses
reportages. Pourtant, Simone Oppliger déclenche, immortalisant les
gamins serrant leurs chiots sur la poitrine. Une image emblématique du
travail de la Vaudoise d’adoption: elle ne vole rien, maintient une
certaine distance physique, mais laisse percer son empathie pour les
pauvres, les anonymes. Pareil au Vietnam, où le hasard et la curiosité
la conduisent en 1972, et qui occupe également un chapitre du livre.
En 1980, elle revient à Renan. La crise horlogère est passée par là. Pour son premier livre, Quand nous étions horlogers,
Simone Oppliger photographie les usines vides, interroge les anciens,
toujours avec le même respect. «C’est très attachant comme région,
expliquait-elle en 1981 devant une caméra de la Télévision suisse
romande. Il y a une rudesse qui pousse à aller à l’essentiel, qui rend
les choses assez dramatiques, fortes.»
Si elle a beaucoup croqué la terre de ses racines, la photographe a
souvent tourné son objectif vers les déracinés. Ces migrants fuyant la
guerre et la pauvreté et qui lui avaient donné la matière d’un autre
beau livre, Le Cœur et la Terre, en 1994.
À la fin de sa vie, c’est à nouveau sa terre natale qui l’occupait. Un
grand projet de raconter «Un siècle, une vallée, une famille», qu’elle
n’a eu ni la force ni le temps de mener à bout. D’où l’intérêt de ce
livre-ci et de ses images, témoignages du passage d’une humaniste, trop
bref.
GILLES SIMOND, 24 Heures
Simone Oppliger: l’œil et l’oreille
Peu
de mots, point de mise en page fantasque, mais de la manière la plus
intime qui soit, en passant d’une photographie à l’autre, c’est la
belle personne de Simone Oppliger (1947-2006) qui est dévoilée dans cet
ouvrage-hommage. Dans les photographies de cette Jurassienne nomade,
point de visée esthétique mais l’investissement total d’un sujet
prégnant dans son travail: l’autre. Qu’il soit orphelin, horloger ou
migrant, qu’il vienne de Guinée-Bissau, du Pérou ou de Renan, Simone
Oppliger semble l’écouter avec les yeux. Un regard d’une lucidité
déstabilisante, débarrassé d’un pathos trop attendu. Pour caractériser
le travail de cette reporter, l’expression «prendre une photo» ne sied
définitivement pas; «l’instant décisif» s’est évanoui au profit d’une
photographie construite dans la durée, point d’orgue d’un échange avec
tout humain.
Au détour des huit thématiques qui organisent l’ouvrage, défilent les
trottoirs enneigés de La-Chaux-de-Fonds, les camps de réfugiés du
Salvador, les chars du Vietnam ou encore une salle d’attente du Centre
hospitalier universitaire vaudois. Cette dernière photographie
appartient au corpus des «voyages intérieurs», image que Simone
Oppliger souhaitait retenir à la fin de sa vie. Elle se concentre alors
davantage sur les objets que sur les hommes, une manière de se
retrouver peut-être enfin face à elle-même. Les quelques souvenirs
évoqués par Jacques Pilet, journaliste et compagnon de Simone Oppliger,
éclairent un travail empathique qui prit sa source sur les terres de
Saint-Imier. Ses terres, la fille d’horloger ne les avait pas épargnées
dans son premier livre, Quand nous étions horlogers
(1980), mais avait su également en tirer le meilleur: «Quand on s’est
mis à aimer des choses difficiles à aimer, on les aime encore plus.»
DIANE ANTILLE, Les Lettres & Les Arts
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