À
70 ans, le Jurassien Alexandre Voisard publie un nouveau recueil de
poèmes. Sauver sa trace montre un poète toujours attaché à sa terre, et
prend la forme d’un bilan, loin d’être définitif. Le souvenir, le
reste, la trace à sauver: l’image parcourt le recueil. C’est celle de
la braise qui «attend son heure», de «l’odeur des draps quand le
sommeil ne venait pas», de la violette égarée. Autant de parfums d’un
passé qui n’est pas nostalgie mais appui pour que le présent prenne son
envol. Car la force du recueil est de présenter ce bilan non pas
comme un synonyme de fin, mais comme un nouvel élan. De façon
significative, la dernière partie de Sauver sa trace se nomme Refaire (le chemin). Elle fait suite à Défaire (l’ouvrage).
Comme si poursuivre exigeait de se retourner d’abord sur la route
parcourue. Pour que le poète retrouve «cette fêlure qui prétendait au
statut d’âme» avant de repartir en quête des signes, de rechercher à
«entendre par la grâce des fentes / le rupestre solfège de la lumière».
Se retrouve ici le poète à l’affût, tel qu’il apparaissait dans les
très beaux carnets réunis sous le titre Au rendez-vous des alluvions
(1999). Un poète qui s’interroge, souvent, qui questionne le monde:
«Qu’y a-t-il d’ailleurs à comprendre / en dehors de l’indicible?»
…Enfermer Voisard dans l’image du chantre du pays jurassien est plus
que jamais réducteur. …Toute sa poésie tend à transmettre par le
langage cette expérience du vécu, de la rencontre, de l’observation
quotidienne. Mais la voix d’Alexandre Voisard est universelle – de plus
en plus. Chacun reconnaîtra ses traces du passé, terre nourricière de
l’œuvre toujours en devenir.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
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