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CHARLES-HENRI FAVROD

LE VASTE MONDE
De la collection de Charles-Henri Favrod

Avec environ 100 photographies
Un «beau livre» au format 25 x 30 cm
Textes d'Édith Bianchi et de Charles-Henri Favrod.
2016. 160 pages. Prix: CHF 60.–
ISBN 978-2-88241-413-7


Biographie

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Le fondateur du Musée de l’Élysée, qui aimait à se décrire en «chineur à la lampe», s’est éteint dimanche

Charles-Henri Favrod, le vaste monde

Au petit matin parisien, voici Charles-Henri Favrod. Foire aux vieux papiers, porte de Montreuil. Il précède les marchands et le lever du jour, lampe de poche à la main, fouillant de l’autre ces bacs où dorment les images. Effeuillage de cristaux sensibles où le regard fait son marché. Tirages jaunis, fragiles daguerréotypes, témoins des débuts d’un art que ce Vaudois n’aura eu de cesse de collectionner, de préserver, de valoriser et de stimuler. Jusqu’à dimanche. Ce merveilleux chineur a éteint sa lampe, disparu à l’orée de ses 90 ans.
On l’aurait cru photographe, tant Favrod a servi cet art auquel il a dédié un vaste musée, celui de l’Élysée à Lausanne, mais aussi sa vie. Il était surtout cet infatigable collectionneur d’images, qui serait au collectionneur ce que le passionné est au spécialiste. Un bâtisseur de ponts plutôt qu’un amasseur de pierres.

À voir et à comprendre

Son appétence curieuse faisait dialoguer l’œil et l’esprit. S’il était aussi journaliste, homme de lettres, directeur de collection, essayiste ou producteur de cinéma, c’était avec ce souci de donner à voir et donc à comprendre. «La photographie retient mon intérêt parce qu’elle me fournit de l’information. Désir de reconnaître, plaisir de regarder. Et sans doute aussi parce qu’elle me permet de tromper un peu la mort», écrivait-il dans Tout ça (Bernard Campiche Éditeur) avant d’être trompé à son tour.
L’image comme inventaire du monde. Grâce à elle, il voyage malgré une adolescence turberculeuse. Plongé dans la collection complète de L’Illustration empruntée à la bibliothèque de son sanatorium de Leysin, il rêve à ce qui se grave sous ses yeux. Avant de s’évader pour documenter l’Histoire à son tour.
Après sa licence en lettres obtenue en 1952, ce natif de Montreux se fait journaliste de terrain, reporter pour la Gazette de Lausanne. C’est l’Indochine, l’Afrique ou l’Amérique qu’il documente en textes, en images, et en ouvrages. Puis surtout l’Algérie, dont ce bourlingueur est fin connaisseur et pour laquelle il se fera aussi acteur, favorisant la mise sur pied des négociations de paix entérinée par les Accords d’Évian.

Figure tutélaire

Au fil de ces infatigables pérégrinations, sa collection d’images s’agrandit. Il en présente quelques joyaux dans une exposition au Musée des arts décoratifs de Lausanne, en 1982, intitulée La Puissance du regard. «Avec mon pote Michel Van den Eeckhoudt, on en avait entendu parler. On a fait le trajet de Bruxelles pour venir le trouver à Saint-Prex», se souvient Hugues de Wurstemberger, photographe dans la capitale belge après avoir grandi à Fribourg. «Il nous a reçus dans sa maison au bord du lac. Assis entre une bouteille de blanc, un clavecin et un Duchamp au mur, on a causé pendant trois heures… On ne s’ennuyait pas l’ombre d’une seconde avec lui!»
Les jeunes photographes en profitent pour présenter leur travail à cet homme qui deviendra pour eux une figure tutélaire. Favrod saura s’en souvenir en organisant sa première exposition au Musée de l’Élysée, qu’il dirige après l’avoir créé en 1985. À l’étage, l’immense Raymond Depardon présente San Clemente. Dans les sous-sols, Hugues de Wurstemberger accroche son premier reportage.

Formidable passeur

Oui, on le disait familier des grands artistes – Malraux, Sartre, Bouvier, Cocteau ou Vian –, mais c’est surtout des photographes qu’il se fait apprécier, pour l’énergie qu’il met à faire rayonner leur talent. Ami d’Henri Cartier-Bresson, il restera proche de René Burri ou de Robert Frank qu’il parvint  même à réconcilier avec la Suisse.
Ses grandes expositions restent en mémoire autant que son rôle de passeur, circulant librement entre les régions linguistiques, entre les institutions, entre les artistes eux-même. «C’est important pour un jeune photographe de pouvoir montrer ses travaux à une personne qui sait les regarder. Et lui était quelqu’un capable de vous ouvrir à la fois l’esprit et l’horizon. C’était un homme de culture mais aussi de réseaux», se souvient Hugues de Wurstemberger.
Le directeur restera dix ans à la tête de son Élysée avant d’être mis à la retraite. Un mot qui lui seyait particulièrement mal. En 2006, il inaugurait un nouveau musée de la photographie, à la demande de la Fondation Alinari à Florence où sa collection repose. Des milliers de clichés qu’il continuait à explorer et à partager. Récemment, trois ouvrages ont été publiés, toujours chez Campiche, où l’on s’émerveillait de ces merveilleuses trouvailles. Le dernier, paru il y a quelques mois, s’intitule Le Vaste Monde. Et ce mot, avec lequel il y concluait son ultime préface: «La photographie est ce qui permet enfin de voir autrement.» Un regard dont il n’aura cessé de célébrer la puissance.

THIERRY RABOUD,
Le Courrier, 16 janvier 2017

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Le grand homme de culture vaudois, fondateur du Musée de l'Élysée, s'est éteint dans sa 90e année ce dimanche

Il était né en 1927, une année de prouesses technologiques avec la première conversation téléphonique transatlantique entre New York et Londres, l’année des exploits avec Charles Lindbergh à bord du Spirit of St. Louis. Depuis… Charles-Henri Favrod a accompagné la modernité d’un sens éclairé, toutes les modernités ou presque lorsqu’il avouait conserver une préférence pour son stylo et sa machine à écrire. Une petite résistance, un petit rien mais un vrai trait de caractère de celui qui vient de disparaître en homme de toutes les appétences qu’elles soient géopolitiques, culturelles, historiques et avant tout humaines.
Et parmi ses innombrables compétences – il a été journaliste, reporter de guerre, écrivain, historien, directeur de collections aux Editions Rencontre, fondateur et directeur du Musée de l’Élysée à Lausanne, producteur de portraits d’hommes politiques mais encore esthète et collectionneur – c’est cet ancrage dans le temps qui passe et qui évolue que met en avant Gilbert Salem au moment de se souvenir de celui qui allait avoir 90 ans en avril et que le chroniqueur de «24 heures» considérait comme son père spirituel. «Bien sûr que comme passionné de photo, Charles-Henri Favrod aimait l’argentique, mais il aimait aussi le numérique, la preuve il avait lancé la numérisation des collections. Il était attentif à tout ce qui se faisait, à tout ce qui se passait, il était curieux de tout.» Un savoir appréhender le monde par l’angle de l’audace, une envie infinie de le découvrir qui avaient conduit le jeune Vaudois de 18 ans devant la porte des plus grands écrivains – Cocteau, Breton, Saint-John Perse – lorsqu’il sort pour la première fois de Suisse et gagne Paris en 1945.
Le culot faisant ses preuves, l’étudiant ose encore, trois ans plus tard, se faufiler en président des Belles-Lettres jusqu’à la porte de Jean-Paul Sartre et décroche l’autorisation de monter les Faux-Nez à Lausanne. «Il était encore en robe de chambre à 11 heures, le Vaudois que j’étais avait trouvé ça un peu étonnant», raconte-t-il dans son Plan Fixe. Mais ce qui n’étonne pas Gilbert Salem, c’est ce sens de l’autodérision mâtiné de l’art réservé aux grands modestes d’atténuer les succès comme les honneurs. «Peu importe le moment ou la situation, Charles-Henri Favrod avait toujours une anecdote à raconter avec un humour pince-sans-rire à l’anglaise et j’espère qu’il a pu le conserver jusqu’au dernier moment. Je me souviens d’un voyage en Chine qu’il avait fait avec le Musée de l’Élysée et de l’invitation personnelle reçue pour un dîner avec le ministre des Affaires étrangères. Lui qui adorait la cuisine chinoise se réjouissait tellement mais ils ont voulu lui faire honneur en l’emmenant dans le Kentucky Fried Chicken qui venait d’ouvrir à Pékin où des centaines de personnes faisaient la queue. Quels rires! Et il racontait ça, toujours avec cet accent impeccable.»
Descendant d’une famille du Pays-d’Enhaut, petit-fils d’un paysan montreusien aux terres convoitées pour construire le futur Montreux Palace, fils d’un commerçant de vins et de liqueurs, sa maman voulait qu’il devienne quelqu’un. «Il l’est devenu en fin connaisseur du monde tout en restant ce Vaudois de souche mais, analyse Gilbert Salem, avec une tête qui dépasse, c’est peut-être ce qui a fait qu’il intimidait, c’est peut-être cette carrure qui lui a valu ses soucis avec son canton. Sa collection de photos, il voulait la lui donner, ça ne s’est pas fait! Elle est à Florence au Musée qu’il a été chargé de créer et croyez-moi, là-bas, on dit Signore Favrod.» Là où on l’appelle, mais surtout l’envie d’être là où les choses se passent, Charles-Henri Favrod avait d’abord mis son appétit d’un monde en mouvement au service de son premier métier: journaliste. «C’est comme ça qu’il se définissait, note Gilbert Salem. C’était un immense journaliste. Grand reporter pour la «Gazette de Lausanne» ou pour la radio, il avait insisté pour partir et avait fait le tour de la Méditerranée en 1952. Et celui qui voulait voir pour comprendre est devenu un très grand connaisseur du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne d’ailleurs avant la conclusion des Accords d’Évian, il était en coulisses en facilitateur entre les gouvernements français et algérien.»
Au fur et à mesure des souvenirs qui s’accumulent, les statures abondent, se mêlent, se confondent avec la peur d’oublier quelque chose, il y en a tellement! L’homme de lettres, le Vaudois fertile, l’infatigable voyageur, l’humaniste, l’érudit, une cheville ouvrière de la création du Théâtre de Vidy. l’homme d’une famille et, bien sûr, le passionné d’un médium qui permet aux fureteurs d’enregistrer le monde. «La photographie, pour moi, est souvent une preuve d’amour.
C’est quelque chose qui vous trouble profondément parce que vous vous y introduisez, si elle est bonne, ça devient très vite une image mentale, vous la mémorisez d’une façon particulièrement durable, je pense que c’est une des images que l’on voit à son dernier jour», disait-il dans Plan fixe. Charles-Henri Favrod a encore eu ce savoir sensible de ne jamais jouer les mots contre les images, le Saint-Preyard a su aussi reconnaître ses limites, par exemple de photographe, un peu… aidé par Henri Cartier-Bresson. «Il le rencontre alors qu’il était en train de faire des photos et c’est là, rapporte Gilbert Salem, que Cartier Bresson lui dit: «Monsieur vous photographiez avec votre nombril alors que c’est avec vos yeux que vous devez le faire! Depuis, il n’a plus fait de photos, il a collectionné celles des autres avec l’art que l’on sait.»

24 Heures,
16 janvier 2017

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Les inestimables photographies de la collection de Charles-Henri Favrod

Le troisième tome de photos issues de la prestigieuse collection de Charles-Henri Favrod vient de paraître dans la série campImages. Il est centré sur la notion d’exotisme. Une brève introduction intitulée «Le Vaste Monde», par Favrod lui-même, pose quelques jalons nécessaires.
La première partie du XIXe siècle est marquée par la découverte des sociétés dites primitives et voit naître un grand intérêt pour l’anthropologie. La photographie va participer à ce mouvement. Elle se met aussi au service de l’archéologie: le daguerréotype permet par exemple de relever beaucoup plus rapidement les hiéroglyphes que le dessin. Les expéditions et voyages en Afrique, Asie et Océanie sont désormais accompagnés par des photographes, mais les temps de pose restent bien longs. On notera donc, dans de nombreuses photos, le caractère figé des personnages, saisis de face et dans un décor parfois artificiel. En 1880, la première reproduction d’un cliché dans un journal (le Daily Herald) marque le début du reportage photographique.
L’exotisme et l’orientalisme ne disparaissent pas, mais se trouvent modifiés par la technique nouvelle: ils ont désormais un caractère moins romantique et plus scientifique. Mais ils gardent leur ambiguïté. L’Europe sûre d’elle-même domine le monde. Elle veut éduquer les «barbares» en commençant par les photographier.
Parcourons donc cet ouvrage composé de photographies intéressantes, souvent esthétiquement belles, parfois insoutenables de cruauté, et toujours révélatrices du rapport du «civilisé» avec l’Autre. L’intention de présenter ces peuplades primitives comme «sauvages» est évidente: en témoignent la nudité très fréquente des corps, ainsi que ces scènes de préparation de cannibalisme, de crucifixion au Japon, de torture ou d’étranglement en Chine.
Certaines photographies présentent cependant un réel intérêt ethnographique et échappent à ce regard condescendant, telles les prises de vue à Java révélant le détail des costumes et des éléments d’architecture.
On remarquera la présence de plusieurs photos de groupe se livrant à une même activité: ouvrières d’une plantation de thé à Ceylan, équipe agricole en Chine, rameurs de pirogues sur le fleuve Congo. Curieusement, et même si ce sentiment relève peut-être de l’anachronisme, ces clichés donnent aujourd’hui une idée positive de collectivité en action, en rupture avec l’hyper-individualisme qui caractérise notre monde occidental. Notre regard sur eux se modifie donc avec le temps.
D’autres prises de vue ont une valeur surtout esthétique, tel ce bain de buffles en 1868 près des pyramides du Caire, aujourd’hui entourées de quartiers d’habitation.
L’Algérie a suscité l’activité de nombreux photographes. Les «Mauresques» sont photographiées voilées, au contraire des Bédouines. D’autres scènes illustrant l’Afrique arabe sont encore visibles aujourd’hui: ainsi les marchands ou commerçants des souks. Un érotisme diffus et orientalisant est présent dans plusieurs clichés. Enfin une photo prise en 1856 illustre de manière emblématique le rapport de domination coloniale: un militaire français se fait servir le café par un petit «négrillon». Les 400 clichés réalisés par Félix-Jacques Moulin en 1856 en Algérie, à l’aide du nouveau procédé du collodion liquide, et dédicacés à Napoléon III, auraient par ailleurs, selon Favrod, «largement contribué à sa grande vision d’Empire arabe».
Le phénomène d’acculturation est lui aussi visible, par exemple dans les portraits, datant de 1869-1870, du roi et de la reine du Cambodge (déjà sous protectorat français), vêtus en partie à l’européenne.
Un index permet de connaître quelques éléments biographiques des photographes concernés, chaque fois que cela fut possible.
Ce volume s’ajoute à la longue liste des livres de voyages de Charles-Henri Favrod où la photo, qui reste la passion de sa vie, joue un rôle essentiel. Quelques clichés dans ce livre, datant de 1953-1955, sont d’ailleurs de lui.

PIERRE JEANNERET,
Domaine public, No 2142


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L’exotisme du vaste monde pour les regards européens

Depuis les années 1950, Charles-Henri Favrod a parcouru le monde, d’abord comme journaliste et photoreporter, puis comme éditeur de livres et collectionneur de photographies, bien avant de fonder le Musée de l’Élysée, à Lausanne. Depuis sa retraite de Saint-Prex, l’érudit continue d’explorer son incroyable collection de tirages avec la publication du Vaste Monde, son troisième ouvrage chez Bernard Campiche Éditeur.
Après Le Raid américain et Tout ça, Charles-Henri Favrod met en lumière le rapport des Européens à l’exotisme, particulièrement durant le premier siècle de la photographie (1839-1939). On y retrouve évidemment des images d’Afrique, dans les souks de Tunis ou à la chasse aux crocodiles sur le Nil. Mais aussi dans un Extrême-Orient qui s’ouvrait alors au monde, avec ses rumeurs d’opium dans le Tonkin, les théâtres nô ou kabuki au Japon ou d’horribles images de décapitation et de crucifixions en Chine. Dans un noir et blanc – et une mise en page – d’un autre temps, Le Vaste Monde nous réapprend à regarder autrement selon les mots empruntés à Victor Segalen: «L’exotisme est tout ce qui est Autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le divers.

CD,
La Gruyère
, 13 novembre 2016

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«Le 19 août 1839, l'Académie des sciences de Paris rend public le procédé photographique acquis de ses inventeurs par l’État.» C'est par cette phrase que commence le texte de Charles-Henri Favrod en introduction au recueil de photographies collectionnées et légendées par lui sur le thème du Vaste Monde.
La plupart de ces photographies datent justement du XIXe siècle. A l'époque, comme le rappelle Edith Bianchi dans sa préface, le matériel était «volumineux et fragile». Il n'est donc pas étonnant qu'elles aient toutes un air de famille, même si ce sont des images capturées par des photographes bien différents les uns des autres.
Cet air de famille se retrouve en effet dans la mise en scène, évidente dans plusieurs de ces images, la disposition frontale, les éléments de décor, le cadrage choisis.» Comme Charles-Henri a inséré quelques-uns de ses instantanés, pris en Afrique ou en Asie au début des années 1950, le contraste est patent avec ceux de ses prédécesseurs.
Comme aujourd'hui l'on passe davantage de temps à voir des images qu'à lire des mots, on ne peut donc qu'apprécier la citation que Favrod fait d'un Théophile Gautier visionnaire, même s'il parle plus haut, de manière déjà datée, de daguerréotype: «Notre siècle affairé n'a pas toujours le temps de lire, mais il a toujours le temps de voir.»
Les photos de ce livre d'images permettent de voyager dans le temps et dans l'espace, surtout en Asie, en Océanie, aux Antilles et en Afrique. Elles représentent la condition humaine: des portraits d'hommes et de femmes faisant la pose, se livrant à un labeur ou prenant du loisir, mais aussi quelques scènes d'esclavage, de torture et, même, un supplicié.
Depuis son apparition, la photographie a changé le regard des hommes, qui demeurait jusque-là quelque peu approximatif. L'expression «vaste monde» conduit au terme «exotisme», qui, tiré du grec tardif, évoque ce qui est extérieur, étranger. Aussi l'auteur, s'agissant de la photographie, singulièrement en la matière choisie, peut-il la définir «en un mot» à la fin de son texte:
«La photographie est ce qui permet enfin de voir autrement.»

Blog de
FRANCIS RICHARD, 19 octobre 2016

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La photographie fait irruption, précise, abondante, incontestable. Elle bouscule l’influence encore vive du retour d’Égypte, le rêve créole autour de Paul et Virginie ou de l’impératrice Joséphine, le romantisme du Voyage en Amérique ou des Orientales. Du coup, l’exotisme n’est plus ce qu’il était et on peut reprocher à la photographie cette vérité qu’il impose, quand la peinture exaltant encore hammam et sérail, esclaves noirs et chevaux arabes, cèdres du Liban ou palmier des îles, couchers de soleil flamboyants, et le désert, et la mer, toujours recommencés. Exotisme pas mort, non, mais modifié, dans la mesure même où la photographie en étend l’aire et en révèle des éléments nouveaux, inconnus, étranges, qui ont pour eux l’atout d’être des faits, des preuves.

CHARLES-HENRI FAVROD, Dos du livre

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Jusqu’à ce jour, le mot Exotisme fut à peine synonyme de «impressions des pays lointains»; de climats, de races étrangères ; et trop souvent mésemployé par celui plus compromis encore de « colonial ». Sous les termes redoutables de «littératures exotiques» on réunissait et on réunit encore tout l’attirail clinquant d’un retour de chez un roi nègre {…}.

VICTOR SEGALEN

Tous ceux qui regarderont les photographies de ce troisième tome de la collection de photographies de Charles-Henri Favrod seront conviés à réfléchir et à prendre conscience de la force de témoignage des images prises par les différents acteurs – tous Européens – d’une transmission ethnologique et politique constitutive de la notion d’exotisme.
L’utilisation de la photographie comme instrument de connaissance soumis au regard de chacun de ces photographes qui ont œuvré est affaire d’affinités justifiées par la curiosité, l’étonnement, le goût du divers. L’afflux d’images éditées sous forme de cartes postales dont certaines, insupportables, venant d’Extrème-Orient et illustrant des scènes de torture, a contribué à l’établissement de sources documentaires sur les diverses sociétés et à l’éveil du public au désir de voyage.
La mise en scène, évidente dans plusieurs de ces images, la disposition frontale, les éléments de décor, le cadrage choisis évoquent les conditions de prises de vue au XIXe siècle ne disposant que d’un matériel volumineux et fragile. De tels dispositifs modifient la représentation de la réalité au profit d’une «science du spectacle et de la mise en beauté du spectacle».
«Collectionner les photographies, c’est collectionner le monde», disait Susan Sontag dans son essai Sur la photographie. Pour Charles-Henri Favrod, il s’agit du Vaste Monde.

ÉDITH BIANCHI,
Préface au livre Le Vaste Monde


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