C’est
un livre tout bruissant d’insectes. C’est un livre de la
reconstruction. Quelle voie suivre lorsqu’on vit «dans le désordre de
nos débris»? Alexandre Voisard, qui fut le chantre du Jura, revisite
ici les pans d’ombre et suppute les chances de pollen.
Le Déjeu est
emprunté aux cartes, tel que le jeu se pratique dans son pays, explique
Alexandre l’Ajoulot. C’est une manière d’attirer l’attention en
commettant dès le premier pli une bévue, pour éclairer le partenaire
sur la qualité de son jeu. Voisard utilise cette feinte en poésie, son
partenaire étant ici le lecteur. Jouant des déroutes pour mieux
chercher ses routes, le poète remonte aux sources. Dans sa quête, il
pèse les incertitudes pour trouver «l’éclaircie des pages blanches». Et
ce symoble: retenir des cerises «le doux noyau qui réchauffe toutes les
paroles».
PIERRE GREMAUD, La Gruyère
…Jamais Voisard n’a été si lucide sur sa propre création. En poèmes
courts, il signale la vie au-delà des choses et des êtres en faisant
mine de rester en deçà du réel. Il ruse même avec la forme. Ses poèmes
ressemblent aux haïkus japonais mais ils gardent le souvenir de la
fable, du proverbe et du dicton, l’odeur du matou «dans les plis du
paysage», «alors que l’amour atermoie à la porte». Il renâcle à
totaliser les mondes. Il veut simplement «parler, parler, parler, de
tout ce rien qui est si peu dans l’oreille». Il veut retourner à ses
amours, à ses images cocasses…
WILFRED SCHILTKNECHT, Le Temps
|