Ce
petit livre terrible est à la fois l’image d’un pays et d’une époque,
et pourtant sa vérité nous touche encore et devrait saisir les lecteurs
de partout, tant ce qu’il y a là-dedans a caractère universel. Les
tranches de vie découpées au scalpel par Michel Campiche, et livrées à
notre observation sous l’effet de lentille oculaire d’un style
cristallin, expriment une fois de plus la détresse des humiliés et des
offensés de ce bas monde. Certes le malheur est ici discret, timide,
acclimaté à la vaudoise, patelinement ordinaire en somme. L’injustice
se perpétue sous le couvert des convenances sociales ou des mœurs dites
bonnes. La cruauté n’est que le revers d’une dure condition paysanne.
Il n’en reste pas moins que le sort des personnages de Campiche nous
touche autant que les «vies perdues» du Sicilien Verga ou du Russe
Tchekhov. …Attentif
aux drames individuels, mais également sensible aux ruptures
sous-jacentes qui affectent toute société, Michel Campiche saisit, dans
«les confitures» par exemple, le désarroi significatif d’une mère venue
de son village à la ville où son fils accomplit ses études, lequel fils
la rejette en somme avec tout l’univers étriqué qu’il a fui et qu’elle
représente. À très fines et vives touches, sans fioritures, avec la
concision vibrante du Ramuz nouvelliste, Michel Campiche se fait
l’avocat sensible et véhément de tous ceux-là qui nous entourent et
dont nous ignorons le drame secret, la passion couvée, la douleur
inaperçue.
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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