Mon
cher Gémeaux, Je voudrais ajouter à ta lecture un peu légère d’hier. Ce
sont les symboles qui importent! Certes tu as vu que Vathek est au cœur
du dispositif, en abyme, certes tu as évité de parler, pour ne pas
spoiler comme on dit en français, de ce géant et de son livre mythique
dont je ne vais pas ici proférer l’indicible nom. Mais tu eusses pu
évoquer cet éternel combat du bien et du mal. Y relier ton ami pêcheur
que je vois comme dans le tableau de Konrad Witz, La Pêche miraculeuse,
ici entre les méchants quagga et les cormorans dévoreurs, mais surtout
le Cyriel, ancien flic, modeste libraire d’occasion, petit bourgeois,
un peu trouillard, ni héros ni même antihéros qui va s’éveiller,
chercher, fouiner, se piquer au jeu, consoler une mère éperdue d’avoir
perdu sa fillette jusqu’à lui faire l’amour réconfortant, fraternel
pour la rassurer, sans la liaison qui eût suivi, cliché habituel dans
le romanesque, s’accoquiner avec une espèce d’anar braconnier qu’il
n’aimait guère mais qui se révèle honnête dans la carambouille comme
les truands du Milieu de naguère et efficace, et se manifeste lui-même
courageux, audacieux, voire téméraire et tenace, dans une modeste
illégalité lors de ses explorations. Enfin soutenu dans sa triche par
un ancien collègue au service du bien qui mentira vrai à la hiérarchie,
au procureur et aux médias pour sauver les victimes et son ami et punir
les méchants. Ce gentil modeste aura fait donner le DARD pour stopper
l’hubris d’un illuminé malfaisant. Dans une société qui encourage
l’accélération exponentielle générale, parmi films et romans célébrant
l’héroïsme funambulesque, noyé sous les paillettes rutilantes et les
flots de champagne, qu’il est doux de lire un éloge anachronique de la
modestie et de cette éternelle lutte du bien et du mal en toute
humilité, même si plane en arrière-fond l’Ombre invaincue comme la
matière noire en arrière-plan de l’univers. Voilà ce que j’eusse écrit,
cher frère, si j’avais été toi! bis repetita placent!
PIERRE-YVES LADOR
Jean-François Thomas, Le cri du lézard, Campiche, 2024
Sous la belle, inquiétante voire terrifiante couverture de José
Roosevelt qui ouvre l’appétit du lecteur, un bref roman policier qui va
charmer chacun. Ce futur classique écrit par un conteur grand lecteur
de sf fait partie des littératures de genre et ici mêle au polar, un
zeste de sf, du fantastique. Il évoque la suite des aventures de Cyriel
Sivori, flic défroqué devenu qui a repris la librairie d’occasions de
son père défunt. Un peu de gastronomie et d’œnologie comme il se doit,
des féras mais aussi les méchantes moules quaggas et ces voyous de
cormorans, vive la biodiversité! Mais surtout une tonalité nouvelle: le
monde du livre et une intrigue qui entraîne le lecteur aussi bien dans
la librairie, ses clients collectionneurs étranges qu’à la Bibliothèque
cantonale vaudoise et à ses collections de livres rares. J’aime bien
qu’un auteur de romans de genre montre ses lectures, il est cultivé et
ses lecteurs aussi. Une implacable machine montée par un maître, où
chaque détail prend son sens, rétrospectivement ou permet aux plus
futés de pressentir, mais d’être surpris quand même. On peut voir les
méthodes de la maffia, de possibles trafic d’organes, mais on est vite
projeté dans un univers digne de Dan Brown. Le livre qui tue
existerait-il? Les livres mèneraient-ils le monde ? Faut-il les
interdire? On est intéressé par la mention du Vathek de Bedford imprimé
à Lausanne, en 1787, écrit en français et des autres grimoires volés.
Ce récit gothique fonctionne comme mise en abyme du thème même du roman
que le lecteur ne connaît pas encore. L’ancien flic va résoudre
meurtres, enlèvements et trafics de livres qui, apparemment sans
rapports, finissent comme dans les polars classiques par se croiser et
se relier à la mort du père. Le suspense tient jusqu’au bout et la
double surprise finale, bien que tout soit annoncé comme le prescrivent
les historiens du genre. Un certain humour et beaucoup de respect, des
personnages humains, proches des lecteurs, un ton bonhomme font le prix
de cette enquête sympa. On frôle l’horreur et le fantastique, mais en
restant bien de chez nous.
Une heure et demie de plaisir, de suspense et de frissons, mais, et
c’est là le charme, rien de glauque. Vous pouvez l’offrir à votre
vieille tante ce roman à la fois bien de chez nous, juste ce qu’il faut
de didactique pour ceux qui défendent livres, lecture, bibliothèques et
librairies par un prince du romanesque de genre, un modèle pour nos
écrivains et un plaisir pour les lecteurs.
PIERRE-YVES LADOR
Le Cri du lézard, de Jean-François Thomas
Mais quel est donc le lien entre la mort du père de Cyriel Sifori et
l’enlèvement brutal de la petite Élise devant sa librairie? À vol
d’oiseau, aucun!
Par un malencontreux concours de circonstances, Cyriel, alors
enquêteur, a tué un collègue. Sa vie a basculé dans la dépression. Pas
question de reprendre son métier. C’est pourquoi il a décidé de rouvrir
la boutique de son père, mort dans des circonstances pour le moins
étranges. Un job qui nourrit à peine son homme.
Le rapt de l’enfant sur le seuil de sa porte réveille son instinct de
limier. Il n’aura de cesse de retrouver la fillette: il en a fait la
promesse à sa mère. Il s’acoquine avec le taciturne Blogi, un surdoué
de l’informatique, qui a eu maille à partir avec la justice. Une
surprenante collaboration en marge de l’enquête menée par son fidèle
ami Martial Papin de la police judiciaire.
Un livre «dangereux» serait-il à l’origine de la mort de son père? Avec
l’aide de Blogi, il enfreint la loi et pénètre dans un manoir sinistre
où une quinzaine d’enfants sont séquestrés, victimes des membres d’une
secte.
Une traque qui tient le lecteur en haleine. D’ailleurs l’auteure de ces
lignes a renoncé à une sortie importante parce qu’elle ne parvenait pas
à poser le livre!
Le style de Jean-François Thomas est bien balancé, rapide, concis,
comme celui de tout auteur de polar qui se respecte. Il a l’art de
mener son lecteur par le bout du nez: impossible de laisser errer ses
pensées hors de la trame du récit, qui navigue entre polar et
science-fiction. Deux formes d’écriture tout à fait compatibles aux
yeux de l’ancien président du Conseil de fondation de la Maison
d’Ailleurs d’Yverdon, qui collabore avec la revue française de
science-fiction Galaxies.
Également critique et directeur de collection, l’auteur âgé de 72 ans
déclare: «Je suis un jardinier, je regard ce qui pousse.»
ELIANE JUNOD, L'Omnibus
«Son
père avait été retrouvé sans vie le jeudi 16 juillet 2015, en
possession d'une somme de dix mille francs suisses dans la poche, en
dix billets de mille francs suisses. S'il avait été antiquaire et qu'il
vendait des meubles ou des tableaux, passe encore, mais libraire!
Libraire d’occasion!»
Cyriel Sifori a pris la succession de son père qui tenait une librairie
de livres d'occasion à Vevey. Il était auparavant dans la police, mais
il avait dû la quitter après avoir, accidentellement, tué un collègue.
À l'instigation de son ami Edouard, qui tient la boutique pour lui de
temps en temps, Cyriel fait un jour du rangement. Après avoir vidé un
tiroir du bureau, il ne peut pas le remettre et se demande pourquoi:
«Il se pencha pour mieux regarder à l'intérieur de la cavité. Il
remarqua alors une pochette en plastique, collée sur le haut, dont un
côté pendait et qui, en se repliant sur elle-même, empêchait le tiroir
de rentrer correctement dans son alvéole.»
Dans cette pochette se trouvent des documents dont une lettre, signée
C. Dexter, qui donnait rendez-vous le 16 juillet 2015 à son père pour
la livraison d'un livre rare contre une grosse somme d'argent.
C'est à cette date-là, on l'a vu, que son père, Agénor, était mort. À
l'époque sa mort, d'une crise cardiaque, n'était pas apparue suspecte.
Mais la découverte du contenu de la pochette sème le doute chez Cyriel.
Son ex-collègue Martial avec qui il a dîné un jour, lui a confié qu'il
enquêtait sur l'enlèvement de six petits enfants de clandestins. Or,
quelques jours après, il entend un hurlement féminin près de sa
boutique:
«— Ma fille! Ils ont pris ma fille! Ils ont enlevé ma fille! Au secours! Aidez-moi!»
«Cyriel ne fut pas long à reconnaître la jeune mère dont la fillette
s'était introduite dans sa boutique. Elle portait toujours les mêmes
vêtements, jeans troués et t-shirt blanc.»
Cyriel n'a pas perdu son flair et décide d'éclaircir les deux affaires,
en demandant à plusieurs reprises à Edouard de le remplacer à la
boutique et en mettant Martial, plusieurs fois, devant ses faits
accomplis.
Cyriel n'emploie pas toujours des méthodes orthodoxes pour découvrir
l'atroce vérité dans ... les deux affaires, mais le lecteur ne lui
retire pas pour autant sa sympathie, car l'auteur sait le montrer très
humain...
Blog de FRANCIS RICHARD
Dans
la librairie héritée de son père, Cyriel Sivori découvre des lettres
dont le contenu laisse penser que la mort de son géniteur ne serait pas
accidentelle. Par ailleurs, l’enlèvement brutal d’une fillette devant
son commerce vient aussi perturber son quotidien.
Aiguillonné par sa passion de l’enquête, l’ex-inspecteur Cyriel Sivori
va aller chercher des réponses, et mettre à jour d’horrifiants secrets.
Haut de la page
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
|