A. Voisard, L'Intégrale 4


ALEXANDRE VOISARD

Poésie IV

Ce volume contient:
Le Déjeu (1997); Sauver sa trace (2000); Quelques fourmis sur la page (2001);
Fables des orées et des rue (2003); Épars (1997-2000);
Table des titres et des incipit des volumes I à IV.

2006. 512 pages. Prix: CHF 22.–
ISBN 2-88241-190-1, EAN 9782882411907


Biographie

Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.


De 1997 à 2000: période de grande fécondité dans l’œuvre d’Alexandre Voisard.
Après l’heure du bilan, qui marque les trois derniers livres du volume précédent, voici l’heure de l’autobiographique (l’autobiographie proprement dite sera dans le volume 8 de L’Intégrale). Relation au passé, la remémoration va de pair avec la quête à nouveau reprise du rapport à soi, maintenant, et du rapport au monde, comme du rapport à la poésie: dans Le Déjeu et Sauver sa trace (avec Le Muguet perdu), elle s’accompagne de réflexions sur la poésie et sur l’acte de créer, ce qui prolonge le bilan sur le mode réflexif.
Les Fables des orées et des rues, d’une veine plus distante et plus narquoise, puis les apostilles de Quelques fourmis sur la page apportent à l’œuvre le sceau, parfois secret, d’une sagesse de bon aloi.

ANDRÉ WYSS, directeur de la publication


Haut de la page


«N’ayez pas peur de la culture»

L’écrivain et poète jurassien, 76 ans, vit dans une ferme retapée en France voisine, sans ordinateur ni téléphone portable. Le sage appelle ses compatriotes à «patauger dans l’utopie».

Prendre le contre-pied d’une campagne électorale terne, ressassant le marasme ambiant, l’impuissance devant l’exil des cerveaux, l’incapacité de construire un projet de société. Partager le déjeuner avec un «autre» Jurassien, qui a réussi. Une personnalité reconnue. Cela aurait pu être le chef de l’entreprise romande de l’année, un cuisinier toqué ou un sportif titré.
Ce sera avec Alexandre Voisard, 76 ans, écrivain et poète, membre de l’Académie Mallarmé à Paris et de l’Académie européenne de poésie, Prix Schiller en 1969, lauréat du Prix des lettres, des arts et des sciences du gouvernement jurassien en 1991. Un chantre de la terre d’Ajoie.
Il a honoré l’invitation avec entregent, mais paraît avoir flairé un «piège». L’entourloupe n’est peut-être pas loin lorsqu’un week-end de Saint-Martin, où le cochon est roi, on déguste une entrecôte de cerf à l’Hôtel du Bœuf à Courgenay. Quel regard le sage Alexandre Voisard, «le premier poète écologiste après saint François d’Assise» comme il se définit, porte-t-il sur un Jura pour lequel il s’est investi et qui serait, à en croire le ministre Jean-François Roth, victime du syndrome de Peter Pan, refusant de grandir et d’oser la modernité? Un Jura qui se viderait de ses jeunes et de ses élites, «où le débat est en panne», ajoute spontanément Alexandre Voisard.
Et s’il était, lui, poète «exilé» en France voisine, l’archétype du Jurassien conservateur, trop lié à sa ruralité, le regard rivé sur un passé glorieux?
«Si vous proposez de manger, autant que ce soit agréable», coupe Alexandre Voisard, peut-être pour éluder. Il a retenu une bonne table, dans «son» Ajoie. L’écriteau du Bœuf, à Courgenay, fait saliver en égrainant le menu de Saint-Martin pour le week-end. Nous sommes vendredi midi, on se rabat sur le plat du jour. De la chasse. «Et un vin de chez nous, du Clos des Cantons», commande le poète patriote.
«J’ai mangé le dernier cerf du pays, relate le conteur. C’était en 1954. Un notable de Porrentruy, Robert Conrad, avait tiré près de Lucelle celui qui a été considéré comme le dernier cerf ayant vécu dans les forêts jurassiennes. Il l’avait vendu au cafetier du Cerf à Porrentruy. Et je figurais parmi sa clientèle.»
Alexandre Voisard entame son plat par les marrons et les choux. Au risque de s’étrangler, surtout qu’on lui demande pourquoi, la retraite arrivée, il est parti s’établir en France voisine. Aurait-il, comme beaucoup d’autres Jurassiens, fui un pays qu’il dit aimer, mais qui se mourrait?
«Déserteur! m’avait dit à l’époque mon ami le peintre Jean-François Comment, sourit Alexandre Voisard. Ce sont les circonstances de la vie.» Son épouse a hérité d’une vieille ferme de l’autre côté de la frontière. Ils l’ont retapée et s’y sont installés.
«Ce n’est pas à proprement parler un exil. Ma maison de Courtelevant est à un kilomètre de la frontière suisse et ajoulote. C’est le même versant de la Basse-Allaine, la même terre de Bonfol, les mêmes cours d’eau. Porrentruy reste ma base arrière. Je suis viscéralement attaché à cette terre et à la communauté d’Ajoie.»
Alexandre Voisard ne parvient d’ailleurs à écrire que «chez lui», «les pieds sur et dans la terre». A Paris, où il se rend régulièrement, l’inspiration est autre. «Au bord de la Seine, je vois un panorama.» Dans ses forêts jurassiennes, il s’imprègne des odeurs, des lumières, des bruits, de l’eau. «Ça ne signifie pas que je suis insensible au grouillement des villes», nuance-t-il, au moment d’aborder le pourquoi de notre déjeuner: son regard sur son Jura.
Un long silence, une bouchée de poireaux, puis un morceau d’entrecôte qui a refroidi. Alexandre Voisard, qui dit aimer manger et boire, «mais très raisonnablement», tourne les yeux vers le dehors - «le spectacle des feuilles mortes, c’est magnifique».
«Un peu en sommeil», lâche-t-il alors. Une formule ensuite expliquée: «Les Jurassiens montrent qu’ils savent gérer leurs affaires. Ils ont un pied dans la réalité. Mais l’autre flotte. On se hérisse trop devant toute idée de changement.» Et de disserter sur le rejet du programme «Pays ouvert», «un peu fumeux, mal vendu et mal expliqué». Mais il y avait un élan. Alexandre Voisard voit ses compatriotes paralysés par le scepticisme. «Les gens ont gardé un fond paysan. Ils subodorent l’entourloupette, sont railleurs et craintifs. Très enchaînés à leur clocher.»
La discussion dévie forcément sur la campagne électorale. «Avez-vous vu comme on se méfie d’emblée de l’idée de rapprocher la Culture et l’Economie dans un même département?» Alexandre Voisard est séduit par cette audace, formulée par le radical Michel Probst. Son neveu. Alexandre Voisard le soutient, même s’il est socialiste. Il a été député du premier parlement jurassien en 1979, puis délégué cantonal à la culture.
«Il faut dire aux Jurassiens: n’ayez pas peur de la culture. Elle participera à la construction d’un pays nouveau.» Il ne tarit pas d’éloges envers le projet d’Auditorium du chef d’orchestre Georges Zaugg à Courgenay, dessiné par les architectes Herzog et de Meuron. Un projet de salle de musique du dernier cri, doublé d’un objet architectural de premier plan. Un projet exclusivement privé. «La culture ne peut se développer sans l’implication de l’économie. Il faut mobiliser le mécénat pour des projets ambitieux.»
Refusant d’apparaître comme le sage donneur de leçons, Alexandre Voisard ne peut s’empêcher d’espérer voir jaillir «d’autres auditoriums». D’autres projets «comme ça, qui allient économie et culture, qui permettent le foisonnement intellectuel. Il faut accepter de patauger dans les utopies. On pèche trop souvent par modestie, alors on ne fait rien.»
Autre source d’inquiétude: le Jura paraît avoir perdu ses intellectuels, si présents à la création du canton. «C’était lumineux, il y avait une telle force», raconte le poète, comprenant que le soufflé soit retombé. «C’est compréhensible qu’il n’y ait plus la même force qu’à l’époque. Il y a maintenant la pénibilité du quotidien et des obstacles à surmonter.» Il y avait aussi de grands hommes, à l’époque. «Des carrures, dit Alexandre Voisard. L’enthousiasme et le dynamisme, c’était aussi une question d’hommes. Je vois sans plaisir que ceux d’aujourd’hui n’ont peut-être pas l’envergure des pionniers.» Encore qu’Elisabeth Baume-Schneider, Michel Probst... susurre-t-il.
Une gorgée de Clos des Cantons, et Alexandre Voisard se ravise. «Les Jurassiens ont les pieds sur terre, j’ai confiance en eux.» On revient à la terre. Sa terre. Ses poèmes et ses récits qui la chantent. Sa symbiose avec les humus, les champignons, les arbres. Son idéal qui paraît si loin de la modernité urbaine.
«Je m’interroge sur ma situation décalée, mais pas cloisonnée. Dans laquelle je me complais. Je n’ai ni ordinateur, ni téléphone portable. Je n’éprouve pas le besoin d’être connecté. J’écris mes textes à la main. Lorsqu’ils sont aboutis, je les transmets dactylographiés à mes éditeurs. Je perçois une once de reproche, mais ça ne m’a fermé aucune porte. J’ai conscience d’être un primitif, un sauvage un peu instruit.» L’éditeur Bernard Campiche sort ces jours les volumes 3 et 4 (sur 8) de l’intégrale des écrits d’Alexandre Voisard.
La crème caramélisée lui convient mieux que la glace aux noix. Un petit café, «pour la route». Et cette remarque: «J’aimerais qu’en me lisant, on comprenne qui je suis, pourquoi je suis devenu celui-là.» Mais vous ne lui ferez pas dire qu’il a tout juste, en flânant avec son chien, chaque jour, dans la forêt, «en étroite communion avec le monde sensible». Qui lui a permis de s’épanouir, de réussir et d’être reconnu.

SERGE JUBIN, Le Temps


Haut de la page


Voisard tout entier, toujours libre et inventif
Quatre volumes d’œuvres poétiques en édition de poche et un nouveau recueil redessinent l’image du poète jurassien.

«On cueillera jusqu’à ce qu’on ne puisse plus cueillir», prophétisait en 1954 un poème d’Écrit sur un mur, le premier livre d’Alexandre Voisard. Promesse tenue, puisque c’est alors même que paraît la somme de ses œuvres poétiques que le poète jurassien publie un nouveau recueil, De cime et d’abîme. On y retrouve Voisard tout entier, sa rhétorique chantante et sibylline, ses impératifs gravement saugrenus: «Entends le diapason et chante/toi qui hésites à t’asseoir/entre la puce et le pou»; faune ou héros de «légendes végétales», il choisit l’ortie pour miroir et le coquelicot pour confident, rêve de «grandir en peuplier, vaquer en chat ou mûrir en framboise». Prépubliée en revue en 1988, la petite suite intitulée «Cartes postales de Calabri» est reprise ici, la gaieté primesautière de ces neuf poèmes assombrie aujourd’hui par les deux proses liminaires qui évoquent la mort prématurée de leur jeune dédicataire, le petit-fils du poète.
Auprès d’un très grand public, Voisard reste avant tout le poète de la fin des années 1960, engagé de la cause jurassienne. L’ample diction passionnée de L’Ode au pays qui ne veut pas mourir a écrit une page d’histoire. Fort heureusement, les quatre volumes qui cadastrent les territoires du poète (s’y ajouteront quatre volumes de proses) offrent de quoi nuancer, compléter cette image bien trop partielle. On y suivra notamment les nombreuses variations formelles d’une poésie marquée du sceau fécond de quelques grandes admirations et amitiés: Villon et les poètes de la Résistance, René Char et les surréalistes, Maurice Chappaz et Pierre-Olivier Walzer... Au niveau thématique, ainsi que le souligne André Wyss, qui a dirigé cette «intégrale», Liberté à l’aube n’a certainement pas représenté une rupture: «Tout simplement, ce qui attachait depuis toujours le poète à son environnement en fait maintenant le porte-parole de ceux qui comme lui sont attachés à cet environnement.» Au fil des ans, dans la diversité même des formes et des thèmes qu’il explore - le merveilleux dans Chronique du guet, l’enfance dans Une Enfance de fond en comble, l’amour dans La Claire Voyante, l’érotisme dans Toutes les vies vécues, la mémoire et la réflexion dans les livres les plus récents – nous frappe bien sûr chez Voisard la permanence de cette approche visionnaire et païenne de son pays de buissons et de seigle, réservoir inépuisable d’images et de rêveries. Loin de toute quête métaphysique, cette poésie est pénétrée d’une autre allégeance, viscérale, qu’affirme par exemple ce vers: «Liberté, ta rivière partout m’accompagne.»

MARION GRAF, Le Temps


Haut de la page


Alexandre Voisard, poète autrefois engagé. Dans quoi, déjà? L’autonomie du Jura suisse, «mon pays allongé sur l’ardoise des siècles». On se demande avec condescendance si cela fait de la poésie ou de la bouillie idéologique, et l’on a honte de son ignorance. C’est une œuvre importante, lyrique, où se trouve le beau Liberté à l’aube, paru en 1967 et repris dans le deuxième tome de cette très opportune édition intégrale en format poche. En quatre volumes, l’intégrale poétique de Voisard révèle un grand écrivain, un vrai enraciné, autrement dit un authentique universel. Il faut absolument lire l’ensemble.

JEAN-PIERRE DENIS, La Vie


Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.

Préf. d’A. Wyss (Acrobat, 148 Ko)
Extraits (Acrobat, 128 Ko)


Haut de la page