Silvia Härri gratte avec style sous la carapace
{…} Dans un style ramassé et ciselé, Silvia Härri livre un récit
poignant, chronique de l’impensable qui ne verse jamais dans le pathos:
«Je voulais un antihéros, car je ne trouve pas les héros intéressants.
J’avais envie de montrer comment on peut, des années durant, vivre dans
une forme d’imposture en étant une personne qui n’est pas monstrueuse,
qui aime sa famille. Comment on en arrive là par instinct de survie.»
Fouiller l’intime, l’écrivaine ne sait d’ailleurs pas faire autrement:
«J’aime essayer de toucher ce qu’on ne voit pas, ce dont on ne parle
pas, ce qui dérange.»
«J’avais envie de montrer comment on peut, des années durant, vivre
dans une forme d’imposture en étant une personne qui n’est pas
monstrueuse.» La confession d’un ami a servi de point de départ: “On
m’a raconté le 2 %, le reste je l’ai romancé”»
La jeune femme remarquée jusqu’ici pour sa veine poétique se frotte
pour la première fois au roman. «Je pense qu’on ne choisit pas ce qu’on
écrit, que ça s’impose à nous. Et puis, dans ma tête, le roman était
quelque chose qu’on ne pouvait pas toucher tout de suite, un dispositif
narratif complexe. Je ne me sentais pas armée pour commencer avec ça.»
{…} Passée au roman, elle n’a pas adopté pour autant une construction
linéaire. Dans Je suis mort un soir d’été, la narration évolue par
allers-retours entre le présent et le passé : « C’est comme une tempête
de souvenirs qui revient secouer le présent, ça ne pouvait donc pas
être très linéaire. » Silvia Härri s’amuse d’ailleurs elle-même du
contraste entre sa vie, où elle est plutôt organisée et rationnelle, y
compris dans son métier d’enseignante, et les audaces qu’elle se permet
dans l’écriture «Écrire m’ouvre un champ de liberté immense.»
CAROLINE RIEDER, 24 Heures
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