Elle
est auréolée de nombreux prix. l’auteure genevoise: Prix
Georges-Nicole, Prix du Public de la RTS ou encore Prix Lettres
frontière, Prix Edouard-Rod. Avec Café des Chimères, Anne-Claire Decorvet signe son cinquième roman chez Bernard Campiche Éditeur.
Autant dire que toute nouvelle parution de la romancière est attendue
par un lectorat assidu. Il ne sera nullement déçu avec cette fable qui
puise sa substantifique moelle dans les sites de rencontres
quotidiennement fréquentés. Salomé Dutilleul est journaliste à
l’hebdomadaire Femme infiniment.
C’est un peu sur un coup de tête qu’elle accepte d’enquêter sur le
phénomène. Elle va s’immerger à corps et à cœur perdus dans cet univers
virtuel où chacun se fabrique une image séduisante.
C’est au Café des Chimères qu’elle donne rendez-vous à ses prises
harponnées sur la toile. Le lieu ne manque pas de charme. «Les murs
sont turquoise, le dossier des chaises de paille usée par des millions
de fesses était d’un orange éclatant, bleu pétrole ou fuchsia: des
coloris qui appellent au rhum doux des îles, à la nonchalance et à la
tequilla.»
La rédaction est un lieu clos, féminin, où macèrent les rivalités, la
jalousie, les non-dits. Julie, la rédactrice en chef, lui a piqué son
homme. Non seulement elle lui a subtilisé Fabio et a eu l’outrecuidance
de l’épouser, mais elle s’est adjugé le poste qui, vu son âge et ses
qualifications, devait lui revenir de facto.
Et puis, il y a Mélisse, la jeune et jolie stagiaire. La rivale est de
taille! Sa plume est goûtée par les lectrices aux commentaires
dithyrambiques. C’est plus que ne peut supporter la quinquagénaire.
Elle va ourdir un plan machiavélique. Elle n’a plus rien à perdre. Le
raz-de-marée des restructurations qui secoue la presse n’épargne pas le
journal. Salomé sait qu’elle est sur un siège éjectable.
Les thèmes que met en scène Anne-Claire Decorvet sont d’une brûlante
actualité. Fine psychologue, la romancière brosse des portraits criants
de vérité. Et dans un rythme enlevé. Avec sa maîtrise de la langue, nul
besoin de redondances.
Elle a le mot juste, le ton adéquat, des phrases percutantes: «Le monde
est parfois lourd à porter: les guerres et la faim, le désert qui
s’avance et les glaciers fondus dans des océans de déchets, les
ressources à bout de souffle au même rythme que les travailleurs, tout
cela nous cloue d’impuissance.»
ÉLIANE JUNOD, L'Omnibus, No 625, 27 juillet 2018
Une quête de l’amour en ligne qui dérape
Anne-Claire Decorvet plonge l’héroïne de Café des Chimères» dans une enquête virant à l’addiction
Le Café des Chimères. Un nom prémonitoire pour servir de décor aux
rencontres de Salomé Dutilleul. La journaliste, héroïne du dernier
roman de la Genevoise Anne-Claire Decorvet, se lance pour son magazine,
Infiniment Femme, dans
une enquête sur les rencontres par Internet. Pour coller aux exigences
de sa rédactrice en cheffe – et à ses obsessions personnelles aussi –
elle se jette corps et âme dans son sujet, jusqu’à perdre totalement
pied. Car derrière les séduisants profils en ligne se cachent des
égocentriques, des manipulateurs, des violents dont Salomé, quinqua qui
vit seule, fera les frais. Elle persiste malgré tout. «L’enquête était
devenue mon opium et mon vice, ma fumée et mon trip», confesse-t-elle
d’emblée au lecteur.
La journaliste aguerrie se voit mise en compétition avec Mélisse, une
stagiaire de 20 ans bourrée d’idées et d’aplomb. Exit le ringard Café
des Chimères et ses couleurs criardes, la jeune première convoque ses
prétendants à l’épuré et chic Diable à quatre.
Le récit progresse entre la narration de Salomé et les retranscriptions
des reportages des journalistes. La cadette repousse les prétendants
sans plus y penser, l’aînée s’enfonce dans une spirale de noirceur qui
l’amènera à commettre l’impensable.
Le roman court ainsi vers une fin déconcertante, qu’on ne dévoilera pas
pour maintenir le suspense. Le texte démarre comme la peinture
caustique – et parfois dure – d’un phénomène de société, puis bascule
dans une vraie noirceur. Un tel revirement n’est compréhensible qui si
l’on connaît la fascination d’Anne-Claire Decorvet pour la folie. «Un
lieu sans raison» (2015), prix Édouard Rod et prix du Public de la RTS,
narrait le destin de Marguerite, internée en France au début du XXe
siècle, et dont les œuvres se trouvent aujourd’hui à la Collection de
l’art brut, à Lausanne.
Dans Café des Chimères,
l’héroïne dissimule sans peine à son entourage les abîmes qui
l’habitent. À un monde dont on peut pressentir les dangers s’en
substitue alors un autre, bien plus inquiétant.
CAROLINE RIEDER, Tribune de Genève
La crise de la presse écrite, celle
de la cinquantaine, les sites de rencontres et les dangers qu'ils font
courir aux femmes esseulées. Et pourquoi pas l'éternel masculin et la
rivalité féminine. Voilà quelques sujets de société que la Genevoise
Anne-Claire Decorvet brasse avec ironie dans son dernier roman.
Son personnage se nomme Salomé Dutilleul. Quinquagénaire, journaliste à
la rédaction d'un magazine féminin, celle-ci est chargée d'enquêter sur
les sites de rencontres. «Sans aucune limite», lui précise la
rédactrice en chef. Top là! Tellement sans limite que la journaliste,
bien qu'expérimentée, va perdre pied en oubliant la déontologie la plus
élémentaire. En guise d'enquête, elle livrera le portrait au vitriol de
quelques mâles tordus qui tissent leur toile virtuelle avant une
rencontre au Café des Chimères.
Un livre étrange en ces temps où on balance pas mal. Ici comme ailleurs…
RTS, «Espace 2», «Versus»
Femme infiniment – Le quotidien de votre quotidien
est le journal féminin dans lequel écrit Salomé Dutilleul. La
cinquantaine, elle vit seule. Elle est ravie que Julie ait accepté de
lui confier l'enquête sur les sites de rencontres quand elle s'est
portée volontaire.
Mais l'expérience ne tourne pas à son avantage. Car Julie trouve ses
deux premiers articles consternants. Comme Julie le lui a demandé,
alors Salomé «ne s'impose pas de limite» mais elle est violentée
physiquement par le type de sa troisième rencontre...
Il n'est plus question que Salomé continue et Julie confie la relève à
Mélisse Ambremont, la plus jeune des rédactrices, pleine d'idées et de
fougue. Tout sépare donc Salomé et Mélisse, y compris les lieux de
rencontre avec les hommes qu'elles élisent sur la Toile.
Salomé les invite au Café des Chimères, «un truc ringard», aux
«couleurs aiguës, vert absinthe» et «rouge tomate», tandis que Mélisse
leur donne rendez-vous dans un «bar minimaliste», Au Diable à Quatre,
«moquette noire, comptoir d’aluminium» et «piano jazzy»...
Salomé met le doigt sur ce qui les différencie, elle et Mélisse:
«N’attendant rien, Mélisse accueille tout. Moi j'attends tout, n'accueillant rien.»
Salomé a déjà mal vécu que son amie Julie l'ait évincée par deux fois
dans la vie: elle lui a pris l'homme qu'elle aimait il y a vingt ans;
elle a obtenu le poste de rédactrice en chef il y a deux ans, alors
qu'elle l'avait précédée dans le journal et lui avait tout appris.
Salomé rumine et se pose des questions existentielles:
De quoi suis-je dépourvue: de technique érotique ou de personnalité? d'aisance ou de talent?
Le récit de Salomé coïncide avec le procès mené contre elle-même (ou
qu'elle s'inflige) puisqu'elle ne supporte pas les comparaisons. Et les
parties du livre en soulignent le crescendo: L’enquête, L’accusation, La condamnation, L’exécution, La disparition…
Le contexte n'est pas non plus favorable à Salomé: la presse écrite est
menacée par la presse en ligne. Sans parler – ce serait céder à la
facilité – de conflit de générations, peut-être serait-il plus juste de
dire que progrès et conservation éternellement s'opposent...
Blog de FRANCIS RICHARD
Dans
le décor coloré du Café des Chimères, la journaliste Salomé Dutilleul
enquête à propos des sites de rencontres et planifie ses rendez-vous.
Très vite, c’est la désillusion! Derrière les séduisants profils exposés
sur Internet se cachent en réalité des manipulateurs et des escrocs.
Bientôt ses articles ne font plus rêver les lectrices, et sa rivalité
croissante avec une jeune et jolie collègue la pousse aux pires excès.
Happée dans un engrenage implacable, Salomé perd peu à peu ses
illusions, la maîtrise de sa vie et bien davantage!
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