Autour
de Séverine évoluent, pêle-mêle, curé, ursuline, famille, anciens
mercenaires du Corse, soudard tatoué de boutonnières, le bon pasteur
Charles-Auguste, bigotes pincées, pêcheur avec sa voile latine,
belle-mère acariâtre, et toute une frise d’hommes et de femmes, tout un
peuple avec ses beautés et ses laideurs. L’intrigue se trouve nourrie
par une connaissance qui englobe l’histoire, les us et coutumes, les
parlers régionaux. Gisèle Ansorge n’ignore pas plus les concoctions
médicamenteuses que la manière de mener un train de ferme ou de griller
une carpe sur la braise. D’une précision admirable, la langue se teinte
parfois de couleur locale. Chaque chapitre foisonne de renseignements,
de descriptions, de saveur. L’humour et la truculence aussi peuvent
être de la partie, à témoin la relation d’une cure à «Louëche»,
authentique morceau d’anthologie.
Dans Prendre d’aimer,
Gisèle Ansorge a su saisir un pays et ses gens, leur mentalité, leurs
réactions, comme peu ont su le faire. Son livre embrasse quelques
thèmes, par exemple la condition de la femme au début du siècle
dernier, mais surtout il en émerge une figure lumineuse, qui traverse
des heures sombres, nomade sur les chemins de la vie, qui puise sa
force au plus profond d’elle-même, au nom de l’amour. Après la lecture,
Séverine vient habiter la mémoire. Elle laisse le même souvenir qu’une
personne réellement rencontrée. Aussi espère-t-on que nombreux seront
ceux qui feront sa connaissance.
RENÉ ZAHND, Le Matin
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