«L’Écritoire se réunissait dans la vieille ville au-dessus de la voirie municipale. Les cinq d'Action Illégaliste
y avaient trouvé un abri, ignoré du collectif d'écrivains, dissimulé
dans les combles où l'on gelait en hiver et crevait de chaud aux beaux
jours.»
Action Illégaliste est
une organisation révolutionnaire, anticapitaliste. Les cinq, ce sont le
narrateur, Aris Gatineaux, alias Pépère, fils d'ouvrier, Mina
Lesenstein, alias Noema, fille de patron, Lilas Bauboin, fille de
médecin, Laurent Saulémont (Saule), fils de paysan, et Miguel Saladras
(Ricochet), fils d’immigré.
Ils ont puisé leur rébellion dans la condescendance des Lesenstein, et
de leurs semblables, envers les autres. Ils ne croient pas à
l'innocence du capitalisme, fût-t-il celui, «à visage humain», des
sociaux-démocrates. Saule a émis cette sentence qui définit leurs
actions passées et à venir: «Détruire pour ne pas être détruit.»
Ils forment la cellule Chat Noir à l'origine d'Action Illégaliste,
qui, comme toute organisation révolutionnaire qui se respecte, est
constituée de cellules qui ne se connaissent pas entre elles. C'est
toutefois la Cellule du 18 mars qui a établi le plan de leur prochaine action et qui s'est occupée de son financement.
C'est à Chat Noir qu'en
revient l'exécution, qui consiste à éliminer Emiliano Zadusco, PDG de
Noxantroz, la multinationale d'agrochimie. Aris et Mina, seuls à avoir
un casier judiciaire vierge, embarqueront sur le Mirifique, où ce prédateur de la planète fera une croisière dans l'Antarctique, avec femme et enfants.
Seulement cette élimination ne se passe pas comme prévu, parce que
c'est une chose de tuer une personne in abstracto, c'en est une autre
de l'assassiner après avoir fait connaissance avec elle et, surtout,
après avoir appris d'elle «la fomentation d'un plan d'une subtilité
tellement perverse qu'il paraissait inconcevable».
Quoi qu'il en soit, après une telle inaction, Aris n'a d'autre choix
que la cavale, une seconde nature chez ce jeune homme, disparu du jour
au lendemain, quatre ans plus tôt, de la vie de ses parents, lesquels
avaient pourtant tout misé sur lui, pour qu'il n'ait pas le même sort
modeste qu'eux et qu'il puisse être leur fierté.
N'est pas révolutionnaire qui veut, serait-on tenté de dire, surtout
quand on aspire, inconsciemment, à une «petite vie tranquille». Aris
est peut-être Illégaliste
dans l'âme, mais il n'est pas un assassin. Ce qui ne signifie pas que
ce «terroriste paisible» sortira facilement d'affaire, avec aux
trousses ses complices et la police.
Thierry Luterbacher laisse planer l'incertitude jusqu'au bout. Son
narrateur sortira-t-il indemne de cette histoire? En tout cas il fera
de beaux rêves, mais de là à ce qu'ils deviennent réalité, il y a
beaucoup de pas à franchir, qui ne sont rien de moins qu'hypothétiques.
Mais, en définitive, c'est la vie qui a le dernier mot...
Blog de FRANCIS RICHARD
Avec Illégaliste
qui vient de paraître chez Bernard Campiche. Thierry Luterbacher,
bientôt 71 ans, signe son huitième roman. L’anarchiste Aris Gattineaux,
voyage aux confins du monde, notamment l’Antartique, pour une mission
terroriste. «Je voulais décrire une région où je n’étais jamais allé,
qui est menacée de disparaître», déclare le journaliste-écrivain.
Son héros a pour mission d’éliminer le PDG d’une multinationale lors
d’une croisière de luxe. Les deux hommes se rencontreront … Tuera,
tuera pas? «Dans ma jeunesse, j’ai beaucoup flirté avec les guérillas
urbaines et me suis par ailleurs lié avec le dirigeant d’une usine
pharmaceutique. Pour moi, c’est l’humain qui est au centre.» L’auteur
biennois interroge la notion d’innocence au fil de rencontres qui le
confrontent aux tréfonds de lui-même. Le déclencheur de cet ouvrage:
«Comme toujours, une petite phrase me trotte dans la tête. La plume me
sert de machette pour m’ouvrir un chemin…»
NW, Biel/Bienne
Issirac
Thierry Luterbacher publie son huitième roman
Thierry Luterbacher vient de publier son huitième roman, Illégaliste.
Né en 1950 à Péry (Suisse), l’auteur passe ses vacances au village avec
ses parents et sa famille puis avec ses enfants. Il fait l’unanimité
des villageois qui avaient le privilège de le côtoyer pour sa
gentillesse et sa joie de vivre communicative.
Thierry, qui a la double nationalité franco-suisse, vit à Bienne, dans
le canton de Berne, en Suisse. Écrivain, il est l’auteur de huit
romans, tous publiés chez l’éditeur Bernard Campiche. Le premier, Un cerisier dans l’escalier,
a reçu le prix Georges-Nicole 2001 pour un premier roman très remarqué,
ainsi que le prix Saint-Valentin du meilleur roman d’amour.
À ce jour, Thierry présente son nouveau roman, Illégaliste, l’illustration de la couverture est signée de l’auteur qui est aussi artiste peintre.
Après des études au conservatoire d’art dramatique de Paris, Thierry
est auteur, metteur en scène de théâtre, journaliste, réalisateur. Il
anime une émission d’entretien sur la chaîne de télévision régionale et
est membre de la direction de cette même télévision ainsi que de la
radio locale de la ville de Bienne. Inutile de dire que Thierry est
très connu dans le milieu artistique franco-suisse. Les villageois
espèrent le revoir au village prochainement.
Le Midi libre, 25 mai 2021
L’ordre dans le désordre
Philosophe et libertaire, Thierry Luterbacher signe un roman à son image: sur fond de guérilla urbaine, L’Illégaliste soulève des questions sur l’anarchie et l’amour
Aristote Gatineaux, ou Aris pour les intimes, un révolutionnaire
taiseux au cœur pur est partagé entre sa lutte anarchiste et son désir
d’amour simple. Sa mission: assassiner le PDG d’une multinationale
d’agrochimie pour combattre un capitalisme corrompu. Mais est-ce qu’un
idéal peut justifier la mort d’innocents? Ce questionnement emmène Aris
à rencontrer des personnages apparemment envoyés par le destin,
questionnant le besoin de violence pour renverser l’ordre social. Un
récit haut en images et symbolismes sous la plume du Biennois Thierry
Luterbacher qui signe avec L’Illégaliste son huitième roman.
Thierry Luterbacher, ce récit teinté d’anarchie représente-t-il une forme d’essai libertaire?
Difficile de répondre catégoriquement, mais il est vrai que je suis
libertaire depuis toujours. Dans la vingtaine, après Mai 68, j’avais
une activité de lutte. J’ai aussi passé plusieurs années sur la route,
vivant dans un bus… Je me suis toujours senti en conflit avec la
société, avec l’impression de regarder le monde de l’extérieur. Encore
aujourd’hui je me retrouve souvent partagé entre un sentiment humaniste
et une incompréhension face à la vie que mène la majorité des gens.
Ces réflexions transpirent dans
la pensée de votre personnage principal, tiraillé entre des idées
contradictoires de révolution et de bonheur simple, ayant à la fois
peur de vieillir et de mourir jeune…
La condition humaine veut cela: on est toujours «parasité» par des
désirs incompatibles avec nos idéaux. Je suis moi-même une
contradiction ambulante.
Votre héros se demande aussi si
les humains ne sont peut-être pas faits pour un monde meilleur, car il
recommenceraient éternellement les tragédies en se promettant «plus
jamais ça». Vous partagez ce point de vue pessimiste?
Il n’y a qu’à regarder les massacres de la Seconde guerre mondiale.
Malgré la repentance générale, les génocides continuent sous
différentes formes.
Donc, malgré vos idéaux, vous
estimez, comme Aris, que l’anarchie est une utopie, «sans doute la plus
belle, celle de l’absence d’autorité qui suppose que chaque être humain
doit se sentir assez responsable pour pouvoir s’en passer»?
Bien sûr que c’est une utopie, il faut être réaliste! Mais de
nombreuses utopies ont traversé les siècles pour devenir des réalités.
Allez imaginer le vote des femmes ou le congé payé au XVIe siècle.
C’est donc une utopie qui fait son chemin et qui se matérialise pour
l’instant dans des bulles localisées, comme au terrain de la Gurzelen,
à Bienne.
Entre deux réflexions
politiques, vous parlez aussi beaucoup d’amour, notamment d’amour
libre. Là aussi, des contradictions se dégagent. Après avoir enjoint sa
compagne à la liberté, Aris concède son regret «de révolutionnaire en
goguette qui avait peur d’aimer»…
J’ai vécu la révolution sexuelle, je connais donc bien le sujet. Mais
je n’ai jamais vraiment cru en l’amour libre, qui s’accommode mal avec
mes émotions. J’admire surtout la volonté de ne pas se dire
propriétaire de l’autre et de vivre ses sentiments comme une aventure
incessante.
Vous ponctuez votre histoire de scènes sensuelles… Pour servir le récit ou par plaisir?
Par hédonisme! Il faudrait ne pas être humain pour ne pas aimer ça. Ça
ne se résume pas au sexe. Il y a la joie de la rencontre, la tendresse,
l’intimité… Ce sont des moments que j’ai envie de vivre, et donc
d’écrire.
Vous écrivez comme un anarchiste?
Il y a autant de manières d’écrire que d’écrivains, mais il est vrai
que je me passe de plan de travail. Je commence généralement mes romans
à partir d’une simple phrase, qui devient une obsession. Je la couche
sur le papier, puis j’avise. Il faut dire que j’aime me trouver en
territoire inconnu, ne pas savoir ce que la page suivante me réserve.
C’est un peu comme avancer dans une jungle avec un crayon pour machette.
Vous dispersez aussi des références littéraires, comme les cailloux du Petit Poucet…
Je n’ai jamais fait de matu, car on m’a viré de l’école quand j’étais
jeune, mais la littérature m’a toujours importé. Je me suis constitué
ma propre culture, avec des Bibles personnelles, telles que Sur la route de Jacques Kerouac. L’Étranger, d’Albert Camus ou Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier, car cela me rappelle mon envie de conserver l’émerveillement de l’enfance.
MAEVA PLAINES, Le Journal du Jura, 25 mai 2021
La
vie d’Aris Gatineaux a été forgée par la pauvreté et la condescendance
des nantis, c’est naturellement qu’il est devenu illégaliste,
clandestin de la lutte armée et terroriste paisible. Chacune de ses
actions de guérilla urbaine, chacune de ses paroles militantes, chaque
mensonge pour le besoin de la cause révolutionnaire l’arrachent un peu
plus à son père, à sa mère, à ses amours, aujourd’hui en friche. La
cellule du Chat Noir est la matrice d’Action Illégaliste.
Cinq amis d’enfance ont mis le mouvement en branle avant qu’il ne
s’essaime. Ils voulaient, disperser leurs idées comme le vent disperse
les graines. Leur amitié a été une évidence dès l’école enfantine. Ils
étaient bringuebalants, c’est pourquoi ils se sont tant aimés. Ils
appellent ça, « la liberté du vertige » en guerre contre un système qui
a comme vocation l’anéantissement de la planète, la mort lente des
exploités, la mort violente des révoltés. Chargé d’éliminer le PDG
d’une multinationale d’agrochimie, confronté à sa nature profonde, Aris
questionne l’assassinat.
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