Être en vie
Horizon R de Marina Salzmann nous fait entrer dans l’expérience de coma.
Percutante mise en mots d’un gouffre.
Ce roman provoque un réveil. Et pourtant Wallace est inconsciente. Tom
l’aide. Il essaie de lui parler, mais la communication est incertaine.
Est-ce qu’elle entend l’essentiel? Le comprend? Le reconnaît? Tom se
trouve face à ces questions, dans la nuit. Et nous avec lui.
À chaque chapitre change la voix. Celle de Tom puis celle de Wallace. Chacun de son côté. Se retrouveront-ils un jour?
Wallace est plongée dans une obscurité profonde. Ses mots nous révèlent
ce que ses sens perçoivent: le silence, la nuit. Puis un son: «Plop. Le plop revient. Je commence à croire à l’existence du temp.»
Bien plus tard, un peu de lumière, puis de nouveau, la nuit. L’espoir
de Wallace s’envole. Dans l’esprit du lecteur, imperceptiblement, des
questions émergent: qui suis-je en réalité? Qu’est-ce qui me maintient
en vie?
Au fil des pages, le récit esquisse quelques réponses: «Je. Il y a un je. Une voix qui dit je. Je vibre.»
Avec la protagoniste, le lecteur prend conscience de son corps qui
tremble, qui bouillonne, qui vit au milieu de l’univers, dans un
présent unique. Va-t-il passer son chemin, fermer le livre et reprendre
comme ses semblables la course folle de ses activités? Dans l’histoire
de Tom et de Wallace, il n’est pas question d’efficacité – on ne parle
nulle part de leurs profession – mais d’être et de relation: Tom vit
suspendu au plus petit souffle de Wallace, Wallace vit parce qu’elle a
reçu la vie… et peut-être parce que quelqu’un veille sur elle.
Horizon R est le nom de
la roche mère, le support du vivant. Ce court ouvrage a ceci de
précieux qu’il oscille entre le plus fragile et le plus solide. Marina
Salzmann est auteure de nouvelles, de poésie et de romans qui naviguent
entre fiction et autofiction. Elle manie avec adresse trompe-l’œil et
réalité. Ici, elle réalise l’impossible: faire penser une personne
inconsciente, faire naître le langage là où les concepts sont absents,
taire l’agitation pour laisser place à la force de la vie. Dans une
gisante. Et si l’expérience de l’immobilité, des ténèbres, de l’oubli,
du silence nous ramenait vers le monde? Lire ce livre nous laisse
bouche bée, comme si on assistait à la naissance de l’existence: on
admire l’éclosion du vivant dans une goutte de pluie ou au détour d’un
caillou, on assiste à celle, incroyable, de l’humain.
FABIENNE VOIROL, printemps/été 2022
LivreSuisse
«C’est
horrible à dire. Je me tais donc devant le lit. Je me contente de
penser. On pense même quand nos pensées n'en valent pas la peine. Ça
part dans tous les sens chez moi, à cause de la peur. Je peux toujours
me concentrer sur ce mantra: le nom de Wallace.»
Celui qui se contente de penser, c'est Tom. Il ne peut rien dire devant
le lit de Wallace où elle «demeure allongée sans mouvement,» dans la
chambre d'hôpital qu'elle occupe dans l'unité des soins intensifs.
Tom pense, ne parle pas. Il est désemparé devant le corps inerte de
Wallace. Il ne sait que lui dire. Alors il se met à lui lire un livre,
Vingt mille lieues sous les mers, parce qu'il sait «que Wallace aime
l’eau.»
De son côté, Wallace évolue dans un monde à part, un monde noir qui ne
laisse pas de la surprendre, un monde onirique dont elle se demande
s'il est ou non cauchemardesque, où elle est déconnectée.
Comme Tom a du mal à s'exprimer devant elle, il a fait l'acquisition
d'un appareil enregistreur qui a «la forme d'un gros oeuf noir.» Cela
va lui permettre de lui parler, de monologuer «sans exiger de réponse.»
Horizon R est un dialogue de sourds singulier où Tom et Wallace
monologuent chacun de son côté, lui sans savoir si elle l'entend, elle
sans savoir s'il existe un autre monde que celui, intemporel, qui est
sien.
Tom raconte des histoires à Wallace, via l'oeuf noir, des histoires
qu'il engrange lors des lectures ou des déplacements qu'il fait: «Je
parle pour tu entendes demain ou dans un an ce que j'ai dit
aujourd’hui.»
Wallace ne sait toujours pas ni ce qu'elle est ni où elle est -
est-elle sur une planche, dans un tiroir? -, ni comment retrouver le
monde d'avant, car la seule chose qu'elle devine, c'est qu'il y a bien
un avant.
Marina Salzmann termine son roman qui apparaît comme un chant poétique
à deux voix, le «vibrato arabesque» de Wallace et le «monocorde
murmure» de Tom, par une coda surprenante et ... par cet aveu: «Comme
dans les rêves quand on les raconte, j'ai oublié beaucoup des détails
de leur histoire. De nouveaux se sont sans doute ajoutés. Le faux est
parfois devenu vrai, et le vrai faux.»
Blog de FRANCIS RICHARD
À
l’hôpital, auprès de Wallace inconsciente, Tom est désemparé. Dans un
monologue qui se poursuit au fil des jours, il tente d’établir un
contact, même infime et peut-être illusoire, avec la gisante.
De son côté, Wallace est prisonnière d’un lieu incertain où se
multiplient les cauchemars. Des mots surgissent. Parviendront-ils à
donner forme au chaos et à dessiner une issue?
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