On
est pris d’abord dans l’inertie d’un jour de vacances, de viduité lasse
à Cabarete, petit Rimini au nord de la République dominicaine. Le
narrateur (Bühler) ne sait que faire, va et vient de la plage à un bar,
à une pizzeria, se laisse emmener ici ou là par son ami Doudou, fuit le
Deutsches Strandbar, revient s’asseoir, boit et reboit. Source de ce
vide, sans doute le souvenir, dans les limbes du réveil, de la mort
d’un ami, Yvan Leyvraz, tué par les Contras en 1986. Et le vide alors
se remplit jusqu’à la nuit de souvenirs en foule, dans le faux désordre
de la rêverie et la mémoire, à quoi Bühler s’abandonne, comme un
mouvement d’un kaléidoscope qui tourne avec les heures de la journée.
Mais le mort ne revient pas seul: avec lui surgissent d’autres amis,
d’autres pays en guerre, d’autres causes humanitaires pour qui le
narrateur s’est engagé, avec ou sans lui. Ainsi ce jour se fait aussi
le bilan d’une vie à sa moitié, après un long combat de solidarité au
côté des opprimés. Nulle révolte criarde, nul jugement à
l’emporte-pièce, pas même de vraie aigreur pour les «aventuriers des
charters» ou les soixante-huitards repentis du pianissimo. Diffus tout
au long du livre, et d’autant plus fort, un sentiment de fraternité
dans le désespoir, qui sauve peut-être du désespoir.
JACQUES-ÉTIENNE BOVARD, Le Nouveau Quotidien
…Parce qu’il est écrit avec le cœur, voire avec les tripes, parce qu’il
est rempli de très nombreux éclats d’un miroir qui reflète le sens
d’une vie, Cabarete est un merveilleux compagnon de route.
HENRI-CHARLES DAHLEM, Coopération
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