C’est le quatrième roman que l’écrivain publie chez Bernard Campiche après La Mort digne, Les Sirènes de Budapest et Orion.
Né à Vevey en 1975, Frédéric Lamoth s’enrichit de deux cultures: celle,
hongroise de son père et celle, cuisse, de sa mère. Après avoir
fréquenté le Gymnase cantonal de la Cité, il entre à l’université de
Lausanne et en ressort médecin. Une profession qu’il partage avec celle
d’écrivain.
L’histoire est une esquisse plutôt qu’une toile panachée de couleurs
avec sa dominante de blanc et de gris. Car les couleurs cachent
l’essentiel. Légère et grave à la fois en est la trame. Dans une rue de
Lausanne, le narrateur découvre une galerie d’art de photographies. Son
regard est magnétisé par la dernière: deux visages de femmes endormies
côte à côte sur fond blanc. Dans un café, il observe deux femmes
immergées dans une conversation animée. C’est alors qu’il ébauche une
histoire. Il nomme ses héroïnes Diane, la femme qui vient de la nuite
et Claire pour celle qui attent dans la lumière «déesses d’un rythme
primitif et oublié qui partagent le même sanctuaire.»
Claire et Diane ne se sont pas revues depuis vingt ans, depuis l’époque
où elles suivaient une formation dans l’hôtellerie dans un pensionnat à
Leysin. Elles ont toute la nuit pour évoquer cette tranche de vie avec
des mariages qui ne les comblèrent, ni l’une ni l’autre. Mais surtout
c’est Lorenzo, le bel aristocrate italien, leucémique et mort à la fine
fleur de l’âge qui ravive les souvenirs. Elles avaient tout juste vingt
ans.
L’histoire se déroule en Suisse, dans des lieux très précis. Mais elle
touche à l’universalité. La langue est épurée. Le roman se lit d’une
traite. Et s’achève sur cette photo prise par Jürgen, étonné par le
tableau qui s’offre à ses yeux. «Le sommeil semblait transformer la
réalité en rêve.» Et si la réalité n’était, après tout, qu’un rêve
éveillé?
ÉLIANE HINDI, L'Omnibus
Diane au clair de lune…
Le quatrième roman de Frédéric Lamoth donne une sensation de noir et blanc dans laquelle on plonge sans s’ennuyer.
«Je suis arrivé devant le dernier tableau de l’exposition. Deux visages
de femme sur un fond blanc, un drap plissé. Les yeux fermés, côte à
côte sur le même plan. Deux femmes qui dormaient dans le même lit et
dont le sommeil semblait transformer la réalité en rêve.»
Sur fond blanc
Un jour de février, le narrateur, anonyme, professeur d’histoire
médiévale à l’université, entre dans une galerie d’art où il découvre
des photographies. L’une d’entre elles attire son attention,
l’interpelle. Il s’agit de deux femmes assoupies côte à côte, sur un
fond blanc. Figées, il émane d’elles à la fois mystère et atemporalité.
À la fin de sa journée, le narrateur se réfugie dans un café pour
palier à la solitude qui l’attend. Il observe alors deux femmes qui
semblent se retrouver après des années et qui font écho à ces deux
figures endormies. Il les nomme Diane et Claire.
Tout comme l’impression provoquée par la photographie, rêve et réalité
commencent à se mélanger. Le narrateur s’efface pour laisser place à
Diane et Claire, les deux princesses endormies. Celles-ci revivent le
passé comme dans un songe et dont on ne sait pas très bien s’il est
réel ou le fruit de l’imagination de ce narrateur qui disparaît après
le premier chapitre. La boucle est bientôt bouclée, puisque c’est
l’histoire de la photographie qui nous est racontée et qu’on retrouve
dans les derniers chapitres.
Avec, en arrière-plan, les figures de Merlin et de la fée Viviane –
Nimuë en gaélique – représentants d’un amour impossible, on assiste à
une longue conversation entre les deux femmes qui ne se sont pas vues
depuis vingt ans et qui se remémorent leurs souvenirs dans le
pensionnat de l’école hôtelière qu’elles ont fréquentée. Ensemble,
elles assemblent les pièces du puzzle pour redonner vie, une dernière
fois, au passé. Les premières fois, la rencontre avec un jeune homme
malade, les relations étranges qui se tissent, les pensionnaires de
l’école qui vont et qui viennent, les chemins qui se croisent et qui se
séparent…
Sensations, impressions, réflexions… La nuit passe au fil des pages. On
se laisse emporter sans le réaliser par l’écriture aux reflets
poétiques de Frédéric Lamoth. Une écriture fine, qui suggère et dévoile
avec délicatesse, quand bien même le souvenir peut être parfois crû. Le
lecteur avance dans l’histoire sans savoir chaque fois qui des deux
femmes parle, qui des deux femmes réfléchit. Le flou de la narration
vient répondre à ce flou qui entoure par moments les images de la
mémoire.
Une histoire d’amour, d’amitié, d’ambiguïté, de liens invisibles qui
viennent façonner les destins. L’auteur aborde une flopée de thèmes
sans que rien ne paraisse artificiel.
JS, www.auxfilmsdespages.ch
Première rencontre, une exposition de photos d’une glaciale
pureté, toutes en blanc et noir, paysages de neige et, dans un lit
blanc, deux femmes qui dorment.
L’histoire est faite d’un improbable mélange de souvenir et d’histoire
actuelle, les deux femmes de la photo se retrouvant au bout de vingt
ans, à la fois pour raconter ce qu’elles ont tu autrefois alors
qu’elles étaient toutes deux à Leysin, à l’École hôtelière, et ce
qu’elles sont devenues.
Le passé reprend vie jusqu’à la fin où le blanc de la neige viendra
«restituer cette forme de pureté et de simplicité qui ramène à
l’essentiel».
JULIETTE DAVID, Suisse magazine
Fond blanc de la page pour l’écrivain, du papier sensible
pour le photographe, des draps froissés, des paysages de neige… Il y a
de tout cela dans le récit en kaléidoscope de ce qui pourrait n’être
que les retrouvailles de deux camarades de pensionnat se voyant vingt
ans après et qui, par l’alchimie très littéraire, se fond et recompose
en tant d’autres images. Découpages et reliefs en camaïeu, à l’ombre de
Rilke.
Marie-Claire Suisse
Tendre est la neige
Dans Sur fond blanc,
le quatrième roman de Frédéric Lamoth, les belles au bois dormant sont
restées endormies. Le narrateur viendra les réveiller en rêvant leur
passé
C’est une histoire de princesses devenues grandes, celle de deux femmes
endormies qui attendent peut-être – ou peut-être plus – le prince
charmant. Il est possible que le narrateur soit ce prince providentiel.
Il est celui, en tout cas, qui, par la force de son récit, réveille
l’histoire en sommeil des deux femmes.
Il les voit d’abord en photo, au fond d’une discrète galerie d’art
lausannoise où s’exposent des paysages enneigés. Le ton est donné: tout
le roman sera blanc, comme ces images, comme les fantômes du passé.
Puis le réel surgit. Voici Diane et Claire, attablées dans un café, non
loin de là. «J’ai cru voir encore ces deux visages de femmes qui
conjuguaient leurs rêves en fermant les yeux sur le passé, l’histoire,
le temps des illusions et toute forme de nostalgie qui nous aurait
précédés. En fermant les yeux sur moi.»
C’est l’histoire de leur jeunesse, celle de deux étudiantes en
hôtellerie dans un internat au-dessus de Montreux, qui se déroule
ensuite. On y rencontre un jeune homme pâle, tuberculeux, séduisant; il
y a un mariage distant, un hôtel, des soirées bizarres, des nuits
blanches. Tout un monde qui se déplie peu à peu, nostalgique, suspendu,
inachevé. Le lecteur avance dans un paysage littéraire qui évoque un
peu Patrick Modiano ou Marguerite Duras, à qui Frédéric Lamoth semble
rendre hommage.
Entrelaçant de multiples thèmes, les contes, le mythe de Merlin,
l’ambiguïté des rapports entre hommes et femmes, la photographie, le
destin particulier de chacun, la jeunesse perdue, Frédéric Lamoth –
dont Sur fond blanc est le quatrième roman après La Mort digne, Les Sirènes de Budapest et Orion (tous chez Bernard Campiche) – tisse un récit qui recouvre Lausanne et la Riviera vaudoise d’un fin glacis romanesque…
ÉLÉONORE SULSER, Le Temps
La photographie, et le cinéma, puis la télévision ont
commencé par ce que l’on appelait le noir et blanc, avant de bénéficier
du spectre entier des couleurs.
Aujourd’hui on revient volontiers aux nuances de gris sur fond blanc.
Ce retour aux sources n’est pas anodin. À la réflexion, il ne s’agit
pas de nostalgie. Il semble plutôt qu’on veuille revenir au dessin et à
l’esquisse plutôt qu’au tableau saturé de couleurs.
Car les couleurs cachent l’essentiel; elles dissimulent les lignes;
elles tuent l’imagination, tandis que les lignes la favorisent, grâce à
leur pureté, aux creux qu’elles créent, que l’esprit comble.
En passant dans une rue de Lausanne, le narrateur découvre dans une
galerie d’art des photographies de paysages hivernaux, de maisons, de
toits couverts de neige.
Alors que rien ne le précise dans le texte, pourquoi imaginé-je que ces photographies ne puissent être qu’en noir et blanc?
Sous chacune de ces photographies, un bristol en donne un court descriptif, daté, localisé.
Le narrateur arrive devant la dernière d’entre elles:
«Deux visages sur un fond blanc, un drap plissé. Les yeux fermés, côte
à côte sur le même plan. Deux femmes qui dormaient dans le même lit et
dont le sommeil semblait transformer la réalité en rêve.»
Ces deux femmes portent leurs vêtements de jour. Sur la tempe gauche de
l’une d’elles, une marque, comme une ancienne cicatrice. On ne sait si
elles sont mortes ou si elles dorment...
Alors le narrateur, qui écrit un livre sur le mythe de Merlin, et ses
liens avec la fée Nimuë, et qui observe, un peu plus tard, la rencontre
de deux femmes dans un café lausannois, ébauche, en les voyant, une
histoire qui se terminerait par la photographie de «ces deux femmes
assoupies qui semblent attendre le prince charmant».
Il leur donne deux noms qui traduisent leur complicité et leur
divergence, Diane pour celle qui vient de la nuit, Claire pour celle
qui attend dans la lumière. Il imagine qu’elles se revoient vingt ans
après s’être perdues de vue au sortir de l’école hôtelière. Du café
lausannois elles se rendent chez Diane, où se trouve un tableau
préraphaélite de Merlin et Nimuë... Elles se racontent et se
souviennent.
Le père de Diane était juriste, sa mère femme au foyer. Du temps de
leurs études, Diane dessinait, mais elle a rangé ses crayons. Elle est
le modèle de Jürgen, le photographe des deux femmes assoupies, et vit
avec lui. Elle se rend une semaine par an en Asie où elle retrouve
Paul, son mari. C’est elle qui a une cicatrice à la tempe.
Les parents de Claire tenaient un restaurant sur les hauts de Montreux,
mais elle ne voulait pas prendre leur suite. Elle travaille maintenant
dans un centre de congrès à Évian. Elle sortait avec Franck. Maintenant
elle est avec Conrad, un informaticien. Ils habitent Génolier.
Elles se souviennent notamment de Lorenzo, un jeune homme, beau et
chauve, rencontré sur un quai de gare. Il avait une leucémie. Il est
mort depuis quelque vingt ans. Lorenzo possédait dans sa chambre
d’hôtel une photo d’une inconnue, au dos de laquelle il y avait une
inscription en italien:
«Amore...Nave senza nocchiere sul mare calmo della sera...» (Amour...Navire sans timonier sur la mer calme du soir...)
Destiné à la prêtrise, Lorenzo avait renoncé à sa vocation. Ses
expériences sexuelles avaient été désastreuses. Il s’était révélé
impuissant, son désir se volatilisant à chaque fois qu’il s’agissait de
passer à l’acte.
Lorenzo, Diane et Claire forment un temps un trio improbable. Ils
jouent respectivement les rôles du patient, de l’infirmière et de la
lectrice:
«La maladie, le corps, l’esprit, trois formes, trois expressions d’une même substance, avec des visages bien distincts.»
Diane et Claire se confient à son sujet ce qu’elles ne se sont pas dit
à l’époque. Elles n’ont pas été bien loin avec lui, ni l’une ni
l’autre, en raison de son impuissance, alors qu’elles croyaient chacune
le contraire...
Le narrateur raconte enfin comment Diane s’est fait sa cicatrice,
comment elle et Claire se sont retrouvées dans le même lit et comment
Jürgen les a prises en photo dans cette situation.
Le livre se termine dans l’attente de la neige:
«Elle viendrait. Peut-être déjà ce soir ou pendant la nuit. Elle
précéderait l’aube, avec le silence et le gel, elle se condenserait
comme les dernières visions d’un rêve, elle effacerait toute trace.»
Et l’on se dit que sur le fond blanc des pages qu’il a écrites,
Frédéric Lamoth laisse une trace onirique qui, elle, ne s’effacera
pas...
Blog de FRANCIS RICHARD
Deux
femmes, Claire et Diane, ont fait leur formation dans l’hôtellerie dans
un pensionnat à la montagne et elles se revoient plus de vingt ans
après… Unions, vie quotidienne, elles évoquent leur chemin de vie et
leurs impressions personnelles du passé.
Un extrait du roman:
C’était le vendredi avant Noël. Elles avaient quitté ensemble l’école
après le cérémonial austère qui avait lieu chaque année dans le
réfectoire. Le directeur leur souhaitait de joyeuses fêtes et l’on
échangeait un bon contre un cadeau au choix, toujours les mêmes choses,
une boîte de chocolat ou un pot-pourri de tisanes. Il y avait aussi une
carte de vœux offerte par un service d’aumônerie. Elles ont pris le
train. Elle a accompagné Diane jusqu’à Lausanne. Elle voulait acheter
les cadeaux pour sa famille. Elles ont fait les boutiques, les
magasins, par cet après-midi de décembre, froid, sans neige. Elles se
sont arrêtées dans un tea-room. Elle se souvient de ce café de style
viennois avec ses confiseries en vitrine, ses parois à moulures et
ses miroirs. Il lui inspire encore aujourd’hui sa plus grande nostalgie
de Noël. Quand elles sont sorties, les guirlandes dans les rues étaient
allumées. Elles sont remontées vers la place de la Palud. Elle a
demandé à Diane de l’attendre un instant et est entrée dans une
boutique pour lui acheter cette paire de gants. À son retour, Diane
était assise à l’intérieur de la fontaine qui était vide. Des enfants
jouaient autour d’elle. Elle a ouvert aussitôt le paquet et a enfilé les
gants. Ses mains se sont animées comme par magie sous cette peau neuve.
Des mains aux doigts écartés, sans rides, sans lignes, muettes.
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