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Textes-en-scènes / atelier d’auteurs de théâtre
est une initiative de la Société Suisse des Auteurs (en collaboration
avec Pro Helvetia, le Pour-cent culturel Migros et l’association
Autrices et Auteurs de Suisse). Les auteurs dramatiques sont
invités à déposer un projet d’écriture pour le théâtre. Un jury
sélectionne quatre de ces propositions, les élus reçoivent une bourse
et partent en résidence à périodes régulières. Ils sont accompagnés par
un dramaturge expérimenté et reconnu. Les théâtres partenaires de cette
opération obtiennent un soutien financier pour la mise en production de
ces nouvelles écritures.
Pour cette troisième édition (2008), c’est le dramaturge belge Paul Pourveur qui a accompagné les quatre auteurs choisis.
PHILIPPE MORAND, directeur de la collection Théâtre en camPoche
Préface de Paul Pourveur
Écrire, c’est accepter le principe de l’incertitude, bon gré mal gré.
C’est partir avec beaucoup d’enthousiasme pour essayer ensuite de se
faufiler entre les mailles du doute, du découragement. Et à un moment
donné se perdre dans le développement d’un texte, la tête dans tous ses
états, essayant de se remémorer le pourquoi et le comment.
C’est un peu comme la formation d’un gouvernement en Belgique où rien
n’est simple, où il faut trouver des milliers de solutions ou des
compromis. Ou, pour rester plus Suisse, ce serait comme la conception
laborieuse, la fabrication délicate de ces montres sophistiquées à 72
complications.
Mais à part ça, l’écriture est la plus belle chose qui puisse vous arriver.
Un atelier d’écriture est un peu comme un laboratoire de recherche.
Explorer un contenu, tenter de le comprendre pour ensuite trouver le
bon point d’encrage afin de trouver une forme adéquate. Il s’agit de se
libérer des contraintes ‘d’un marché théâtral’ et sans cesse
réinventer, tenter d’autres approches, d’autres manières de développer
des personnages, toujours trouver des structures narratives qui
s’accordent mieux à notre monde actuel.
Ce fut un réel plaisir de pouvoir accompagner Manon Pulver, Isabelle
Sbrissa, Gaël Bandelier et Benjamin Knobil à travers leurs
pérégrinations artistiques. Manon Pulver qui aime dynamiter de manière
appliquée et systématique les fondements de la famille, une
famille-nid-de-guêpes. Isabelle Sbrissa qui se pose toujours beaucoup
de questions au mauvais moment et qui aime explorer le côté sombrement
sexuel de l’être humain. Gaël Bandelier, l’homme des bois postmoderne
qui aime flâner la tête dans les nuages, les pieds dans le fragmentaire
et vice-versa. Benjamin Knobil qui fonce toujours à très grande vitesse
droit au cœur de l’obsessionnel, de la névrose, de l’aliénation – j’en
passe et des meilleurs.
Quatre nouveaux textes de théâtre sont arrivés. Et c’est une étonnante cuvée.
PAUL POURVEUR
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Benjamin Knobil signe le texte et la mise en scène de cette création au Pulloff.
Benjamin
Knobil a des racines multiples: une mère née à Oran, désormais établie
à Los Angeles, et un père né à Berlin, mécano d’avions américains
pendant la guerre de Corée. Son enfance s’est déroulée entre Londres,
Bruxelles et Paris. Il faut une mappemonde et beaucoup de patience pour
suivre l’arbre généalogique de cette famille, dont l’une des dernières
branches, celle de Benjamin, a déjà de belles feuilles en terreau
lausannois: une compagne et deux filles, mais aussi une compagnie
intitulée Nonante-Trois. Tous ces ingrédients en apparence
géographiques nourrissent en permanence son art. En évoquant son
prochain spectacle, Boulettes, le polyglotte Benjamin Knobil
sourit en pensant à son côté juif new-yorkais et se réjouit
d’entremêler à nouveau différentes cultures. En se remémorant ses
précédentes créations, il se dit heureux et même fier d’avoir pu créer
des liens entre les sociétés civiles. Dans le grand zoo de la vie,
l’animal humain est source inépuisable d’inspiration pour Benjamin
Knobil. Il s’y promène avec des yeux d’enfant espiègle, ouvrant toutes
les cages, curieux de découvrir ce qui se passe après, quand ces mêmes
bestioles sont lâchées dans la nature. Elles ne sont pas toujours
aimables ou altruistes. Elles seraient même parfois féroces, se
bouffant entre elles. «Dans mes spectacles, il y a souvent quelqu’un
qui se fait écrabouiller à la fin par un autre individu ou par la
société.»
Comédien et metteur en scène longtemps errant, Benjamin Knobil a reçu
un contrat de confiance de trois ans du canton de Vaud. Une juste
reconnaissance. Le début d’un nouveau cycle, en réalité, pour mettre en
pratique ses désirs et ses convictions, que ce soit dans le cadre de
spectacles pour adultes ou jeune public. Il mettra ainsi en scène au
printemps prochain L’Enfant et les Sortilèges, de Maurice Ravel, dans le cadre de la saison de l’Opéra de Lausanne.
En attendant, voici Boulettes,
qui voit un homme reclus chez lui, obsédé par sa mère. Celle-ci lui
envoie chaque jour par colis trente boulettes fumantes. Mais, un jour,
le coursier est remplacé par une coursière, et tout change. Le goût des
boulettes, par exemple. Le goût de la vie également. Le théâtre de
Benjamin Knobil se nourrit de saveurs multiples.
MICHEL CASPARY, 24 Heures, Guide Loisirs
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Boulettes de Benjamin Knobil, auteur et metteur en scène
Cela
faisait maintenant plusieurs heures que j’étais assis dans cette grande
salle et faisais face à ces mises en lecture. Je m’étais amusé quelques
fois, j’avais dodeliné de la tête comme pour marquer mon intérêt à
certains passages, je m’étais longuement agacé devant un texte jusqu’à
sortir en plein milieu. Et puis, Boulettes arriva. C’était
la quatrième lecture. Autant vous dire qu’il me fallut bien quelques
minutes pour prendre la mesure de ce que j’étais en train d’entendre.
Le fait est que le vertige des mots s’empara de moi. Etait-ce la tête,
car la langue résonnait si juste que j’avais le sentiment que toute
langue entendue auparavant était fausse? Ou était-ce le cœur, car je me
retrouvais plongé dans un dilemme œdipien à la fois cocasse et
pathétique qui ne pouvait laisser indifférent le fils unique que je
suis? Je ne saurais dire, mais bien vite, c’est tout mon être de chair
et d’esprit qui bascula.
Oui, j’ai basculé. Je suis tombé dans Boulettes.
L’heure qui suivit restera parmi les expériences les plus intenses de
ma vie de spectateur. Le texte de Benjamin Knobil m’envoûta, j’ai
souffert avec son narrateur, j’ai respiré avec lui, chaque recoin de
son délire m’ouvrait une porte sur un imaginaire puissant, à la fois
épique et terriblement prosaïque. C’était une spirale, un tourbillon de
paroles débitées à un rythme hallucinant où pourtant tout me semblait
en parfait équilibre. C’est cela: excessif et équilibré. Je me
souviens avoir tenté de prendre de la distance. Avoir cherché à
raisonner. Il me paraissait impossible de découvrir dans ce contexte
une pièce aussi parfaite dans sa structure, aussi originale dans son
style et aussi virtuose dans sa langue. Ma bouche restait bée tableau
après tableau. Quelque chose était en train de se passer. Quelque chose
sur scène, c’est certain, mais aussi dans la salle: nous étions tous en
apnée.
Il me fallait comprendre. Pourquoi cette histoire de vieux garçon qui
se fait livrer quarante boulettes de viande de sa vieille mère tous les
jours par une fille au sourire éclatant me semblait relever du
chef-d’œuvre? Je me souviens distinctement que je compris vers les deux
tiers ce qui rendait cette écriture unique et désormais incontournable
à mes yeux: chaque réplique était à la fois d’une complexité étonnante
et en même temps d’une limpidité cristalline. Chaque réplique était
inattendue et pourtant complètement cohérente. Derrière chaque phrase,
il y avait une image. Plus le récit s’agitait, plus la mosaïque des
émotions se composait. Et plus celle-ci était déjantée, plus –
paradoxalement – elle faisait sens. A tel point que Freud et la
physique quantique se mariaient comme s’ils appartenaient à la même
vision du monde, elle-même improbable et pourtant terriblement logique.
Dès lors, il me parut naturel que chaque mot ait trouvé sa place. Le
récit avait beau culminer dans une crise hilarante, tout sonnait à mes
oreilles comme une parfaite harmonie…
Je suis ressorti de Boulettes sonné
et électrisé. Je venais de vivre et d’entendre une œuvre unique. Je
pleurais déjà mes futurs contradicteurs, je me sentais devenir
intolérant devant les sceptiques. Et déjà ma démarche était différente:
j’avais la colonne vertébrale artistique plus droite qu’en y entrant…
DENIS RABAGLIA, Papiers, bulletin d’information de la SSA
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Des «Boulettes» à croquer
Benjamin Knobil monte son propre texte, Boulettes, au Pulloff à Lausanne. Critique.
Le texte de Benjamin Knobil (42 ans), Boulettes n’a pas été lauréat pour rien du concours Textes en scène
organisé en 2008 par la Société suisse des auteurs. Insolite, bien
structuré, percutant, il confirme l’univers singulier et l’humour
mordant de cet auteur et metteur en scène franco-américain établi
depuis dix ans à Lausanne. Pour tout décor, une pièce d’un
appartement dans la pénombre. Un homme (Romain Lagarde) y habite,
reclus, scotché à son bureau, devant son ordinateur. Il vit de ses
traductions d’articles de physique quantique. Il survit plutôt, obsédé
par sa mère, qui lui envoie chaque jour, via un coursier (Lionel
Frésard), trente boulettes de viande bien fumantes. Tout bascule quand
une coursière (Sandrine Girard) remplace le coursier. La jolie gazelle
va tenter d’amadouer cet ours mal léché.
L’univers gastro-philosophique de cette pièce est mâtiné d’absurde,
comme dans bon nombre de spectacles de Benjamin Knobil. Il y a un ton
original, une façon légère de moduler les registres tout en gardant la
même tension dramatique. Le mérite en revient aussi pour une bonne part
aux trois comédiens, dotés d’une présence scénique à toute épreuve.
MICHEL CASPARY, 24 Heures
Enjeux 8.
Les mots se bousculent, se perdent et se mélangent et un Taureau versatile cherche le drame qu’il a perdu. Bizarre aussi la fable des Boulettes qui conditionne l’existence d’un homme enfermé avec son ombre. Dans Le Quatre-Mains, un jeu morbide utilise fantasmes et rêves pour satisfaire l’envie de jouissance. Seule la pièce À découvert
conte une solide animosité bien ancrée dans la vie réelle, où toute une
famille se déchire pour une raison tellement ordinaire: l’argent.
JULIETTE DAVID, Suisse Magazine
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