ANNA STÜSSI

Ludwig Hohl:
en route vers l’œuvre,
une biographie des années 1904-1937

traduit de l’allemand par Antonin Moeri

2022. 472 pages. Prix: CHF 42.00
ISBN 978-2-88241-484-7


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Ludwig Hohl, d'Anna Stüssi

Anna Stüssi, dans ce fort volume biographique, s'intéresse aux années 1904-1937 de Ludwig Hohl (1904-1980), ce qui ne l'empêche pas de faire quelques incursions bien au-delà de 1937.
Comme elle le dit dans son introduction, «la gloire vint tardivement et s'estompa bientôt». Aussi faut-il remercier Bernard Campiche d'avoir édité et Antonin Moeri d'avoir traduit cette biographie.
À l'appui de ses dires, l'auteure cite abondamment l'écrivain suisse allemand, qu'il s'agisse de ses œuvres ou de sa correspondance, ainsi que ce qu'ont dit de lui ses amis dans leurs lettres et articles.
Ainsi découvre-ton une personnalité hors normes. Il n'est pas beaucoup d'écrivains comme lui qui ont eu ou ont une telle persévérance à continuer d'écrire en dépit du manque de reconnaissance.
Ludwig Hohl sait depuis tout petit qu'il ne veut qu'une chose au monde être un artiste. Connaître misères et désolations ne sont pas raisons suffisantes pour renoncer à écrire... nombre de notes.
Dire que c'était quelqu'un qui était paresseux et se la coulait douce serait une terrible erreur commise sur la personne. Pendant de longues périodes il a travaillé sans trêves ni repos ni souci de sa santé.
Les années 1904-1937 suffisent à familiariser le lecteur avec cet homme instable, qui ne travaille pas pour vivre, au grand dam de ses parents qui ne le comprennent pas, mais pour être un vrai artiste.
Comme tout vrai artiste, Ludwig Hohl est hypersensible. Mais cette hypersensibilité ne justifie pas pour autant d'être désorganisé et ne pas noter tout ce qu'il fait pour en tirer des leçons sur la vie.
Il note même ses rêves qui, nous dit sa biographe, ont une grande importance existentielle: «Il y trouvait des informations sur lui-même et, en plus, l'expression d'une imagination poétique archaïque…»
Ses amis ont également une grande importance pour lui, qui échange beaucoup avec eux, de même que les géants de la littérature, poètes, philosophes, écrivains, dont il fait son miel de la lecture.
Il ne se sent pas bien en Suisse où son mode de vie marginale et originale est incompris. À Paris, à Marseille, aux Goudes, à Faverges, à Vienne, à Grein an der Donau ou à La Haye, il est son pays.
En 1937, revenu en Suisse, à Genève, loin du Glaris natal, traversant le lac Léman à la nage, ce personnage de roman est apaisé par la simple vue du Mont-Blanc qui le regarde depuis un moment
«C’est à cette image que recourut la biographe quand le courage allait la quitter sur la longue route à travers la biographie de Hohl.»

Blog de
FRANCIS RICHARD

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L’impressionnante biographie de l’essayiste Anna Stüssi sur le devenir écrivain de Ludwig Hohl enfin en français

L’effort titanesque vers l’œuvre

«Tu seras ou un grand poète ou rien du tout», écrit Gertrud Luder à son «petit lion» alors qu’ils n’ont pas 20 ans. La trajectoire de Ludwig Hohl oscillera entre ses deux pôles: le néant et la lumière. Saturne et Jupiter, le prosaïque et l’infini, la sensation d’avoir échoué et la certitude que l’ascension vers l’œuvre est la seule voie. À 12 ans, asphyxié par un milieu familial glaronnais inapte à lui reconnaître aucun talent, il note déjà: «Je suis faible dans la vie, l’écriture sera mon seul royaume.»
Pour ce fou des sommets austère et volubile, colérique et exalté, qui pratiqua l’alpinisme et la musculation à haute intensité, l’enjeu existentiel se logera dans ce geste – écrire –, creuset où se presse un besoin de clarifier impressions, idées, sensations pour faire face à l’incommensurable réalité. Encore faudra-t-il qu’à la force de travail s’allie le don de vision et que la pensée rationnelle fusionne avec l’esprit poétique. Les années 1920-1930 seront à ce titre déterminantes, raison pour laquelle on les retrouve amplement documentées dans la biographie que l’essayiste bernoise Anna Stüssi a consacré à l’écrivain en 2014.
Ludwig Hohl. En route vers l’œuvre vient de paraître en français chez Bernard Campiche Éditeur grâce à l’écrivain Antonin Moeri, à qui l’on doit de nombreuses traductions de Ludwig Hohl, dont Le Petit Cheval et L’Étrange Tournant.

Sous l’écume des faits

Outre le balisage factuel d’une vie – lieux (Paris, Marseille, La Haye), réseaux de sociabilité  (La Rotonde, à Montparnasse, le café Herrenhof à Vienne), récit des origines, amours, amitiés, soit ce que l’on peut attendre du genre biographique –, le livre réussit là où on ne l’attend pas. Anna Stüssi parvient à se glisser sous l’écume des faits – pour restituer l’odyssée intérieure d’un homme en lutte avec le manque d’argent, la faim, les refus des éditeurs, la défiance de ses proches face à son jusqu’au-boutisme de créateur. C’est à ce prix, colossal, celui de la pauvreté consentie et de la conviction profonde que l’art est tout, qu’il parviendra à délaisser la forme conventionnelle (roman, poème) pour investir cette prose poétique et discursive, tranchante et fragmentaire, qui caractérisera Notes, ouvrage majeur paru en 1944 et traduit en 1989 par Étienne Bariller.
«Qu’est-ce que l’art? En faible lueur matinale après une grande tourmente», écrit-il en 1926. Chez Hohl, la gestation de l’œuvre est passionnante, car elle engage un effort titanesque vers un surplus d’acuité dont la contrepartie nécessaire est un abîme de dispersion. Alcool, véronal, cellule de dégrisement, dérives nocturnes jusqu’au délire seront ainsi du voyage. Un voyage dans les limbes de l’être, que la somme impressionnante de documents – lettres, carnets, esquisses, manuscrits – métabolises et intégrés à bon escient par Anna Stüssi dans son essai, permet de rendre intensément vivant.

MAXIME MAILLARD, Le Courrier

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Les années d’errance d’un insoumis

Une riche biographie de Ludwig Hohl paraît en français, centrée sur sa jeunesse

L’écrivain Antonin Moeri traduit également, chez Bernard Campiche, une riche biographie de Ludwig Hohl (1904-1980), plus précisément de ses années de formation, avant que le penseur poète ne se retranche dans sa cave genevoise pour réordonner patiemment ses liasses de Notes, devenant un ermite dont les admirateurs venaient recueillir les oracles. Parue en allemand en 2014, elle est signée par la Bernoise Anna Stüssi. Kaléidoscopique, elle préserve la richesse de son modèle sans en faire une caricature ni chercher à gommer ses aspérités.
À travers lettres et documents inédits, elle compose avec finesse un passionnant portrait de l’écrivain, de son enfance dans le canton de Glaris à ses années d’errance entre 1924 et 1937, entre Paris, Vienne, La Haye… Jusqu’à ce qu’il revienne dans cette Suisse «mesquine» qu’il détestait, imaginant n’y faire qu’une halte pour fuir ses créanciers sans savoir qu’il allait y rester jusqu’à la fin de sa vie. Lui qui avait détesté à peu près toutes les villes fut séduit par la lumière de Genève, «sans doute la plus belle du monde».

JULIEN BURRI
, Le Temps

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Ludwig Hohl, sa vie et ses frasques genevoises

Les grands artistes suisses ont souvent choisi l’exil (Giacometti, Cendrars, etc.), mais l’exil n’a pas toujours fait leur succès. Né à Netstal, dans le canton de Glaris, Ludwig Hohl (1904-1980) n’a presque rien publié durant les années d’errance qui l’ont conduit à Paris, Marseille, Vienne et La Haye avant de le ramener en Suisse, en 1937, où il va finir ses jours au fond d’une cave genevoise. C’est à cette vie nomade, loin de la Suisse détestée, que s’en tient la biographie d’Anna Stüssi: un travail précis, sensible, éclairant, fondé sur l’exploration des 250 boîtes de documents que contient le fonds Ludwig Hohl déposé aux Archives littéraires suisses. Si le livre s’arrête en 1937, explique son auteure, c’est parce que la première partie de cette vie turbulente, souvent miséreuse et alcoolisée «contient déjà tout Hohl». Anna Stüssi montre l’œuvre en train de se faire, dans l’obscurité de sa chrysalide.
L’écrivain Antonin Moeri a traduit cette biographie, mais aussi un texte inédit de Ludwig Hohl qui paraît simultanément: Séjour intérieur (Rapport) (Editions Othello, 192 p.). Il date de 1941, donc des années genevoises, et il a été écrit peu de temps après les faits qu’il rapporte: trois jours derrière les murs de la prison Saint-Antoine à cause d’un esclandre en état d’ébriété au café Central. C’est le récit d’un voyage immobile, comme celui que Xavier de Maistre avait fait autour de sa chambre. Minutieux jusqu’à la maniaquerie, Ludwig Hohl décrit la vie carcérale, les codétenus, les repas, la promenade, la tinette, les fenêtres grillagées à travers lesquelles on ne peut voir «que le ciel, sans jamais apercevoir la terre». Il se prétend froidement objectif, comme devrait l’être un rapport. Mais il ne l’est pas, bien sûr, et c’est dans cet écart que s’insinue la drôlerie grinçante du texte. Le lecteur n’est pas mécontent de passer trois jours à l’ombre avec un tel prince de la marginalité littéraire.

MICHEL AUDÉTAT
, Le Matin Dimanche

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L’image que nous gardons de Ludwig Hohl est celle d’un penseur vivant dans une cave à Genève, sous les pages manuscrites pendues à des ficelles.
Anna Stüssi raconte les années errantes d’un insoumis qui ont précédé cette sédentarité. Ludwig Hohl n’a obtenu une certaine reconnaissance qu’à la fin de sa vie. Sa pensée, qui ne se contente pas de saisir les contours patents des phénomènes, est d’une incroyable modernité. Il l’a élaborée dans les années 1920-1930, loin de sa patrie.
La biographie d’Anna Stüssi embrasse cette période-là de sa vie. Le jeune Hohl fuit l’étroitesse de la Suisse, d’abord à Paris, dans le quartier Montparnasse. Infatigable flâneur, il est toujours en route, dans les Alpes, à Marseille, Vienne et, finalement, dans la ville paisible de La Haye, où il fixe les contours d’une manière très personnelle de penser. Quand il revient en Suisse pour des raisons de détresse matérielle, il transporte dans une valise une oeuvre presque achevée: les mille pages des Notes.
Anna Stüssi a travaillé sur de nombreux documents non publiés. Elle en a tiré le portrait sensible d’un individu qui ne cesse d’utiliser ses propres expériences et les circonstances menaçantes de l’époque pour les transposer avec une grande force poétique.

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