…Antonin Moeri réussit avec Igor
un tour de force. Il rend passionnant un récit sans linéarité, au
mépris des repères habituels. Au-delà même du «nouveau roman», il
procède par touche, sans description ni précision inutiles, avec un
flou narratif qui laisse les événements en constant décalage. Son roman
est une élégante évocation des errances, des doutes et des fuites d’un
homme qui peine à accepter son existence et a fait de la distanciation
un principe de vie.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
Dans
les bureaux le progrès n’arrête pas: mutations, restructurations. Soyez
plus rentable. Mais comment? Igor l’ignore. Naturellement: «Vous pouvez
rejoindre la horde des malades décidés à ne plus jouer leur rôle»;
folie, sectes, drogue. Plutôt: tenir. Et voir dans cette crise
l’occasion de découvrir «une parole qui soit nôtre». Igor s’examine, se
parcourt; retrouve des sensations anciennes, décisives, fait le tour de
ses affections… Igor n’agit pas: il se prépare pour autre chose.
Concentration, sous la dérive apparente. Le désarroi renferme, en fin
de compte, un secret bonheur. «Son attente est une rhapsodie que nul ne
perçoit dans la cacophonie des contraintes inexorables.» Pour
raconter cet instant de rupture dans la vie d’un employé moderne, il
fallait un roman bref, immobile et rapide à la fois, un point
tourbillonnant, avec des plans qui se multiplient, et une écriture qui
s’ouvre, pour mieux les lui renvoyer, aux dissonances diverses de notre
époque technocratique.
LAURENT SCHNEIDER, Coopération
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