JEAN-FRANÇOIS HAAS

La Folie du pélican

Roman
2022. 336 pages. Prix: CHF 32.00
ISBN 978-2-88241-482-3




Biographie

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Avec l’humain au cœur

Sur fond de meurtres et de jeunesse en perdition, Jean-François Haas signe un émouvant roman d’amour filial. À l’image de son auteur, La Folie du pélican se révèle pétrie d’humanisme.
Rencontre.

L’histoire aurait pu donner lieu à un polar, mais là n’est pas le propos. Dans La Folie du pélican, l’écrivain fribourgeois Jean-François Haas dépasse largement le fait divers pour, au fond, signer un roman d’amour. Celui d’un père pour son fils, malgré tout.
Au départ, non pas un, mais deux faits divers. Deux drames similaires aux États-Unis. D’un côté l’affaire Whitaker en 2003, un jeune homme a commandité le meurtre de ses parents et de son frère. Le père a survécu et s’est battu pour que son fils échappe à la peine de mort. Dans l’affaire, une fille a été arrêtée après avoir organisé le meurtre de sa famille.
Dans le roman, l’histoire se déroule à Fribourg (aisément reconnaissable, mais jamais nommé) et dans les environs. Un soir d’été de 1998, une famille rentre chez elle et se retrouve face à un homme armé. Il tue la mère et le fils aîné, blesse le père (Simon) et le cadet (David). L’enquête révèlera que ce dernier a organisé l’assassinat. Il est condamné à vingt ans de prison.
«Je suis père et ce qui m’intéressait, c’était de me demander comment un père peut réagir devant un tel acte», explique Jean-François Haas. Au cœur de livre se trouve le thème du pardon. «Ou plutôt l’idée de continuer à aimer.» Le pardon a en effet un côté définitif. «Alors que l’on est toujours en train de pardonner.»
Il aurait pu en faire un polar, disions-nous. «J’ai voulu griller cet aspect dès la quatrième de couverture. Sinon, le lecteur risquait de passer à côté de mon propos, le cheminement du père par rapport au fils.» Pas de mépris pour le genre, toutefois. «J’aime le polar et je crois que ce goût transparaît, mais un vrai roman policier, c’est autre chose. Il suppose une autre façon d’écrire, de travailler.»

À chaque roman sa langue

Jean-François Haas, par exemple, ne s’échine guère à décrire des lieux précis ni les exactes procédures judiciaires ou policières. «Je n’ai pas envie de faire quelque chose de réaliste.» Ses histoires, il les rêve parfois si longtemps, avant de les écrire. Et ses romans gardent une part de liberté.
Comme Le Chemin sauvage (2002) dont il s’approche sur plusieurs aspects, La Folie du pélican demeure limpide, d’une langue claire, moins complexe que celle de l’extraordinaire Dans la gueule de la baleine guerre qui l’a révélé en 2007. «Je pense que chaque roman exige sa langue. Il y a aussi chez moi une évolution. Je suis fou de Claude Simon, de longues phrases, et je me suis donné beaucoup de liberté dans mon premier roman. Dès le deuxième, je me suis rendu compte que je risquais de me pasticher.»

Jeune homme à la dérive

Alors, Jean-François Haas a épuré son écriture. «Je m’exprime de manière moins torturée, avec plus de sérénité.» Ce qu’il a pu perdre en complexité (quoique son travail sur la temporalité demeure très raffiné), il le gagne en touchante humanité. Le livre décrit par exemple avec justesse la dérive d’un jeune homme vers des paradis artificiels.
Retraité depuis quelques années, Jean-François Haas s’est souvenu de ses années d’enseignement au Collège de Gambach. «Mon côté compassionnel  ressort toujours! Comme prof, vous voyez des élèves joyeux, qui, un jour, se renferment, commencent à manquer des cours… C’est tragique de se retrouver devant des parents qui se demandent “Qu’avons-nous fait de mal? De faux?” La plupart temps, vous ne pouvez que leur répondre : “Rien. Vous n’avez rien fait de faux.”»
Cette même justesse se retrouve chez Simon, le père, qui, comme ceux de sa génération, dans nos régions, peine à montrer ses sentiments. Il n’est pas un homme de mots. Alors il emmène ses enfants la pêche. Il leur confectionne des biscôme, cuisine des croûtes aux champignons.

Entre abstrait et concret

Au fil du roman, on découvre que Simon a connu une enfance difficile, aux côtés d’un père violent. «Quand j’étais gosse, se souvient l’écrivain, j’ai été terrifié par le père d’un copain, un homme très brutal». Simon, peu à peu, fera la paix avec son histoire. «Mais sans cette dimension, je pense qu’il aurait été trop lisse. Il a des aspérités et des mauvais côtés. Il est aussi confronté à ses propres abîmes.»
Le roman parvient ainsi à un séduisant équilibre entre les envolées poétiques, l’inconditionnel amour filial et les éléments les plus concrets. Les odeurs de mandarine ou de tilleul, la «clarté de rose et de lavande» du soir, la lenteur de l’eau dans le canal, une raclette au feu de bois… La Folie du pélican est ainsi parcourue de sensations et de souvenirs, d’anecdotes vécues ou entendues. La boulangerie de Simon, par exemple, vient de celle de Courtepin, ce «lieu magique» de l’enfance.

Relié à la nature

Et puis, il y a la nature, qui joue un rôle essentiel dans le livre, comme pour Jean-François Haas. À Courtaman, où il a grandit et où il vit toujours, il se sent «relié aux animaux, aux plantes», à son environnement à la forêt qui l’entoure. «Quand j’étais gamin, nous n’avions que ça, c’était notre Amazonie!»
Après sept romans aux prestigieuses Éditions du Seuil, La Folie du pélican est le premier qu’il publie en Suisse. «Je n’ai pas vendu assez de livres pour l’entreprise Dupuis-Dargaud», sourit-il, en référence au rachat de la prestigieuse maison d’édition par le groupe Media-Participations.
«J’ai toujours trouvé que Bernard Campiche faisait de beaux livres. Je suis très content. C’est la première fois que j’ai pu suivre la naissance de l’ouvrage du début à la fin.» Plutôt que de rester dans une «machine à fric», le voici chez un éditeur plus modeste, mais avec qui se noue une vraie relation. L’humain avant tout, une fois encore.

ÉRIC BULLIARD,
La Gruyère,
15 décembre 2022

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«Vous croyez qu’on peut demander pardon quand on fait ce que j’ai fait? Je suis sorti du pardon. Mon père peut dire qu’il m’aime et me le faire dire par d’autres tant qu’il voudra, je ne mérite pas qu’il continue à me regarder comme son fils…» Après un silence, David avait ajouté: «Cet amour est insupportable… Inhumain!… J’aimerais mieux qu’il me rejette, qu’il me haïsse… Alors je pourrais peut-être
parfois dormir.»

La nuit du 8 au 9 juillet 1998, une famille rentre chez elle après une journée passée ensemble; elle se trouve face à un homme armé qui tue la mère, Lucie, le fils aîné, Maxime, et blesse le père, Simon, et le fils cadet, David. L’enquête aboutit, une année plus tard, à l’arrestation du meurtrier, et à celle de l’instiguateur des meurtres, qui est David, le fils cadet. À partir de là, le roman devient l’histoire d’un homme qui aimait son fils et continue de l’aimer. Il essaie d’entrer en contact avec lui, lui dit qu’il l’aime jusque devant ceux qui le jugent, commence à attendre après sa condamnation le moment où ils se rencontreront, moment que David n’ose ou ne veut pas affronter.


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