Crois-moi, je mens
est une arnaque amoureuse tissée sur la toile. Elle met en scène deux
personnages que tout sépare: l’âge, la fortune, le statut social.
Violette a 60 ans; elle est secrétaire au chômage. Elle se sent comme
«une erreur de signalisation, un cheveu sur la soupe, une ombre au
tableau.» Elle se plaît à admirer la photo de Garry Cooper «en polo
blanc, les cheveux gominés, qui caresse trois chiens minuscules.» Elle
vit par procuration. Et puis, il y a Antonio, le beau Sicilien qui lui
fera oublier les brumes de la Belgique. Elle l’a rencontré sur la
toile. Avant de la rejoindre, il a décidé de faire un saut à Kuala
Lumpur en Malaisie. Bêtement, il tombe malade. Violette paie une
opération coûteuse. Elle ne veut pas perdre son homme!
À Genève vit Catherine, blonde, élancée, pulpeuse «bien installée dans
son confort.» Historienne de l’art, elle a la cinquantaine
éblouissante. Mariée, elle a un ami sur le web: Mike, un veuf qui
dirige une entreprise spécialisée dans le domaine des routes. Il reçoit
un mandat pour Kuala Lumpur mais avant de s’y rendre, il promet à
Catherine de faire un crochet par Rome pour la voir.
Derrière Mike et Antonio, il y a un homme de 24 ans: Jordan, catapulté
en Malaisie depuis son Afrique natale. Jeune maestro du web, c’est lui
qui tire les ficelles. Il piège les femmes en leur envoyant des poèmes
ou des chansons.
Il faut compter encore avec Alexandre-Sacha, l’acteur de porno qui
souhaite se racheter une moralité. Il fait l’acquisition d’un café au
bord de l’eau. Le détail est à retenir!
Le sujet est d’actualité! Subtilement, Nadine Richon noue la trame de
son récit, introduisant des personnages qui le feront progresser
jusqu’à un dénouement inattendu.
Née à Sao Paulo au Brésil. l’auteur a étudié la sociologie à
l’Université de Lausanne. Elle y vit et travaille en tant que
journaliste. Elle a nourri son histoire de citations de films, de
phrases extraites des livres qu’elle a lus, témoignant de sa vaste
culture. Crois-moi, je mens
nous tient en haleine jusqu’à son épilogue. Il est édité par les
éditions Campiche. Ce premier roman augure d’une suite féconde.
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, 25 juillet 2014
Violette, après quinze ans de solitude, se sent «conjuguée au
féminin dépassé». Dans sa vie inconsistante surgit à l’écran un
étonnant Antonio. Il lui fait vivre une passion qui, pour être
virtuelle n’en est pas moins faiseuse d’émotions et d’espoirs. Elle
réinvente une existence de femme comblée, mûrit des projets.
Catherine a une vie intéressante mais que l’approche de la cinquantaine
truffe d’inquiétudes pour les ennuis imparables de l’âge. Mike,
relation du web, pourrait être une distraction amusante quoiqu’il
semble peu enclin à apprécier les discours philosophiques, simplicité
de bon aloi pour une aventure sans lendemain!
Ce voyage en pays virtuel est d’une ironie cruelle et ô combien
réjouissante. L’arnaque est fort bien montée et l’enquête pleine
d’enseignements. L’auteur maîtrise parfaitement le style, soit qu’elle
raconte Violette et le «ghetto silencieux pour les femmes de son âge»
soit qu’elle parle de Catherine et ses citations de femme cultivée,
soit qu’elle décrive l’arnaqueur et ses complices involontaires. Elle
nous démontre que les fantasmes ont une vie qui, pour n’être pas
virtuelle, n’en existe pas moins et que la Toile recèle quelque danger
pour les êtres sensibles et imprudents.
JULIETTE DAVID, Suisse Magazine
On s’intéresse à nous, notre cœur bercé par les vagues de
l’Internet bondit au rythme des messages envoyés et reçus. Quand le
virtuel prend corps dans notre cerveau, difficile de flairer l’arnaque.
Dans Crois-moi, je mens,
son premier roman, la journaliste suisse Nadine Richon décrypte ce
phénomène en croisant le destin de quelques personnages amateurs de Facebook.
«Depuis que j’ai écrit ce livre, des personnes prennent contact avec
moi et me disent avoir été piégées par de fausses déclarations d’amour.
Des hommes, en particulier, vont très loin, allant jusqu’à dévoiler
leur anatomie à l’écran; certains continuent des mois après à verser de
l’argent en Afrique ou ailleurs pour empêcher ces images de filtrer
dans leur vie réelle. L’un de ces hommes attend avec impatience sa
retraite dans quelques semaines pour cesser d’alimenter une arnaqueuse
qui menace de le dénoncer à son employeur», raconte la journaliste. Il
est difficile de remonter la piste de ces escrocs du cœur tapis au fond
des cybercafés. Pourtant, une plainte peut s’avérer utile car une
collaboration existe entre policiers suisses et étrangers sur ce thème
de la cyber-arnaque. Le site Prévention Suisse de la Criminalité
énumère les différents types d’escroquerie sur internet – dont la
«romance scam» – et donne des conseils avisés.
Violette et Catherine, les deux femmes européennes piégées dans le
roman précité, ne sont donc pas de pures fictions. Sans dévoiler la
trame de ce récit qui avance à la manière d’un puzzle en train de se
faire, avec des soupirs, des moments d’allégresse et des doutes
existentiels, disons qu’il décrit avec précision le délire qui s’empare
des âmes glacées croyant trouver leur bonheur au coin du feu virtuel.
Ces personnes ne sont pas simplement naïves ou déconnectées du réel.
Elles peuvent avoir des diplômes, un bon travail, une vision
professionnelle et sociale claire, comme en témoigne la triste affaire
qui s’est abattue en août 2014 sur le maire écologiste de Baden, piégé
par une jeune femme rencontrée sur Facebook.
Même s’il ne s’agissait pas à proprement parler d’une arnaque, le
chantage exercé sur ce haut personnage s’appuie sur des selfies dénudés
et des chats érotiques. Ténébreuse, l’affaire n’est pas terminée sur le
plan juridique. Le maire a été pris dans une tourmente médiatique et
politique hors du commun pour avoir accordé, même brièvement, sa
confiance à une quasi-inconnue.
Pourquoi des personnes intelligentes se laissent-elles aller à exposer
leur intimité amoureuse et sexuelle après quelques messages échangés
sur les réseaux? Nadine Richon évoque la puissance de l’écrit et la
volonté d’y croire: «Les mots d’amour martelés à l’écran viennent se
loger comme une balle perdue dans le cerveau des gens. Certaines
paroles rassurantes et répétées ont l’effet d’une drogue. On s’abreuve
au message d’amour comme à une source dans le désert, même si un signal
plus ou moins conscient nous alarme sur la qualité de l’eau. Le signal
est là, mais on l’ignore jusqu’au dernier moment. Cet instant ultime
peut varier en fonction des personnes. Certains joueurs cessent d’y
croire dès que leur partenaire exprime une demande financière. D’autres
s’acheminent le cœur anxieux vers des guichets de transfert d’argent;
l’imagination leur présente alors un amoureux en détresse qui un jour
viendra les enlacer dans le monde réel», précise l’auteure.
Nadine Richon va plus loin: on ne peut pas exclure, selon elle, que
cette liaison dégradée par l’argent ne devienne pour certains une forme
d’amour consentie: «Si on accepte le marché, on peut ainsi entretenir à
distance une relation économico-amoureuse qui occupe la zone affective
du cerveau trop longtemps abandonnée». Son roman reste cependant un
appel à la liberté. Il évoque avec une écriture soignée, aux accents
hypnotiques, une situation délirante dont les victimes tentent de
s’extirper pour rejoindre la terre ferme. La journaliste a pu entrer en
contact avec deux arnaqueurs d’abord très méfiants puis enclins à lui
raconter les arcanes de leur triste «métier». La littérature puise ici
dans les profondeurs du réel mondialisé.
JEANNE ARTHUR, JSB Blog
«Violette connaissait par cœur le visage d'Antonio, ses
oreilles très collées, son long nez légèrement épaté, le grain de sa
peau un peu grossier, sa nuque et ses épaules massives. Il lui était
arrivé de ne plus bouger une heure durant, après certains messages,
pour préserver la sensation cotonneuse créée par des mots qui faisaient
émerger un monde verdoyant, chaleureux, inouï, la plage de Paul et de
Virginie.»
La fable moderne tissée par Nadine Richon nous fait entrer dans le
monde de Violette, secrétaire belge, et de Catherine, femme de
financier genevois, toutes deux adeptes de Facebook.
Nadine Richon vit à Lausanne. Elle est collaboratrice à Unicom, le service de communication de l’Unil.
La Gazette, Média de la fonction publique
Crois-moi, je mens de Nadine Richon, aux éditions suisses Bernard Campiche.
Pourquoi un étudiant du master LMA ne peut pas louper cette lecture?
Parce que ça lui ferait découvrir à la fois un éditeur suisse ET une
auteure suisse, bourrée de talent, drôle, glamour mais aussi
impitoyable à l'égard de ceux qui nous pourrissent tous un tout petit
peu la vie à leur manière... J'ai nommé: les réseaux sociaux. Lecture
garantie Swiss quality.
Entre le bagage en soute dont le poids est limité et le bagage en
cabine dont le volume est limité, j’ai tout de même emporté le dernier
Richon avec moi. Ce n’était, soit, pas «À la Recherche du temps perdu»
à glisser dans ma valise-trolley mais chaque gramme et chaque cm2
comptent lorsque l’on part pour une semaine de croisière suivie de
quelques jours dans la campagne brandebourgeoise. Mon mérite réside
dans le fait que j’avais déjà goûté au 4/5 de Crois-moi, je mens
dont la lecture ne m’a occupé que de Morges jusqu’à Gesundbrunnen (via
Genève Aéroport et Berlin Schönefeld). Je vais donc faire le reste du
voyage avec un livre consommé. Il me reste jusqu’à Rostock pour en
faire la critique, je réserve la semaine de croisière à la
lecture/correction de L’Affaire Julia. Canicule parano ne m’appartient déjà plus, il est aux mains des imprimeurs-accoucheurs.
Tous ces menus détails d’intendance de (presque) nantis n’ont rien
d’incongru en préambule de la critique de «Crois-moi …». Nadine y
évoque dans un style «Sagan faceboukien» une intrigue numérique. Deux
femmes, Violette et Catherine, deux protagonistes dont la jeunesse
n’est plus sur des modes différents, un mystérieux séducteur, le réseau
social, un récit bien ficelé au dénouement rondement négocié,
rebondissement léger et un peu de douceur aussi. Au rayon de ce qui ne
m’a pas convaincu, il y a une lichette de bienpensance et son bla-bla
rabâché mémère sur les bords. Je ne peux malheureusement pas entrer
dans trop de détails, je risquerai de vendre la mèche. Il y a aussi un
délire à propos de séries télé et quelques-unes des plus moisies, ça ne
dure qu’un demi-chapitre et cela tient plus de la responsabilité de la
maison d’édition qui aurait pu faire remarquer à l’auteur que l’on
s’éloignait du sujet. Une très belle conclusion vient toutefois
corriger cette maladresse. Dans mon assortiment de bémols, je trouve
encore de l’anecdote perso sans grande importance par rapport à
l’intrigue et une mise en abîme chancelante du genre «ce n’est pas moi,
c’est elle», faite d’un demi «comme si». Certains trouveront ça mignon,
ça titille un peu, ça picotouille comme une langue de chat avec son
sucre acidulé, de la bonbonnaille qui se veut sérieuse. L’autrice
n’est-elle pas en train de nous raconter et d’avouer publiquement une
tentative de turlute extra-conjugale idéalisée? du vrai de vrai mais
romancé?! Qu’importe, Nadine a suffisamment de métier et de références
pour faire vivre ses personnages, pour déployer un univers nuancé et
sensible. Je vous l’ai dit, du Sagan. La belle Mme Richon a aussi l’art
de faire phosphorer son lecteur, mine de rien, sur la problématique de
l’âge et de la séduction ou de la valeur intrinsèque du mariage. Elle y
apporte des résolutions pleines de bon sens et d’empathie. Qu’il doit
être doux de faire partie de ses proches.
Quelques belles formules, le regard nostalgique sur ce qui a été, la
bascule de l’âge, l’extrême jeunesse, 45 ans, après la femme est
vieille. Que Nadine se console, chez les gays on est vieux à passé 25
ans (28 car tout le monde ment sur son âge), après on est condamné à la
transparence publique, thème développé autour du personnage de
Violette. Catherine, la seconde protagoniste de «Crois-moi …», à défaut
de retenir les ans, s’économise et prend grand soin d’elle-même au
risque de ne plus vivre. Des promesses d’amour cybernétiques viennent
l’entretenir dans ses chimères. Facebook,
miroir aux alouettes ou réalité augmentée? C’est selon peut conclure le
lecteur, il suffit de choisir ses amis virtuels, ses connaissances,
avec le même soin que ses amis physiques.
Blog de FRÉDÉRIC VALLOTTON,
Vertiges de l’amour
C’est une histoire d’amour bien de son époque. Une fable moderne, comme
on dit. Violette est belge. Elle est très seule. Catherine, genevoise,
aimerait pouvoir l’être. Elles ne se connaissent pas mais, comme
beaucoup, rêvent du prince charmant. Elles vont le trouver sur Facebook.
Il s’appelle Antonio pour l’une, Mike pour l’autre. Et Jordan pour ceux
qui le connaissent vraiment. Ni Italien ni Américain, mais Ghanéen… Un
premier roman qui, d’une belle plume, s’empare d’un phénomène
contemporain et interroge: aimer est-il plus fort qu’être aimé?
ÉVA GRAU, Femina
Zoom tout d’abord sur le livre de Nadine Richon, intitulé Crois-moi, je mens, livre dont la couverture, Geneviève, est une photo de cinéma des années trente…
…Oui, absolument, c’est tiré du film La Huitième Femme de Barbe-bleue,
d’Ernst Lubitsch, avec Gary Cooper et Claudette Colbert… Pourquoi?
Parce que Nadine Richon aime, semble-t-il, autant le cinéma que les
séries TV… Cette journaliste ne renie pas son métier dans ce premier
roman, puisqu’elle ne s’est pas contentée d’imaginer une histoire
autour de l’arnaque aux sentiments telle qu’elle se pratique de plus en
plus sur le web, mais elle s’est documentée à fond sur la place de
l’amour dans la société, sur Facebook et les réseaux sociaux, sur le couple, sur la morale, la justice et j’en passe…
Telle que je vous connais, Geneviève, vous voulez dire que toute cette bibliographie doit peser un peu, c’est bien ça?
…Un petit peu, je reconnais… …Mais ça a ses bons côtés quand l’auteur
cite par exemple un écrivain et nous donne envie de le lire… …On sent
bien qu’on est dans une fable, tout de même, une fable dont les
protagonistes sont deux femmes, Violette, une Belge dans la
soixantaine, très romantique, avec peu de moyens, qui craquent pour le
bel Antonio, qu’elle découvre sur Facebook, et Catherine, qui elle est femme de banquier et qui aime bien butiner sur Facebook…
…En face, vous avez l’escroc, l’escroc si on peut dire, et celui dont
il usurpe la photo, le physique et qui n’est autre qu’un ancien acteur
du porno…
…Et les victimes réunies réussissent à démasquer le tricheur, finalement?…
…Oui… La plus jeune, Catherine, est la moins naïve des deux, elle va
entrer en dialogue avec lui, le démasquer, enfin le faire avouer et lui
faire non pas la morale, mais en tout cas la démonstration que
son affaire ne va rien lui rapporter de bon… …Mais entre-temps, elle
prend peut-être conscience de deux ou trois choses, notamment de la
persistance du mythe du Prince charmant et de cette obsession de l’âme
sœur et de la séduction, dont les femmes auraient tant de peine à se
débarrasser…
…Qu’est-ce c’est? C’est une mise en garde, ce livre, Geneviève?
…Pas vraiment, je crois que c’est juste l’occasion de quelques constats désabusés et de réflexions un peu existentielles…
GENEVIÈVE BRIDEL, «Quartier Livres», RTS «La Première», Journal du samedi
Journaliste, Nadine Richon exploite suffisamment la Toile
pour avoir eu envie d’en tirer autre chose que des dépêches d’agences:
par exemple ce chassé-croisé amoureux, voire érotique, sur des sites de
rencontres, à travers lesquels hommes et femmes poursuivent, dissimulés
derrière l’écran, la quête éternelle du partenaire parfait en se
croyant modernes, libérés, intéressants… Sans juger ni travestir, le
style dévoile – dans tous les sens du terme – une réflexion vive et
fine sur l’un des phénomènes de notre temps.
Marie-Claire Suisse
Femmes au tournant
Deux femmes au tournant de l’âge s’inventent un prince charmant. Ainsi
commence la «fable moderne» imaginée par Nadine Richon avec Crois-moi, je mens, son premier roman. Ni Facebook ni Twitter
n’ont entamé la soif de conte de fées qui vient se lover au creux des
solitudes. Bien au contraire. Mais les princes charmants n’existent pas
plus à l’ère numérique qu’à l’époque des chevaliers en armure.
Avec un sens déjà bien rodé du portrait et de l’intrigue, Nadine Richon
aborde ici la solitude au féminin, la force des chimères, la puissance
de l’Éros à tous les âges de la vie et les chausse-trappes de la
communication virtuelle.
Violette a soixante ans. Catherine en a quarante-neuf. Elles ne se
connaissent pas. Violette vit dans une petite ville industrielle en
Belgique. Catherine vit à Genève. Violette était secrétaire, «secrète
secrétaire» comme elle le précise. Elle a été licenciée à quelques
encablures de la retraite. À l’annonce des licenciements, elle avait
participé au combat syndical. Pas tant pour elle, elle s’imaginait
pouvoir tenir avec ses économies, mais plutôt pour ses collègues, plus
jeunes, désemparés. Une fois les banderoles repliées, «elle avait été
surprise par la rapidité de l’oubli où elle était tombée».
Catherine est femme de financier. Elle s’occupe, aussi. Elle milite
pour l’extension du réseau piétonnier dans la ville. Elle aide de
jeunes artistes, des écrivains dont les travaux l’intéressent. Elle
élève ses grands enfants. Elle refuse de s’appesantir sur sa vie
conjugale. Devant son miroir, certains matins, Catherine s’effraie
toute seule. Sa jeunesse lui fait déjà des petits signes de la main, au
revoir, au revoir…
Et Violette et Catherine vont céder aux charmes de la drague en ligne.
Toutes deux vont succomber à la puissance des mots et assister à
l’emballement de leur imaginaire érotique. Violette se métamorphose à
distance pour le bel Antonio. Catherine, malgré ses garde-fous
d’universitaire, se met à parler de Mike avec ses amis professeurs.
Voilà pour les prémisses. Car bien vite, la romancière va convier le
lecteur par-delà l’écran. L’intrigue se noue alors et prend un nouveau
relief. Jusque-là, de bref chapitre en bref chapitre, le lecteur
écoutait se confier tantôt Catherine (qui s’exprime à la première
personne) tantôt Violette (mise en voix par un narrateur). Et puis, un
premier homme surgit. En chair et en sueur, égaré à l’autre bout de la
planète, loin de chez lui et loin de lui-même surtout. Un autre homme
s’invitera aussi dans la danse, un ex-acteur de porno, fatigué de se
résumer à son entrejambe et qui s’apprête à changer de vie.
Comme dans toutes les fables, l’épilogue explicite le voyage parcouru.
Descendus à terre après avoir chevauché leurs chimères respectives,
tous les personnages ont l’humilité de poser le masque. Et si les
contes de fées n’attendaient que cela pour advenir?
LISBETH KOUTCHOUMOFF, Le Temps
Pêche en ligne
D’abord il y a Violette, humble et paisible retraitée de soixante ans
qui vivote dans une banlieue belge. Peu réjouie par son quotidien,
cette romantique vit «sans grande intensité après un divorce depuis
longtemps consommé». Un soir, alors qu’elle rêvasse en s’évadant sur Facebook,
un bel inconnu se présente à elle. Elle répond timidement, puis,
doucement, se laisse charmer par la fougue d’Antonio le Sicilien. Et au
fil des échanges, les mots deviennent si chauds et les photos si
excitantes qu’ils enflamment cette femme et revigorent sa fleur de
l’âge.
Ensuite il y a Catherine, quarante-neuf ans, épouse et mère qui habite
Genève. Une bourgeoise cultivée et sportive qui n’a rien à redire sur
sa vie et qui, pourtant, redoute le cap de la cinquantaine: «Ce passage
s’accompagne d’un sacrifice, celui de ma jeunesse en l’occurrence, qui
se vide de son sang tel un taureau andalou.» Pour échapper aux sévices
du temps, elle se distrait avec énergie et s’échappe sur le web et ses
réseaux sociaux, où elle fait la connaissance de Mike l’Américain, un
entrepreneur veuf et simple. Des échanges de plus en plus passionnés
qui font miroiter à Catherine une nouvelle jeunesse.
Enfin il y a Jordan, vingt-quatre ans, Africain égaré à Kuala Lumpur.
Fauché, ce petit génie de l’informatique à l’imagination fertile est un
cybercriminel qui, à l’aide de profils fictifs, soutire de l’argent à
des femmes seules, naïves et crédules… Le faux est l’ami du prêt.
À l’ère où Facebook, Twitter, Tinder
et autres outils de socialisation règnent sur les rencontres, le
premier roman de la journaliste Nadine Richon tombe à pic. Mêlant
habilement personnalités multiples et objets de désir variés, elle
traite d’un sujet brûlant:: l’honnêteté dans l’univers virtuel et
désincarné. Un récit tendre et triste qui relève que sur la Toile tout
le monde n’est pas net.
ALINDA DUFEY, Vigousse
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient
Ils s’appellent Antonio, Violette, Catherine, Jordan, Alexandre,
Sacha, Simon, Mike. Ils habitent en Belgique, en Suisse, en Malaisie,
en France. Ils ne se connaissent pas, mais sont reliés entre eux par un
cordon ombilical virtuel: Facebook.
En fait, le réseau social est le personnage principal du premier roman
de Nadine Richon.
La journaliste lausannoise cisèle une fable moderne à
mi-chemin entre le polar, la cybercriminalité et la quête éperdue de
l’amour romantique en moins de deux cents pages. Avec une maîtrise
subjuguante de la phrase percutante et de l’anecdote consternante, elle
livre un récit efficace, poignant. Il se laisse d’ailleurs facilement
dévorer. Et vite aussi. Au même rythme que l’info circule sur les
réseaux sociaux. Si ce roman émeut, c’est qu’il nous plonge dans nos
vies actuelles avec une sincérité crue. La sincérité des sentiments,
celle des mensonges également.
Entre le romantisme désuet des films
hollywoodiens des années 1940 et la brutalité de notre monde qui
refoule tout un continent aux portes de notre opulence, elle ose
l’interrogation sociale et nous pousse à la réflexion. Tout le propos
est condensé dans un slogan: mentir pour s’en sortir. Se mentir à
soi-même pour oublier sa condition d’esseulée dont la seule perspective
est une mort lente qui ne sera plus adoucie par des bras virils,
promesses d’étreintes. Se mentir à soimême encore pour céder aux
promesses d’une escapade adultérine, qui viendra pimenter un quotidien
bourgeois feutré et trop lisse. Mentir, toujours, pour se vêtir, se
nourrir. Tous ses mensonges portent en eux un appel au secours
vivifiant. Il est facile de se cacher derrière le filtre d’amour de
Facebook pour soutirer des sentiments. Même celui qui tire les ficelles
en bon délinquant affabulateur se laisse prendre au piège du mensonge
tant répété qu’il se transforme en vérité, forcément frelatée. Nadine
Richon ne dit pas si elle a expérimenté la demande en mariage blanc via
le réseau. Elle donne néanmoins de jolis morceaux de sa vie: Facebook au quotidien, la course à pied, les séries télé, le cinéma. Et sa belle plume.
ANNICK CHEVILLOT, 24 Heures
Privé
Nadine Richon
Un travail de dentelière
Un vaste écrin de verdure au cœur de Lausanne: c’est l’endroit
idyllique que l’on découvre lorsqu’on pousse une porte en fer,
discrètement encastrée dans un mur de pierre qui longe les hauts de la
rue du Valentin. Quelques marches mènent à des jardins potagers où
poussent les premières fleurs. Planté au milieu de cet îlot, un
immeuble imposant et moderne, gardé sur sa gauche par d’immenses arbres
qui forment un rempart contre le brouhaha de la ville. C’est là, dans
un appartement acheté voilà plus de dix ans, que vit Nadine Richon,
collaboratrice au service de communication de l’Université de Lausanne
et ancienne journaliste à 24 Heures, L’Illustré, Télétop Matin et TéléTemps.
Premier roman
Jolie robe réalisée par une styliste française, leggings et ballerines,
elle pratique la course à pied quatre fois par semaine et ça se voit.
Si elle a une silhouette de jeune fille, elle refuse de dire son âge. À
chacun ses coquetteries. Elle est née à São Paulo, au Brésil, d’une
mère brésilienne et d’un père suisse qui travaillait pour Brown Boveri.
La famille s’est installée à Vevey lorsqu’elle avait trois ans. C’est
là qu’elle a grandi et c’est à l’université de Lausanne qu’elle a
étudié la sociologie. Couleur turquoise, les meubles de la cuisine
intégrée au vaste salon invitent au voyage. Sur les murs, des étagères
et un millier de DVD de films et de séries, sa passion. Depuis le
balcon, la vue sur les toits de la ville et le lac est magique. C’est
ici, dans cette pièce lumineuse que Nadine Richon s’est mise au travail
et a écrit «Crois-moi, je mens».
Écrire debout
Son premier roman raconte l’histoire de deux femmes: Violette, ancienne
secrétaire et jeune retraitée belge esseulée, et Catherine, bourgeoise
de Genève, mère de deux adolescents et épouse d’un financier qui, à
quarante-neuf ans, aimerait bien pimenter sa vie. Toutes deux se font
piéger par Jordan, un jeune homme un peu minable qui se fait passer
pour Antonio, un Américain aux origines siciliennes, dans le but de
soutirer le maximum d’argent à celles qui, sur Facebook, ont l'impudence de répondre à ses avances et de croire à ses promesses.
Le bureau de la Vaudoise, c’est la table familiale, installée près des
fenêtres qui donnent sur les grands arbres. Elle a d’abord écrit un
premier jet qu’elle a retravaillé durant «des heures et des heures».
Chaque phrase est ciselée avec une minutie particulière, «le travail de
réécriture, c’est de la souffrance». Elle a terminé son roman debout,
son ordinateur installé sur le bar de la cuisine, car rester assise
devenait trop douloureux. Une année d’écriture intensive, mais le matin
surtout, durant les vacances, le week-end et les congés. Heureusement,
son fils de dix-sept ans et son époux se lèvent tard: cela lui a laissé
du temps. «Je me suis retranchée durant douze mois, mais j’ai assuré un
minimum pour ma famille au quotidien.»
Travail et souffrance
Ce premier roman, cela fait longtemps qu’elle y pensait. «Quand on est
journaliste, l’écriture n’est jamais très loin. Je voulais écrire un
livre, mais je n’en avais ni le temps ni la motivation.» Nadine Richon
raconte que c’est la mésaventure d’une de ses amies sur Facebook
qui lui a inspiré l’histoire de Violette, transie d’amour pour le faux
Antonio. «Mais j’ai également enquêté sur le monde de Facebook».
Songe-t-elle à un prochain livre? «Il y a quelques mois, j’aurais dit
non, c’est trop de travail. Mais finalement on y prend goût.»
Ses trois objets
Châle noir
C’est ma mère qui l’a crocheté pour moi. Depuis deux ans, il m’a
accompagné partout et j’ai toujours peur de le perdre. Je m’emballe
dedans et je me sens bien.
Coffret Hitchcock
J’adore ce réalisateur dont je revois les films, sans m’ennuyer. Je
suis passionnée par le cinéma. J’aime particulièrement l’âge d’or
hollywoodien et ses acteurs merveilleux.
Baskets de course
Mon objet le plus précieux. Je cours quatre fois par semaine. J’ai fait le marathon de New York, ceux de Paris et de Lausanne
SABINE PIROLT, Payot-L'Hebdo; Sélection. Les meilleurs romans de l'été
Aux confins du cyberspace
Le premier roman de Nadine Richon, Crois-moi, je mens,
emporte le lecteur dans le monde virtuel des réseaux sociaux. Cette
fable moderne détonne avec la couverture du livre représentant
Claudette Colbert et Gary Cooper, acteurs d’un autre temps. Même si le
rapport semble anachronique, la thématique de l’amour est, elle,
reconductible: «Quoi de plus passionnant que d’aimer ou d’être aimé?»
Nadine Richon raconte le quotidien de deux femmes à la recherche de
l’amour sur «Facebook». Ces personnages évoluent sur ce réseau social
en quête du prince charmant. Venant d’horizons différents, leurs
destins vont se croiser sur la toile. Mais il faut se méfier des
apparences… Dans ce monde désincarné, permettant les échanges
mondialisés, se rencontrent des personnes sincères et des
cyberarnaqueurs professionnels. Comment l’amour qui nécessite forcément
une rencontre peut-il exister virtuellement?
Le roman s’interroge sur une thématique de notre temps où tout se passe
sur la toile. Comme le sous-titre l’indique, l’histoire est une fable
où l'auteure a voulu y insérer une morale. Sur internet, les identités
sont malléables à l’infini et chacun peut s’y faire piéger. L’auteure
adopte un ton léger, tout en insérant quelques critiques quant à ce
nouveau mode de rencontre. Enrichissant son texte de références au
cinéma, à la littérature et à la musique, l’auteure s’intéresse à la
question de la virtualité. Le lecteur entre dès lors qux confins du
cyberspace.
CARMEN STRÜBY, La Liberté
Liaisons dangereuses sur Facebook
Le premier roman de Nadine
Richon frappe pile juste, dans cette zone d’étourdissement où les
amours virtuelles se heurtent aux sentiments réels
Nadine Richon est une femme d’écrans. Journaliste, elle aime le cinéma
avec passion et érudition. Geekette, elle alimente son profil Facebook
à toute heure du jour et de la nuit. Dans la vraie vie, elle cache ses
doutes et abîmes sous une frange joyeuse de fille toute simple. Mais
outre les écrans, Nadine Richon a du cran. Son premier roman Crois-moi, je mens balance des observations qui sonnent terriblement juste. Et ses phrases épinglent nos errances sans états d’âme.
Le propos, justement. Violette est une sexagénaire belge un peu fleur
bleue, forcément, avec un tel prénom, qui se sent «reléguée au fond de
la classe, conjuguée au passé dépassé». Catherine, la Genevoise
conquérante, arrive, elle, à la cinquantaine, courant sur un tapis de
fitness à la poursuite de sa jeunesse et se parfumant à l’Heure Bleue
de Guerlain, pour s’habituer déjà à l’odeur des combats perdus.
Toutes deux traînent sur Facebook,à
la recherche d’une lueur, d’un ailleurs. Toutes deux tombent ainsi sur
Antonio, un séducteur au verbe fleuri et au membre facilement exhibé en
photo. L’amour, le jeu, les montées de sève, les faux-semblants, les
promesses: les relations sur réseaux sociaux ont souvent le goût du
vrai. Les deux femmes si dissemblables finissent par se prendre dans
les mêmes rets, captives surtout de ces rêves qu’elles se sont si
solitairement tissés. Chacune doit ensuite trouver son propre chemin
pour réorganiser sa réalité en fonction des blessures virtuelles – qui
font mal quand même. Il n’y a pas que les préadolescents qu’il faudrait
mettre en garde contre les chimères de Facebook…
Les lecteurs romands connaissent la plume de Nadine Richon, pour l’avoir lue à la rubrique culturelle du quotidien Le Temps,
il y a quelques années. Puis la journaliste a pris ses quartiers au
service de communication de l’Université de Lausanne, où elle traite
souvent de matières plus scientifiques.
Ce premier roman laisse s’épanouir une écriture différente, riche,
mordante et alerte – une jubilation. Sociologue de formation, l’auteur
campe ses personnages à coups d’observations fines, où chacun retrouve
un trait noté chez tel voisin ou ami. S’y mélangent avec bonheur les
références cinématographiques qui sonnent du sel au banal, la passion
du moment pour la course à pied et le ventre plat, les tribulations de
couples trop complices pour être ardents, l’attrait dans les pays
pauvres pour l’ennui des riches… Un roman très contemporain.
RENATA LIBAL, Le Matin-Dimanche
Tout sourire, semblant même ne pas encore y croire tout à
fait, Nadine Richon raconte l’aventure de son premier livre, un roman,
«une fable moderne», comme il est précisé sous son joli titre: Crois-moi, je mens. «Il y a environ deux ans, j’avais écrit à Serge Doubrovsky, l’auteur de Fils,
parce que j’aime vraiment tous ses livres. Il m’a répondu qu’il avait
trouvé ma lettre très belle et puis il m’encourageait à écrire, me
disant même à la fin: «Vous êtes écrivain, allez-y!» Travaillant depuis
une dizaine d’années au service de communication de l’Université de
Lausanne, ayant oeuvré entre autres journaux pour L’illustré,
la journaliste n’avait jamais vraiment imaginé écrire autre chose que
des articles. «Après une telle réponse, j’ai bien dû m’y mettre!»
Elle y consacre alors tout le temps libre que lui laissent son emploi à
plein temps, sa vie d’épouse, de mère d’un gymnasien, et d’autres
passions comme celle qui la fait courir quatre fois par semaine. «J’ai
encore passé les vacances de Noël sur la réécriture. Je ne l’ai pas du
tout écrit d’un jet.
Au final, le roman coule comme la rivière du temps, porteuse de
quelques transports amoureux et du rêve d’aller à Rome. Quelques mois
de la vie de deux femmes, de quelques hommes aussi. «Il y a de moi dans
tous les personnages, même l’acteur porno!» Deux histoires d’amour dans
la lumière bleu blues de la fenêtre Facebook.
«Petit à petit, le réseau social est devenu lui aussi un personnage.
J’avais envie de parler de quelque chose de contemporain, besoin que ce
soit ancré dans l’actualité, parce que je n’aime pas les romans qui ont
l’air inventés. J’aime être en prise avec le réel, le vécu, même s’il y
a aussi plein de fantasmes.»
De ses années d’études en sociologie à Lausanne (avec notamment des
cours de François Masnata, qui marquera durablement la gauche de ces
années-là), l’écrivain a gardé le goût du savoir et de la critique. «Je
me demande: «Qu’est-ce que l’amour, hier, aujourd’hui, demain?» Comme Facebook,
c’est un peu trivial, j’ai eu besoin des philosophes. J’ai lu beaucoup
de choses {elle donne la bibliographie, ndlr}, j’ai réfléchi. J’ai même
glissé des citations en essayant de faire en sorte que ça reste fun!»
Ça l’est. Passionnée de cinéma, nourrie à la cinémathèque de Freddy
Buache («Je l’ai rencontré un jour à Locarno, il est devenu un ami») et
à la télévision de son enfance («Cary Grant et compagnie, Gary Cooper…
Ça vient de là!»), elle confie ses meilleurs souvenirs à ses
personnages comme elle leur prête sa colère après un fait divers
dramatique (l’assassinat d’Adeline), ramenant le lecteur ici et
maintenant. «Je dois me désintoxiquer de Facebook», juge un personnage qui se souvient alors de quelques mots du poète Max Jacob: «Le courage porte bonheur.»
JEAN--BLAISE BESENÇON, L’Illustré
Dans un monde de plus en plus virtuel, donc de plus en plus désincarné,
les êtres humains restent cependant des êtres qui ont besoin d’aimer et
d’être aimés. Seulement l’amour suppose qu’il y ait rencontre.
Parmi les possibilités de rencontres qu’offrent les nouvelles
technologies de l’information, il y a les sites de rencontres, bien
sûr, mais également les réseaux sociaux tels que Facebook, qui offrent de grandes possibilités.
Les personnages de Crois-moi, je mens, le roman de Nadine Richon, évoluent sur ce réseau social.
Violette habite la Belgique. Elle est secrétaire. Mais elle a été
licenciée. En songeant aux autres, elle s’est investi dans une lutte
syndicale pour un plan social qui va s’avérer tout juste acceptable.
Divorcée depuis quinze ans, sans enfants, elle vit seule. Elle lit.
Elle aime au cinéma «les sentiments, les héros poignants, mais aussi
les méchants bourlingueurs». Elle se découvre un goût pour le dessin. Facebook est le lieu où elle partage «son trait de crayon avec un groupe d’amis virtuels».
Antonio fait un jour irruption dans sa vie sur ce réseau social. Il lui
demande de faire sa connaissance. Sa vie en est changée. Elle
recommence à s’aimer elle-même. Elle voit en ce quinquagénaire
d’origine sicilienne un futur amant qui ne lui a rien celé de son
corps. Car il a fini par lui envoyer en pièce attachée «une
photographie exhibant son sexe érigé».
Catherine habite Genève. Son mari travaille dans la finance. Ils ont un
grand fils, qui fait des études supérieures. Ils n’ont pas de soucis
pécuniaires. Ce sont des nantis. Ils ont d’ailleurs un chalet auquel
ils peuvent monter quand l’envie leur en prend:
«Notre famille appartient aux heureux qui savourent les bienfaits d’une
Suisse enchantée où l’on hérite, presque sans effort, d’une résidence
secondaire dans un paysage vert et bleu sorti d’une toile de Ferdinand
Hodler.»
Mais, il y a un mais. Au seuil de la cinquantaine, Catherine souffre de
constater sur elle des ans l’irréparable outrage, bien qu’elle
s’entretienne au fitness et qu’elle y ait découvert un programme de
«randonnée vallonnée». Aussi lorsqu’elle fait la rencontre de Mike sur Facebook
finit-elle par être flattée que cet homme lui adresse des poèmes, dont
elle n’est pourtant pas sûre qu’ils soient de lui. Elle reste donc sur
ses gardes.
Le point commun entre ces deux femmes est qu’elles ont reçu toutes deux
un message privé de la part d’un homme qui s’est montré très intéressé
par elles et qui, au fil des conversations, a eu le don de susciter en
elles de sérieux fantasmes. Au point de leur donner envie d’une
rencontre réelle et charnelle. Qu’il s’agisse d’Antonio ou de Mike, cet
homme, objet de leurs fols désirs, se révèle avoir peu d’activités sur
son mur et avoir peu d’amis...
En dessous du titre de ce roman, entre parenthèses, se trouve un sous-titre: Une fable moderne. Et c’est bien d’une fable dont il s’agit, avec sa morale, également moderne.
En exergue de son livre, Nadine Richon a mis cette citation d’André Comte-Sponville:
«Quoi de plus passionnant que d’aimer ou d’être aimé?»
Mais, dans un cas, comme dans l’autre, encore faut-il se méfier des
apparences... L’avertissement vaut autant pour les hommes que
pour les femmes.
Nadine Richon a adopté pour cette fable le ton qui convient, plein
d’autodérision de la part des personnages. Elle a ainsi des bonheurs
d’expression qui ne peuvent que ravir le lecteur.
Elle dit de Violette:
«Pas suffisamment belle, jadis, et déjà trop vieille aujourd’hui, elle
s’était définitivement crue inapte au service amoureux [...]»
Elle fait dire à Catherine:
«Ma pomme se ratatine, ma figure se fissure, ma jeunesse s’accroche
encore, mais sa décision est prise, définitive: demain, elle se
barre...»
Aussi puis-je me permettre de dire au futur lecteur de cette fable:
«Crois-moi, je ne mens pas. En la lisant, tu t’instruiras peut-être, mais, sûrement tu ne t’ennuieras pas.»
Blog de FRANCIS RICHARD
«Du réel sonnant et trébuchant»
Dans son premier roman Crois-moi, je mens, sous-titré Une fable moderne,
Nadine Richon se délecte des mots. Elle les aligne comme des perles,
composant une poésie rythmée pour habilement se mettre dans la peau des
autres. L’auteure lausannoise donne relief et profondeur aux profils
qu’elle anime, des êtres transfigurés autant que révélés par le
magicien Facebook –
protagoniste à part entière ou simple toile de fond de rencontres aussi
virtuelles que réelles? Le récit se joue des frontières.
Les prénoms intitulent les chapitres. Jolie idée, comme empruntée au
cinéma Nouvelle Vague, mais qui souligne aussi l’aspect catalogue de
fiches du réseau social. Violette, secrétaire précocement retraitée,
divorcée et désenchantée, se nourrit des images de ses films fétiches.
Catherine, bourgeoise, mariée, cultivée et un brin pédante, jongle avec
ses classiques: Nietzsche, Véronique Sanson ou Le Corbusier. Peau
noire, hideux masque blanc,
Jordan-Mike-Antonio, ponctuellement secouru par Daniel, surgit avec
malice dans les existences engluées de ces dames. Nadine Richon raconte
une même histoire à plusieurs voix. Pour mieux troubler le lecteur,
elle conjugue première et troisième personne ou convoque des amis de la
vraie vie dans le déploiement de son drame sentimental kaléidoscopique
et sociologique.
Clique, like et puis claque.
Les fantasmes de liaison, le réveil de la chair autant que la chair
domestiquée s’entrechoquent autour d’un Arsène Lupin du numérique et
d’une star du porno sur le retour. Quand les uns sont sages, ils
semblent se transmuer en rabat-joie étriqués voire pingres, face à la
douce prodigalité démente des autres. Une étonnante mise en scène des
ivresses que procure le carrousel Facebook.
Non sans faire la part belle aux séries télévisées dont les figures
fictionnelles «colonisent» celles du roman, les pages sincères et
généreuses égrènent un florilège de références. En filigrane de ses
personnages, on peut ainsi lire les affinités intellectuelles et
culturelles de l’auteure. Cinématographiques, philosophiques,
littéraires ou musicales, ces nombreuses insertions sont autant
d’occasions, pour elle de questionner l’être et le néant. Si, dans son
livre, Nadine Richon se dissimule par la fiction et son «goût des
autres», qui sait si elle ne s’expose pas réellement à ses amis sur le
fameux réseau bleu...?
SOPHIE NEDJAR, Le Courrier
Violette et Catherine ne se connaissent pas. Chacune de son côté,
elles sont engagées dans une relation virtuelle tourmentée. Aux confins
du cyberespace, leurs destins vont se croiser. Digitalisée, pimentée,
la vie quotidienne prend la forme d’une fiction collective tissée sur
Internet. Aussi différentes soient-elles, ces deux femmes prolongent le
rêve du prince charmant dans les échanges mondialisés de notre temps.
Illustration de couverture:
«La Huitième Femme de Barbe-Bleue»
(Bluebeard’s Eighth Wife), de Ernst Lubitsch,
avec Gary Cooper et Claudette Colbert, 1938,
© FIA / Rue des Archives, Paris
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