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Il y a dans Faire feu une
attente qui ne cherche pas à aboutir, mais questionne sans cesse la
rencontre aiguë avec l’autre et avec soi-même. Cette poésie est
présence à une obscurité, à une évidence qui n’expliquent en rien la
précarité de notre condition. Elle naît de la fête éphémère et
sensuelle qu’est le monde vivant.
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Se plonger dans la poésie, c'est
accepter de ne plus tout à fait s'appartenir, car les mots poétisés,
comme la peinture, réveillent les rêves les plus enfouis. Après
plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, Claire Genoux revient
avec ses phrases suspendues, ses images mélancoliques, ses mystères
coulés dans les mots du quotidien. Mais ici, le quotidien résonne plus
loin que les tracas des jours qui se suivent et se ressemblent. Faire feu
parle pourtant de vie, intensément. Et l'auteure s'y love avec une
certaine impudeur, mais une impudeur transcendée, belle, émouvante.
BERNADETTE RICHARD, L’HebdoHaut de la page
À nu, en vers
En toute intimité Faire feu, un recueil de poèmes où l’auteur exprime ses pensées les plus secrètes, quitte à ce qu’elles soient insaisissables.
Sur la couverture, la photographie floue du ventre nu d’une femme à la
peau laiteuse, recouvert de pétales au rouge criard. À l’intérieur, des
poèmes. Certains parlent de désirs, d’envies: «Abandonne-moi
/ dans un tas d’aiguilles vertes / sans fleur ni croix / juste endormie
/ sous la terre de tes doigts (enchantement).» D’autres se
penchent sur des blessures, des doutes. Et quelques-uns sont de vrais
mystères, des énigmes. Le tout est un recueil de poésie qui, par bribes
de mots et de prose, parle d’une vie parsemée d’attentes et de
questionnements.
Cette vie, c’est celle de la Lausannoise Claire Genoux. Sa poésie est
comme un souffle qui jaillit de ses pensées, qu’elles soient joyeuses
ou tristes, organisées ou chaotiques, et qui, de par son inattendue
spontanéité, saisit le lecteur. Lire ce recueil, c’est faire une
immersion dans les recoins du mental de l’auteur. Intimiste et
voyeuriste.
ALINDA DUFEY, Vigousse
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En exergue de son recueil, la poétesse Claire Genoux a mis une citation d’un autre poète, Alexandre Voisard:
«Un seul devoir t’attend dans le couloir piégé où tu vas en aveugle: faire feu»
Claire Genoux a suivi le précepte à la lettre, mais de manière poétique.
Si l’existence se déroule à tâtons, il faut donc faire naître quelques
éclairs pour illuminer la route. Faire feu, chez elle, n’est donc pas
tirer un coup de feu au sens propre, mais entretenir la flamme, jusqu’à
l’incandescence, à tous les moments de sa vie de femme, qui, tous,
préfigurent celui de la mort.
Il en est ainsi dès l’enfantement:
«La poche où s’est construit le corps
à l’instant où je m’en débarrasse
– moisson brillante et noire
je sens bien qu’un peu de vie s’en va»
Au-delà des larmes qui persistent, mais "qui finiront par se tasser",
une fois l’enfant paru, il lui restera encore un peu de force:
«pour servir son enfance sans qu’elle soit seulement
souvenir de la mienne»
La peur est bien présente, même si elle ne se manifeste pas toujours par un tremblement:
«[Elle] force à devenir
cet animal qui fuit
qui comprend que tôt ou tard on va l’abattre»
Ne pourrait-elle pas se casser toute seule cette peur, en ne forçant pas «la caresse du matin»?
Dans l’après-«frère en enfance», les larmes pourraient leur couvrir le
corps, à elle et à lui, mais sa mémoire n’en effacera jamais pour
autant le souvenir:
«je te veillerai même dans ma mort
toutes cloches tues
sous la terre plate»
La chute s’est produite subitement:
«Tout a été soufflé de l’intérieur
impossible de se ruer sur la vie d’avant
il a suffi d’un rien»
Et puis il y a elle, dont il ne restera aucune trace, qui n’a pas pu avoir d’enfant:
«Cet enfant qu’elle a voulu tuer en moi
lancé au chevet du monde
cet enfant maintenant
- le mien
court vers la mer
se pose sur l’oeil immense de l’eau»
Quand elle revoit ses années écoulées depuis sa venue sur terre, qui n’ont pas toujours été une fête, ça remue dans sa tête:
«dans la tête ça tourmente
et puis ça s’éloigne»
Les autres, ceux qui l’aiment, ne savent pas:
«ce qui enfonce en moi
ce qui jamais ne se tassera»
Elle prie:
«Donnez-moi un tas dur
une croix sous le bâton du vent»
Elle n’est pas résignée:
«Quelque chose en moi résiste et s’étrangle
inflammable au moindre souffle»
Vient alors le temps des adieux:
«Je suis sur tes genoux comme un bouquet
comme une ceinture défaite
la bouche brûlante
de faim de fatigue et de froid
je suis à toi et je crie
– ventre bleu
dans ces nuits qu’effraient les lunes
et j’écris encore
une lettre à tes mains»
Les vers de Claire Genoux sont libres comme l’air. Ils ont cette
aisance, même dans les moments les plus durs, les plus intimes. Ils ne
sont pas ponctués et laissent au lecteur le soin de les respirer comme
il les entend, en écoutant alors sa propre musique intérieure qui suit
le mouvement de ce qu’il ressent.
En définitive celle qui poétise n’est pas aussi fragile qu’elle ne
paraît au prime abord. En elle brûle une flamme, qui couve sous
braises, assourdie. L’effet produit n’en est que plus fort.
Touchée profondément et ne le cachant pas, avec l’arme de ses vers,
elle touche à son tour le lecteur qui se surprend à penser avec peine à
ses peines et à les partager, en l’accompagnant volontiers dans les
rêves où elle se retrouve seule.
Blog de FRANCIS RICHARD
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