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Fuite?
Exil volontaire? Qu’est-ce qui pousse le narrateur, Lorenzo, à quitter
son épouse, Luce, une vie bien réglée en Suisse, pour la Grèce.
Lorenzo espère tout d’abord rejoindre son ami, Themis, parti enquêter
en Turquie sur les passages clandestins des réfugiés albanais. Lorenzo
poursuivra cette route, avant de se laisser littéralement fondre dans
Thessalonique. Là, il perdra peu à peu tous ses repères, ne verra plus
de sens à sa vie et disparaîtra, comme halluciné.
Dans son premier roman, Nicolas Verdan étonne par la qualité des
décors, du «dépaysement», et par une troublante mise en scène du lent
désespoir d’un homme.
Nicolas Verdan donne rendez-vous à Thessalonique
Le
jeune journaliste lausannois décrit avec force le voyage d'un homme qui
se fuit, puis se perd dans la cité grecque. Un roman bref pour raconter
le désespoir, agrémenté d'une description naturaliste de la route du
Sud.
Observez bien le visage de Nicolas Verdan: il
sourit souvent, du même sourire chaleureux qu'ont les Méridionaux qui
vous reçoivent chez eux et savent se montrer attentifs. Mais observez
encore et vous remarquerez que, si sa bouche sourit, ses yeux sont
emplis d'une étrange mélancolie qui dément cette impression de gaieté.
Cette ambivalence, Nicolas Verdan la cultive aussi dans ses passeports.
Suisse, il l'est, lui qui vit depuis toujours entre Riviera et
Lausanne. Grec, il l'est d'ascendance et de cœur.
Le voilà auteur d'un premier roman, bref et ramassé, un de ces romans
soignés comme les bichonne Bernard Campiche. Son héros, architecte dans
la quarantaine, quitte la Suisse sur la piste de Thémis, son ami grec,
un journaliste qui a disparu sans crier gare, comme il a l'habitude de
le faire. Mais, cette fois, Lorenzo saute sur le prétexte pour tout
lâcher, son cabinet réputé où il a le sentiment de «dessiner des
cercueils pour les bourgeois», sa compagne, Luce, dont «le corps est le
langage le plus prenant». Ce voyage vers Thessalonique devient une
fuite où Lorenzo se perd même s'il prétend qu'il se retrouve enfin.
Alors qu'il descend vers la Grèce dans sa belle voiture suédoise, vers
cette Grèce mythique porteuse de la «vraie vie», Lorenzo ne cesse
d'entrapercevoir les «migrants», ces Albanais ou ces Kurdes prêts à
tout pour accéder au paradis occidental, grâce à des passeurs peu
scrupuleux. Ironie de l'histoire, c'est justement là le sujet du
reportage de Thémis, ce que Lorenzo ne sait pas. Entre le riche du Nord
qui fuit ce qu'il ressent comme une prison et ces miséreux qui rêvent
de terre promise, les rencontres sont saccadées, inabouties,
incomplètes autant qu'incomprises.
Voyage intérieur
Il y a dans l'écriture de Verdan une précision chirurgicale, faite de
phrases courtes, sèches qui rendent bien la lente descente dans l'enfer
intérieur de Lorenzo. Mais il y a aussi les descriptions des lieux
qu'il traverse pour son rendez-vous définitif, ces lieux qui sont comme
un voyage intérieur pour l'auteur, partagé entre ses deux nationalités.
Quand Verdan part pour la Grèce, le trajet n'est pas que routier.
«Thémis disait souvent qu'il fallait écouter son voyage, surtout ne pas
le contrarier: — Si ta route te mène là où tu ne t'y attends pas, alors
oui tu es sur la bonne voie.»
Forcément, ce style sec rend le roman un peu désabusé. Même les
quelques passages qui ailleurs auraient été sensuels, se trouvent ici
presque désincarnés malgré la poésie des mots. Il y a peu de moments de
grâce pour Lorenzo. Ses rencontres féminines sont avant tout
charnelles, avec Luce, avec l'amie de son ami, avec la clandestine.
Normal que dans sa lente descente, l'amour ne puisse être autre chose
qu'un piège, un de ces pièges qui auraient ramené le héros dans le
monde des vivants, un des pièges qu'il saura éviter.
Dans Thessalonique, «cette cité incapable de s'imaginer noble», à
travers Lorenzo, c'est tout l'Occident qui s'abandonne, qui se délite,
comme le rêve Nicolas Verdan, dans ce fantasme d'un Nord déliquescent.
«Je sais où est mon chemin. Ou disons plutôt que je sais qu'il n'est
que chemin. Direction l'Orient. Vers sa grande porte dont je pressens
désormais que je ne la franchirai jamais. Mais seul compte le mouvement
qui me pousse vers son seuil.» Ce mouvement-là a donné un beau roman.
DAVID MOGINIER, 24 Heures
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Plus dure sera la chute
C’est à un voyage en quête d’ailleurs que nous invite Nicolas Verdan à travers Le rendez-vous de Thessalonique. Sombre et attachant.
Journaliste à 24 Heures, de mère grecque et de père suisse, Nicolas Verdan nous livre à 34 ans son premier roman, Le rendez-vous de Thessalonique.
Un récit sombre et dense servi par un talent descriptif évident, le
goût, le sens des mots et de l’intrigue, la maîtrise des émotions –
point de pathos malgré une Grèce mélancolico-sinistre en toile de fond.
Un petit bouquin de 110 pages qui en dit long sur les envies d’un
ailleurs que chacun porte en soi. L’histoire est celle de Lorenzo (le
narrateur), architecte, qui «dessine le cercueil des bourgeois», marié
à Luce, déçu par sa profession comme de son couple: «Intellect à
l’index, bouche en cœur, nous nous sommes aimés comme deux petits
cochons d’Inde. Une vraie chaleur, un faux bonheur.» Un matin de
novembre, Lorenzo se rend chez son ami Themis. Mais Themis est parti –
pour Thessalonique? –, il a fait son sac, ne laissant sur le bord de
l’évier qu’un agenda sur lequel il a noté deux lignes: «Tu ne trouveras
pas d’autres lieux, tu ne trouveras pas d’autres mers…» À cet instant,
la vie de Lorenzo bascule. «Aussi douloureuse que soit la fugue de mon
ami, j’y ai vu le signe que je n’espérais plus d’un renouveau
possible.» Il décide alors de tout balancer, de prendre la route pour
Thessalonique. Il y croise, entre autres, des migrants condamnés à
l’exil, qui lui font ouvrir les yeux sur une misère humaine qu’il n’a
jamais voulu voir. Et mettre le doigt sur la vacuité de son existence.
Ce voyage en quête d’un ami enfui, en quête de lui-même surtout,
conduit Lorenzo à un point de non-retour. Réflexions sur le rêve de
l’ailleurs, l’exil consenti ou forcé, la séparation, l’amitié, l’amour
– l’auteur porte un regard amer et sans concession sur les femmes de
son livre – sont l’essence d’un roman attachant dans son désenchantement.
PATRICIA GNASSO, Le Matin
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Le rendez-vous de Thessalonique est un bien joli premier roman que nous offre, chez Campiche, Nicolas Verdan, par ailleurs journaliste à 24 Heures.
Lorenzo a une quarantaine d'année, une bonne situation d'architecte à
Genève, une vie sans histoire entre un métier qui le déçoit et une
épouse, Luce, qui ne le fait plus rêver.
Un jour, Themis, son meilleur ami, journaliste et bourlingueur,
disparaît sans laisser d'adresse. C'est le prétexte pour Lorenzo de
larguer ses amarres et de rompre avec un quotidien qui ne lui ressemble
plus, une vie de bien nourri mais qui le laisse sans désir et sans joie.
Sur les traces de son ami Themis, il croise la route des migrants,
Albanais ou Kurdes objets de tous les trafics dans leur route vers le
paradis occidental, tandis que lui, Lorenzo, s'enfuit vers une Grèce
mythique et rêvée.
Sa route le mène à Thessalonique, au nord de la Grèce, ou il espère
retrouver la trace de son ami disparu… En fait, Lorenzo a rendez-vous
avec son destin… Happé par cette ville chimérique.
Le rendez-vous de Thessalonique
est donc l'histoire d'un voyage, mais d'un voyage intérieur, dont on
devine qu'il porteur des interrogations identitaires et sociales de son
auteur. Un vrai beau roman à vrai dire, bref et dense (à peine une
centaine de pages), dans lequel cet auteur de 34 ans fait preuve d’une
belle maîtrise de style et de concision.
LUCILE SOLARI, Radio Suisse Romande La Première, «Comme un roman»
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Voyage au bout de nulle part
Les vrais romanciers ne sont pas légion dans la littérature romande, où
la relève se fait en outre désirer, et c’est pourquoi le premier
ouvrage de Nicolas Verdan, qui fixe d’emblée un espace proprement
romanesque et développe, au fil d’une écriture précise, concrète et
rapide, le récit des désarrois d’un quadragénaire de notre temps en
pleine remise en question, nous intéresse et nous touche. Il y a de
fait, dans Le rendez-vous de Thessalonique,
l’écho d’un malaise d’époque lié au sentiment de l’insuffisance d’une
existence protégée et par trop balisée, également perceptible dans Le Pays de Carole de Jacques-Etienne Bovard ou dans Vie sauvage
de Philippe Rohr, avec des composantes propres à l’auteur dont la
double origine helvétique et grecque fonde ici la recherche d’un
«ailleurs» à coloration d’«Orient inconnu». Jeune architecte
fatigué de concevoir de confortables prisons pour clients dorés sur
tranche, et non moins las de la plate vie qu’il partage, sexe pointé,
avec une Luce par trop lisse, Lorenzo se trouve soudain ébranlé par la
disparition non annoncée de son ami Themis, journaliste exerçant sur
lui l’ascendant d’un grand frère, sur les traces duquel il va se
lancer, lors même qu’une sentence du poète Cavafis, tirée de La Ville et notée dans un carnet de son mentor, retentit sourdement en lui: «Tu ne trouveras pas d’autres lieux, tu ne trouveras pas d’autres mers.»
C’est en traversant la mer Adriatique, au demeurant, que Lorenzo va
rallier, par Igoumenitsa et les montagnes couvertes de neige noire «
comme de la cendre » du proche pays des aigles, la Grèce et
Thessalonique, non sans être profondément troublé, dans son périple,
par la rencontre réitérée de pauvres migrants en dérive dont les
processions hagardes le hantent et qui partagent, croit-il, sa «folle
espérance de l’ailleurs». Au fil du récit, le lecteur appréciera déjà la
qualité d’évocation du récit de Verdan, capable de restituer des
atmosphères sans s’attarder à de fastidieuses descriptions. Un décor
fruste, une lumière blafarde, un dialogue et vous êtes dans ce
commissariat nocturne de Kozani, avant de vous retrouver dans tel hôtel
décati de Thessalonique ou dans tel quartier gitan.
On pense à La fuite de Monsieur Monde
de Simenon, et à tant d’autres échappées des personnages du même
auteur, dans ce roman du rejet de l’ennui et de la médiocrité, en quête
d’on ne sait trop quoi. Naïf et lucide, Lorenzo semble flotter et couler
à la fois, s’amusant ici dans un bar ou dans le lit d’une belle et
poursuivant, inassouvi, sa quête au bout de nulle part, à la vive
inquiétude d’amis désireux de le ramener du côté de la vie. Il y a chez
ce Werther sans âme sœur ni passion, un désespoir informulé assez
typique de ce temps où les postures philosophiques d’un Meursault ou
d’un Roquentin font figure un peu solennelles. Tout au plus se
raccroche-t-il au partage mélancolique de la musique, au milieu d’amis
d’un soir, et à l’évocation d’une «Grèce inviolée», avant de se fondre
dans l’anonymat d’un quartier déshérité et de finir, après la rencontre
d’une damnée de la terre (la Kurde Narmeen fuyant dans une autre
direction) qu’il ne saurait accompagner, fracassé de la plus absurde
façon sans se douter que son ami Themis, pour sa part, est revenu à bon
port après une enquête difficile sur les migrants clandestins le
justifiant à ses propres yeux. Mais qui est vraiment justifié? A quoi
rimait réellement l’amitié de Themis et Lorenzo? Celui-ci aura-t-il
jamais connu l’amour? Themis ne se berce-t-il pas de lyrisme à bon
marché en faisant sien le témoignage de Nouredine l’exilé? Et qu’est-ce
que ce «rêve de l’ailleurs» unissant finalement, sans qu’ils s’en
doutent même, les deux amis?
Peu importent à vrai dire les réponses: ici ne compte que le chemin,
dont l’intersection finale exclut l’apaisement. Le dernier mot du Rendez-vous de Thessalonique est laissé au «vent doux» qui souffle sur la «ville apaisée», et l’on pense là encore à L’Etranger
de Camus où la musique de la nature pallie le vide du ciel, à cela près
que Nicolas Verdan ressent plus qu’il ne philosophe, composant son
roman comme à tâtons et modulant telle désespérance existentielle sans
savoir très bien, comme toute une génération du tournant de millénaire,
d’où «tout ça» vient ni où «ça» va…
JEAN-LOUIS KUFFER, Le Passe-Muraille
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Quête vers le désespoir
Il
se dégage une atmosphère étrange de ce premier roman du journaliste
vaudois Nicolas Verdan. Par la description des paysages, par la
relation irrationnelle qui lie le narrateur à son ami Themis, Le rendez-vous de Thessalonique
dépasse le simple récit réaliste. Au fil d'un voyage de la Suisse vers
la Grèce, les questionnements se multiplient. Pourquoi Lorenzo a-t-il
abandonné son épouse et son cabinet d'architecte pour aller à la
recherche de Themis, journaliste parti enquêter sur le passage de
réfugiés clandestins kurdes? Que recherche-t-il dans ce périple? Le
voyage se mue rapidement en quête intérieure puis en descente vers le
désespoir. Cette trajectoire, Nicolas Verdan la retrace d'un style sec,
qui rend encore plus prégnant le désenchantement. Même dans les
descriptions d'une Grèce qu'il connaît fort bien (puisqu'elle est sa
deuxième patrie), le jeune écrivain reste dans ce registre désabusé.
Une réussite et un bref roman très soigné malgré une fin un brin
convenue.
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
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Failles, vertiges et déviations
Ils
jouent la gamme de la fragilité, sondent ses accords brisés, ses
tonalités sombres et ses rythmes hésitants. D'une voix très différente,
tous trois disent à leur manière l'incertitude des destinées humaines
en se concentrant sur ces moments où elles basculent. Les Désemparés, courtes proses du Valaisan Jérôme Meizoz, Le rendez-vous de Thessalonique et Rabenstrasse 5,
premiers romans respectivement du Lausannois Nicolas Verdan et de la
Genevoise Mathilde Fontanet, plongent dans ces failles qui soudain se
font précipices et ouvrent aux vertiges de la solitude et du vide de
sens.
Né en 1971, journaliste, Nicolas Verdan signe une parabole sur l'exil, intime avant d'être géographique: Le Rendez-vous de Thessalonique,
c'est ce rendez-vous à jamais manqué avec soi-même. Lorenzo, quarante
ans, quitte sa femme et l'ennui d'une vie d'architecte bien réglée à
Genève, pour se lancer à la recherche de Themis, son ami disparu. Sa
quête le mène à Thessalonique, en Grèce – seconde patrie de l'auteur.
Où Lorenzo finit par se perdre tout à fait. Ville amnésique aux rues
bétonnées, au flot ininterrompu de voitures, sous un ciel tantôt glacé,
tantôt brûlant, Thessalonique est bien plus qu'un décor : un
espace et un temps où Lorenzo s'abîme, littéralement captivé. Se
dissolvant dans ce lieu halluciné, il devient peu à peu aussi
fantomatique que ces migrants qui le hantent, clandestinement entassés
à l'arrière de camions ou dans les soutes des cargos. Comme eux, il
cherche un ailleurs indéfini – et impossible: la même douleur les
attend sous toutes les latitudes. «Tu ne trouveras pas d'autres lieux,
tu ne trouveras pas d'autres mers», avait griffonné Themis dans son
agenda avant de disparaître… Nicolas Verdan emporte son lecteur dans
cette dérive grâce à un style qui excelle à créer des atmosphères, des
sensations, en posant simplement quelques détails évocateurs. […]
ANNE PITTELOUD, Le Courrier
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Le rendez-vous de Thessalonique... L’auteur se nomme Nicolas Verdan. Il a 34 ans. Il est journaliste au quotidien 24 Heures.
C’est
un premier roman. Il en a les saveurs subtiles, fragrances hésitantes
d’une mémoire qui se défend, qui se protège: celle de Nicolas Verdan.
C’est un roman premier. Il en possède les demi-teintes, petites touches
de couleurs vacillantes, pans de brume qui masquent les sentiments
exacerbés. C’est un roman
Il
écrit des articles qui lui valent, quelquefois, des critiques acerbes.
On ne raconte pas la vie des mouches sans risque, surtout si l’on
trempe sa plume dans du vinaigre. Politiquement correct ou objectif et
vilipendé, il n’y a pas d’autres choix. C’est le sort du journaliste
ordinaire.
Écrivain ou journaliste?
Passer du reportage au roman comporte certaines difficultés. Je me
souviens du journaliste Jacques Pilet qui me disait: «Fais attention à
ne pas gâter ta plume en écrivant des articles... C’était le temps où 24 Heures s’appelait encore la Feuille d’avis!
J’étais jeune, plein d’enthousiasme, fasciné par le journalisme.
Aujourd’hui, je connais les risques et les vices des deux tracés.»
Malgré cela (ou sans le savoir), Nicolas Verdan n’a pas hésité à mettre
le pied sur la fragile passerelle qui relie les deux univers. La suite
nous dira quelle rive lui conviendra le mieux.
Lausanne - Thessalonique
Un roman est toujours un voyage. Quelquefois dangereux, toujours
désespéré, il est souvent le récit d’une quête. L’ouvrage de Nicolas
Verdan en est un exemple sensible.
Ce Lorenzo qui laisse son métier d’architecte, sa femme, pour tenter de
retrouver un ami nommé Themis, nous trouble, nous emmène, nous captive.
Dès les premières pages, on est saisi par la peur d’apercevoir notre propre reflet dans ce miroir obscur.
Des eaux sombres de l’Adriatique au long des côtes albanaises,
jusqu’aux routes enneigées et sinueuses de l’Épire, le lecteur sombre
dans une ambiance à vif. Blessure intime, souffrance de l’absence et du
mal-être, avec Lorenzo, on recherche, nous aussi, tous, nos Themis.
Des paysages et des ombres
Comme l’étrave du bateau fendait les flots de l’Adriatique, la route
vers la frontière tranche et découpe le paysage hivernal. Des ombres
grimpent dans un camion. Ce sont des Albanais en quête, eux aussi, d’un
ailleurs moins rude. Plus loin, des silhouettes près d’un véhicule en
panne. Ce sont des Tziganes insultés, humiliés, comme toujours.
Et puis ce policier, et puis cette femme, et puis d’autres... Rien que des ombres, des silhouettes, à peine esquissées.
Thessalonique, enfin! Themis peut-être? Non! Pas encore.
Et Lorenzo, va.
ROLF KESSELRING, swissinfo
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À l’occasion de la publication du Rendez-vous de Thessalonique, Rolf Kesselring a posé quelques questions à Nicolas Verdan.
Un jeune auteur pour lequel le mot «liberté», de vivre comme de penser, n’est pas vide de sens
swissinfo: Qui êtes-vous? Themis, Lorenzo, ou un autre personnage de votre roman?
Nicolas Verdan:
Madame Bovary, c’est moi! Ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre.
Lorenzo n’aurait jamais écrit un livre. Et Themis a un profil trop
semblable au mien pour me ressembler.
swissinfo: Êtes-vous marié? Avez vous des enfants?
N.V.: Je suis un père heureux. Mon fils est né il y a dix ans. Il aime la Grèce et cela me touche beaucoup.
swissinfo:
Vous écrivez sur ces humains en errance qui ont perdu territoire,
patrimoine, et culture; avez-vous le sentiment d’être animé par le même
désespoir?
N.V.: Non. Ce serait
indécent. Leur souffrance n’a aucune commune mesure avec celle que je
peux ressentir dans un pays aussi aseptisé que la Suisse. Ils ont
enduré la guerre, la faim. Leurs bagages sont remplis d’humiliations et
de vexations. Mais le déchirement que je peux ressentir avec ma double
origine me rapproche d’eux.
swissinfo: Qu’attendez-vous du journalisme en ces temps où tout peut-être manipulé ou déformé?
N.V.: J’ai
toujours aimé raconter des histoires. J’aime changer d’univers, pousser
des portes fermées aux non-membres. Ce métier m’a permis de participer
à des Noëls d’infirmières, de couvrir des lotos dans le Gros-de-Vaud,
de pénétrer dans des chancelleries d’Etat, de traverser la vallée de la
Fergana en Ouzbékistan, d’assister à la première d’un film israélien à
Tel Aviv, de boire le thé dans le désert avec des agents secrets
jordaniens et de discuter avec le patron d’une banque cantonale. Entres
autres situations qui me donnent la sensation de vivre. Pour le
reste, joker! Je m’efforce, au jour le jour, de rester fidèle à la
déontologie et de ne pas céder au chant des sirènes du tout économique.
Dur...
swissinfo:
Êtes-vous sensible à certaines critiques de ceux qui vous taxent de
mauvaise foi, voire de stupidité, à propos de votre description des
altermondialistes qui allaient manifester contre la réunion annuelle de
Davos.
N.V.: Oui, je tiens
toujours compte de l’avis des lecteurs. Mais les reproches qui m’ont
été fait sur ce coup-là sont infondés. J’avais assisté au saccage d’un
train par de soi-disant militants altermondialistes. Mon reportage n’a
pas plu aux milieux alternatifs. Je m’étais contenté de dire ce que
j’avais vu. J’ai horreur de l’incivilité. Et là, j’étais d’autant plus
déçu et dégoûté que je partage une bonne partie des critiques portées
contre le Forum mondial de Davos.
swissinfo: Le roman est-il un refuge pour l’homme que vous êtes, dans ces cas-là?
N.V.:
Non, pas dans ces cas-là. L’écriture n’en demeure pas moins un
formidable espace de liberté. Rien ni personne pour me donner une
direction ou me priver de parole. J’ai bien conscience de vivre dans
une société qui me permet l’expression de cette liberté. J’en suis
reconnaissant. Et je le dis aussi pour avoir rencontré des artistes,
des écrivains qui doivent se battre pour le droit d’expression.
swissinfo: Et après ce Rendez-vous de Thessalonique?
N.V.:
J’ai plusieurs idées en tête et quelques notes qui se donnent des airs
de nouveau livre. Je m’interroge en particulier sur les années qui ont
précédé ma naissance. Je pense à ce fameux moi de mai dont il ne reste
rien aujourd’hui.
Interview swissinfo, Rolf Kesselring
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Journaliste à 24 Heures,
Nicolas Verdan publie un récit d’une centaine de pages : premier
roman d’un jeune auteur né à Vevey en 1971, première apparition dans le
catalogue de Bernard Campiche, l’éditeur d’Orbe.
De père suisse et de mère grecque, il n’en faut pas plus pour que
Nicolas Verdan se saisisse de cette double ascendance pour bâtir un
court roman – Carmen et Colomba
de Mérimée sont des textes de dimensions comparables – qui voit
Lorenzo, le narrateur et personnage central du livre, quitter
abruptement sa compagne, son atelier (il est architecte) et le bassin
lémanique, lorsqu’il apprend que son ami Themis, journaliste de
nationalité hellénique, est parti sans préavis, laissant toutefois
derrière lui des indices sommaires sur sa destination. À partir des
suppositions qu’autorisent quelques mots dans un agenda oublié, Lorenzo
embarque à Venise pour Igoumenitsa, un petit port qui a des airs de
station polaire, en Épire en face de l’île de Corfou, à quelques
kilomètres de la frontière albanaise; de là, des conditions de route
difficiles, il met le cap sur Thessalonique, croisant des migrants,
Albanais ou Kurdes, qui ont tout l’air d’être des clandestins en route
pour l’Italie et la suite.
Au bout de la route et de ses péripéties: Thessalonique, la «capitale
du Nord» de la Grèce, une cité froide, exposée au vent du nord côté
montagne et saisie par l’humidité côté mer; au surplus, traversée par
un incessant mouvement d’est en ouest qui pourrait, par là même,
constituer un trait d’union entre cet Orient et cet Occident dont
Kipling disait qu’ils ne se rencontreront jamais.
Si l’on ajoute à cela qu’en été la chaleur et les gaz de voiture
prennent leurs quartiers dans la ville pour ne plus la quitter, et
qu’en hiver les longs couloirs sans arbres se transforment en corridors
glacés, il ne faut pas s’étonner que, dans sa quête de Themis, Lorenzo
amorce une lente et longue descente psychologique.
Installé tout d’abord à l’hôtel, au centre-ville, il se réfugiera
ensuite dans une banlieue et un logement que l’on pressent sordides; il
se dépouillera aussi de sa belle voiture suédoise pour emprunter de
minables transports en commun, réduisant ainsi ses chances de retrouver
son ami ou tout au moins de recueillir des indices de son retour dans
la ville – par exemple auprès des journalistes locaux que Themis
connaît, des confrères sur lesquels il compte pour être informé du
retour de Lorenzo. Les errances de notre Genevois lui apportent certes
des bribes d’informations, mais guère plus, en tout cas rien qui puisse
le faire émerger d’un désespoir désormais bien installé en lui.
Il se trouve – le lecteur l’apprendra vers la fin du récit – que Themis
était parti en reportage dans le nord de la Grèce, voire au-delà de la
frontière, pour enquêter sur ces migrants qui, aspirant à une vie
meilleure en Europe occidentale, font mouvement en direction de
l’Occident dans des conditions que les médias nous décrivent pour ainsi
dire chaque jour : exploités par des passeurs trop souvent dénués
de scrupules. De son côté, ayant pris prétexte de la disparition de
Themis pour partir à sa recherche, Lorenzo y avait vu l’occasion de
partir en direction de l’Orient – en vérité pour fuir un monde aseptisé
qu’il ne supporte plus: devenu étranger en ce monde, comme le
personnage central du roman homonyme d’Albert Camus?
«Un style sec», a-t-on déjà constaté à propos de la manière d’écrire de
Nicolas Verdan: cela est vrai, et la référence à Mérimée en tête de
cette chronique n’est pas purement stylistique. Il est probable que,
formé à l’école des journalistes, l’auteur ait adopté un ton qui peut
être celui d’un reporter, voire celui d’un correspondant de guerre,
adepte des phrases courtes et des chapitres brefs à la manière de
Voltaire, pour rester dans les comparaisons littéraires.
BERNARD VIRET, Feuille d’avis de Sainte-Croix
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Le labyrinthe de l’errance
De sa plume élégante et acérée, sobre et efficace, Nicolas Verdan nous
invite à revisiter les grands thèmes de la fiction que sont la route et
l’errance. Dans un désir d’abandon, Lorenzo largue la Suisse pour la
Grèce et part sur les traces de son ami Themis. Mais la route pour
Thessalonique n’est pas l’embarquement pour Cythère. Dans cette quête
effrénée et énigmatique, Lorenzo entre dans un étrange labyrinthe,
oublie ses repères, se cogne aux illusions amères qui l’ont bercé et se
dépouille de lui-même. Il faut suivre cette route de Thessalonique avec
le cœur, prendre le temps de savourer ce petit livre intense qui
dessèche comme un soleil d’Égée et brûle comme un ouzo trop sec.
Nicolas Verdan le sait: les cartes sont trompeuses, elles nous mentent
avec leurs distances établies et leurs trajectoires optimales. Elles
nous ramènent au droit chemin. Alors que voyager est une forme sublime
de lâcher prise.
MICHELLE TALANDIER, Journal du Disctrict de Cossonay
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Avec la Grèce pour salut
Nicolas Verdan débarque avec un premier roman, vif et imprévu: Le rendez-vous de Thessalonique.
La
phrase est là, qui résonne en lancinante énigme. Cette phrase,
c’est celle que Lorenzo emporte dans son voyage et son irrécupérable
exil. Cette phrase qui était écrite dans l’agenda de son ami, Themis.
Cette phrase que Lorenzo lit en mauvais augure: «Tu ne trouveras pas
d’autres lieux, tu ne trouveras pas d’autres mers.» Alors Lorenzo,
l’architecte, le mari de Luce, part. Il faut retrouver l’ami Themis, le
journaliste, qui s’en est allé sans dire sa destination. Sans dire
pourquoi.
Dans une allée aux chapitres brefs, à l’écriture bondissante et rapide
(où, dans le laconisme descriptif notamment se découvre l’efficacité
évocatrice), Le rendez-vous de Thessalonique fait entendre de belle manière les temps croisés de Lorenzo et de Themis.
Dans l’éloignement où il progresse, dans cet exil qui va jusqu’à
l’absolu, ce premier roman de Nicolas Verdan (journaliste de 34 ans)
fait apparaître une quête de l’être, qui s’incarne dans les heures, et
la chair, de la Grèce. Un récit initiatique où l’on passe, en heureuse
lecture. Et qui n’a pas dit son dernier mot.
JEAN-DOMINIQUE HUMBERT, Coopération
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Premier roman de Nicolas Verdan
Bernard Campiche a publié ce printemps le premier roman de Nicolas Verdan intitulé Le rendez-vous de Thessalonique.
Né à Vevey en 1971 d’un père suisse et d’une mère grecque, Nicolas
Verdan est aujourd’hui journaliste à 24 Heures et partage son temps
entre Lausanne et la Grèce. Avec Le rendez-vous de Thessalonique, il
livre un bref récit désenchanté sur le thème du voyage, de l’exil et du
dépouillement.
Lorenzo est ce que l’on
appelle un bourgeois bohème. Architecte prospère installé à Genève, il
s’ennuie. La disparition de son ami Themis, journaliste et
bourlingueur, déclenche en lui l’irrépressible envie de tout laisser
pour s’élancer à sa suite aux confins imprécis de l’Europe et de
l’Orient, dans la ville de Thessalonique. Cet élan est une fuite.
D’abord par la route, Lorenzo s’engage dans une lente progression. Il
traverse de nouveaux paysages, découvre des réalités dont il n’avait
fait jusqu’ici que pressentir l’existence. Il croise fugitivement des
ombres craintives; ce sont des clandestins en route vers l’eldorado
européen. Parvenu à Thessalonique, Lorenzo ne retrouve pas Themis. Sa
quête se poursuit; elle devient intérieure, se mue en une dérive
progressive, un lent effacement qui le conduira au néant. Même l’amour
partagé avec Narmeen, la femme kurde qui fuit l’Europe, ne peut le
ramener vers le monde d’où il vient. Ironie cruelle, Lorenzo, arrivé au
terme de son abandon mystique, meurt au moment où Themis réapparaît
après un reportage très ordinaire en Albanie. Ce premier roman est
une agréable découverte. Nicolas Verdan fait preuve d’une écriture
élégante et d’un style évocateur. À l’heure où les rivages de la mer
Égée ne sont guère plus qu’à deux heures d’avion, il parvient par sa
plume à ressusciter la sensation du temps et de la distance.
Thessalonique, malgré son béton, son flot de voitures, ses jeunes gens
branchés, est hors du temps, hors du monde. Par touches suggestives et
discrètes, l’écrivain lausannois traduit efficacement les atmosphères
désabusées de l’exil intérieur dans lequel Lorenzo va se dissoudre.
Il est malaisé de suivre Lorenzo dans son cheminement autodestructeur.
On assiste à son naufrage sans vraiment comprendre la dynamique. On
connaît toutefois le point de départ de ce basculement. C’est la
découverte de deux vers du poète Cavafis annotés dans l’agenda de son
ami Themis: «Tu ne trouveras pas d’autres lieux, tu ne trouveras pas
d’autres mers». À partir de cet appel, ce sont le caractère inéluctable
de la lente agonie à laquelle Lorenzo se condamne et l’acharnement
qu’il met à se détacher de tout ce qui pourrait le maintenir en contact
avec le monde d’où il vient qui frappent le lecteur. Cette déchéance
voulue s’oppose paradoxalement à l’aspiration des milliers de migrants
anonymes en route vers l’Occident que Lorenzo découvre, croise mais ne
rencontre pas.
Pour Lorenzo, Le rendez-vous de Thessalonique est un rendez-vous tragiquement manqué. Pour le lecteur, c’est une heureuse rencontre.
VINCENT HORT, La Nation
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Suite
au départ de son mai Themis pour l’étranger, un homme, Lorenzo, remet
sa vie en question. Il abandonne sa compagne, confie son bureau
d’architecte à l’un de ses collaborateurs, prend le strict nécessaire
et part. Son voyage – son exil? sa fuite? – le conduira jusqu’au port
de Thessalonique, ville chère à cet ami qu’il espère y retrouver. Sur
sa route, il croisera ceux que l’on ne voit pas, les clandestins, des
hommes et femmes, des familles qui font route dans l’autre sens que
lui. Peu à peu, une vérité s’impose et c’est l’aveu :
« Désormais, j’étais trop loin sur le chemin de mon exil pour
revenir en arrière. » Le Rendez-vous de Thessalonique est
le premier roman d’un journaliste romand qui relate avec efficacité une
perte de repères. Les phrases sont courtes, les décors bien campés et
au fil des pages l’angoisse se fait de plus en plus prégnante. De tout
cela se dégage progressivement le sentiment trouble que cette dérive de
Lorenzo pourrait être celle de tout un chacun. Partir pour rejoindre un
ami ne revient-il pas finalement à quitter pour se trouver, au risque
de se perdre définitivement? Juste avant sa fin tragique, Lorenzo relit
au hasard un poème de Constantin Cavafis qui s’offre comme un ultime
éclairage à ces pages chargées d’une noire émotion.
SERGE MOLLA, Bulletin critique du livre français
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Le rendez-vous de Thessalonique
C’est une déambulation aux portes de l’Europe. Ce livre romanesque
n’est pas romantique: il échappe à l’image d’Épinal de la Grèce parce
que Verdan cherche à raconter un lieu objectivement, en se battant
contre le romanesque. À Thessalonique, il y a une froideur typiquement
occidentale et pourtant la sensibilité des gens est orientale: ils ont
une volonté chaleureuse d’être froids. C’est ce paradoxe qui est
interrogé, et notre position d’Européens par rapport à l’Orient.
LIONEL BAIER, «Mon choix», 24 Heures
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