…Quel
mystère émane de ces pages! Elles forment un ensemble qui évoque
certains tissus orientaux, aux motifs à la fois savants et évidents,
aux reflets secrets, aux teintes disposées avec raffinement. La phrase
d’Asa Lanova, tout en conservant ses richesses, a semble-t-il gagné en
fermeté. Dans la ville-sortilège, omniprésente, les personnages se
trouvent face à leur destin. Peints avec force et sensibilité, ils
viennent nous hanter, comme des figures qui avancent, qui risquent des
choix ou subissent leur sort (quelle sourcilleuse balance!). Ils
semblent nous offrir le miroir fragmenté et décalé de nos propres
interrogations. Voici Leilah, l’humble brûlée d’un amour puissant,
qui s’accomplit dans l’abnégation. Julien, le poète travaillé par
l’impuissance d’être et d’écrire. Clio, murée dans un silence sans
fenêtre depuis la mort de son amant. Ève, habitée par le souvenir de la
Belle Astronome Hypatie, et qui, perdue, cherche plus que d’autres
encore le sens de sa vie. Et Nemrod, le souverain, qui exerce une
étrange fascination sur son entourage et qui décide de se consacrer au
soulagement des plus démunis.
Tout, dans Les Jardins de Shalalatt
est empreint d’énigme, de mystère, comme si l’existence, le temps et
tout le reste demeuraient à jamais insaisissables, dans un bercement
sans fin où se mêlent les désirs et les craintes, les choix et les
contraintes, l’amour et la mort. Peut-être que la clef du secret se
trouve dans le regard du faucon, ou dans un battement de ses ailes, ou
dans l’haleine qui s’échappe aux commissures des phrases.
RENÉ ZAHND, Le Passe-Muraille
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