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Musiques de l’âge
Le
nouveau roman de Jean-Pierre Monnier. Où l’art de l’écrivain, gagnant
en liberté et en magie poétique, s’épanouit admirablement.
Parce que l’avance en âge n’aboutit que trop souvent à l’aridité et au
ratatinement lugubre, en littérature comme dans la vie, nous ne
saurions assez nous réjouir à chaque fois qu’il nous est donné de
rencontrer un individu qui ne s’est pas empâté avec les années, mais a
su demeurer vivant et vibrant en dépit de toutes les déconvenues. Et
c’est la première joie sans mélange que nous offre la lecture de ce
nouveau roman de Jean-Pierre Monnier: d’abord liée à l’épanouissement
saisissant d’une écriture, gagnant en fluidité et en liberté radieuse,
comme une onde reine aux multiples courants entrelacés que
traverseraient de merveilleuses lumières; et ensuite du fait de la
thématique même de Ces vols qui n’ont pas fui, qui fonde la méditation fuguée d’un homme parvenu à l’âge des premiers bilans.
Ce livre est de ceux dont on lève à tout moment les yeux pour songer à
sa propre histoire. C’est à la fois une longue balade sur les crêtes
jurassiennes et par les sous-bois d’un automne qui a valeur de symbole,
et une étape décisive à la faveur de laquelle le protagoniste, aidé par
les circonstances, fait le point sur son existence passée tout en
scellant de nouvelles alliances.
La rencontre d’une femme inespérée (et qui n’osait l’attendre, elle non
plus) marque l’ouverture mozartienne du livre; mais c’est plutôt à la
manière épurée de Bach que nous associerons la fin de l’ouvrage, où le
protagoniste assiste sa mère mourante, alors confronté au «mystère qui
depuis toujours se tient à l’extrême bord de tout».
À l’écoute
Personnage en disponibilité s’il en est, le héros de Jean-Pierre Monnier, pasteur comme l’était le protagoniste de La Clarté de la nuit,
il y a trente ans de ça, fait profession d’écouter les autres après
avoir renoncé à prêcher du haut de la chaire. Répondant aux désemparés
qui n’ont plus qu’un numéro de téléphone à composer comme recours à la
solitude ou au désespoir, il s’est fait voix parmi les voix, et l’on
présume que ses réponses n’ont pas le tranchant de la certitude. Au
demeurant, sa fonction de pasteur n’a qu’une importance très secondaire
en l’occurrence, et le lecteur peu porté aux «momeries» n’a rien à
craindre assurément… La rencontre d’une femme – qui nous vaut un
portrait à fines touches, d’une étonnante qualité de présence –, le
dialogue renoué avec un fils rebelle, la confrontation avec des témoins
de son adolescence ou de sa jeunesse, enfin l’ultime chemin parcouru aux
côtés de sa mère: telles sont les ponctuations de ce mois de la vie
d’un homme dont les incertitudes et les hésitations, mais aussi les
attentes et les ferveurs font écho aux nôtres.
Une filiation
Ce qu’il y a de plus beau et de plus émouvant à nos yeux, dans ce
roman, c’est que le monde et les hommes y apparaissent «dans la
bienveillance des jours et dans le renouvellement des cycles, des
espèces et des générations».
Loin d’être triomphante ou dogmatique, la foi du protagoniste, mêlée de
doute et de reconnaissance, est essentiellement conscience du mystère
et célébration des choses de la vie, ou bien attente de «ce quelque
chose de Dieu qui n’est jamais entré dans aucun de nos langages»…
Or l’écriture de Jean-Pierre Monnier, à la fois elliptique et musicale,
tantôt précise à l’extrême, voire un peu recherchée, et tantôt mimant
les tâtons et les trébuchements de la pensée, illustre admirablement la
quête de son personnage, dans une lumière déclinante qui porte en elle
la promesse d’un renouveau.
JEAN-LOUIS KUFFER, Le Matin, 1986
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